Potentiel fourrager d un mélange de graminées

Documents pareils
Produire avec de l'herbe Du sol à l'animal

L ensilage de maïs en Ardenne? D un point de vue alimentaire. Isabelle Dufrasne Ferme expérimentale Service de Nutrition FMV Université de Liège

ÉCONOMIQUES OU PAS LES FOURRAGES, FAUDRAIT SAVOIR!

QUOI DE NEUF DANS LE NOUVEAU NRC?

AVEZ-VOUS PENSÉ À L ALIMENTATION À LA DÉROBÉE?

CAPRINS LAITIERS + BOVINS VIANDE ENSILAGE DE MAÏS

les cinq étapes pour calculer les jours d avance

Sorgho grain sucrier ensilage L assurance sécheresses

Le séchage en grange du foin à l énergie solaire PAR MICHEL CARRIER AGR. CLUB LAIT BIO VALACTA

Valérie Roy-Fortin, agr. Bio pour tous! - 6 mars 2015

RÉSULTATS DE L OBSERVATOIRE TECHNICO-ÉCONOMIQUE DU RAD Synthèse Exercice comptable 2010

ACTION N 1 Réseau d élevages bovins laitiers en Agrobiologie

Moyens de production. Engrais

Grandes cultures Engrais liquides ou granulaires?

Guide sur la régie du maïs ensilage BMR

Évaluation du potentiel du semis direct en agriculture biologique au Québec : construction d un «rouleur-crêpeur de couvre-sols» et essais à la ferme

Une espèce exotique envahissante: Le Roseau commun. ou Phragmites australis

Contexte : Objectif : Expérimentation :

Conventions de calcul pour la réalisation des cas types en agriculture biologique

LUTTE CONTRE LES ADVENTICES ANNUELLES QUI POSENT PROBLÈME. Période d application. Pré-levée ou sur adventice jeune (FA < 3 f)

En zones herbagères, un système spécialisé lait, tout herbe

RESULTATS DE L ESSAI VARIETES D ORGES D HIVER EN AGRICULTURE BIOLOGIQUE CAMPAGNE

Comment utiliser les graines de soja à la cuisine

Maïs Inoculants LE CATALOGUE PIONEER 2015

«Cette action contribue au PNNS». À CHÂTEAU THIERRY

UNE MEILLEURE CONNAISSANCE

DAIRYMAN aux Pays-Bas

FAIRE DU BON FOIN POUR LES CHÈVRES!


mon maïs fourrage, (GNIS) rassemble toutes les parties prenantes de la filière semences française, soit 72 entreprises de sélection,

Les objectifs du règlement sur l utilisation des engrais et des pesticides sont de :

Rotations dans la culture de pomme de terre : bilans humiques et logiciel de calcul

TCS, strip-till et semis direct

Systèmes bovins laitiers en Poitou-Charentes

LIVRET D AMENAGEMENT. VetAgro Sup, agro campus de Clermont Ferrand

Fiche Technique. Filière Maraichage. Mais doux. Septembre 2008

Besoins de recherche et de transfert en agriculture biologique Horizon 2016

Partie V Convention d assurance des cultures légumières

Bien choisir sa variété de maïs ensilage

Evaluation de cépages résistants ou tolérants aux principales maladies cryptogamiques de la vigne

NOP: Organic System Plan (OSP) / EOS: Description de l Unité Information et documents requis

Revenu agricole 2013 : une année délicate pour les productions céréalières

Applicable à partir de l année d assurance 2015 Assurance récolte - Sauvagine Section 12,3 - Expertise

Fertiliser le maïs autrement

FICHE TECHNIQUE SUR LA FERTILISATION DE LA PASTEQUE

La vie du sol : «Les racines de la fertilité de vos cultures»

Ne laissez pas le mauvais temps détruire le fruit de votre travail!

