Convergence et collision continentale

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Convergence et collision continentale Introduction Les mouvements de convergence des plaques lithosphériques peuvent conduire à la rencontre entre deux lithosphères continentales : il y a alors collision continentale qui conduit à la formation d une chaîne de montagnes. Les Alpes franco-italiennes constituent un bon exemple d une chaîne de collision. Document 21 Carte géologique structurale simplifiée des Alpes } } A L origine des Alpes : un océan disparu Les chaînes alpines sont des montagnes jeunes, nées à la fin de l ère secondaire et pendant l ère tertiaire. Ces chaînes proviennent d un océan disparu, la Thétys ligure ou océan alpin, et des marges continentales nord et sud de cet océan. Un aperçu de l histoire océanique des Alpes L océan alpin était situé entre deux continents : au nord, un continent qui regroupait l Amérique du Nord et l Eurasie, au sud, un continent constitué des futurs continents Amérique du Sud, Afrique, Inde, Australie et Antarctique. Séquence 5-SN02 161

Cet océan, né il y a environ 165 millions d années, a été en expansion de -160 Ma à -100 ou -80 Ma, puis résorbé entre -80 et -60 Ma ; la collision qui a suivi, de -50 Ma à l époque actuelle, a finalement conduit à la chaîne des Alpes actuelles. Document 22 Schémas simplifiés retraçant l histoire de l origine des Alpes Fin de l ère primaire (-245 Ma) : La Pangée Rifting intracontinental : -220 à 165 Ma Expansion de l océan alpin : de -165 à -100 Ma Subduction, puis collision : de -100 Ma à actuel Il y a 230 millions d années, tous les continents actuels étaient réunis en un seul, la Pangée ; l Amérique du Nord, l Europe et l Afrique étaient réunies. Ce continent va progressivement se disloquer. De -220 à -170 Ma, il y a étirement de la lithosphère continentale de la Pangée puis une première séparation isolant deux continents qui vont s écarter l un de l autre : d un côté l ensemble Amérique du Nord-Eurasie, de l autre Afrique- Amérique du Sud. Ainsi sont nés deux océans : l Atlantique central et l océan alpin, reliés par une zone de coulissement. L Afrique, à laquelle était rattachée un bloc continental appelé Apulie (correspondant à l Italie actuelle), s est ainsi écartée de l Europe occidentale pendant quelques dizaines de millions d années. Puis, entre -100 et -80 Ma, l Afrique est remontée vers le nord, ce qui a entraîné la résorption de l océan alpin. Dès -60 Ma l océan alpin avait disparu, et les deux continents, Europe et continent apulo-africain, sont alors entrés en collision. L étude de la structure des Alpes actuelles permet de retrouver des témoins de cette histoire océanique : témoins de l expansion d un océan puis de sa disparition. Des témoins de l ancien océan alpin Rappels Première S Un océan peut naître au sein d un continent à partir d un étirement et d un amincissement de la lithosphère continentale qui peut aboutir à la naissance d un rift intracontinental (rifting) ; il s agit d une tectonique en extension qui se traduit par la présence de failles normales associées à des blocs basculés : les futures marges continentales de l océan acquièrent leur structure caractéristique. Si l extension se poursuit, la lithosphère continentale peut être rompue au niveau de l axe du rift et une lithosphère océanique se met en place entre deux continents nouvellement individualisés qui s écartent progressivement l un de l autre ; les deux bords du rift continental initial deviennent alors les deux marges continentales passives du nouvel océan en expansion, caractérisées par des failles normales, inclinées vers l océan, et des blocs basculés vers le continent. 162 Séquence 5-SN02

