Interactions médicamenteuses Bases Tissulaires et Moléculaires des traitements médicamenteux Michel ANDREJAK L2 03/10/2013
INTERACTIONS MEDICAMENTEUSES L interaction (vraie) entre deux médicaments se définit non par son mécanisme mais par ses conséquences pharmacologiques et par ses conséquences cliniques (efficacité, sécurité d utilisation). C est le phénomène qui survient lorsque plusieurs substances étant administrées ensemble, l activité ou la toxicité de l une d elle est modifiée par l association. Ceci suppose que l interaction soit suffisamment intense pour modifier de façon significative l intensité de l effet attendu.
Peu d associations médicamenteuses ont des conséquences cliniques significatives défavorables pour le malade (beaucoup sont crées délibérément pour renforcer un effet thérapeutique et sont donc favorables ex 2 antihypertenseurs). Mais 20% de la iatrogénie médicamenteuse serait la conséquence d interactions médicamenteuses Les médicaments les plus à risque sont surtout en pratique ceux dont la marge thérapeutique est étroite (seuils de toxicité par surdosage proches des concentrations efficaces elles-même proches des seuils d inefficacité), tels que : les antivitamines K (anticoagulants oraux), les digitaliques, les sulfamides hypoglycémiants, les contraceptifs oraux, le lithium certains immunosuppresseurs, ant-arythmiques, anticancéreux
Conséquences pratiques des interactions (I) Les associations favorables Elles sont crées délibérément en thérapeutique et répondent à plusieurs objectifs. a) Améliorer l efficacité thérapeutique A titre d exemple : Association de plusieurs antituberculeux qui permet de limiter la survenue de B.K. mutants et de raccourcir la durée du traitement. Association de 2 antihypertenseurs quand l effet d un seul est insuffisant pour contrôler l hypertension. Synergie bactéricide de 2 antibactériens ex sulfaméthoxazole qui inhibe la synthèse d acide folique et de trimothétoprime (inh de tétrahydrofolate réductase) Attention : associer 2 médicaments sur la base de considérations théoriques peut être harsardeux. Le bénéfice d une association doit être démontré par des études cliniques appropriées.
Conséquences pratiques des interactions (II) b) Diminuer un effet indésirable (notion de médicament correcteur) Exemple : les antiparkinsoniens anticholinergiques sont utilisés pour corriger certains troubles neurologiques induits par les neuroleptiques. A noter: une telle association ne doit pas être systématique. Les effets anticholinergiques (constipation, bouche sèche, troubles de l accomodation, confusion) vont s ajouter aux propriétés anticholinergiques de certains neuroleptiques. On dit aussi que leur emploi favoriserait, à long terme, la survenue de dyskinésies tardives, complication au long cours des neuroleptiques. c) Antagoniser un surdosage
Conséquences pratiques des interactions (III) Les associations à risques ( rubrique Interactions du RCP) a) Associations dangereuses = contre-indiquées mettent en jeu la vie du malade et conduisent à une contre-indication absolue d association (exemple : miconazole (Daktarin ) + anticoagulant per os, sels de Ca et digitaliques). b) Associations déconseillées contre-indication relative : si possible, l association doit être évitée. Sinon, surveillance particulière ou adaptée. c) Associations nécessitant des précautions d emploi cas le plus général. L association est possible en respectant les recommandations (exemple : contrôles biologiques plus fréquents, adaptation posologique, progressivité des doses ou de l interruption thérapeutique, respect d horaires particuliers de la prise d un médicament par rapport à un autre ) d) Associations à prendre en compte attention attirée sur un risque potentiel d interaction (conséquences cliniques incertaines). Aucune recommandation formulée. Si possible, essayer de prescrire un autre médicamnt n exposant pas à ce risque
Associations synergiques On parle de synergie lorsque deux médicaments ont des effets qui vont dans le même sens. - synergie additive (encore appelée «synergie compétitive») - potentialisation ( ou «synergie renforcatrice») réalisée lorsque les effets augmentés appartiennent tous uniquement à la même substance, la substance potentialisée. Ex risque d hypota sévère en cas d association de sildénafil (Viagra) qui inhibe la phosphodiestérase V ( non dégradation du GMPc) + dérivés nitrés qui la guanylate cyclase association contreindiquée ++++++ du risque hémorragique des antivitaminesk par les antibiotiques qui altèrent la flore microbiennne intestinle productrice de vitamine K
Associations antagonistes On observe un antagonisme lorsque l effet de l association est inférieur à celui du plus actif des composants utilisés seuls. L antagonisme peut être total ou partiel. Dans le premier cas (antagonisme total), il s agit de substances qui possèdent des effets opposés. Peut mis à profit pour s opposer à l effet principal d un médicament en cas de surdosage (ex flumazénil Anexate en cas de surdosage en benzodiazépines
Les grands types d interaction Mettre à part les incompatibilités physicochimiques avec parfois des conséquences graves (ex ceftriaxone + sels de calcium). Ne sont pas à proprement parler des interactions médicamenteuses (cf définition) Interactions pharmacodynamiques Interactions pharmacocinétiques
Interactions pharmacodynamiques (I) La notion de synergie et d antagonisme compétitifs peut être appréciée par l évolution de la courbe dose-action d une substance en l absence ou en présence de la substance présentant un antagonisme ou une synergie de nature compétitive.