STRATEGIES DE CONDUITE DE L IRRIGATION DU MAÏS ET DU SORGHO DANS LES SITUATIONS DE RESSOURCE EN EAU RESTRICTIVE

Fiche Technique. sur l itinéraire de fertilization de la Pomme de terre. (Solanum tuberosum L.) au Cameroon

Un expérience pluridisciplinaire de l intensification écologique en Agriculture Familiale

Adaptation Aux changements climatiques. Agriculture et sécurité alimentaire: Cas du Burkina Faso

Yves PYTHON 1, Sylvain MORVAN 2 et Dominique TRISTANT 2, Ferme expérimentale de AgroParisTech - Août 2013

4. Verdissement, une PAC plus verte

Pour en savoir plus sur la

Qualités nutritives des salades. DOSSIER SPéCIAL BIO F R C magazine FéVRIER 2010 N O 25. Quand la météo s en mêle

Les marchés à terme, plus d une raison de s y intéresser

Influence du changement. agronomiques de la vigne

Informations techniques sur la culture de l ananas

Désherbage maïs. Synthèse Présentation des essais. Le protocole

Définition des variables présentées dans le RICA

OUVERT02 - Maintien de l ouverture par élimination mécanique ou manuelle des rejets ligneux et autres végétaux indésirables Sous-mesure :

Ray-grass anglais auto-regarnissant

L intérêt technico-économique. avec simulations à l'appui

Résumé du suivi phytosanitaire du canola au Centre-du-Québec de 2009 à 2011

CENTRE DE RECHERCHE EN SCIENCES ANIMALES DE DESCHAMBAULT. Plan HACCP bœuf qualité plus pour les bovins de boucherie

Elevage de chevaux de trait Comtois spécialisé en circuit de vente directe Vente de poulains finis 8 à 12 mois

Maïs grain irrigué. Synthèse variétale 2014

CONGRES REGIONAL CTA/ ATPS DE LA JEUNESSE EN AFRIQUE


Semis direct du maïs

Placettes vers de terre. Protocole Fiche «Description spécifique» Fiche «Observations»

Environnement, économie, société : le maïs sur tous les fronts

Traits fonctionnels : concepts et caractérisation exemples des prairies Marie-Laure Navas, Eric Garnier, Cyrille Violle, Equipe ECOPAR

10 en agronomie. Domaine. Les engrais minéraux. Livret d autoformation ~ corrigés. technologique et professionnel

Guide pour une PELOUSE IMPECCABLE OBTENEZ L AVANTAGE

COMMENTAiRES/ DECISIONS

Préface. Betterave fourragère, un concentré de fourrage

CHAPITRE 8 PRODUCTION ALIMENTAIRE ET ENVIRONNEMENT

Plan d action Gentianella germanica (Willd.) Börner

Évaluation du potentiel de la filière des granules combustibles fabriqués à partir des cultures pérennes TABLE DES MATIÈRES

NORHUIL. Un circuit court pour un produit de qualité. Les Hamards PASSAIS LA CONCEPTION

Techniques agronomiques innovantes de la conduite du maïs fourrage

Table des matières Introduction Chapitre*1*:*De*la*matière*sérieuse Chapitre*2*:*Clair*comme*de*l eau*de*roche

DIAGNOSTIC DE DURABILITE du Réseau Agriculture Durable

* Extraits d'un entretien effectué dans le Karyassa 'supres de membres d'un clan Tamashek, les Kel Taddak. Document présenté par Etienne Le Roy.

Assemblée Générale ASSOCIATION DES MAIRES RURAUX DU PUY-de-DÔME. La nouvelle règlementation Nutrition pour les cantines scolaires

ANR ESCAPE Changements environnementaux et sociaux en Afrique : passé, présent et futur.

Dans la pratique agricole tunisienne, les fourrages pluriannuels sont peu utilisés

L EAU POTABLE : COMMENT LA PRÉSERVER Bien que l eau soit une ressource renouvelable, il ne faut pas pour autant la gaspiller. Les Québécois sont les

La culture de la vigne au Québec; Tout ce dont vous devez savoir.

Tâche : Comparer l étiquette de produits alimentaires afin de connaître leur valeur nutritive.

COMPTE RENDU. Journée semis direct dans le Béarn

BILAN HYDRIQUE ET BESOIN D IRRIGATION DE LA CEREALICULTURE EN REGION SEMI-ARIDE.