Pendant toutes ces étapes, des sédiments se déposent, notamment sur la nouvelle croûte océanique en formation et sur les marges continentales passives en cours de subsidence (enfoncement). Les sédiments anté-rift se déposent sur le socle dans une mer peu profonde créée par l étirement et l amincissement de la croûte continentale, avant l ouverture du rift. Pendant la naissance du rift, d abord continental, puis océanique, les sédiments continuent de se déposer : ils constituent les sédiments syn-rift, disposés «en éventail» dans les parties affaissées des blocs basculés. Après la période de rifting, au cours de l expansion de l océan, les sédiments se déposent en discordance sur les sédiments sous-jacents : il s agit de sédiments post-rift. a) Des traces des marges passives de l océan alpin Les Alpes sont issues de l océan alpin, apparu il y a environ 165 millions d années, et de ses marges passives : sa marge nord était européenne et sa marge sud apulo-africaine. Document 23 Reconstitution de l océan alpin il y a 140 Ma Les structures tectoniques de ces anciennes marges continentales passives ont été conservées dans certains secteurs des Alpes : dans la zone externe des Alpes occidentales, dans les chaînes subalpines et dans les massifs cristallins externes entre Argentera et Mont Blanc (voir carte document 21 pour localisation géographique). Document 24 Caractéristiques d une marge passive actuelle (profil sismique au large du golfe de Gascogne) Une marge passive est caractérisée par : - une croûte continentale fragmentée en blocs séparés par des failles normales : blocs basculés - des sédiments anté-rift affectés par les failles - des sédiments «en éventail», contemporains du rifting, non affectés par les failles : sédiments syn-rift - des sédiments post-rift, discordants sur les précédents, non affectés par les failles Séquence 5-SN02 163

Document 25 Coupe schématique de 3 grands blocs basculés à l est de Grenoble (série de Bourg d Oisans) Les blocs basculés du bassin de Bourg d Oisans ont des largeurs moyennes de 10 à 20 km et sont limités par des failles normales dont le rejet est de 1 à 3 km ; ces failles traduisent l extension, dans la partie superficielle de la croûte, datant du rifting. Ils présentent les mêmes caractéristiques qu une marge passive actuelle : - les sédiments du Trias (grès, carbonates intercalés d évaporites) reposent sur le socle : il s agit de sédiments anté-rift, déposés dans une mer peu profonde et qui ont été affectés par les failles liées à l extension. - les sédiments du Jurassique inférieur et moyen (calcaires et marnes) sont disposés «en éventail» et peuvent atteindre une épaisseur de plus de 1500 mètres : ils correspondent à des sédiments qui se sont déposés lors du rifting, les sédiments syn-rift ; les blocs séparés par les failles ont basculé, créant des bassins subsidents dans leurs parties affaissées où se sont déposées de grandes épaisseurs de sédiments. Les parties surélevées des blocs basculés constituent des hauts fonds ou des îles où l épaisseur des sédiments est faible. - les sédiments du Jurassique supérieur recouvrent en discordance les sédiments sous-jacents : il s agit de sédiments post-rift, déposés dans l océan après la période de rifting. b) Des témoins de l ancien plancher océanique : les ophiolites Les ophiolites des Alpes sont issues de deux domaines océaniques distincts : l océan liguro-piémontais et l océan valaisan (ouvert plus tardivement). Elles affleurent dans les Alpes occidentales et centrales. Nous limiterons cette étude à celles des Alpes occidentales. Les caractéristiques de ces ophiolites les apparentent à la lithosphère océanique produite par une dorsale océanique lente, de type Atlantique. Situé à l est de Briançon, dans les Alpes occidentales, le massif de Chenaillet-Montgenèvre est l un des massifs ophiolitiques les plus connus (voir localisation sur la carte du document 21). Ce massif est constitué de deux unités ophiolitiques superposées, toutes deux originaires de l océan disparu ; l unité supérieure est particulièrement intéressante car ayant échappé au métamorphisme et à la déformation dus à la subduction et à la collision. 164 Séquence 5-SN02

Document 26 Photographie du massif du Chenaillet Documents 27 et 28 Coupe simplifiée du Chenaillet Colonne synthétique de l unité supérieure du Chenaillet Péridotites serpentinisées, gabbros et basaltes constituent l essentiel de ce massif ; les basaltes en coussins dominent dans la partie ouest du massif, les péridotites serpentinisées et les gabbros dans la partie est, surtout en Italie où ils sont inclus dans les péridotites serpentinisées. les péridotites serpentinisées contiennent les minéraux caractéristiques de la serpentinisation hydrothermale des péridotites du manteau dans les océans actuels. On peut les interpréter comme étant les roches de la lithosphère de l océan alpin ayant subi l hydrothermalisme. Séquence 5-SN02 165

