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Transcription:

Citation : Commission de l assurance-emploi du Canada c. M. D., 2016 TSSDAAE 64 Numéro de dossier du Tribunal : AD-15-243 ENTRE : Commission de l assurance-emploi du Canada Appelante et M. D. Intimé DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Division d appel DÉCISION RENDUE PAR : Pierre Lafontaine DATE DE L AUDIENCE : 26 janvier 2016 DATE DE LA DÉCISION : 4 février 2016

MOTIFS ET DÉCISION DÉCISION [1] L appel est accueilli, la décision de la division générale est rescindée et l appel de l Intimé devant la division générale est rejeté. INTRODUCTION [2] En date du 20 avril 2015, la division générale du Tribunal a conclu que : - L Intimé n avait pas perdu son emploi en raison de sa propre inconduite au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l assurance-emploi (la «Loi»). [3] L Appelante a déposé une demande de permission d en appeler devant la division d appel en date du 7 mai 2015. La permission d en appeler a été accordée le 9 juin 2015. MODE D AUDIENCE [4] Le Tribunal a déterminé que cet appel procéderait par téléconférence, pour les raisons suivantes : - la complexité de la ou des questions en litige; - du fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales; - du caractère économique et opportun du choix de l audience; - de la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle. [5] Lors de l audience, l Appelante était représentée par Julie Meilleur et l Intimé était présent et se représentait seul.

LA LOI [6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l Emploi et du Développement social, les seuls moyens d appel sont les suivants : a) la division générale n a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d exercer sa compétence; b) la division générale a rendu une décision ou une ordonnance entachée d une erreur de droit, que l erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; c) la division générale a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. QUESTION EN LITIGE [7] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en fait et en droit en concluant que l Intimé n avait pas perdu son emploi en raison de sa propre inconduite aux termes des articles 29 et 30 de la Loi. ARGUMENTS [8] L Appelante soumet les motifs suivants au soutien de son appel: - La division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l inconduite, tel qu établi au paragraphe 30(1) de la Loi; - Il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite entraînerait un congédiement. La notion d inconduite n implique pas une intention malveillante, il suffit que l inconduite soit consciente, délibérée ou intentionnelle. Il doit également y avoir un lien de causalité entre l inconduite et l emploi. En d autres termes, l inconduite doit être une violation d une obligation implicite ou expresse du contrat de travail;

- Dans le cas à l étude, la division générale a reconnu que l Intimé a été congédié car il ne répondait plus aux exigences du poste après avoir perdu son permis de conduire pour des raisons de conduite en état d ébriété; - La Cour d appel fédérale a confirmé que l alcoolisme n excuse pas l inconduite. Les problèmes de consommation n'effacent en rien le caractère volontaire des gestes commis. La consommation d alcool est volontaire, et l Intimé devait être conscient des gestes qu'il posait, des effets de la consommation, et des conséquences qui pouvaient s'ensuivre; - Dans l affaire Bigler (Canada (PG) c. Bigler, 2009 CAF 91), la Cour d appel fédérale avait déterminé qu il n'existait aucune preuve médicale dans le dossier démontrant que la consommation d alcool était involontaire pour le prestataire; - Dans le présent dossier d appel, aucune preuve médicale n a été présentée par l Intimé pour démontrer que sa conduite n était pas délibérée. Par conséquent, la division générale ne pouvait en arriver à la conclusion que la conduite de l Intimé n était pas délibérée; - Selon les faits au dossier, la division générale a erré en fait et en droit en rendant une décision déraisonnable ne tenant pas compte des principes jurisprudentiels en la matière. [9] L Intimé soumet les motifs suivants à l encontre de l appel de l Appelante: - Il a été abstinent pendant 26 mois, il avait retrouvé une fierté, une vie sociale et un emploi. Maintenant, il a tout perdu; - Il n a jamais volontairement posé un geste pour perdre son emploi; - Il est connu que les gens souffrant de dépendance à l alcool rechutent dans une proportion de près de 95% pour de longues ou courtes périodes; - Une rechute est involontaire et incontrôlable;

