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Transcription:

2016/26-1225 Les éléments du dossier répressif et les débats d audience ont mis en évidence une parfaite maîtrise de ses actes dans le déroulement de l accouchement et des moments qui suivent (elle est suffisamment lucide pour nettoyer sa salle de bains et prendre des dispositions pour cacher le corps du bébé), Il n y a pas, en l espèce, de déni de grossesse : Emma aime être enceinte, elle ne prend pas de moyen contraceptif, il s agit de sa septième grossesse, elle a connaissance du phénomène pour s être renseignée sur internet ; un lien s est immédiatement établi entre l enfant et la mère qui : le recueille dans ses mains en lui évitant une chute dans la baignoire, constate immédiatement son sexe, lui parle en lui demandant de se taire pour ne pas réveiller l entourage, avant de demander pardon à ce «petit ange» qui est retourné «au ciel», envisage également de l enterrer dignement, s inquiète que l enfant ne soit pas touché par l humidité et le froid ambiants, part à sa recherche lorsqu elle constate sa disparition. De nombreuses similitudes existent entre trois précédentes grossesses et celle de Nathan ; Emma s est précédemment révélée organisée et informée de sorte qu il peut être soutenu que les circonstances de vie personnelle (nouveau compagnon présent dans l habitation et activités physiques soutenues et récentes) et le moment de l arrivé de Nathan ne lui ont pas permis de prendre les mesures habituelles qui ont amené précédemment à l adoption et aux accouchements sous X mûrement réfléchis. ( ) Siég. : M. C. Urbain. Greffier : M. F. Bossiroy. J.L.M.B. 16/682 Observations La justification de l infanticide déduite du déni de gro ssesse 1. Bref rappel des faits En janvier 2008, Sophie est seule chez elle et ressent des douleurs dans le bas du ventre. Elle se rend aux toilettes, perd du sang et décide de prendre une douche. Les coliques reprennent alors qu elle sort de celle-ci. Elle ressent à ce moment quelque chose entre les jambes. Elle vient d accoucher sans même s en être rendu compte! Sans pouvoir expliquer son geste, elle prend l enfant et pose la main sur sa bouche. Le petit être meurt des suites d asphyxie. Quelques années plus tard, en 2012, Emma se trouve dans la même situation. Une nuit, elle ressent des douleurs et part seule dans la salle de bain, sans alerter son compagnon, où elle accouche. Le bébé mourra, lui aussi, des suites de manœuvres asphyxiques. Sophie sera acquittée par la cour d assises du Hainaut, l arrêt de motivation lui reconnaissant le bénéfice d une cause de justification, en l occurrence «d une force irrésistible, voire d une contrainte irrésistible, qui s inscrit dans le cadre d un accès passager d aliénation mentale», que les jurés ont déduite d un déni de grossesse. Emma, au contraire, sera condamnée par la cour d assises de la province de Namur à dix ans de réclusion, les jurés ayant refusé de reconnaître dans son chef «une force, voire une contrainte irrésistible, dès lors qu elle ne se trouve pas dans un état grave de déséquilibre mental la rendant totalement incapable du contrôle de ses actions».

