FICHE PRATIQUE 1 LE FONCTIONNEMENT D UNE COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES : ETUDE DE CAS SUR L ADOPTION DE LA LOI SENEGALAISE SUR LE DROIT D AUTEUR ET LE DROIT VOISIN Les Parlements ont pour fonction d assurer la représentation du peuple et de mettre en œuvre un processus délibératif conduisant, entre autres, à l adoption de textes. Cela suppose, outre les débats et les votes en séance plénière, l existence d organes d instruction et de préparation du travail législatif et des décisions à adopter. Parmi ces instances se trouvent les commissions. Partout, le travail en séance a été préalablement préparé, instruit, par un organe certes collégial mais plus restreint, qu il s agisse d une des commissions permanentes ou d une commission ad hoc. Le plus souvent, le travail de la commission est facilité par la désignation d un de ses membres à qui est confié, en amont de l examen par la commission elle-même, un mandat d analyse et d instruction, voire d animation du travail et qui se traduit par l élaboration d un rapport 2, même si cette organisation générale est mise en œuvre de manière différente dans l espace francophone. Quant à elle, l Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF) - l Assemblée consultative de la Francophonie - dispose d une «Commission de l Education, de la communication et des affaires culturelles» (CECAC). Celle-ci se réunit deux fois par an pour examiner les questions relatives à l expression culturelle en langue française, à l éducation, à la formation, à la communication, aux technologies de l information et des communications et à l audiovisuel. Elle prépare des résolutions ou recommandations qui sont adoptées par l Assemblée plénière avant d être transmises aux chefs d Etats, de gouvernement ainsi qu aux instances de la Francophonie. Les Etats membres de l espace francophone disposent également de Commissions. L exemple du Sénégal est intéressant à ce titre. Le cas du cheminement qu a suivi la loi 1 Réalisée par 2 Source : http://recueil.apf-francophonie.org/spip.php?article2170 1
sénégalaise sur le droit d auteur et les droits voisins peut en effet apporter un éclairage sur le fonctionnement d une commission des affaires culturelles dans l espace francophone. Le Sénégal dispose de onze commissions permanentes, dont la «Commission de la Culture et de la Communication». Celle-ci traite des questions relatives à la culture, à l information, à la communication et aux télécommunications, aux nouvelles technologies de l information et de la communication (NTIC), aux affaires religieuses et à la coopération culturelle. Comme pour les autres commissions, sa constitution et sa présidence sont définies au prorata et à la taille des groupes politiques. La loi 2008-09 du 25 janvier 2008 sur le droit d auteur et les droits voisins au Sénégal a été adoptée par l Assemblée nationale le 30 décembre 2007 et promulguée le 28 janvier 2008. Cette adoption est l aboutissement d un long processus entamé pour apporter une solution à la précarité sociale des artistes. Il a associé les acteurs culturels, les représentants du peuple à travers la commission en charge des affaires culturelles et le gouvernement. Illustrant l un des principes directeurs de «la Convention UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles» adoptée en Octobre 2005, il s est en partie appuyé sur une démarche participative associant les acteurs culturels à travers l Association des métiers de la musique du Sénégal. Schématisée en 3 étapes, la démarche suivie à cette occasion 3 pourrait être reprise dans d autres pays en l adaptant au contexte parlementaire local et à la dynamique locale du développement culturel. ÉTAPE N 1 : IDENTIFICATION ET DIAGNOSTIC DU PROBLÈME Facteur déclenchant : l accumulation de doléances adressées par les artistes, leurs familles et les acteurs culturels, en général à l Assemblée nationale, relatives au décès dans le total dénuement matériel et financier d artistes célèbres qui ont contribué au rayonnement de leur culturel de leur pays et de l Afrique sont légion. Ceci a généré : 3 D après un entretien de Francisco d Almeida avec Monsieur Ibra Diouf, ancien député au Sénégal, membre de la Commission culture et communication entre 2001 et 2007 2