Document 29 Échantillon de péridotite filon de gabbro péridotite altérée Les gabbros ne constituent pas une couche continue mais sont intrusifs dans les péridotites du manteau serpentinisées sous forme de filons ou de massifs larges de quelques centaines de mètres à plusieurs kilomètres et épais de quelques dizaines ou centaines de mètres (200 ou 300 m au lieu de plusieurs kilomètres). Document 30 Échantillon de gabbro Les basaltes, épais de 300 ou 400 m (au lieu d un kilomètre ou plus), présentent des structures en coussins ou en tubes caractéristiques. Document 31 Basaltes en coussins du Chenaillet En revanche, il n y a jamais de complexe filonien. Par ailleurs, ces basaltes manquent sur de grandes surfaces et les sédiments océaniques reposent alors directement sur les péridotites serpentinisées ou les gabbros. 166 Séquence 5-SN02

Des filons recoupent les gabbros et les péridotites serpentinisées., dont surtout des filons de composition basaltique (dolérites) qui représentent sans doute les filons ayant alimenté les coulées de basaltes en coussins. Document 32 Filon de basalte dans un gabbro N.B Revoir dans le programme de Première S les minéraux caractéristiques des basaltes, gabbros et péridotites (lames minces). Toutes ces données indiquent que les ophiolites du Chenaillet, et d une manière générale celles qui affleurent dans les Alpes (autre exemple : le Mont Viso) sont issues du plancher d un ancien océan, l océan alpin. L unité supérieure des ophiolites du Chenaillet a été mise en place par obduction : ce sont des vestiges du plancher océanique charriés sur la marge européenne. c) D anciens sédiments marins La majorité des roches affleurant dans les Alpes sont des roches sédimentaires d origine marine, témoignant de conditions de dépôt variables, sous des épaisseurs d eau plus ou moins importantes. Des évaporites anté-rift (gypse du Trias) : témoignent de l existence d une mer peu profonde avant l ouverture du rift. Des sédiments carbonatés de marge passive (Jurassique inférieur et moyen) : l épaisseur de ces dépôts est variable selon les zones. Il s agit de calcaires et de marnes dans lesquels on trouve des Ammonites (fossiles de haute mer) : il s agissait d un vaste domaine marin. Leur grande épaisseur par endroits indique que cette mer pouvait être localement profonde (bassins subsidents créés par le basculement des blocs continentaux lors du rifting). Document 33 Dalle aux Ammonites (Digne), datées de -200 Ma Séquence 5-SN02 167

Les flyschs, comme par exemple le flysch à Helminthoïdes, sont des formations sédimentaires se formant par avalanches sous-marines ; les sédiments de la plate-forme continentale ont été entraînés par des courants de turbidité qui les ont déposés plus ou moins loin sur les fonds marins profonds : ils constituent des turbidites. Les turbidites se déposent actuellement au pied des marges continentales, notamment au pied du talus continental. Document 34 Échantillon de flysch à Helminthoïdes (Ubaye, région de Jausiers) Traces sinueuses attribuées au passage de vers lors du dépôt des séd iments Des sédiments océaniques profonds : les radiolarites Certaines ophiolites présentent des sédiments océaniques ; ils ont été décapés par l érosion dans le massif du Chenaillet, mais on les connaît dans de nombreux autres massifs ophiolitiques : il s agit de radiolarites, roches de couleur rouge ou verte, qui se sont formées à partir de l accumulation des tests siliceux d animaux planctoniques unicellulaires, les Radiolaires. Ce sont des sédiments de mer très profonde (plus de 4000 mètres de profondeur dans les océans actuels). Exemple Les radiolarites, de couleur rouge ou verte, sont les premiers sédiments déposés sur le fond de l océan alpin ; elles proviennent de boues à Radiolaires (animaux unicellulaires du plancton marin à squelette siliceux). Ce sont des sédiments de mer très profonde (5000 m dans les océans actuels). Document 35 Radiolarite B De l océan alpin à la chaîne de montagnes La disparition de l océan alpin Au cours du Crétacé supérieur, il y a environ 100 millions d années, l Afrique a commencé à se rapprocher de l Europe : la marge apulo-africaine est devenue une marge active ; la convergence des plaques européenne et apulo-africaine s est traduite par une subduction de la lithosphère océanique de l océan alpin sous la marge apulo-africaine. 168 Séquence 5-SN02

