Radiobiologie appliquée à la radiothérapie C. ROQUIER Personne Compétente en Radioprotection Centre Hospitalier Victor Dupouy Argenteuil.
PHYSIQUE DU RAYONNEMENT
Définition Un rayonnement ionisant doit être suffisamment énergétique pour arracher un électron à un atome ou à une molécule de la matière traversée, modifiant ainsi la matière. Il existe plusieurs types de rayonnements ionisants : particules chargées ou non, rayonnements électromagnétiques.
Différents rayonnements Rayonnements électromagnétiques : Photons X et γ Particule non chargées : Neutron Particules chargées : Proton Deuton Electron (particule β) Particule α (noyau d hélium)
Interactions électrons/matière Excitation : changement de niveau électronique d un électron de l atome Ionisation : expulsion d un électron de l atome Effet de freinage : interaction avec le champ électrostatique du noyau de l atome (accélération puis décélération et émission d un photon)
Interactions photons/matière Effet photoélectrique : absorption totale de l énergie du photon Effet Compton : absorption partielle de l énergie du photon Création de paires : interaction d un photon de haute énergie avec le champ électrostatique du noyau de l atome (création d un électron et d un positon)
BIOLOGIE CELLULAIRE
Intro : de la cellule à l organisme
Mitose et méiose
Cycle cellulaire
Réparation de l ADN et apoptose La chaîne de l ADN est relue régulièrement et particulièrement avant toute division de la cellule. Si lésions sur l ADN : Blocage du cycle cellulaire pour permettre la réparation de l ADN Mise en place des mécanismes de réparation de l ADN Si réparation(s) impossible(s), mise en place des mécanismes de l apoptose
RADIOBIOLOGIE
UNITÉS ET GRANDEURS DOSIMÉTRIQUES
Dose Absorbée (D a ) C est l énergie moyenne E cédée par un rayonnement à une masse m du milieu, divisé par cette masse m : D a = E/m Indique combien d énergie par kilogramme de matière le rayonnement cède à la matière lors de son passage. Indépendante de la nature du rayonnement et de la nature du milieu irradié. Unité : Gray (Gy).
Dose équivalente (D eq ) Elle prend en compte le facteur de qualité du rayonnement lié au TLE (transfert linéique d énergie) du rayonnement. Produit de la dose absorbée par le facteur de pondération W R du rayonnement considéré. D eq = D a. W R Unité : Sievert (Sv).
Dose équivalente (D eq )
Dose efficace (D ef ) Tous les tissus n ont pas la même radiosensibilité. Sensibilité augmente avec : Cellules peu différenciées Cellules dont l activité mitotique est grande et programmée sur une plus longue période. Afin de prendre en compte ce fait, il a été introduit un facteur de pondération tissulairew T.
Dose efficace (D ef )
Dose efficace (D ef ) La dose efficace est la somme des produits des doses équivalentes délivrées à chaque organe par le facteur de pondération tissulaire correspondant D ef = Ʃ (D eq. W R ) Unité : Sievert (Sv)
EFFETS DES RAYONNEMENTS IONISANTS SUR LA MATIÈRE VIVANTE
Introduction Les rayonnements ionisants interagissent avec la matière qu ils traversent ce qui va modifier les propriétés physico-chimiques des atomes de la matière. Ces modifications vont entraîner d autres modifications à différentes échelles de la matière : Molécule Cellule Tissu Organe
Chronologie des effets
Effets moléculaires Le corps humain = 80% d eau Molécule la plus radiosensible de la cellule = ADN. Les modifications physico-chimiques des molécules peuvent survenir sur deux schémas distincts : Ionisation sur un (ou plusieurs) atomes de la molécule : effet prédominant des rayonnements à TLE élevé Altération par les radicaux libres (issus de l ionisation d une molécule d eau de la cellule) : effet prédominant des rayonnements à TLE faible
