Financement de la protection sociale : l avis des Français 1 Fonctionnement : ça marche, mais ce n est pas très juste Illustrations Marc Guerra On a beau nous parler sur tous les tons du trou de la Sécu ou des difficultés de l assurance-chômage, une nette majorité de Français interrogés par l institut Csa estime que le système de financement de notre protection sociale fonctionne plutôt bien. Conséquence logique, pas besoin de réforme d ensemble, mais un simple aménagement sur quelques aspects. Pourtant, plus de 4 personnes sur 10 pensent que ce système est injuste, les femmes étant les plus sensibles à cette situation (46 % contre 40 % des hommes), notamment lorsqu elles n occupent pas d emploi, ainsi que les sympathisants du Parti communiste, qui ne sont que 23 % à trouver le système juste. 16 D une manière générale, diriez-vous que le système de financement de la protection sociale en France fonctionne : Bien 58 Très bien 8 Assez bien 50 Mal 41 Assez mal 27 Très mal 14 Ne se prononcent pas 1 Sondage exclusif Csa-Viva-Mutuelles de France réalisé par téléphone les 22 et 23 février 2006. Echantillon national représentatif de 910 personnes âgées de 18 ans et plus, constitué d après la méthode des quotas après stratification par région et par catégorie d agglomération. Diriez-vous que le système actuel de financement de la protection sociale en France est : Juste 53 Injuste 43 Ne se prononcent pas 4 A propos du système de financement de la protection sociale en France, quelle opinion se rapproche le plus de la vôtre? Il faut le réformer en profondeur 28 Il faut l aménager sur quelques aspects 61 Il faut le laisser tel qu il est 9 Ne se prononcent pas 2
Démocratie sociale : 2et moi et moi et moi Qui à votre avis est le mieux placé pour faire des propositions concernant la réforme du financement de la protection sociale? (Trois réponses possibles) Les citoyens comme vous 54 Les associations représentant les malades, les handicapés, les personnes en difficulté Les mutuelles 35 Les organisations syndicales 25 Les experts économiques 21 Les partis politiques 18 Les chefs d entreprise 18 Aucun de ceux-ci 2 Ne se prononcent pas 3 Total supérieur à 100, les interviewés ayant pu donner plusieurs réponses. 48 C est le choc de ce sondage : syndicats, patronat, experts et hommes politiques ne sont pas jugés les mieux à même de faire des propositions de réforme. Ce sont pourtant eux qui gèrent dans les faits la protection sociale. Les citoyens comptent d abord sur eux-mêmes, ensuite sur les associations de malades ou d usagers et enfin sur les mutuelles. Ce résultat, qui souligne le décalage entre la réalité et le vécu de chacun, montre l urgence d une réforme du mode de gouvernance de nos institutions et l aspiration à une véritable démocratie sociale qui permette à tous de se faire entendre. Dans l hypothèse d une réforme du système de financement de la protection sociale en France, souhaiteriez-vous? Oui Non nspp Répondre à un questionnaire citoyen 76 7 1 Etre consulté par référendum 70 11 1 Participer directement à l élaboration des propositions dans le cadre d états 57 17 3 généraux rassemblant des citoyens
3Réduire les dépenses, d accord payer plus, pas d accord Etes-vous favorable ou opposé à chacune des mesures suivantes? Favorable Opposé Nspp Le forfait non remboursé de 1 euro pour tout acte médical 51 48 1 La journée de solidarité obligeant les salariés à travailler un jour de plus dans l année pour participer au financement 44 55 1 du plan en faveur des personnes âgées et handicapées La participation de 18 euros des assurés sociaux sur les actes dont le tarif est égal ou supérieur à 91 euros 24 71 5 Pour parvenir à équilibrer le budget de la protection sociale obligatoire en France, diriez-vous qu il faut avant tout? Réduire les dépenses 59 Transférer une partie des dépenses sur les régimes complémentaires (comme les mutuelles ou les assurances) Augmenter les recettes 11 Ne se prononcent pas 7 23 S il fallait augmenter les recettes servant à financer la protection sociale obligatoire en France, laquelle de ces solutions aurait votre préférence? Augmenter les cotisations sociales payées par les entreprises 44 Créer une Tva sociale, c est-à-dire augmenter la Tva sur les biens de consommation pour financer la protection sociale Augmenter les impôts 9 Augmenter les cotisations sociales payées par les salariés 7 Aucune de ces solutions (réponses spontanées) 21 Ne se prononcent pas 3 16
