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Transcription:

18 JANVIER 2016 S.15.0040.F/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N S.15.0040.F OFFICE NATIONAL DE SÉCURITÉ SOCIALE, établissement public dont le siège est établi à Saint-Gilles, place Victor Horta, 11, demandeur en cassation, représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile, contre BABYLISS FACO, société privée à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Liège (Wandre), avenue de l Indépendance, 25, défenderesse en cassation. I. La procédure devant la Cour

18 JANVIER 2016 S.15.0040.F/2 Le pourvoi en cassation est dirigé contre l arrêt rendu le 12 décembre 2014 par la cour du travail de Liège. Le 9 décembre 2015, l avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe. Le président de section Christian Storck a fait rapport et l avocat général Jean Marie Genicot a été entendu en ses conclusions. II. Le moyen de cassation Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants : Dispositions légales violées - article 14, 1 er, de la loi du 27 juin 1969 révisant l arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs ; - article 19, 2, de l arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en exécution de la loi du 27 juin 1969 révisant l arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs ; - article 82, 3, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail ; - articles 19, 20, 25 et 26 du Code judiciaire ; - articles 6, 2051, 2052 et 2056 du Code civil. Décisions et motifs critiqués L arrêt déclare l appel de la défenderesse recevable et fondé et, réformant le jugement entrepris et statuant par voie de dispositions nouvelles, condamne le demandeur à rembourser à la défenderesse la somme principale de 4.607,67 euros à titre de cotisations sociales indûment payées, majorée des intérêts et des dépens, aux motifs suivants :

18 JANVIER 2016 S.15.0040.F/3 «Monsieur V. W. a droit à son indemnité compensatoire de préavis sur la base de la convention de transaction signée entre les parties dans le strict respect, non seulement de l article 82, 3, mais également de l article 82, 1 er, de la loi du 3 juillet 1978 prévoyant un préavis minimal ; En effet, le droit à l indemnité compensatoire de préavis est déterminé soit par le juge, soit par l accord des parties pour autant que l indemnité compensatoire ne soit pas inférieure au minimum légal ; Le droit du travailleur résulte donc d une décision judiciaire passée en force de chose jugée ou de l accord des parties ; Aux termes de l article 82, 3, de la loi du 3 juillet 1978, aucune hiérarchie n est fixée entre une décision judiciaire non définitive car susceptible d appel et une convention prenant acte de l accord des parties ; Au sens même de l article 2044 du Code civil, la transaction a précisément pour but de mettre un terme définitif et amiable au litige qui oppose monsieur V. W. à la société dans le strict respect de leurs obligations légales, monsieur V. W. ayant effectivement perçu une indemnité compensatoire de préavis respectant l article 82, 1 er et 3, de la loi du 3 juillet 1978, y compris quant à son quantum ; [ ] En effet, la transaction trouve son fondement dans l article 82, 3, de la loi du 3 juillet 1978. Cette transaction reflète la volonté des parties de fixer définitivement le montant de l indemnité compensatoire de préavis en évitant une procédure d appel ; Le jugement du tribunal du travail n était pas passé en force de chose jugée et pouvait, dès lors, faire l objet d un appel ou d une transaction ; Les parties ont décidé de transiger ; Cette transaction prime le jugement du tribunal du travail en vertu de l article 2052 du Code civil puisque la transaction a, entre les parties, l autorité de la chose jugée en dernier ressort ; En application des dispositions légales précitées, la cour [du travail] considère que les cotisations dues par la [défenderesse] doivent être calculées

18 JANVIER 2016 S.15.0040.F/4 sur le montant réellement exigible de six mois et non sur les neuf mois erronément réclamés par [le demandeur]». Griefs En vertu de l article 14, 1 er, de la loi du 27 juin 1969 révisant l arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, les cotisations de sécurité sociale sont calculées sur la base de la rémunération du travailleur et, conformément au paragraphe 2 de cette disposition, la notion de rémunération est déterminée par l article 2 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs. Suivant l article 19, 2, de l arrêté royal du 28 novembre 1969, ces cotisations de sécurité sociale sont aussi calculées sur «les indemnités dues aux travailleurs pour la rupture irrégulière du contrat de travail par l employeur». L article 82 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, dans sa version applicable aux faits, dispose que : «2. Lorsque la rémunération annuelle ne dépasse pas 16.100 euros, le délai de préavis à observer par l'employeur est d'au moins trois mois pour les employés engagés depuis moins de cinq ans. Ce délai est augmenté de trois mois dès le commencement de chaque nouvelle période de cinq ans de service chez le même employeur. Si le congé est donné par l'employé, les délais de préavis prévus aux alinéas 1 er et 2 sont réduits de moitié sans qu'ils puissent excéder trois mois. 3. Lorsque la rémunération annuelle excède 16.100 euros, les délais de préavis à observer par l'employeur et par l'employé sont fixés soit par convention conclue au plus tôt au moment où le congé est donné, soit par le juge. Si le congé est donné par l'employeur, le délai de préavis ne peut être inférieur aux délais fixés au paragraphe 2, alinéas 1 er et 2».