1226-2016/26 Il convient de s interroger sur la notion de déni de grossesse et ses conséquences juridiques. 2. Les causes de justification déduites de la force majeure, de la contrainte et de l état grave de déséquilibre mental Les cours d assises du Hainaut et de Namur mobilisent trois causes de justification que sont la force majeure et la contrainte irrésistible, d une part, et l aliénation mentale ou l état grave de déséquilibre mental, d autre part, pour traduire en termes juridiques un phénomène que le monde médical connaît sous l expression de déni de grossesse. Nous allons brièvement rappeler les contours et la portée de ces notions avant de voir comment nos juridictions les ont appréhendées. 2.1. Les notions de force majeure, de contrainte et d état grave de déséquilibre mental La force majeure et la contrainte sont érigées en cause de justification par l article 71 du Code pénal. Dans ces cas de figure, l agent jouit de ses facultés intellectuelles. Toutefois, son action ou son abstention, en bref son comportement, se trouve dicté soit par une force matérielle qui lui est étrangère la force majeure, soit par la crainte d un mal grave et injuste la contrainte, qui, l une comme l autre, annihilent son libre arbitre 1. L état grave de déséquilibre mental rendant incapable du contrôle de ses actes, quant à lui, a été introduit en droit positif belge par la loi du 9 avril 1930. À l époque, le législateur avait entendu viser tous les anormaux 2, c est-à-dire tous ceux qui connaissent une «altération du comportement qui, par une diminution grave du contrôle des actions, rend ( ) socialement dangereux» 3. La Cour de cassation utilisa à juste titre les expressions d «anormaux» 4 ou encore de «malades mentaux» 5. Cet état mental, propre à la question de l internement et non de la justification, est cependant compris dans la notion générique de démence au sens de l article 71 du Code pénal dont il est admis qu il recouvre les notions de démence et d état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale rendant incapable du contrôle de ses actions au sens de la loi de défense sociale. La notion d aliénation mentale, quant à elle, n est pas, comme telle, reconnue par le droit pénal. Elle renvoie cependant implicitement à la démence de l article 71 précité. Nous privilégierons, dans les lignes qui suivent, la nouvelle mouture de l article 71 du Code pénal, tel que modifié par les lois du 5 mai 2014 relative à l internement et du 4 mai 2016 relative à l internement et à diverses dispositions en matière de justice, qui parle du «trouble mental qui a aboli (la) capacité de discernement ou de contrôle de ses actes». Le législateur a pris le parti d abandonner la notion de démence au profit de la catégorie générique de «trouble mental», admise au niveau international, qu il a jugée davantage en adéquation avec les conceptions actuelles de la psychiatrie en ce qu elle recouvre tant les handicaps que les maladies mentales et présente également l avantage de ne pas renvoyer à des diagnostics psychia- 1 Fr. KUTY, Principes généraux du droit pénal belge 2. L infraction pénale, Bruxelles, Larcier, 2010, n os 1350-2 3 4 5 1369. Projet de loi de défense sociale à l égard des anormaux, Exposé des motifs, Doc. parl., Sénat, sess. ord., 1959-1960, n 514, p. 13 («L interné de défense sociale est par définition un anormal»). Projet de loi de défense sociale à l égard des anormaux, Exposé des motifs, Doc. parl., Sénat, sess. ord., 1959-1960, n 514, p. 4. Cass., 26 février 1934, Pas., 1934, I, p. 180. Cass., 24 avril 1980, Pas., 1980, I, p. 1055, conclusions conformes du Procureur général F. DUMON.

2016/26-1227 triques précis, qui se modifient fréquemment, mais d être, au contraire, suffisamment large pour pouvoir continuer à être utilisée en fonction de l évolution future de la discipline médicale et des connaissances scientifiques en la matière 6. La justification suppose une altération des facultés intellectuelles qui abolit le discernement ou le libre arbitre 7. Au contraire, l agent qui n a pas perdu tout discernement lors des faits ne peut invoquer le bénéfice de cette cause de justification dès lors qu il a conservé, au moins en partie, la faculté de distinguer les actes permis de ceux qui ne le sont pas 8. 