ANCRÉ PAR NOS RESSOURCES

Anne Vanasse, agr., Ph.D. Université Laval. Le chapitre 3. Les rédacteurs

FICHE TECHNIQUE AGRICULTURE BIOLOGIQUE Rotation. Préparation du sol. Semis

La culture de la fraise à jours neutres

AVERTISSEMENT PREALABLE

en grandes cultures Le «Guide des pratiques de conservation en grandes cultures» est disponible au coût

Transcription:

Potentiel fourrager d un mélange de graminées Denis Ruel, agr. Conseiller en gestion MAPAQ Centre-du-Québec http://www.agr.gouv.qc.ca Pour commentaires : denis.ruel@agr.gouv.qc.ca Révisé le 2 juillet 2003 INTRODUCTION Depuis quelques années, un certain nombre d entreprises agricoles de la région utilisent des mélanges fourragers constitués uniquement de graminées. La plupart de ces entreprises recherchent une solution de rechange pour pallier à leur insatisfaction face à la luzerne, ou d autres plus chanceux veulent plutôt se constituer une réserve de bon foin de graminées pour les vaches taries. Les Bureaux de renseignements agricoles de Nicolet et de Pierreville, en collaboration avec M. Alain Fournier, agronome, conseiller régional en production animale au MAPAQ (Bois-Francs) avons suivi le comportement d un de ces mélanges de graminées à la deuxième année d établissement. Celui-ci était composé de dactyle, ray-grass et alpiste roseau pour 1/3 chacun lors de l ensemencement. Ce suivi a été réalisé sur des entreprises laitières de la région du Centre-du-Québec à l été 1994. L objectif était donc d évaluer la valeur nutritive de ce mélange pendant les deux premiers cycles de végétation (2 premières coupes) et son rendement fourrager en comparaison avec une prairie de luzerne-mil également à sa deuxième année d établissement. DESCRIPTION ET CARACTÉRISTIQUES DES ESPÈCES FOURRAGÈRES Au Québec, les recommandations pour l ensemencement de prairies sont généralement basées sur un mélange simple d une graminée avec une ou deux légumineuses selon l objectif poursuivi. Parmi les avantages de l utilisation d un mélange fourrager, on a la possibilité d avoir des champs productifs sur une plus longue période (une espèce plus rustique pouvant

prendre le relais d une autre qui pourrait disparaître) et maintenir une bonne qualité de fourrage (présence de légumineuses avec des graminées). Par contre, les mélanges fourragers peuvent compliquer la stratégie de coupe reliée au stade de maturité optimale pour chacune des espèces présentes. Également la présence de graminées et de légumineuses dans un même champ rend plus difficile le contrôle des différentes mauvaises herbes. Les points à considérer dans le choix des espèces fourragères à implanter sont : le type et l utilisation des prairies à faire (pâturage, prairie de courte ou de longue durée), le type de sol (drainage et égouttement, texture et fertilité, ph, etc.), la zone climatique, leur vitesse et leur facilité d établissement et évidemment leur rendement et leur valeur alimentaire. Pour cela, il est indispensable au départ de se référer aux caractéristiques des différentes plantes fourragères. Vous trouverez donc aux tableaux 1 et 2 les principales caractéristiques et les comparables des différentes espèces impliquées dans notre présente étude. Potentiel fourrager d un mélange de graminées 1