Si le forfait de 1 euro retenu depuis l an dernier sur le remboursement de tous les actes médicaux partage l opinion, celui de 18 euros sur les actes «lourds», lui, ne passe pas du tout! Même les sympathisants de la majorité gouvernementale le rejettent à une large majorité. Rejet également de la journée dite «de solidarité», sauf chez les 18-24 ans et les plus de 75 ans. S il fallait trouver des recettes supplémentaires, c est aux entreprises qu il faudrait s adresser, soit par le biais de la valeur ajoutée, prenant en compte salaires et bénéfices, soit par celui des seuls bénéfices. Mais Laurence Parisot, présidente du Medef, peut être tranquille : une nette majorité de personnes a intégré l idée qu il vaut mieux diminuer les dépenses, voire à la rigueur en transférer une partie sur les complémentaires, qu augmenter les recettes. Dans l idéal, vous souhaiteriez que les cotisations servant à financer la protection sociale obligatoire en France proviennent? De la valeur ajoutée des entreprises (c est-à-dire l ensemble des salaires et des bénéfices) Des bénéfices des entreprises seulement 45 42 Des salaires seulement 6 Ne se prononcent pas 7 Si l on décidait d augmenter les dépenses de protection sociale obligatoire en France, lesquelles devraient être privilégiées? L accès au logement social 31 La compensation des situations de handicap 29 La prévention des maladies 28 La situation des personnes en précarité économique La réparation intégrale des accidents du travail et des maladies professionnelles Le niveau des retraites et pensions 26 Les remboursements des soins 23 Les allocations familiales 16 La sécurisation des parcours professionnels 12 L augmentation du nombre de chômeurs indemnisés Aucune de ces dépenses 2 Ne se prononcent pas 4 Total supérieur à 100, les interviewés ayant pu donner plusieurs réponses. 28 27 8
p. ciot Jean-Paul Panzani, président de la Fédération des mutuelles de France. Les leçons d un sondage Aux Mutuelles de France, nous avons toujours été convaincus qu aucune réforme d une protection sociale solidaire digne de ce nom ne pouvait occulter son financement. Le président de la République avait promis dans son discours du nouvel an de faire de cette réforme une priorité et de l engager cette année. Afin que le débat promis ne se résume pas à un effet d annonce, nous avons entrepris avec le magazine Viva et l institut de sondage Csa de frapper les trois coups de cette réforme en interrogeant l opinion publique. Sur un sujet aussi complexe, les résultats sont pourtant sans appel. D abord, l aspiration à une démocratie participative est majoritaire dans le pays. Dans le contexte tendu que connaît notre pays en matière de dialogue social, que ces principes fondateurs d une démocratie vivante soient rappelés est plus utile que jamais. Massivement, les personnes sondées ont répondu qu elles voulaient être directement consultées pour donner leur avis avant toute réforme. Selon elles, les mieux placés pour faire des propositions, ce sont les citoyens comme vous et moi. Et si vous comme moi avions été consultés, nous n aurions jamais proposé d instaurer une franchise de 18 euros sur les actes lourds médicalement indispensables. C est une mesure injuste, rejetée par trois personnes sur quatre. Cela nous conforte dans notre action pour obtenir sa suppression. La démocratie participative n est pas seulement l accessoire d une démocratie «Les personnes les mieux placées pour faire des propositions de réforme, ce sont les citoyens, comme vous et moi.» représentative. Elle a besoin de promouvoir d autres organisations que les corps politiques ou sociaux traditionnels. La démocratie participative réclame la promotion non seulement de formes de consultation plus directes, mais aussi des organisations, telles les associations de malades, de handicapés ou de personnes précarisées, qui valorisent la parole de chacun, l expertise forgée dans l expérience personnelle et l action centrée sur des objectifs accessibles sans intermédiation. Les mutuelles sont aussi reconnues comme des acteurs bien placés pour faire des propositions en matière de financement. C est ce que nous faisons en gardant à l esprit que tout euro dépensé dans notre système doit trouver son utilité sociale ou sanitaire et montrer son efficience économique. Maîtriser les dépenses est une obligation. Mais elle ne se suffira pas à elle-même. Si l opinion ne croit ni à l existence des recettes miracles, ni à l imminence d une catastrophe financière, de nouveaux financements restent indispensables si on ne veut pas laisser la richesse économique évoluer en se désintéressant des besoins sociaux, en perpétuel renouvellement. Selon l opinion publique, l idéal pour financer la protection sociale serait, ou bien de mobiliser uniquement les bénéfices des entreprises, ou bien de créer une contribution sur la valeur ajoutée des entreprises. Rapprocher cet idéal du réel, c est certainement un des enjeux de ce débat que nous avons ouvert avec l opinion. n