7 8 9 2.2. L approche retenue par les décisions commentées La cour d assises de la province du Hainaut a recours à une formulation quelque peu alambiquée qui mobilise la force majeure, la contrainte irrésistible et un état d aliénation mentale. En réalité, elle considère que le déni de grossesse a été constitutif, en l espèce, d une aliénation mentale passagère qui a eu pour conséquence une force irrésistible, voire une contrainte irrésistible. Toutefois, ces notions juridiques nous paraissent s exclure l une l autre. L aliénation mentale renvoie au trouble mental qui, lui-même, se distingue de la force majeure et de la contrainte puisque, dans ces derniers cas, l agent jouit nécessairement de ses facultés intellectuelles, seul son libre arbitre étant annihilé. Le recours à la force majeure est dès lors inadéquat dans la mesure où elle est une contrainte physique qui résulte d une force étrangère à l agent, prend la forme d un obstacle qui s exerce matériellement sur sa personne et l empêche de se conformer à la loi. Elle annihile son pouvoir d agir ou de s abstenir. La contrainte, morale cette fois, prend la forme de la menace d un mal grave, imminent et injuste qui agit sur la volonté de l agent et anéantit sa faculté de se déterminer librement. Dans le premier cas, l agent est physiquement et irrésistiblement conduit par une force matérielle à commettre l infraction tandis que, dans le second, il est psychologiquement irrésistiblement conduit à la commettre en raison d une crainte 9. Le trouble mental, quant à lui, requiert une altération des facultés intellectuelles, celle-ci se distinguant nécessairement de la force étrangère à l agent et de la crainte que ce dernier peut ressentir. La motivation de la cour d assises de la province du Hainaut donne le sentiment que le juge mobilise tous les moyens juridiques permettant d asseoir sa décision, au risque finalement de ne plus motiver légalement celle-ci. L arrêt hennuyer a longuement occupé les débats lors du jugement de la seconde affaire qui a donné lieu à l arrêt de la cour d assises de la province de Namur. La motivation de ce dernier le révèle d ailleurs, la cour rejetant le moyen de justification au motif que l accusée, «au moment où elle pose l acte infanticide, n est pas confrontée à une force, voire une contrainte irrésistible, dès lors (qu elle) ne se trouve pas dans un état grave de déséquilibre mental la rendant totalement incapable du contrôle de ses actions». En somme, les deux cours d assises se prononcent, en fait, sur la question de savoir si l accusée était ou non au moment de l acte infanticide en état de démence ou, pour reprendre la future formulation de l article 71 du Code pénal, si elle souffrait d un trouble mental qui a aboli sa capacité de discernement ou de contrôle de ses 6 Proposition de loi relative à l internement de personnes, Développements, Doc. parl., Sénat, sess. ord., 2012-2013, n 2001/1, p. 20 ; Projet de loi relatif à l internement des personnes atteintes d un trouble mental, Exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord., 2006-2007, n 2841/1, pp. 7 et 21. Fr. KUTY, Principes généraux du droit pénal belge 2. L infraction pénale, Bruxelles, Larcier, 2010, n os 1280 et 1281. Cass., 31 octobre 2007, Pas., 2007, p. 1920. Fr. KUTY, op. cit., n 1351.

1228-2016/26 actes. Amenant le débat sur le terrain du trouble mental, le détour par les notions de contrainte ou de force irrésistible était inutile. Ce constat est néanmoins important car, en situant le débat sur ce terrain, l une comme l autre admettent l idée que le déni de grossesse puisse être constitutif d un trouble mental. Pour l une, il en a effectivement été ainsi dans les circonstances concrètes de la cause, non pour l autre. Cette divergence de jugement est toutefois purement casuelle puisqu elle ne dépend que des circonstances concrètes de chacune de ces affaires dramatiques. La cour d assises de la province de Namur n exclut d ailleurs pas, d un point de vue juridique, que le déni de grossesse puisse éventuellement être constitutif d un état grave de déséquilibre mental. Voyons à présent ce que peut recouvrir la notion de déni de grossesse et les éléments qui ont été retenus comme l établissant ou l excluant. 