LES ÉDIFICES ANTÉRIEURS A LA COLLÉGIALE SAINT-ARNUAL DE SARREBRUCK Résumé de la communication (traduction Jean-Paul Petit) «Die Vo rgiingerbauten der Stiftskirche St. Arnual in Saarbrücken» Les travaux de réhabilitation importants menés de 1982 à 1994 sur l'édifice gothique actuel ont permis de réaliser des fouilles placées sous le contrôle du Staatliches Konservatoramt des Saarlandes. Elles ont apporté de nouvelles connaissances sur cet édifice et sur les modifications et les ajouts postérieurs à sa constructionc1l. Figure 1. Vue d'ensemble des fouilles dans la nef. 1) Une publication détaillée de ces fouilles est parue récemment : E. ROTH, Die Vorgiingerbauten der Stiftskirche St. Arnual, dans H.-W. Herrmann (dir.), Die Stiftskirche St. Arnual in Saarbrücken, Kiiln, 1998 (Schriftenreihe des Vereins für Rheinische Kirchengeschichte, 130). 249
Parmi ceux-ci signalons de nombreuses tombes de la fin du Moyen Age et de l'époque moderne, en particulier celle de la comtesse Elisabeth de Lorraine, ainsi que des caveaux construits de façon luxueuse. Par ailleurs ont été découverts les fondations d'annexes du chœur et de plusieurs autels intérieurs, les restes de fonts baptismaux et d'une installation de coulage de cloches. Une découverte importante a été celle d'une statue de la Vierge du XIVe siècle enterrée sans doute dans une situation d'urgence, dans le porche de l'église. L'objectif principal de la fouille était l'analyse des niveaux antérieurs à l'édifice gothique, en particulier dans l'espoir de retrouver des vestiges de la fondation faite sur ce lieu par l'évêque saint Arnoul de Metz au début du VIle siècle. Les fouilles ont en fait mis au jour une installation d'époque romaine réoccupée après destruction au Bas-Empire, et dont les ruines ont été utilisées par la suite comme nécropole. Elles ont surtout révélé pour le Moyen Age une occupation quasi continue marqué par cinq phases de construction, débutant par une petite église-salle des VIle et VIlle siècles (sans doute l'édifice fondé par saint Arnoul) remplacée progressivement par des édifices de dimensions de plus en plus importantes s'achevant par la construction d'un édifice à l'époque romane tardive atteignant déjà les dimensions du bâtiment gothique actuel daté des XIIIe et XIVe siècles. Les vestiges d'époque romaine (fig. 2) C'est sous la nef de l'église gothique qu'ont été mis au jour les vestiges de construction les plus anciens datés de l'époque romaine. Le cœur de l'installation est constitué d'une grande cour rectangulaire (R5) à laquelle est accolée à l'est un corps de bâtiment constitué de cinq pièces dont l'une chauffée par hypocauste (R2). Au nord-ouest, une deuxième pièce chauffée (R7) est le seul vestige des constructions ouvrant sur cette cour à l'ouest et détruites par les fondations de la tour gothique. Un canal maçonné indique sans doute d'autres pièces du côté nord. Il faut certainement rajouter à cette installation un bassin découvert plus au nord. Cette installation d'époque romaine est sans doute en relation avec l'agglomération sise au Halberg, sur la rive opposée de la Sarre, mais doit probablement être interprétée comme une villa. Occupée aux He et Ille siècles, elle a subi des destructions dans le 3e quart du Ille siècle. Une réoccupation et une reconstruction de cette installation, sans doute détruite seulement partiellement est attestée du côté 250
0 Figure 2. 251
oriental. Un nouveau mur qui se différencie des précédents par sa technique de construction ceint maintenant les pièces d'angles latérales de la phase précédente. Le même réaménagement semble avoir été réalisé du côté nord. Une salle (Sl) installée sur la pièce d'angle septentrionale de la construction précédente est dotée d'un chauffage par hypocauste dont les matériaux proviennent des systèmes de chauffage antérieurs détruits. Plusieurs sols en béton de tuileau témoignent d'un réaménagement conséquent conservant de façon générale le plan de la construction antérieure. L'abandon de cette installation, sans trace de destruction, est datée de la fin du IVe ou du début du Ve siècle. Les tombes du Haut-Moyen Age C'est sans doute aux Ve et VIe siècles que les ruines des bâtiments d'époque romaine servent de nécropole dont l'utilisation comprend plusieurs phases, avant d'être recouverte par la construction d'un édifice religieux. Les plus anciennes tombes sont orientées nord-sud alors que les autres sont disposées selon une orientation ouest-est, en respectant de façon générale l'orientation de l'édifice gallo-romain. A côté de tombes en pleine terre ou d'autres dont les fosses sont délimitées par des pierres brutes, quelques-unes sont constituées de grandes dalles de réemploi d'éléments architecturaux gallo-romains. Comme ces tombes ne recèlent pratiquement aucun mobilier funéraire, il s'agit peut-être de tombes chrétiennes d'une population encore gallo-romaine. Une église-salle du Haut-Moyen Age (fig. 3) Le premier édifice du Haut-Moyen Age est constitué d'une simple salle rectangulaire (M), de petite