- L alcoolisme est une maladie au même titre qu un cancer; - Il a produit des documents en provenance du Centre de thérapie démontrant qu il souffre d alcoolisme; - Il ne comprend pas l acharnement de l Appelante alors que la division générale a rendu une décision en sa faveur. NORMES DE CONTRÔLE [10] L Appelante soumet que l interprétation du terme «inconduite» constitue une question de droit et la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte - Canada (PG) c. Coulombe, 2008 CAF 292 et que la question à savoir si l Intimé a perdu son emploi à cause de son inconduite est une question mixte de fait et de droit. La norme de contrôle est celle de la décision à caractère raisonnable - Hickey c. Canada (PG), 2008 CAF 330. [11] L Intimé n a fait aucune représentation quant à la norme de contrôle applicable. [12] Bien que le mot «appel» soit utilisé dans l'article 113 de la Loi (anciennement l'article 115 de la Loi) pour décrire la procédure introduite devant la division d appel, la compétence de la division d appel est pour l'essentiel identique à celle qui était anciennement conférée aux juges-arbitres et qui est conférée à la Cour d'appel fédérale par l'article 28 de la Loi sur les Cours fédérales. La procédure n'est donc pas un appel au sens habituel de ce mot, mais un contrôle circonscrit - Canada (PG) c. Merrigan, 2004 CAF 253. [13] Le Tribunal est d avis que le degré de déférence que la division d appel devrait accorder aux décisions de la division générale devrait être cohérent avec le degré de déférence qui était accordé aux décisions des anciens conseils arbitraux en appel, devant un juge-arbitre en matière d'assurance-emploi. [14] La Cour d appel fédérale a statué que la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d un conseil arbitral (maintenant la division générale) et d un juge-arbitre (maintenant la division d appel) relativement à des questions de droit est la norme de la

décision correcte et que la norme de contrôle applicable aux questions mixte de fait et de droit est celle du caractère raisonnable - Hickey c. Canada (PG), 2008 CAF 330, Canada (PG) c. Coulombe, 2008 CAF 292, Martens c. Canada (PG), 2008 CAF 240, Canada (PG) c. Hallée, 2008 CAF 159. ANALYSE [15] Les faits au dossier sont relativement simples et non contestés. [16] L Intimé a déposé une demande initiale de prestations qui a débuté le 10 août 2014. Il a travaillé comme chauffeur pour la Maison Carignan jusqu au 8 août 2014, date à laquelle il a été congédié. L Intimé a été congédié parce que son permis de conduire lui avait été retiré pour alcool au volant et qu un permis valide était une condition essentielle de l emploi. [17] Lors de l audience devant la division générale, l Intimé a indiqué qu il souffrait d alcoolisme depuis des années. Il a précisé qu il consultait et que depuis l année 2000, il avait été admis en thérapie à deux reprises pour sa dépendance à l alcool. Il a ajouté qu il était abstinent depuis sa dernière thérapie en 2012, toutefois, qu il avait fait une rechute en juillet 2014. Au mois d août 2014, il a eu un accident d auto alors qu il était en état d ébriété. [18] L Intimé a fait valoir qu il n avait jamais volontairement posé un geste pour perdre son emploi, qu il est connu que les gens souffrant de dépendance à l alcool rechutent dans une proportion de près de 95% pour de longues ou courtes périodes, qu une rechute est involontaire et incontrôlable et que l alcoolisme est une maladie au même titre qu un cancer. [19] Lorsqu elle a accueilli l appel de l Intimé, la division générale a conclu ce qui suit : «[45] L appelant a-t-il a fait le choix délibéré et volontaire de consommer de l alcool et de conduire un véhicule après avoir consommé. [46] À la lumière du témoignage de l appelant, il est clair que ce dernier est aux prises avec un problème d alcool qui lui a occasionné de multiples déboires depuis plusieurs années.

[47] Il est connu et admis que l alcoolisme est une forme de maladie. [48] L'alcoolodépendance, alcoolisme ou éthylisme, est l'addiction à l'alcool éthylique (éthanol) contenu dans les boissons alcoolisées. L'Organisation mondiale de la santé1 (OMS) reconnaît l'alcoolisme comme une maladie et le définit comme des «troubles mentaux et troubles du comportement» liés à l'utilisation d'alcool1. [49] L'alcool est une substance psychoactive à l'origine de cette dépendance mais elle est également une substance toxique induisant des effets néfastes sur la santé. L'alcoolodépendance est à l'origine de dommages physiques, psychiques et sociaux [50] De nombreuses études, publications et ouvrages décrivent les symptômes de l'alcoolisme comme le besoin compulsif de boire de l'alcool, l'incapacité à limiter sa consommation, la dépendance physique (symptômes de manque en l'absence de consommation) et la tolérance, c'est-à-dire le besoin constant d'augmenter les doses pour atteindre l'effet recherché. Ces symptômes sont souvent accompagnés de troubles physiques et psychologiques. [51] Pour n en citer qu un, le mouvement des Alcooliques Anonymes présente l alcoolisme comme une maladie progressive et irréversible dont il est néanmoins possible d arrêter l évolution. Cette maladie se caractériserait par une dépendance physique doublée d une obsession mentale. Les Alcooliques Anonymes décrive le besoin de consommer de l alcool comme un désir non équivoque de consommer de l alcool au-delà de notre capacité de contrôle et défiant toutes les limites du bon sens. [52] Je retrouve dans ces descriptions les symptômes décrits pas l appelant pour m expliquer son comportement face à sa dépendance à l alcool. [53] Le document produit par l appelant après l audience prouve qu il a suivi une thérapie pour ce problème en 2012 (pièce GD6). [54] Je constate que les gestes qu on lui reproche sont en lien direct avec sa problématique. [55] J ai apprécié le témoignage de l appelant lorsqu il a expliqué que son désir de boire était devenu incontrôlable et qu il était obnubilé par ce besoin de consommer. [56] Selon moi, il existe une nette distinction entre une personne, buveur social, occasionnel ou même excessif, qui délibérément choisi d ignorer les effets de l alcool et une personne qui est consciente qu elle a un problème d alcool mais qui n arrive plus à se contrôler. [57] Il m apparaît qu une personne possédant toute ses capacités ne pourrait décider volontairement de continuer à boire comme l a fait l appelant. Et ce, en choisissant délibérément d ignorer les conséquences désastreuses que cela entraine dans sa vie personnelle et professionnelle.