Effets cellulaires La modification de la chaîne d ADN et d autres molécules présentes dans la cellule peut entraîner deux effets : Mort cellulaire Survie cellulaire La mort cellulaire peut être immédiate ou différée en fonction du taux d altération des molécules de la cellule Les 2 effets entraîneront des effets sur les tissus
Effets cellulaires Plusieurs facteurs font varier la radiosensibilité d une cellule expliquant son aptitude à survivre suite à une irradiation : Phase du cycle lors de l irradiation : + sensible pendant la mitose et la phase G2 Dose reçue, débit de dose et TEL du rayonnement : irradiation forte + mort cellulaire - survie cellulaire Dose reçue en une ou plusieurs fois : + de survie si exposition en plusieurs temps Présence/Absence d oxygène : présence d oxygène augmente la mort cellulaire Type cellulaire : cellules indifférenciées plus sensibles
Effets tissulaires Les effets d une irradiation sur les tissus vont dépendre de La nature des cellules le composant et de leur radiosensibilité. Du volume du tissu irradié : tout le tissu ou seulement une partie D une éventuelle réserve fonctionnelle De l architecture du tissu
Effets sur les organes Deux types d effets possibles : déterministes et stochastiques Effets déterministes sont liés à la mort cellulaire dans les tissus. Effets stochastiques sont liés aux altérations dans les cellules qui vont survivre.
Effets déterministes Ils surviennent dans le cas de forte doses reçues en une seule fois : augmentation de la mort cellulaire Ils sont précoces : immédiats ou après une courte phase de latence (maximum quelques semaines) Ils se produisent quand la dose reçue dépasse un seuil de déclenchement Ils sont d autant plus graves que la dose est élevée Ils sont variables d un individu à un autre
Effets stochastiques Ils sont liés aux faibles doses reçues tout au long de la vie : survie cellulaire avec potentiellement des cellules mutées. Ils sont tardifs : plusieurs années avant découverte Il n existe pas de seuil reconnu pour ces effets Leur probabilité de survenue augmente avec la dose reçue mais leur gravité est indépendante de la dose Ils sont variables d un individu à un autre
LA CELLULE CANCÉREUSE
Une cellule devient cancéreuse lorsqu elle échappe aux contrôles du cycle cellulaire et de l environnement. Elle n obéit plus qu à son propre programme de multiplication et se divise de façon continue. Elle forme une tumeur. Elle peut parfois quitter son lieu d origine pour aller coloniser d autres organes, qui s altèrent rapidement et deviennent non fonctionnels (métastase).
De la cellule à la tumeur
LE TRAITEMENT DU CANCER
Le traitement du cancer Le principe est de détruire le cancer en limitant les effets secondaires dûs au traitement Effet négatif : effets secondaires dûs au(x) traitement(s) Effet positif : destruction des cellules cancéreuses
Plusieurs outils de traitement Le cancer peut être traité par 3 méthodes qui peuvent être combinées selon les besoins pour plus d efficacité
Chirurgie Traitement local du cancer : retrait de la tumeur, et éventuellement des ganglions correspondants et/ou des éventuelles métastases. Traitement principal des tumeurs dites solides. Peut être utilisée seule ou en combinaison avec d'autres traitements.
Chirurgie En traitement unique pour les formes localisées de cancers, découverts à un stade précoce. Objectif : guérir le cancer par ce seul geste, quand l'ablation totale de la tumeur est possible et qu on peut établir qu'elle ne s'est propagée ni localement ni ailleurs dans le corps.
Chirurgie La chirurgie est souvent associée à d'autres modalités de traitement, telles que la radiothérapie et la chimiothérapie Réalisées avant la chirurgie (néo-adjuvantes ou préopératoires) : pour faire diminuer la taille de la tumeur afin d'en faciliter l'ablation. Prescrites après la chirurgie (adjuvantes ou post-opératoires) : pour éliminer les cellules cancéreuses qui seraient encore présentes pour limiter le risque de récidive.