18 JANVIER 2016 S.15.0040.F/5 Monsieur V. W. a été licencié le 6 février 2006 alors qu il avait commencé à travailler pour la défenderesse à partir du 11 juin 1999 (avis de l auditorat général du 24 octobre 2014). Le jugement du tribunal du travail de Gand du 1 er décembre 2008 indique qu il n y a aucune contestation entre les parties sur le fait que monsieur V. W. appartenait à la catégorie des cadres supérieurs visée à l article 82, 3, ci-avant. Le préavis auquel monsieur V. W. avait droit devait donc être fixé par convention entre les parties ou, à défaut, par le juge. En l espèce, à défaut d accord entre les parties, c est précisément le tribunal du travail de Gand qui, dans son jugement du 1 er décembre 2008, a arrêté à neuf mois la durée du préavis à laquelle monsieur V. W. a droit. Le jugement du 1 er [décembre] 2008 n a certes pas été signifié mais il n en est pas moins un jugement définitif pour autant, dans la mesure où il épuise la juridiction du juge sur la question litigieuse de la durée du préavis à accorder à monsieur V. W. à la suite de son licenciement pour motif grave (article 19 du Code judiciaire). Toute décision définitive a, dès son prononcé, l autorité de la chose jugée et celle-ci subsiste tant que la décision n a pas été infirmée (articles 25 et 26 du Code judiciaire). Aux termes de l article 20 du Code judiciaire, les voies de nullité n ont pas lieu contre les jugements. Ceux-ci ne peuvent être anéantis que sur les recours prévus par la loi. Le jugement du 1 er décembre 2008 décide qu une indemnité compensatoire de préavis correspondant à une durée de neuf mois est due par la société à monsieur V. W. Ce jugement n a pas été anéanti. Les parties ont certes conclu ultérieurement une transaction en vertu de laquelle monsieur V. W. accepte de renoncer à une partie de l indemnité compensatoire qui lui est due et de réduire celle-ci à six mois.

18 JANVIER 2016 S.15.0040.F/6 En vertu de l article 2052 du Code civil, cette transaction a certes, entre la défenderesse et monsieur V. W., l autorité de la chose jugée en dernier ressort, mais la question dont était saisie la cour du travail n était pas celle de l effet de pareille transaction entre ces parties mais, exclusivement, celle de la base de calcul des cotisations de sécurité sociale au regard de l article 14, 1 er, de la loi du 27 juin 1969 et de l article 19, 2, de l arrêté royal du 28 novembre 1969, dispositions d ordre public. Or, en vertu de l article 19, 2, de l arrêté royal du 28 novembre 1969, ces cotisations de sécurité sociale sont calculées sur «les indemnités dues aux travailleurs pour la rupture irrégulière du contrat de travail par l employeur» et l article 82, 3, de la loi du 3 juillet 1978 dispose que les délais de préavis à observer par l employeur et par l employé sont fixés soit par convention conclue au plus tôt au moment où le congé est donné, soit par le juge. Si, comme l énonce l arrêt, «aux termes de l article 82, 3, de la loi du 3 juillet 1978, aucune hiérarchie n est fixée entre une décision judiciaire non définitive car susceptible d appel et une convention prenant acte de l accord des parties», il n en demeure pas moins que, lorsque le délai de préavis à observer par l employeur est fixé par le juge parce qu il n y a pas d accord entre les parties, c est ce jugement qui est constitutif du droit de l employé d obtenir l indemnité compensatoire correspondante. En principe, c est donc sur ce montant que doivent être calculées les cotisations sociales. Or, ce montant a été arrêté par jugement et celui-ci n a pas été réformé : dans la transaction conclue postérieurement, la [défenderesse] renonce même à demander la réformation de ce jugement. Dans cette transaction du 2 avril 2009, les parties s accordent certes sur le paiement d une indemnité plus réduite et cette transaction a entre elles l autorité de la chose jugée en dernier ressort. Mais il demeure que, vis-à-vis du demandeur et en vue du calcul des cotisations sociales, le jugement du 1 er décembre 2008 a décidé de manière définitive que monsieur V. W. avait droit à une indemnité compensatoire de