L océan alpin n a pas été très large (moins de 1000 km) et sa vie n a duré qu une centaine de millions d années : sa lithosphère était jeune et peu épaisse. On retrouve des témoins de cette subduction ancienne dans la chaîne alpine actuelle. Document 36 Reconstitution de l océan alpin il y a 70 millions d années a) Des roches métamorphiques témoins d une subduction Toutes les nappes ophiolitiques, témoins de l ancien fond océanique, reposent actuellement sur des unités de la marge continentale européenne. Certaines nappes ont été subduites puis exhumées ; en effet elles présentent les caractéristiques de faciès de subduction : minéraux indicateurs d un métamorphisme haute pression-basse température (schistes bleus et éclogites) ce qui indique qu elles ont été subduites à plus ou moins grande profondeur : de 30 à 50 km pour le faciès des schistes bleus, de 50 à 80 km de profondeur pour le faciès des éclogites. C est le cas des nappes ophiolitiques du Queyras ou du Mont Viso. Dans le Queyras affleurent des métagabbros à pyroxènes, plagioclases et glaucophane : il s agit de roches du faciès schistes bleus, caractéristiques d une subduction. Au Mont Viso (Italie) les ophiolites présentent des associations minéralogiques différentes de celles du Chenaillet : des basaltes en coussins métamorphisés, des métagabbros à glaucophane (faciès schistes bleus) et des métagabbros à grenat et jadéite (faciès éclogites), roches caractéristiques d une subduction. b) La répartition des roches métamorphiques dans les Alpes Les roches sédimentaires et cristallines des Alpes ont pratiquement toutes subi un métamorphisme, mais d intensité variable selon la zone considérée. L intensité du métamorphisme est croissante d ouest en est ; en effet, d ouest en est, on passe des schistes verts du Chenaillet aux schistes bleus du Queyras puis aux éclogites du Mont Viso. Les roches de la croûte océanique ont donc été portées à des pressions de plus en plus grandes d ouest en est : c est donc en direction de l est que s est effectuée la subduction qui a entraîné la disparition de l océan alpin. La plaque européenne est entrée en subduction sous la plaque apulo-africaine. Document 37 Schéma correspondant aux ophiolites du secteur Queyras-Chenaillet Séquence 5-SN02 169

La collision entre les continents : formation de la chaîne de montagnes Quand la lithosphère océanique a complètement disparu par subduction, c est la subduction de la lithosphère continentale de la plaque plongeante (appelée aussi plaque inférieure) qui succède ; mais, à l exception de la partie la plus amincie de la marge continentale passive qui suit le mouvement de subduction, la lithosphère de la plaque continentale inférieure, trop légère, ne peut s enfoncer : la subduction est bloquée. Le mouvement de convergence se poursuivant, les deux masses continentales finissent par entrer en contact. La rencontre entre les deux masses continentales conduit à la construction d un prisme de collision caractérisé par un raccourcissement et un épaississement qui traduisent l action des forces de compression dues à la convergence. Les caractéristiques morphologiques et structurales des chaînes de collision rendent compte de ces forces compressives. Document 38 Reconstitution de l histoire alpine il y a 30 millions d années Document 39 Structure du prisme de collision a) Un marqueur topographique : le relief Comme dans les chaînes de subduction, également liées à la convergence lithosphérique, les chaînes de collision présentent des sommets élevés (exemples : Mont Blanc dans les Alpes : 4810 m ; Mont Everest dans l Himalaya : 8848 m). b) Un marqueur structural : la racine crustale L un des moyens d avoir accès à la structure profonde de la chaîne, le plus loin possible de la surface (jusqu au Moho au moins) est l étude sismique de la croûte et de la lithosphère. Méthode : des explosions ou vibrations mécaniques sont produites en surface ; elles sont alors à l origine d ondes qui se propagent en profondeur et on recueille les échos qui remontent depuis les réflecteurs profonds (les réflecteurs sont des surfaces de discontinuité séparant des roches aux propriétés physiques différentes : ce peut être des limites géologiques, des bordures d intrusions magmatiques, des surfaces de charriage). 170 Séquence 5-SN02