3. La notion médicale de déni de grossesse et le s critères juridiques permettant de retenir ou d exclure la justification de l agent 3.1. Le déni de grossesse, une maladie mentale? Les deux accusées sont apparues au procès en pleine possession de leurs facultés volitives et intellectuelles, selon l expression consacrée. En d autres termes, elles jouissaient à ce moment du discernement et du libre arbitre. Cela n exclut toutefois pas qu une mère infanticide 10 puisse, en cas de déni de grossesse, souffrir d un trouble, mental ou non, momentané et ayant aboli son discernement ou son libre arbitre lors de la commission des faits. Ce trouble, s il est admis, emporte l irresponsabilité pénale de celle qui, bien que jouissant en temps normal de la pleine possession de ses facultés volitives et intellectuelles, est néanmoins, lors de la commission du fait qualifié infraction, dans un état la privant du discernement ou du libre arbitre 11. Il n existe actuellement, parmi les professionnels de la santé, aucun consensus quant à la définition même du déni de grossesse 12. La notion étant discutée sur le plan médical, il est inévitable qu elle mette mal à l aise les juristes. Les propos du président de la cour d assises du Hainaut, J.-Fr. Jonckheere, adressés à Sophie au terme du procès l expriment clairement lorsqu il lui a dit, en substance : «Je vous adresse encore des excuses, parce que vous avez passé trop de temps en prison. À mes yeux, ce n est pas normal. À travers vous, je les adresse aussi à une autre femme qui, il y a vingt ans, avait donné naissance à son enfant dans les toilettes de son appartement. Je m étais fâché sur elle. Nous n y connaissions rien et nous n avions rien compris. Je n avais rien compris. Elle a été condamnée. Vous sortez libre et j ai confiance. Je vous présente mes excuses et je suis fier de représenter la justice. J entends déjà les voix s élever : tout ça pour ça! Mais, sans débats oraux, on pouvait continuer d ignorer le déni de grossesse» 13. Les connaissances médicales actuelles sur le déni de grossesse sont loin d être définitives. Ce phénomène, qui n est pas anecdotique 14, suscite de nombreuses interrogations. En psychiatrie, le déni représente un mécanisme réactionnel, défensif et incons- 10 Cet adjectif est ici utilisé dans son sens courant, c est-à-dire d une mère qui donne la mort à son enfant au moment de sa naissance ou immédiatement après, indépendamment du caractère fautif de son comportement ou, en termes juridiques, indépendamment de l élément moral de l infraction. 11 Fr. KUTY, Principes généraux du droit pénal belge 2. L infraction pénale, Bruxelles, Larcier, 2010, n 1287. 12 S. MARINOPOULOS, Le déni de grossesse, Bruxelles, Yapaka, 2007, p. 101. 13 http://blog.lesoir.be/jour-apres-jour/2010/03/17/les-excuses-a-la-mere-innocentee/; http://www.rtl.be/info/belgique/faits-divers/infanticide-le-president-s-excuse-aupres-de-(...)-157651.aspx. 14 S. CHAULET, «Le déni de grossesse, étude réalisée sur 75 dossiers de découverte tardive de grossesse», Annales Médico-psychologiques, n 171, 2013, p. 705.

2016/26-1229 cient, adopté par une personne en réaction à un envahissement par l angoisse à la suite d un traumatisme ou d une maladie 15. Il peut également être défini comme la non-considération d une partie de la réalité ou le refus catégorique de reconnaître ce que les sens montrent. C est un paradoxe psychique où les sujets savent quelque chose mais, en même temps, ne veulent rien en savoir 16. Cette définition nous rapproche de celle donnée concernant le déni de grossesse, en l occurrence comme «la non-reconnaissance de la grossesse par la femme enceinte au-delà du premier trimestre de grossesse» 17. Certains auteurs utilisent le terme de négation de grossesse 18. Les différents dénis, totaux ou partiels, sont un éventail de manifestations de participation inconsciente caractérisant, à différents degrés, le refus ou l incapacité de la femme enceinte à reconnaître son état 19. Le déni est partiel lorsque la reconnaissance de la grossesse a lieu avant l accouchement tandis qu il est, au contraire, considéré comme total lorsque la découverte de la grossesse intervient pendant la mise en travail 20. Il ne serait pas possible de parler, en soi, de maladie mentale dès lors que la mère, en déni de grossesse, se trouve sous l influence d une émotion passagère découlant de l état puerpéral concomitant à l accouchement 21. Certains scientifiques s accordent à dire que la situation dans laquelle se trouvent ces femmes les place dans une psychose passagère 22. Dans la psychose, le déni évite le déplaisir de la perte, perte de soi-même, perte de valeurs ou d un lien. Il s agit alors d un processus pathologique visant au final à nier la réalité d un vécu traumatique 23. D autres, s attachant à une approche plus juridique, estiment nécessaire que la communauté scientifique valide la notion de «syndrome de néonaticide par déni de grossesse» afin que la justice puisse y recourir. Dans ce sens, K. M. Beier, R. Wille et J. Wessel plaident pour que soit créée, dans les classifications internationales, une nouvelle entité diagnostique au sein des dysfonctionnements de la