18 JANVIER 2016 S.15.0040.F/7 préavis de neuf mois et que les parties ont même renoncé à interjeter appel de cette décision, ce qui en consacre le caractère définitif. En cette matière, la défenderesse et monsieur V. W. pouvaient certes transiger entre eux sur les conséquences du jugement qui, en application de l article 82, 3, de la loi du 3 juillet 1978, a fixé l indemnité de préavis due par l employeur et sur la base de laquelle doivent alors obligatoirement être calculées les cotisations de sécurité sociale. Mais, si la fixation de l indemnité par l accord des parties doit être privilégiée, à partir du moment où le juge a arrêté celle-ci, précisément parce que les parties ne s accordaient pas, c est cette décision qui doit primer un accord ultérieur des parties lorsque la décision du juge n est pas anéantie ou réformée. Il en va d autant plus ainsi lorsque, comme en l espèce, le demandeur n est pas partie à cet accord, lequel ne lui est donc pas opposable (article 2051 du Code civil). Vainement, l arrêt oppose-t-il que, selon l article 2056 du Code civil, une transaction sur un procès terminé par un jugement passé en force de chose jugée est valable à la seule condition que toutes les parties au jugement aient eu, comme en l espèce, connaissance de celui-ci. Comme il est exposé ci-dessus, une telle transaction est licite entre les parties mais elle n est pas opposable au demandeur. Les parties pouvaient par une transaction remettre en cause entre elles l exigibilité de l indemnité compensatoire de préavis fixée par le jugement du tribunal du travail de Gand mais cette transaction ne peut avoir pour effet de diminuer le montant des cotisations sociales dues sur l indemnité compensatoire de préavis fixée par ce jugement. Plus précisément, la défenderesse et le sieur V. W. pouvaient transiger à propos du litige les opposant et auquel le demandeur n était pas partie mais ne pouvaient pas transiger à propos du montant des cotisations sociales dues au demandeur en conséquence du jugement du tribunal du travail de Gand. Autrement dit, si la transaction conclue entre la défenderesse et le sieur V. W. a l autorité de la chose jugée entre eux, elle n est pas opposable [au

18 JANVIER 2016 S.15.0040.F/8 demandeur] et n a aucune autorité de chose jugée à son égard (articles 2051 et 2052 du Code civil). En outre, en vertu de l article 6 du Code civil, on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l ordre public. Le jugement non réformé qui a fixé, conformément à l article 82, 3, précité, le montant sur la base duquel doivent être calculées les cotisations sociales vaut loi d ordre public et ne peut partant être réformé par une transaction. Il en résulte qu en décidant que la transaction signée le 2 avril 2009 entre la défenderesse et monsieur V. W. prime le jugement du tribunal du travail de Gand du 1 er décembre 2008 pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, l arrêt viole l article 14, 1 er, de la loi du 27 juin 1969 et l article 19, 2, de l arrêté royal du 28 novembre 1969, qui imposent le calcul des cotisations de sécurité sociale sur l indemnité de préavis due par l employeur à l employé, ainsi que l article 82, 3, de la loi du 3 juillet 1978, qui précise qu à défaut de convention entre les parties, conclue au plus tôt au moment où le congé est donné, le délai de préavis à observer par l employeur est fixé par le juge, de même que les articles 19, 20, 25 et 26 du Code judiciaire, dès lors qu en l espèce, le juge a précisément, à défaut d accord entre les parties, fixé à neuf mois par jugement du 1 er décembre 2008 le délai de préavis à observer par la défenderesse et que ce jugement conserve son autorité de chose jugée dans la mesure où il n a été ni infirmé ni anéanti. De plus, en considérant comme opposable [au demandeur] et ayant l autorité de la chose jugée à son égard la transaction conclue entre la défenderesse et le sieur V. W., l arrêt viole tant les articles 2051, 2052 et 2056 du Code civil que l article 6 de ce code. III. La décision de la Cour Lorsque, après qu a été rendue sur leur différend une décision définitive qui est encore susceptible d appel, des parties litigantes concluent pour terminer cette contestation une convention par laquelle elles renoncent, l une à des droits que lui reconnaît cette décision, l autre à celui d en relever appel,

18 JANVIER 2016 S.15.0040.F/9 l existence de leur transaction s impose aux tiers, qui sont tenus de reconnaître les effets qu elle produit entre les parties contractantes. Il s ensuit que, si, en vertu de l article 2051 du Code civil, la transaction ne fait naître qu au profit des parties le droit de s opposer à la réitération du litige, les tiers ne peuvent plus prétendre que les droits de celles-ci ou de l une d elles sont fixés par le jugement ensuite duquel la transaction a été conclue. Dès lors que l objet de cette convention n excède pas les choses dont on peut disposer, la circonstance que les droits dont se prévalent les tiers intéressent l ordre public n affecte pas leur obligation de respecter les effets externes de la transaction. Le moyen, qui repose sur le soutènement contraire, manque en droit. Par ces motifs, La Cour Rejette le pourvoi ; Condamne le demandeur aux dépens. Les dépens taxés à la somme de trois cent nonante-huit euros vingt-deux centimes envers la partie demanderesse. Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Didier Batselé, Martine Regout, Mireille Delange et Marie-Claire Ernotte, et prononcé en audience publique du dix-huit janvier deux mille seize par le président de section Christian Storck, en présence de l avocat général Jean Marie Genicot, avec l assistance du greffier Patricia De Wadripont.

18 JANVIER 2016 S.15.0040.F/10 P. De Wadripont M.-Cl. Ernotte M. Delange M. Regout D. Batselé Chr. Storck