Tableau 1 : Caractéristiques des différentes espèces fourragères Espèces Avantages Inconvénients Fléole des prés (mil) Dactyle Alpiste roseau Raygrass vivace Luzerne Très rustique Tolère excès d eau et sol acide Adaptée à la production de foin Bonne appétence Bonne gamme de précocité et offre peu de compétition à la légumineuse associée Établissement rapide et facile Bonne tolérance à la sécheresse Regain rapide et bonne pousse estivale Tolère bien les sols mal drainés et sujets à inondation Tolère sol acide Rusticité excellente Très bonne résistance à la sécheresse Implantation rapide Bonne qualité fourragère Bonne repousse si humidité suffisante Bonne pousse estivale Potentiel de rendement excellent Peu exigeante en fertilisation azotée Très bonne qualité fourragère Bonne vitesse d établissement Modérément lente à s établir Sensible à la sécheresse Appétence et qualité faibles après le stade épiaison Très compétitive pour les autres espèces (légumineuses) Rusticité moyenne Sensible aux excès d eau et au froid hivernal Appétence et qualité diminuent rapidement après épiaison Établissement lent Appétence et qualité faibles après le stade épiaison Regain moyen et peu de repousse automnale Tolère mal sécheresse et chaleur Concurrence forte Rusticité très faible sous les conditions du Québec Sensible au mauvais égouttement Faible tolérance à l acidité Remarques botaniques particulières* Alternative et remontante Tige ronde Panicule en forme d épi très dense Tige plate Non alternative et non remontante Non alternative et non remontante Tige ronde Non alternative et non remontante Tige un peu aplatie Feuille vert éclatant Légumineuse (fixatrice d azote) Alternative et remontante Adapté de Michaud et surprenant, Colloque plantes fourragères 1988. * Une plante alternative et remontante est une plante qui produit une inflorescence l année du semis (alternative) et qui peut le faire plusieurs fois par an, c est-à-dire après chacune des coupes (remontante). Potentiel fourrager d un mélange de graminées 2

Tableau 2 : Comparaison entre différentes espèces fourragères Luzerne Fléole Dactyle Alpiste Ray-grass roseau vivace Rendement +++ ++ ++ ++ ++ Implantation rapidité ++ + ++ +++ Tolérance au mauvais drainage Tolérance l acidité à ++ +++ + +++ ++ +++ +++ Repousse +++ + +++ ++ ++ Persistance ++ +++ ++ +++ Besoin de fertilisation azotée +++ ++++ ++++ +++ Adapté de Michaud et Surprenant, Colloque plantes fourragères 1988. OBSERVATIONS ET COMMENTAIRES Pour suivre l évolution de la valeur alimentaire, nous avons délimité une parcelle rectangulaire suffisamment grande pour prendre un échantillon deux fois par semaine sur une période de quatre semaines. Pour la première coupe, cette période s est étalée du 24 mai au 17 juin (stade végétatif jusqu à floraison avancée) et pour la deuxième coupe du 5 juillet jusqu au 29 juillet. Le rendement fourrager quant à lui a été déterminé à partir du rendement réel récolté par l entreprise et/ou à partir d un échantillonnage représentatif dans tout le champ ; là aussi une analyse alimentaire a été faite. Dans les quatre champs du mélange de graminées, le dactyle était l espèce dominante à plus de 70 % en moyenne et ce, tant au niveau de la première que de la deuxième coupe. Il y avait un peu de ray-grass vivace ( 10 %). L alpiste roseau était présent ici et là et plus particulièrement dans les zones plus humides du champ lorsque les autres espèces avaient eu de la difficulté. Dans un des champs, il y avait 40 à 60 % de dactyle, le restant étant surtout du chiendent avec un peu de pâturin. Pour sa part la luzerne dominait dans les prairies luzerne-mil, son taux ayant varié de 60 à 80 %, le restant étant surtout du mil. À la lumière des caractéristiques des différentes plantes fourragères mises en cause, il n est pas surprenant d obtenir de tels résultats pour le mélange de graminées. À Potentiel fourrager d un mélange de graminées 3