Interactions pharmacodynamiques (II) Elles sont pour la plupart liées à des mécanismes non compétififs Récepteurs différents ex : récepteurs adrénergiques et cholinergiques Modifications indirectes de la réponse à un médicament Ex hypokaliémie (diurétiques, laxatifs ) et médicaments responsables de troubles du rythme (surtout torsades de pointes) Association de médicaments diminuant la vigilance Les interactions pharmacodynamiques sont les plus fréquentes des interactions médicamenteuses
Interactions pharmacocinétiques Peuvent être responsables d interactions «inattendues» Entrainent des phénomènes de potentialisation ou d antagonisme Sont liées à des interférences au niveau des différentes étapes du devenir du médicament dans l organisme Résorption Distribution (essentiellement au niveau de la fixation protéique) Excrétion Métabolisme hépatique Elimination rénale
Modifications de la résorption (I) Variations du ph digestif Alcalinisants, inhibiteurs de la sécrétion gastrique acide (anti H2 ou inhibiteurs de la pompe à protons), favorisent l ionisation des médicaments acides faibles d où de leur résorption digestive. Adsorption ou «effet pansement» Il s agit d un mécanisme qui s ajoute à l effet antiacide de médicaments à visée digestive (film protecteur = barrière physique au niveau gastrointestinal).
Modifications de la résorption (II) Complexation Cette interaction survient lorsque la substance active forme avec une autre substance dite complexante (ou chélatrice), un complexe non résorbable de gros poids moléculaire : - interaction des sels de calcium-tétracyclines, - cholestyramine (Questran ).
Modifications de la résorption (III) Vidange gastrique Les modifications de la vidange gastrique influent sur l absorption. La plupart des médicaments sont résorbés dans l intestin, un ralentissement de la vidange gastrique (anticholinergiques, analgésiques centraux, antidiarrhéiques) retarde la résorption sans toujours modifier la quantité totale résorbée (paracétamol). L effet sera inverse avec les neuroleptiques (anti-dopamine D2) utilisés comme anti-émétiques ex métoclopramide (Primpéran ).
Modifications de la résorption (IV) Transit digestif Les modificateurs du transit peuvent influer sur la résorption : - les anticholinergiques (ralentisseurs du transit) augmentent la résorption des médicaments qui sont normalement incomplètement résorbés (ex digoxine). - les accélérateurs du transit (laxatifs) peuvent avoir l effet inverse. Ceci est surtout vrai pour les formes dites retard à libération programmée.
Modifications de la distribution (I) Explication la plus habituelle = défixation du médicament des protéines plasmatiques. Le produit qui a la plus forte affinité se fixe prioritairement d où une augmentation de la forme libre du médicament à la plus faible affinité. accidents survenant dès la mise en route du médicament défixateur phénomène auto-limité du fait de l accélération du métabolisme hépatique et de la filtration glomérulaire de la substance défixée.
Exemples d interactions impliquant une défixation protéique Médicament défixateur Fibrates Sulfamides antibactériens Fibrates Sulfamides antibactériens Salicylés Médicament défixé Antivitamines K Sulfamides hypoglycémiants Méthotrexate conséquences Hémorragie Hypoglycémie Aplasie médullaire
Modifications de la distribution (II) Autres mécanismes aboutissant à une modification de la distribution du médicament : - les agents vasoconstricteurs (adrénaline) la diffusion des anesthésiques locaux d où un effet local plus prolongé (effet recherché). - la quinidine déplace la digoxine de ses sites tissulaires d accumulation d où une augmentation de concentration de digoxine (avec risques d accident de surdosage). des transporteurs actifs type glycoprotéines P (PgP) peuvent intervenir dans la diffsion tissulaire et être inhibés par médicaments (quinidine, ritonavir )
Interactions liées à la modification du métabolisme d un médicament Sont liées à des interférences au niveau des réactions de mono-oxygénation faisant intervenir les CYP 450 Dépendent du cytochrome impliqué Concernent préférentiellement le CYP3A4 2 POSSIBILITES : INDUCTION INHIBITION +++
Induction enzymatique Augmentation de la synthèse de CYP 450 (de façon non sélective) Diminution des concentrations circulantes du médicament induit Installation progressive, effet maximal après 10-15 j De même, disparition progressive de l induction après arrêt de l inducteur Possibilité d auto-induction
Médicaments Phénobarbital (Gardénal ) Phénytoïne (Dihydan ) Rifampicine (Rifadine, Rimactam ) Carbamazépine (Tégrétol ) Hydrate de chloral Griséofulvine +++ ++ Autres Alcool (en cas de prise chronique) Tabac DDT Millepertuis +++
Conséquences de l induction enzymatique Accélération de leur métabolisme : durée d action de plus en plus courte ( l un des mécanismes possibles de «tolérance pharmacologique») Accélération du métabolisme hépatique des médicaments qui leur sont associés. La durée d action des anticoagulants est plus courte chez les malades sous barbituriques. La rifampicine induit la métabolisation des oestroprogestatifs (risque = grossesse non désirée chez la femme tuberculeuse). Nombreux exemples ex : rejet sous ciclosporine après millepertuis. Si le métabolisme hépatique aboutit à la formation d un métabolite réactif (toxique), l induction enzymatique augmentera la formation de ce métabolite. Exemple : paracétamol, isoniazide
Effet du tabac et la marijuana sur la clairance totale de la théophylline chez des adultes sains et des malades de 20 à 40 ans.