On obtient alors, non pas directement la profondeur de ces réflecteurs, mais un temps de trajet, compté en «secondes-temps double» puisqu il s agit d un trajet aller-retour (surface-profondeur-surface) des ondes émises. Par des calculs appropriés, on peut en déduire la profondeur (approximation tenant compte de la vitesse de propagation des ondes et de la nature supposée des roches traversées). Depuis les années 80, un certain nombre de profils sismiques ont été réalisés dans les Alpes (profils ECORS : nom du programme d étude sismique). Document 40 Profil sismique réalisé entre le Massif Central et la chaîne de Belledonne et schéma d interprétation On observe que le Moho, discontinuité marquant la limite entre la croûte et le manteau lithosphérique, s enfonce sous la chaîne, passant de 25 à 40 km de profondeur à l approche de Belledonne. D une manière générale, le Moho passe de 30 à 55 km sous les Alpes (et même de 30 à 70 km sous l Himalaya) et constitue ainsi ce qu on appelle la racine crustale de la chaîne. Racine crustale en profondeur et relief en surface marquent l épaississement qui compense le raccourcissement dû à la convergence. Le prisme de collision ainsi formé est essentiellement construit à partir de la marge continentale de la plaque subduite. Par ailleurs le profil sismique montre également d autres structures caractéristiques liées à des contraintes compressives. c) Des marqueurs tectoniques : plis, failles, charriages La convergence donne également naissance à des plis, à de grandes failles inverses et à des chevauchements au sein de la couverture sédimentaire, de la croûte et de la partie supérieure du manteau lithosphérique. Dans certains cas, le prisme de collision, dont l origine est la marge continentale de la plaque subduite, est surmonté d ophiolites (ancien plancher océanique) mais aussi de nappes de charriages issues de l autre marge continentale (c est-à-dire de la plaque chevauchante encore appelée plaque supérieure). Toutes ces structures sont la conséquence de la tectonique en compression. Les plis résultent d une déformation souple des roches (Séquence 4-chapitre 1-A-3a. doc 4) Séquence 5-SN02 171

Document 41 Photographie d un affleurement de flyschs à Helminthoïdes en Ubaye (près de Jausiers) Les failles inverses et les chevauchements Dans une tectonique en distension (programme de Première S : divergence dans les zones d accrétion océanique), les failles sont des failles normales qui traduisent une extension. Dans une tectonique en compression (convergence), il s agit de failles inverses ; quand le seuil de rupture des matériaux est atteint, ils réagissent en cassant et non plus en se déformant. Une faille limite alors deux compartiments dont l un va glisser sur l autre : ceci traduit un raccourcissement. Quand un ensemble de roches glisse, le long du plan de faille, et recouvre un autre ensemble de roches, on parle de chevauchement. Document 42 Photographie d un affleurement Dans les Alpes, on distingue de nombreux chevauchements majeurs. Les nappes de charriages Quand le déplacement des roches le long du plan de chevauchement atteint plusieurs dizaines de kilomètres, voire plus, on parle de nappes de charriage. 172 Séquence 5-SN02

L ensemble de terrains qui a été déplacé est qualifié d allochtone et recouvre un autre ensemble qui lui n a pas été déplacé et qualifié d autochtone. Le prisme de collision édifié aux dépens de la marge continentale européenne est ainsi recouvert par des ensembles de roches qui lui sont étrangères : ces nappes de charriage se sont décollées et ont quitté leur socle d origine ; elles sont issues, pour certaines, de la marge continentale de la plaque chevauchante. Ces nappes peuvent atteindre 5 à 20 kilomètres d épaisseur avant érosion. Dans les Alpes, on peut observer dans le paysage une superposition de terrains d âges géologiques différents traduisant les charriages qui ont affecté la couverture sédimentaire lors de la phase de raccourcissement. Les évaporites du Trias (gypse) et les marnes du Jurassique inférieur ont joué le rôle de «couches savons» ayant permis le décollement et le déplacement des séries sédimentaires. Document 43 Nappes de charriages visibles depuis le col du Lautaret Ce panorama montre deux nappes de charriage superposées : - la nappe supérieure (nappe briançonnaise) constitue la crête du Grand Galibier et est formée de sédiments anciens d âge triasique (220 Ma) qui reposent sur des sédiments plus récents (70 Ma) ; cet ensemble de roches a donc été poussé sur les terrains crétacés lors du plissement alpin. - la nappe inférieure (nappe subbriançonnaise) est constituée de calcaires d âge jurassique qui reposent sur des grès d âge tertiaire (35 Ma) ; l ensemble subbriançonnais est donc également une nappe de charriage qui, portant sur son dos la nappe briançonnaise, s est mise en place après le dépôt des grès tertiaires qu elle chevauche. Séquence 5-SN02 173