l année d établissement, le dactyle et le ray-gras étant deux espèces très agressives n ont pas permis à l alpiste roseau de prendre sa place. Pour ce qui est du ray-grass vivace, cette plante n est pas assez rustique sous nos conditions, sa longévité est très variable et ne survit pas l hiver la plupart du temps. Analyse chimique Les figures 1, 2, et 3 à l annexe 1 montrent la variation des principaux éléments nutritifs au cours de la première coupe, nous constatons que les tendances sont les mêmes tant pour le mélange de graminées que pour celui du mélange luzerne-mil. Le niveau d énergie a diminué rapidement avec la maturité du mélange de graminées. La diminution de l énergie a été moins rapide pour le mélange luzernemil. La fibre N.D.F. a augmenté avec la maturité des mélanges. Le mélange de graminées contenait toujours plus de fibre NDF que le mélange luzerne-mil. Le niveau de protéine brute a diminué avec la maturité pour les deux mélanges. Le mélange luzerne-mil a maintenu un niveau de protéine supérieur aux mélanges de graminées tout au long de la période de prélèvement. Les degrés-jours peuvent servir de guide aux entreprises agricoles pour planifier la date la plus propice pour commencer leur récolte afin d obtenir un bon rendement fourrager de qualité. Des études ont été menées antérieurement par le MAPAQ en Estrie, en Mauricie et dans la région de Nicolet et on s entend pour dire que les coupes de foin devraient se situer entre 300 et 400 degrés-jours (base 5 o C). Les données météorologies en 1994 nous indiquent que nous avons atteint les 300 à 400 degrés-jours (base 5 o C) durant la période du 7 au 15 juin pour la station de Nicolet. Cette période varie d une année à l autre, la normale se situe à la fin mai début juin jusqu au milieu de juin. En 1989, l étude dans la région de Nicolet montrait que cette période s était déroulée du 2 au 12 juin. Les producteurs peuvent obtenir les indications concernant les degrés-jours de croissance (5 o C et +) par l entremise de la chronique Agrométéo qui paraît quotidiennement dans «La Terre de chez nous» ou communiquer avec leur Centre de services agricoles. Évidemment, il faut continuer à surveiller la croissance des plantes pour récolter au stade optimal. Pour les graminées, ce stade devrait se situer à la fin montaison début épiaison et pour les légumineuses, le stade serait fin bouton premières fleurs. Les valeurs alimentaires moyennes des deux mélanges fourragers au moment de l atteinte des 300 et 400 degrés-jours sont données au tableau 3. Potentiel fourrager d un mélange de graminées 4

Tableau 3 : Valeurs alimentaires moyennes à 300 et 400 degrés-jours Degrés- Luzerne-mil Mélange graminées jours ENl P.B. A.D.F. N.D.F. ENl P.B. A.D.F. N.D.F. MCal/kg % % % MCal/kg % % % 300 (7 juin) 1,39 20,9 32,0 45,4 1,32 12,9 35,1 63,5 400 (15 juin) 1,30 19,0 35,7 48,0 1,17 10,3 40,2 66,5 À partir de ces valeurs, nous avons estimé le potentiel de production de lait pour chacun des mélanges en utilisant la notion de P.P.R.B. (production permise pour la ration de base) (voir tableau 4). Tableau 4 : P.P.R.B. énergie et protéine des mélanges fourragers à 300 et 400 degrés-jours Degrés- Luzerne-mil Mélange graminées jours Énergie (kg) Protéine (kg) Énergie (kg) Protéine (kg) 300 (7 juin) 15 30 12 14 400 (15 juin) 11 24 7 10 Nous pouvons remarquer pour le mélange luzerne-mil et le mélange de graminées que leur potentiel de production de lait, lorsque récolté au 15 juin(400 degrés-jours), est 4 à 6 kilogrammes inférieurs que si ces mêmes fourragers avaient été récoltés plus tôt soit le 7 juin (300 degrés-jours) et ce, tant sur la base de l énergie que de la protéine. Si on considère que le ratio lait-concentré moyen des fermes du Québec est environ de 3 kilogrammes de lait par kilogramme de concentré, il faudrait donc servir 1,7 kilogramme de plus par vache pour que le fourrage récolté plus tardivement puisse équivaloir à la production permise par le fourrage plus jeune. Ramené sur une base annuelle dans un troupeau de 40 vaches, cela pourrait représenter facilement des coûts d alimentation supplémentaires de 5 000 $ et plus. Il va de soi qu une entreprise laitière, compte tenu des diverses catégories d animaux à soigner, n a pas besoin d avoir seulement des fourrages de légumineuses fait très jeunes. À titre d exemple les vaches taries requièrent un bon foin de graminées dosant environ 12 à 13 % de P.B. avec 1,20 MCal/kg d énergie nette de lactation. De plus, les génisses laitières et vaches de fin lactation ne nécessitent pas autant de protéine que celui contenu dans le fourrage de légumineuses. Qui n a pas de prairies plus vieilles à prédominance de graminées, cela ne veut pas dire de les négliger parce que les légumineuses ont disparu au contraire. On peut voir à partir des données précédentes que même pour faire un bon foin de graminées pour les vaches taries, il faut penser à couper dans la première quinzaine de juin. Potentiel fourrager d un mélange de graminées 5