Chimiothérapie Traitement systémique du cancer : agissant partout dans le corps, y compris sur des cellules cancéreuses éventuelles non décelables par les examens réalisés lors du bilan diagnostique. Traitement médicamenteux devant être le plus ciblé possible. Cependant, le traitement agira également sur les cellules saines d où l apparition d effets secondaires
Chimiothérapie Plusieurs types de médicaments peuvent être utilisés : alkylants, anti-métabolites, antimitotiques, antibiotiques, hormonaux Le type de médicaments est choisi par le médecin en fonction : du cancer (évolution, localisation, ) du patient (antécédents, âge, ) des effets secondaires connus du traitement
Chimiothérapie Elle est souvent associée à d'autres modalités de traitement, telles que la radiothérapie et la chirurgie Adjuvante : réalisée juste après une chirurgie ou un traitement de radiothérapie Concomitante : réalisée en même temps que le traitement de radiothérapie. Un traitement de curiethérapie peut également y être ajouté.
Chimiothérapie La concomitance a pour but de renforcer l action de chacun des traitements. La chimiothérapie peut détruire les cellules cancéreuses, mais elle les rend aussi plus sensibles aux rayonnements et les empêche de se reproduire : augmentation de l effet d apoptose.
RADIOTHÉRAPIE
Définition Traitement local du cancer But : délivrer suffisamment de rayonnements à la tumeur pour la détruire sans irradier le tissu sain à une dose qui entraînerait des complications sérieuses (morbidité)
Efficacité du traitement Le rapport thérapeutique du traitement par radiothérapie varie avec de nombreux facteurs dont : Le débit de dose lors de l irradiation Le TEL du rayonnement La présence de radio-sensibilisateurs ou de radio-protecteurs La conception du plan de traitement (balistique) La précision de l exécution du plan de traitement
Etapes d un traitement de radiothérapie Consultation de première fois avec le radiothérapeute Prescription médicale du traitement de radiothérapie Scanner de Centrage Contourage Dosimétrie Réalisation des séances d irradiation et suivi médical Suivi médical post-irradiation
Conception du plan de traitement Avant tout traitement, une dosimétrie doit être calculée pour répartir au mieux la dose délivrée au patient. Cette dosimétrie permet de déterminer précisément les paramètres d irradiation à utiliser : Angulation du bras de l accélérateur de particules Position de chaque lame du collimateur Type et énergie du rayonnement
Fonctionnement d un accélérateur linéaire de particules 1. Canon à électrons : produit les électrons du faisceau 2. Section accélératrice : donne aux électrons l énergie désirée 3. Système de déviation : met le faisceau d électrons à la verticale 4. Barillet : interpose dans le faisceau un filtre en fonction du type de rayonnements souhaité (rien = électrons; cible = rayons X; système d éclairage = simulation lumineuse) 5. Chambre d ionisation : contrôle le faisceau 6. Collimateur : met en forme le faisceau
Principe de fonctionnement d un collimateur multi-lames
Facteur temps Le temps est un facteur très important d un traitement de radiothérapie. En radiothérapie de fortes doses sont administrées au patient. Pour éviter autant que possible les effets secondaires, il est donc très important de: Fractionner la dose : définir la dose par séance Étaler la dose : définir la durée totale du traitement (le nombre de séances à réaliser).
Facteur temps Le fractionnement et l étalement permettent une réparation partielle des lésions produites à chaque séance. Les cellules cancéreuses ont un cycle mitotique plus rapide que les cellules saines mais un système de réparation moins efficace. Pendant le temps entre chaque séance les cellules saines se régénéreront plus que les cellules cancéreuses.