reproduction qui distinguerait déni et dissimulation en les regroupant sous la dénomination de «grossesses niées» 24. L analyse des conflits psychologiques internes est parfois privilégiée tandis que d autres insistent sur les facteurs sociaux, telles la pauvreté et la précarité sociale. Ces facteurs sociaux, s ils permettent d expliquer le déni et se présentent comme des facteurs à risque, ne permettent cependant jamais de le prévoir 25. Il circule également des idées fausses sur le déni de grossesse, des préjugés selon lesquels ne seraient touchées que les adolescentes ou les femmes limitées intellectuellement, voire attardées mentales 26. Le plus souvent, les femmes victimes d un déni de gros- 15 H. BARDOU, «Le déni en psychiatrie», Annales Médico-psychologiques, n 164, 2006, p. 102. 16 A.-S. SEIGNEURIE, «Le déni de grossesse et néonaticide : aspects cliniques et psychopathologique», La Revue de Médecine Interne, n 33, 2012, p. 636. 17 «Le déni de grossesse, étude réalisée sur 75 dossiers de découverte tardive de grossesse», Annales Médicopsychologiques, n 171, 2013, p. 706. 18 B. BAYLE, «Les négations de grossesse (dissimulation, dénégation, déni)», in L enfant à naître. Identité conceptionnelle et gestation psychique, Toulouse, 2005, p. 167 19 J. DAYAN et G. DUGNAT, «Troubles mentaux de la grossesse, de l accouchement et de la délivrance. Déni de grossesse», Psychopathologie de la périnatalité, Paris, Masson, 1999, p. 49. 20 S. CHAULET, «Le déni de grossesse, étude réalisée sur 75 dossiers de découverte tardive de grossesse», Annales médico-psychologiques, n 171, 2013, pp. 705-709. 21 A.-S. SEIGNEURIE, «Le déni de grossesse et néonaticide : aspects cliniques et psychopathologique», La Revue de Médecine Interne, n 33, 2012, pp. 635-639. 22 A.M. TRONCHE, «Du déni de grossesse au néonaticide : hypothèses diagnostiques autour d un cas», Annales médico-psychologiques, n 165, 2007, p. 674 23 H. BARDOU, «Le déni en psychiatrie», Annales médico-psychologiques, n 164, 2006, p. 107. 24 K. M. BEIER, R. WILLE, J. WESSEL, «Denial of pregnancy as a reproductive dysfunction : a proposal for international classification systems», J. Psychosom Res, 2006/61, p. 723. 25 A.-S. SEIGNEURIE, op. cit. 26 A.M. TRONCHE, op. cit., pp. 671 à 675.

1230-2016/26 sesse ont un morphotype ne permettant pas ou peu de distinguer à l œil nu leur grossesse 27. Elles présentent parfois certains traits de personnalité caractéristiques. La tendance à la passivité en est un. L ambivalence face au désir d enfant, une détresse ou un isolement social et un faible niveau intellectuel semblent jouer un rôle majeur. Mais d autres mécanismes psychopathologiques, plus subtils et enracinés dans l histoire personnelle de la femme, contribuent, dans un certain nombre de cas, à un conflit interne tel qu il peut aboutir à un déni de grossesse 28. Ces constats conduisent en tous cas les thérapeutes à s interroger sur le caractère fautif, reprochable, de l acte infanticide posé dans ce contexte 29. Pour les juristes, et sans doute le monde médical, la notion est complexe. Sur la base des explications données, le mécanisme de défense qu est le déni de grossesse place les femmes dans un état d ignorance, d abord, et de surprise, ensuite, qui provoque un stress incommensurable qui les dépasse et qu elles ne sont pas capables de dominer sur le moment. Il se manifeste par l annihilation, temporaire, de leur capacité de discernement. 3.2. Le déni de grossesse, un trouble (mental) momentané mais fortuit qui abolit le discernement ou le libre arbitre Certains scientifiques excluent que le déni de grossesse puisse être considéré comme un trouble mental. Cette circonstance est, nous semble-t-il, de peu d incidence. Si l article 71 du Code pénal n envisage formellement que l hypothèse du trouble mental, il arrive parfois que le fait qualifié infraction soit commis alors que l agent souffre d un trouble momentané du discernement ou du comportement qui ne trouve pas son origine dans une affection mentale. Seul compte, en définitive, l état d esprit de l agent, non fautif, lors de la commission des faits. Lorsqu il s agit d un trouble momentané du discernement ou du comportement qui ne trouve pas son origine dans une affection psychique, nous pensons que le juge doit, par analogie, appliquer les règles qui régissent le régime du trouble mental au sens de l article 71 du Code pénal 30, l interprétation par analogie étant admise en matière de droit pénal absolutoire 31. L effet justificatif d un trouble momentané du discernement ou du libre arbitre va dépendre de son caractère fortuit, c est-à-dire non fautif. La prise en considération de la faute de l agent à l origine éventuelle de la survenance de ce trouble s explique par le fait que le comportement qui en est à l origine est le fruit d un acte librement accompli à un moment où l intéressé a la pleine possession de ses facultés volitives et intellectuelles 32. L égarement momentané de la raison ne peut, avait dit le professeur J.