Dans le suivi des principaux éléments nutritifs pour la deuxième coupe, on a pu observer les mêmes tendances pour la fibre, l énergie et la protéine brute (voir figures 5, 6, et 7 à l annexe 2). J attirerai votre attention sur le comportement du mélange de graminées où celui-ci a eu des variations moins importantes tant au niveau de la fibre N.D.F. que de la protéine brute par rapport au mélange luzerne-mil. Cela peut être expliqué sûrement en grande partie par le fait que le mélange de graminées était composé en majeure partie de dactyle et que cette plante est non remontante (n épie pas après la coupe). Son regain est végétatif sans élongation de la tige, elle fournit une repousse feuillue uniquement. Du côté du contenu en minéraux, les observations ont été les suivantes et ont confirmé nos anticipations à savoir que (voir tableau 5) : plus grande concentration en calcium dans le mélange luzerne-mil ; un peu plus de phosphore dans le mélange de graminées au cours de la deuxième coupe ; un peu plus de magnésium et de potassium dans la luzerne-mil au cours de la première coupe. Les variations du contenu en minéraux au cours des prélèvements tant pour la première que pour la deuxième coupe ont suivi les mêmes tendances pour les deux types de mélange fourrager (voir figures 4 à l annexe 1 et 8 à l annexe 2). La concentration en calcium et en magnésium n a pas de tendance particulière et reste assez stable avec l avancement en maturité des plantes. Légère tendance à la baisse pour le phosphore et la potasse. Tableau 5 : Concentration moyenne des deux types de fourrage 1 re COUPE Mélange graminées luzerne- Mélange mil Mélange graminées luzerne- Mélange mil Calcium (%) Phosphore (%) Magnésium (%) Potassium (%) 0,97 0,34 0,23 3,54 0,30 0,34 0,13 3,38 2 e COUPE 1,14 0,39 0,20 3,67 0,39 0,46 0,20 3,67 Potentiel fourrager d un mélange de graminées 6

Rendement fourrager (voir tableau 6) Les résultats nous indiquent que le mélange luzerne-mil a donné un rendement fourrager total moyen supérieur soit 8 053 kg/ha de matière sèche vs 5 400 kg/ha pour le mélange de graminées. Le mélange de luzerne-mil a produit 2,3 fois plus de protéine à l hectare et 1,6 fois plus d énergie que le mélange de graminées. Tableau 6 : Rendement moyen total en matière sèche, protéine brute et énergie nette de lactation pour chacun des deux mélanges fourragers Mélange Matière Protéine Rendement Énergie / Rendement fourrager sèche totale brute protéique lactation énergie (kg/ha) (%) (kg/ha) (MCal/kg) (kg/ha) Luzerne-mil (2) 8 053 19,0 1 536 1,32 10 645 Graminées (4) 5 400 12,6 680 1,22 6 600 Coût comparatif et valeur relative Dans le tableau 7 qui suit, nous avons fait ressortir les coûts d approvisionnement des deux types de mélange suivis, amortis sur une période de 5 ans. Tableau 7 : Comparaison des frais d approvisionnement pour les deux types de mélange FRAIS DÉBOURSÉS À L HECTARE Mélange luzerne-mil Mélange graminées Approvisionnement : Semences 86 $ 167 $ Fertilisants 550 $ 658 $ Pierre à chaux 60 $ 60 $ Pesticides 39 $ 16 $ Total 5 ans : Corde à presse/an Coût/année 735 $ 22 $ 169 $ 901 $ 16 $ 197 $ Si rendement moyen 5 ans 7 250 kg 5 400 kg Coût par tonne matière sèche 23,31 $ 36,48 $ On constate donc que le coût par tonne de matière sèche revient à 1,6 fois plus élevé pour le mélange de graminées que pour le mélange luzerne-mil. Ce qui fait la différence dans les coûts d approvisionnement, ce sont surtout les frais de semence où le mélange de graminées (ray-grass, dactyle et alpiste) revient à 9,25 $ par kilogramme alors que le mélange luzerne-mil (60-40) est de 5,30 $/kilogramme. Nous avons également déterminé la valeur relative de chacun de ces fourrages à partir de leur analyse moyenne en protéine et en énergie (voir tableau 8). Celle-ci est établie Potentiel fourrager d un mélange de graminées 7