[58] J en arrive à la conclusion que la situation échappait au contrôle de l appelant. De ce fait, la preuve de l élément psychologique n est pas faite. Je ne retrouve pas ici les éléments permettant de constater que la conduite de l appelant était délibérée ou à ce point insouciante qu elle frôle le caractère délibéré. [59] Conséquemment, je crois que l appelant ne pouvait raisonnablement penser qu il pouvait être congédié, la maladie dont il souffre affectant visiblement son jugement. Dans son cas, j estime que son besoin obsessionnel d alcool primait sur toute autre considération, ce qui caractérise l alcoolisme. [60] Le Tribunal conclut que l appelant, monsieur Mario Drolet, n a pas perdu son emploi par sa propre inconduite au sens des articles 20 et 30 de la Loi. De ce fait, aucune exclusion ne s applique.» [20] Avec égard, la décision de la division générale ne peut être maintenue pour les motifs ci-après mentionnés et le Tribunal est justifié d intervenir afin de rendre la décision qui aurait dû être rendue. [21] À plus d une reprise, la Cour d appel fédérale a établi qu un employé qui doit, comme condition matérielle essentielle de son travail, détenir un permis de conduire valide et qui le perd par sa faute, manque à une condition explicite du contrat de travail - Canada (PG) c. Wasylka, 2004 CAF 219, Canada (PG) c. Cooper, 2003 CAF 389; Casey c. Canada (PG), 2001 CAF 375, Canada (PG) c. Cartier, 2001 CAF 274, Canada (PG) c. Turgeon, A-582-98 [22] En l'espèce, l Intimé a été accusé de conduite en état d'ébriété alors qu il occupait un emploi de chauffeur pour la Maison Carignan, un Centre de thérapie. Il a été congédié parce que son permis de conduire lui avait été retiré pour alcool au volant et qu un permis valide était une condition essentielle de l emploi. [23] La conclusion de la division générale à l effet que l Intimé souffre d alcoolisme ne permet pas en soi à supplanter le caractère volontaire de la consommation d alcool et à rendre l exclusion prévue au paragraphe 30(1) de la Loi inapplicable à l Intimé Canada (PG) c. Bigler, 2009 CAF 91. [24] La preuve administrée devant la division générale au sujet du problème d alcoolisme de l Intimé est plutôt mince. Tout ce que l on sait au sujet de son problème découle surtout

du témoignage qu il a rendu devant la division générale, auquel se rajoute un certificat de finissant 2012 et un certificat d honneur 2012-2013, deux certificats émis par le Centre de thérapie. L Intimé a cependant perdu son emploi le 8 août 2014. Voilà la preuve intégrale que l Intimé a déposé au sujet de son problème d alcoolisme. Le Tribunal ne voit pas comment cette preuve pourrait tendre à confirmer sa thèse selon laquelle sa conduite n était pas délibérée. [25] En l espèce, il n y a aucune opinion médicale, aucune preuve de la part du Centre de thérapie ou une quelque autre preuve qui pourrait tendre à confirmer que la conduite de l Intimé n était pas délibérée. [26] Le Tribunal sympathise avec la situation de l Intimé mais il se doit d accueillir l appel afin de se conformer aux enseignements de la Cour d appel fédérale. CONCLUSION [27] L appel est accueilli, la décision de la division générale est rescindée et l appel de l Intimé devant la division générale est rejeté. Pierre Lafontaine Membre de la division d appel