Inhibition enzymatique Concerne de nombreux médicaments Compétition entre substrats de CYP 450 Médicament inhibiteur ou inhibé selon affinité pour le CYP concerné (compétition) CYP 3A4 +++ Effet immédiat Mise en jeu de molécules non médicamenteuses (ex : jus de pamplemousse)
Principaux médicaments inhibiteurs enzymatiques (I) Les macrolides (et parmi eux essentiellement l érythromycine). Les anti-h2, en fait surtout la cimétidine (Tagamet ) et à un degrè moindre les autres. Certains antifongiques imidazolés essentiellement le miconazole (Daktarin ) et le kétoconazole (Nizoral ). L isoniazide (Rimifon ) qui inhibe surtout le métabolisme de la phénytoïne (Dihydan ). Le chloramphénicol. L allopurinol (Zyloric ) utilisé en thérapeutique pour son effet inhibiteur de la xanthine-oxydase.
Principaux médicaments inhibiteurs enzymatiques (II) Les IMAO (inhibiteurs de la mono-aminooxydase). Le disulfiram (utilisé parce que bloqueur de l acétaldéhyde deshydrogénase d où un effet antabuse mis à profit dans les désintoxications éthyliques). Certaines quinolones, Certains antidépresseurs (Vivalan, Prozac, Floxyfral ) Inhibiteurs de la protéase du VIH (en particulier ritonavir puissant inhibiteur des CYP utilisé pour la biodisponibilité d autres antiprotéases) X par 36 la biodispo du saquinavir normalement de 4%
Concentrations plasmatiques de dihydroergotamine seule après administration de 2,5 mg de dihydroergotamine par voie orale, et 15 minutes après 1 g de triacétyloléandomycine per os chez le singe rhésus (n=6).
Médicaments «inhibé» Théophylline Ciclosporine Médicaments inhibiteur Macrolides Cimétidine Fluoroquinolones Macrolides Kétoconazole Cimétidine conséquences Surdosage (risques de vomissements de troubles neurologiques,de tachycardie) néphrotoxicité Carbamazépine Macrolides Cimétidine Signes neurologiques (surtout cérebelleux)
Médicaments «inhibé» Ergotamine Antivitamines K Sulfamides hypoglycémiants Médicaments inhibiteur Macrolides Miconazole Amiodarone Allopurinol Miconazole conséquences Ergotisme (nécrose ischémique des extrémités) pouvant aller jusqu à des amputations Risque hémorragique Hypoglycémie sévère
Concentrations plasmatiques minimales ( résiduelles)à l équilibre de la théophylline administrée seule et en présence de fluoroquinolones
ELIMINATION RENALE 1- Filtration glomérulaire Elle dépend de la fixation protéique 2- Réabsorption tubulaire Elle est variable selon le ph des urines. Un médicament qui alcalinise les urines diminue l ionisation des médicaments basiques (d où l augmentation de leur réabsorption). L inverse est vrai pour les acides faibles. 3- Sécrétion tubulaire Il peut y avoir compétition pour les mécanismes de transport actif : - entre acides faibles Ex : le probénécide (Bénémide ) s oppose à la sécrétion de la pénicilline (d où sa rétention dans l organisme), est utilisé pour prévenir la néphrotoxicité d un antiviral (anti-cmv) le cédofovir
4- cas particulier du lithium (qui suit les mouvements tubulaires du sodium) Accumulation par de la réabsorption avec - diurétiques - AINS - IEC
Autres niveaux d interaction pharmacocinétiques La P-glycoprotéine protéine de transport transmembranaire ATP dép.: Au niveau des cellules intestinales Des tubules rénaux Des canalicules biliaires De la BHE Rôle +++ cytostatique Inhibiteurs de PgP (souvent parallèlement à l inhibition enzymatique)