dimension, agrandie à l'est par des annexes latérales (N, 0, P). L'extrémité orientale est incertaine ; il faut sans doute y restituer un mur reprenant le tracé de celui du Bas-Empire. Séparé de la salle rectangulaire par une clôture maçonnée en forme de U dotée de passages latéraux existe un espace distinct faisant office de chœur et deux pièces annexes. Dans l'espace délimité par la barrière et dans la partie occidentale de la salle, il faut reconstituer des bancs en pierre. Le matériau de construction utilisé, en particulier les dalles bien conservées du sol, est un réemploi provenant des constructions gallo-romaines dont certains murs ont servi de fondations. La petite aile non voûtée correspond sans doute à la fondation du début du VIJe siècle, mais aucun lien direct avec l'évêque messin saint Arnoul n'est attesté. 252
Figure 3. 253
Un bâtiment pourvu d'une abside d'époque carolingienne (fig. 4) Dans la deuxième phase de construction du Haut Moyen Age la partie orientale du bâtiment précédent est transformée. On y inclut de puissants piliers engagés. La pièce annexe septentrionale (J) est réduite en surface par la construction d'un mur s'alignant sur celui de la pièce annexe méridionale (Q) ; des agrandissements sont réalisés du côté oriental, en forme d'abside du côté nord-est. Les sols sont relevés et réaménagés dans cette partie orientale. La clôture du chœur (L) du bâtiment précédent est maintenue et modifiée par l'aménagement d'un passage axial, remplaçant sans doute les passages latéraux précédents. Les nombreux restes d'enduits portant des décors rouge et jaune sur un fond blanc, qui ont été découverts dans la couche de destruction, proviennent sans doute des parties hautes des murs de ce bâtiment. Deux éléments architecturaux profilés, réemployés dans le bâtiment gothique portent un décor en relief plat, de triangles et de quadrilatères à côtés concaves, accompagnés de torsades. Il pourrait s'agir de sommiers provenant des contreforts conservés. Une reconstruction de la nef à l'époque ottonienne (fig. 5) Dans une troisième phase, la nef de la construction primitive est remplacée par une nef à trois travées (K). Dans la partie orientale, les constructions de la phase précédente sont conservées. La largeur de la nef correspond à celle de la partie orientale. Plusieurs vestiges de fondations permettent de reconstituer cinq paires d'arcades à l'intérieur de la nef. La forme des piliers n'est pas connue. Il est possible que les socles des piliers de la phase suivante soient déjà à rattacher à cette phase de l'époque ottonienne, qui s'arrête vers le milieu du Xe siècle. Une reconstruction d'époque romane précoce (fig. 6) L'édifice est presque intégralement reconstruit dans cette phase (fig. 7). Seuls sont conservés les murs extérieurs de nefs latérales et des fragments du mur occidental. Les parties orientales édifiées lors de la phase carolingienne sont abandonnées et l'espace est utilisé pour l'agrandissement de la nef (F). Les piliers centraux sont reconstruits, en nombre identique, mais à des intervalles plus grands. La nef centrale est élargie au détriment des nefs latérales. A l'extrémité orientale est construit un transept et on y adjoint une pièce (B) abritant l'autel (Cn, Cs). 254
<> + 0 1 <>1<> 11 1 11 1 ill Figure 4. 255
: -- 1 0[] 1 0 [] J [1 0J t C0 0 + 0 Figure 5. 256
Figure 6. 257
Figure 7. Vue des fouilles dans le chœur avec les vestiges des phases IV et V et d'un caveau du XVIIe siècle installé dans la crypte de la phase IV b. Du côté occidental de la nef est édifié un ensemble de pièces en trois parties (T, U, V), dont l'extrémité occidentale à été détruite par la fondation de la tour gothique. L'analyse des fondations semble indiquer que le corps occidental comprenait une tour centrale. Dans une deuxième phase est construit à l'emplacement de la croisée du transept une crypte E) de forme approximativement carrée. L'accès se fait par un escalier droit ouvrant du côté nord. Cette crypte, couverte par une voûte d'arêtes reposant sur un pilier central, date sans doute des XI-XIIe siècles. 258
Figure 8. 259
Une nouvelle construction d'un chœur et d'un transept à l'époque romane tardive (fig. 8) Dans la dernière phase de construction antérieure à l'époque gothique est construit un choeur rectangulaire (A) plus grand établi sur des fondations constituées de pieux de bois. Les restes de fondations de piliers de contrefort cruciformes à l'extérieur et des piliers d'angle à l'intérieur indiquent une couverture constituée d'une voûte d'arêtes. La construction d'un nouveau transept (Dn, Ds), atteignant déjà une portée analogue à celui du transept gothique est commencée mais non achevée. A cette construction se rattachent des absides semi-circulaires, et, à l'extérieur, des fondations prévues pour des contreforts cruciformes ou pour des tourelles d'angle à escalier. Une base portant des restes d'enduit incluse dans des fondations de l'abside gothique, datable du milieu du XIIe siècle, peut être rattaché à ce bâtiment. Emanuel ROTH 260