-J. Haus, être l effet de la volonté de l agent 33. Nous pensons que le trouble momentané, de quelque nature qu il soit, qui anéantit le discernement ou le libre arbitre ne peut justifier que celui qui n est en rien responsable de sa survenance. À cet égard, si, d un point de vue médical, le déni de grossesse ne peut être considéré comme un trouble mental au sens de l article 71 du Code pénal, il doit néanmoins pouvoir justifier la mère qui, non fautivement, souffre d un trouble qui annihile son discernement. Est-ce à dire qu une mère souffrant de déni de grossesse est privée de 27 S. MARINOPOULOS, La vie ordinaire d une mère meurtrière, Paris, Fayard, 2007, p. 47. 28 A.-S. SEIGNEURIE, op. cit., p. 639. 29 O. VERSCHOOT, Ils ont tué leurs enfants. Approche psychologique de l infanticide, Paris, Imago Eds, 2007, p. 98. 30 L. DUPONT, Beginselen van Strafrecht, 5 e édition, Louvain, Acco, 2004, n 374 ; Ch. HENNAU et J. VERHAEGEN, Droit pénal général, 3 e édition, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 311 ; P.E. TROUSSE, Les principes généraux du droit pénal positif belge, Les Novelles, Droit pénal, tome I, vol. 1, Bruxelles, Larcier, 1956, n 2481. 31 Fr. KUTY, Principes généraux du droit pénal belge 1. La loi pénale, Bruxelles, Larcier, 2010, n 390. 32 J. RUBBRECHT, Inleiding tot het Belgisch Strafrecht, Louvain, Wouters, 1958, p. 139. 33 J.-J. HAUS, Principes généraux du droit pénal belge, 3 e édition, Gand, Hoste, 1879, n 604.

2016/26-1231 tout discernement? Non bien sûr, à l instar de celui qui souffre d un trouble mental dont l incidence est limitée à une forme particulière de délinquance, telle, notamment, la cleptomanie, la pyromanie ou encore l exhibitionnisme. Il suffit que ce trouble, le déni de grossesse en l occurrence, soit en lien causal avec la commission du fait qualifié infraction, l infanticide. Une fois admis, la conséquence juridique de cet état est limpide. En l absence de discernement, et donc de faute qui puisse être reprochée à l agent, son acquittement s impose à défaut de responsabilité pénale dans son chef. 3.3. Les solutions retenues par les jurés Le déni massif de grossesse a occupé les débats consacrés à ces deux affaires. Il était la ligne de défense des accusées. Comment expliquer qu il ait été admis pour l une et refusé à la seconde? Le contexte factuel diffère étonnamment, au point que la personnalité des accusées a été la clé de l issue de ces procès. À Mons, la cour d assises définit la notion de déni massif de grossesse comme l accouchement clandestin au domicile de la parturiente dont les contractions sont confondues avec des douleurs digestives et le travail avec un besoin pressant d aller à selle. Il suscite un stress aigu ou un état de stress incommensurable dans le chef de la mère qui voit paraître le fruit inattendu de ses entrailles. Un mot permet de résumer ce contexte : l ignorance. Sophie ignore sa grossesse. Elle n a pas conscience de son état, elle confond le travail d accouchement avec des douleurs digestives. Elle n est en mesure de prendre conscience de sa grossesse et du fruit de celle-ci qu au moment même de la naissance qui lui occasionne un stress incommensurable constitutif d un «accès passager d aliénation mentale» la rendant pénalement irresponsable de ses actes. La circonstance qui a fait toute la différence, sans aucun doute, est que Sophie, alors sous les liens d un mandat d arrêt du chef d infanticide depuis deux mois, donne naissance à un enfant dans les mêmes circonstances à l établissement pénitentiaire de Mons alors que ni elle, ni les magistrats, ni le personnel pénitentiaire ne s était rendus compte de sa grossesse! Dans son cas, un faisceau d indices convergeait en faveur de la justification. Sa personnalité est très passive, elle croule sous les dettes et est très peu soutenue et entourée par sa famille. Elle a déjà été victime d un déni partiel et, durant sa détention préventive, d un déni total de grossesse. Le fait qu elle ignorait tout de ce phénomène a permis aux experts de conclure dans leurs rapports que l accusée ne présentait aucun signe de manipulation. Elle avait