L ampleur du déplacement de ces nappes a été de l ordre de 20 à 30 kilomètres et leur vitesse de déplacement de 2 à 3 cm/an. Autres exemples de nappes de charriages Toutes les nappes ophiolitiques reposent actuellement sur des unités appartenant à la marge continentale européenne. La nappe ophiolitique du Mont Viso correspond ainsi à un fragment du plancher de l océan alpin qui a d abord été subduit puis exhumé et charrié sur la marge continentale européenne. Document 44 Coupe géologique schématique C L évolution d une chaîne de collision Pendant la collision, tandis que l épaississement crustal a lieu, l érosion en surface limite la croissance des reliefs. Elle est cependant insuffisante pour compenser la surrection de la chaîne. Quand l épaisseur crustale devient importante, la gravité intervient de façon prépondérante : sous l effet de leur propre poids, les masses rocheuses s étalent horizontalement ; cet étalement se traduit dans toutes les directions horizontales, ce qui a pour effet de limiter à la fois la profondeur de la racine crustale et la hauteur des reliefs. Ce processus se traduit par l apparition de failles normales tardives, caractéristiques d une distension, et ramène progressivement la croûte à une épaisseur normale (désépaississement crustal). La convergence Afrique-Europe se poursuit encore à l heure actuelle suivant une direction NNW-SSE ; l orogenèse alpine n est donc pas terminée et le raccourcissement global est de l ordre de 1 cm par an. Les séismes et les failles décalant les dépôts sédimentaires les plus récents (Quaternaire) en sont témoins. Avertissement : les Alpes franco-italiennes sont étudiées à titre d exemple pour illustrer les caractères d une chaîne de collision ; leur histoire est présentée uniquement pour expliquer l origine de ces caractères. En aucun cas, il ne s agit de connaître l histoire précise de la formation des Alpes ; l objectif est de reconnaître dans une chaîne de collision les témoins et marqueurs des principales étapes de la formation d une chaîne de collision. De la même façon, il est fait référence aux différents domaines structuraux alpins dans un souci de repérage géographique. 174 Séquence 5-SN02

ilan : la dynamique de la lithosphère De l ouverture océanique à la collision continentale Ce bilan reprend l ensemble des connaissances acquises en Première S et en Terminale concernant la tectonique des plaques. Dans les zones de divergence, les mouvements de convection du manteau sont à l origine d une remontée des roches vers la surface ; les contraintes d extension provoquent la naissance d un rift intracontinental, au sein d une croûte continentale étirée et amincie, dont les bords sont caractérisé par des failles normales et des blocs basculés. Ce rift peut évoluer en rift océanique quand il y a rupture de la croûte continentale. La remontée du matériel profond chaud est à l origine de la production de magmas basaltiques ; ces magmas qui atteignent la surface donnent la croûte océanique (gabbros, basaltes) qui, associée aux péridotites du manteau lithosphérique, constitue le plancher d un océan en expansion. Cet océan sépare deux nouveaux continents, dont les marges continentales sont les anciens bords du rift, et qui s écartent l un de l autre. La production de matière (=accrétion) dans les zones de divergence, au niveau des dorsales océaniques, est compensée par une résorption dans les zones de subduction où la lithosphère océanique disparaît dans l asthénosphère. Quand la lithosphère océanique a été entièrement subduite, il peut y avoir rencontre entre deux masses continentales portées par deux plaques distinctes : c est la collision continentale. Dans ces zones, la convergence se traduit par un épaississement et un raccourcissement à l origine d une chaîne de montagnes (reliefs élevés en surface), par des structures tectoniques caractéristiques (dont des failles inverses), par du magmatisme et du métamorphisme. Il y a ainsi un cycle interne des roches constitué par l enchaînement des stades marquant les étapes des transformations des roches. Ce cycle met en jeu principalement les roches du manteau et de la lithosphère océanique : les roches produites dans certaines conditions de température et pression en un lieu donné(ex : dorsale) se déplacent horizontalement (ex : expansion océanique) et verticalement (ex : enfouissement par subduction) ; elles sont alors soumises à de nouvelles conditions (température et pression, fluides comme l eau) et sont alors transformées. Il existe un autre cycle des roches( non étudié ici) externe cette fois et qui met en jeu l atmosphère et l hydrosphère ; il est à l origine de la formation des roches sédimentaires. Séquence 5-SN02 175

Document 45 Schéma bilan 176 Séquence 5-SN02