- La prise de conscience de la contribution des artistes à la vie de la société et de la responsabilité des représentants du peuple de les soutenir pour promouvoir le dynamisme culturel du pays à travers sa vitalité créatrice ; - L élaboration du constat : relatif à la précarité généralisée de la situation sociale et matérielle des artistes et des professionnels de la culture qui ne sont pas membres de la fonction publique ; - Le diagnostic du problème : deux causes a- L importance considérable et dévastatrice de la piraterie des produits culturels et la faiblesse de la culture du droit d auteur empêchent la majorité des artistes et des professionnels de la culture de jouir des fruits de leur travail créatif ; b- L insuffisante prise en considération de la place accordée à la culture par la Constitution 4 ainsi que l obsolescence ou l inadéquation des dispositions législatives aux évolutions technologiques de production et de la diffusion des produits culturels n offrent pas la protection adéquate pour permettre aux artistes et aux créateurs de vivre de vivre de leur travail ; - Modalités de travail utilisées : - Mission d information : consultations des acteurs culturels et de leurs associations représentatives sur la situation et sur ce qu il conviendrait de faire ; et examen des dispositions législatives existantes ; - Interpellations des ministres concernés 5 dans le cadre des Questions d actualité (ceux) ; - Constitution d un groupe de travail et de réunions préparatoires avec les membres de la commission en charge des affaires culturelles. Le but recherché est d informer les députés, en priorité les membres de la Commission culture sur le contexte du dossier, examiner les lois existantes. Il s agit aussi et surtout de construire une compréhension commune du problème identifié, en l occurrence celui de la protection législative des droits des artistes et des professionnels de la culture et la recherche de mesures pour leur protection sociale ; 4 Dans le cas du Sénégal, il s agit de la Constitution de 2001. 5 de la culture, de la justice et de l éducation nationale 3
- Autre modalité possible : mission d enquête associant les différents groupes parlementaires. - A l issue de cette phase, un projet de loi ordinaire est élaboré. ÉTAPE N 2 : PHASE D ÉTUDE TECHNIQUE DU PROJET DE LOI SAISINE DE LA COMMISSION TECHNIQUE pour examiner sur le fond le projet de loi: collaboration entre les membres permanents de la Commission, le ministre en charge de la culture accompagné de ses conseillers ; Modalités d action utilisées pour cette loi : - Consultation d experts spécialisés en la matière ; - Nouvelle consultation des regroupements représentatifs de professionnels de la culture sur le projet de loi ; - Sensibilisation des députés membres permanents de la Commission technique RÉUNION DE L INTERCOMMISSION Dans le cas de la loi sénégalaise sur le droit d auteur et les droits voisins de 2008, les responsables de la Commission des affaires culturelles avaient sollicité, pour avis, une Intercommission réunissant celles qui sont respectivement en charge des affaires culturelles, de l éducation et des lois ; A l issue de l Intercommission, un rapport détaillé sur le projet de loi ordinaire a été dressé puis transmis au Président de l Assemblée nationale pour programmation à l ordre du jour des séances plénières. ÉTAPE N 3 : EXAMEN DU PROJET DE LOI ORDINAIRE EN SÉANCE PLÉNIÈRE Modalités d action : - Débats préalables dans les médias et diffusion des éléments explicatifs du projet de loi ; -Information et invitation des représentants des acteurs culturels à venir observer le débat en séance plénière et le vote. 4
QUELS PRINCIPES DIRECTEURS POUR LE TRAVAIL LÉGISLATIF EN MATIÈRE DE CULTURE SONT RAPPELÉS PAR L ETUDE DE CAS SENEGALAIS? 1- Veiller à l adoption des décrets d application ainsi qu à leur fidélité par rapport à la loi adoptée. Pour cela, il est utile d associer à cette phase ceux qui ont diagnostiqué le problème et réfléchi à ses solutions et à la loi : les représentants des acteurs culturels et leurs experts ainsi que les conseillers juridiques du Gouvernement ; 2- Associer à toutes les étapes du processus d élaboration de la loi, les représentants du peuple et ceux du secteur culturel afin que le texte de loi apporte au problème(s) identifié(s), la solution la plus appropriée et la plus réalisable ; 3- Initier ou développer l information des parlementaires en créant des occasions de rencontre et de réflexion associant le ministère de la culture, les acteurs du développement culturel et particulièrement leurs syndicats et associations représentatives et les représentants du peuple ainsi que les assistants parlementaires. Cela pourrait se faire par exemple à l occasion Journée Mondiale de la diversité culturelle pour le dialogue et le développement. Plus d informations sur le sujet : - Site Internet du Bureau Sénégalais du Droit d Auteur (BSDA) : http://bsda.sn - Recueil des procédures et des pratiques parlementaires : recueil.apf-francophonie.org sur le site Internet de l Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF) :http://apf.francophonie.org 5