en fonction du prix d un ingrédient riche en énergie (maïs-grain) et d un ingrédient riche en protéines (tourteau de soya). Si les prix retenus du maïs-grain et du tourteau de soya sont respectivement de 140,00 $ et 275,00 $ par tonne métrique, la valeur relative pour le fourrage de luzerne-mil est établie à 140,00 $/tonne métrique alors que celui pour le fourrage du mélange de graminées est de 105,00 $/tonne métrique ou un ratio de 1,34 en faveur du mélange luzerne-mil sur une base énergie et protéine. En pratique, sur cette même base, une tonne de ce foin de luzerne pourrait se transiger à 120,00 $/tonne métrique si le prix du mélange de graminées était de 90,00 $/tonne métrique. Tableau 8 : Valeur relative des aliments Prix ($/t.m.) ENl (MCal/kg) P.B. (%) Valeur relative ($/t.m.) Aliments de référence : maïs-grain tourteau de soya 140 275 1,70 1,81 8,7 49,6 --- --- Aliments à comparer : mélange luzerne-mil mélange graminées 1,20 1,10 16,9 11,4 141 105 Évidemment ces valeurs relatives pourront varier en fonction des aliments choisis comme référence et leur prix. Aussi, nous ne tenons pas compte du contenu en minéraux et vitamines dans notre calcul. La valeur d un fourrage doit être établie par son contenu en éléments nutritifs digestibles et sa capacité à être intégré en grande quantité par les animaux. À la lumière des résultats obtenus et des recherches scientifiques, nous pourrions croire que de ce côté notre mélange luzerne-mil a certes un avantage sur le mélange de graminées. Encore faut-il que celui-ci soit bien conservé lors de l entreposage et utilisé de façon à favoriser sa consommation. CONCLUSION Il ressort donc que le mélange de graminées a eu des performances fourragères moins intéressantes que le mélange conventionnel de luzerne-mil. Il existe un guide de plantes fourragères publié à chaque année au Québec concernant les divers cultivars recommandés pour chacune des espèces fourragères. Vous y trouverez également des informations concernant les caractéristiques de chacune des espèces de même que les mélanges fourragers recommandés selon les objectifs visés. Les entreprises agricoles auraient intérêt à le consulter à chaque année. Potentiel fourrager d un mélange de graminées 8

Il n y a pas de mauvaises espèces fourragères, il faut s assurer de bien les choisir selon leurs caractéristiques en tenant compte des conditions où elles auront à performer. Il faut également se rappeler que lorsqu on décide d utiliser un mélange fourrager de plusieurs espèces, celles-ci doivent être compatibles en terme de vigueur à l établissement et en terme de précocité de maturité. Des espèces trop agressives à l établissement risquent d amener une faible survie des espèces moins compétitives, des semences sont ainsi perdues. L utilisation d un mélange simple d espèces (généralement une graminée avec une ou deux légumineuses qui permet d avoir une régie optimale pour chacune d elles) est la meilleure façon d obtenir des champs produisant une bonne récolte de qualité et à plus ou moins long terme selon l objectif visé nonobstant des conditions de terrain inadapté ou des conditions climatiques exceptionnellement défavorables. Potentiel fourrager d un mélange de graminées 9

Potentiel fourrager d un mélange de graminées 10

Potentiel fourrager d un mélange de graminées 11