Facteur temps
Facteur temps Le fractionnement et l étalement permettent d augmenter l effet des rayonnements sur la tumeur et de préserver au mieux les tissus sains. En radiothérapie, le fractionnement et l étalement standard sont les suivants : 2 Gy/jour 5 jours/semaine 2 à 7,5 semaines de traitement
Facteur temps Le fractionnement et l étalement sont définis par le médecin radiothérapeute dans la prescription médicale. Ils peuvent être différents du standard pour prendre en compte certains facteurs : Etat du patient Type de cancer Type de traitement Localisation de la tumeur
Facteur temps Fractionnement accéléré ou hypo-fractionnement : + de dose/séance et moins de séance Raisons diverses : patient mal en point, âgé, algique, traitement palliatif, cancer du sein sur patiente âgée avec bon pronostic Bi-fractionnement : 2 séances d environ 1Gy/jour Exemples : irradiations corporelles totales, cancer de la vessie Hyper-fractionnement : 1 séance/jour et dose inférieure à 2 Gy/séance Exemples : sur organes très radiosensibles (foie, digestif ) Type de traitement peu fréquent
Contourage Suite au scanner de centrage (qui permet de localiser précisément la tumeur), le médecin radiothérapeute va contourer la tumeur et les volumes adjacents, afin que l équipe de physique puisse ensuite réaliser la planification du traitement (aussi appelé dosimétrie)
Contourage Les volumes à contourer sont : Tumeur Marges de sécurité autour de la tumeur si nécessaire Organes à risques (à éviter autant que possible)
Dosimétrie La dosimétrie va se dérouler en deux étapes. Il faut d abord choisir le type et l énergie du rayonnement utilisés Il faut ensuite définir le positionnement des différents faisceaux permettant de traiter au mieux les volumes définis par le radiothérapeute. La dosimétrie sera validée par le physicien ET le radiothérapeute avant le début du traitement.
Choix du type et de l énergie du rayonnement Selon le cancer (localisation, profondeur, taille) le type et l énergie du rayonnement doit être adapté. Un accélérateur linéaire de particules peut délivrer 2 types de rayonnement : Electrons Photons Pour chaque type de rayonnement, plusieurs énergies sont possibles.
Choix du type et de l énergie du rayonnement Utilisation des photons : pour des zones à traiter qui s étalent sur la profondeur. Utilisation des électrons : pour des zones à traiter peu étendues en profondeur. Dans certains traitements les deux rayonnements seront utilisés successivement, photons puis électrons
Choix du type et de l énergie du rayonnement L énergie du rayonnement est choisie en fonction de la localisation tissulaire de la tumeur et particulièrement de sa profondeur Plus l énergie du rayonnement est grande plus l énergie sera déposée en profondeur
Choix du type et de l énergie du rayonnement Courbe de variation des rendements en profondeur dans l eau pour diverses énergies de photons Courbe de variation des rendements en profondeur dans l eau pour diverses énergies d électrons
Calcul des faisceaux de traitement L ordre de la planification change selon la technique appliquée: Radiothérapie conformationnelle : Méthode où les mouvements du bras et du collimateur sont statiques, les différents faisceaux sont mis en place successivement par l opérateur Planification classique Radiothérapie VMAT/IMRT : Méthode où les mouvements et du collimateur sont dynamiques et automatisés Planification inverse
Calcul des faisceaux de traitement Planification classique : Le physicien définit les faisceaux qui lui paraissent correspondre le mieux au traitement demandé. Le système calcule les résultats avec les faisceaux indiqués. Le physicien peut ensuite retravailler les faisceaux pour améliorer les résultats : donner plus de dose dans certains volumes et diminuer la dose pour les organes à risques.
Calcul des faisceaux de traitement Planification inverse : Le physicien définit les résultats souhaités (dose maximale pour les organes à risques, dose pour la tumeur ). Le système de calcul propose des faisceaux permettant de respecter les contraintes indiquées. Le physicien peut ensuite ajouter des contraintes supplémentaires pour affiner le calcul des faisceaux.
Calcul des faisceaux de traitement
Effets secondaires Lors du traitement des effets secondaires peuvent intervenir liés aux doses reçues malgré l étalement et le fractionnement : Rougeurs et irritations de la peau Effets indésirables au niveau des muqueuses Après le traitement des effets secondaires peuvent également intervenir liés aux effets stochastiques des rayonnements: Cancer secondaire radio-induit Problèmes génétiques (stérilité)