posé, seule, cet acte homicide une nuit de 2008 et avait ensuite poursuivi sa vie onze mois durant sans réellement prendre conscience de son geste jusqu à ce que son compagnon découvre l horreur. Les experts voient, lors des différentes auditions, une femme meurtrière mais surtout meurtrie qui ne comprend pas ce qui lui arrive et ne parvient pas davantage à se l expliquer. Les enquêteurs lui demandent à plusieurs reprises : «Comment avez-vous pris l enfant?», «Dans quel sens?», «Pour le faire taire?», «Avait-il des cheveux?», «Quel était son sexe?» Elle ne sait pas répondre et, pour cause, elle ne connaît pas les réponses. À Namur, par contre, la situation se présente sous un jour différent. Emma vit en couple. Elle aime être enceinte et ne prend pas de moyens contraceptifs. Elle en est à sa septième grossesse. Alors qu elle dort aux côtés de son compagnon, elle ne l appelle pas à l aide, se lève, se rend à la salle de bains, met son enfant au monde et établit immédiatement un lien avec lui au moment de la naissance. Elle lui évite une chute dans la baignoire, lui parle, lui demande de ne pas pleurer pour ne pas réveiller l entourage et lui demande pardon. Elle l étouffe puis nettoie la salle de bain et cache le corps. Quant à sa personnalité, la cour souligne encore qu elle est organisée, informée, efficace dans sa tolérance au stress, bien ancrée dans la réalité et qu elle aurait pu prendre les mesures habituelles qui l ont précédemment amenée à des accouchements sous X mûrement réfléchis. Elle ne semble avoir agi que pour

1232-2016/26 préserver une stabilité de vie nouvellement retrouvée. Bref, la situation qu elle vit apparaît très différente de celle de Sophie, raison pour laquelle le jury a refusé de prononcer son acquittement. Conclusions L état de la science étant ce qu il est, il est malaisé pour les jurés et les magistrats professionnels de traduire le déni de grossesse en termes juridiques. Il semble juste, et raisonnable, de considérer que s il appert que la mère a sincèrement ignoré sa grossesse, vraisemblablement parce qu elle ne pouvait se résoudre à l accepter, son ignorance est la conséquence d un trouble mental au sens de l article 71 du Code pénal, temporaire sans doute, mais qui a aboli sa capacité de discernement, avant le travail d accouchement, et sa capacité de contrôle de ses actes, une fois l accouchement intervenu. Si le corps médical estime que son état ne peut être qualifié de trouble mental en ce qu il ne trouve pas son origine dans une affection psychique, il peut à tout le moins être considéré comme un trouble momentané et fortuit du discernement et du contrôle de ses actes qui, parce qu il annihile ceux-ci, justifie l agent. Somme toute, l habillage juridique importe peu pourvu qu il soit établi que la mère, dans les circonstances concrètes de la cause, a été totalement privée de discernement et/ou de libre arbitre. Elle ne peut alors être considérée comme fautive et, partant, comme pénalement responsable. Shane MAES Franklin KUTY Avocate au barreau du Hainaut, division de Mons Juge au tribunal de première instance de Liège Chargé de cour à l U.L.B. et à l Université de Mons Tribunal correctionnel de Liège, 9 mars 2016 division de Liège (17 e chambre) I. Infraction - Peine Cumul des peines d emprisonnement et de travail (non). II. Infraction - Concours d infractions - Délit collectif Concours matériel Poursuites séparées Condamnations distinctes Première condamnation à une peine de travail Seconde condamnation à une peine d emprisonnement (oui). III. Infraction - Peine Confiscation spéciale Gestion à valeur constante des biens saisis Aliénation Confiscation de la somme d argent Avantage patrimonial tiré de l infraction Peine déraisonnablement lourde Réduction de son montant. 1. Il est contraire à l esprit et à l objectif poursuivi par la loi du 17 avril 2002 de condamner un prévenu du chef de certaines des infractions en concours à des peines d emprisonnement et, du chef d autres infractions, à des peines de travail, le législateur ayant voulu privilégier la peine restrictive de liberté sur la peine privative de liberté lorsqu aucun motif n y fait obstacle. 2. Lorsque les faits dont est saisi le tribunal ont été commis antérieurement à la condamnation définitive du prévenu à une peine de travail prononcée du chef d autres faits qui constituent ensemble un concours matériel de délits, l application de l article 60 du Code pénal s impose alors même que les infractions en concours matériel font l objet de poursuites séparées et de condamnations distinctes.