Revue généraliste des travaux de recherches en éducation et en formation

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Transcription:

Revue généraliste des travaux de recherches en éducation et en formation EDUCATION NOUVELLE Les premières années du Groupe Français d Education Nouvelle (1921-1940) GUTIERREZ Laurent Numéro 4 Année 2011 pp.27-39 ISSN Format électronique : 1760-7760 PERMALIEN http://rechercheseducations.revues.org/778 POUR CITER CET ARTICLE GUTIERREZ Laurent, «Les premières années du Groupe Français d Education Nouvelle (1921-1940)», Recherches & Educations, n 4, mars 2011, pp.27-39, [en ligne], http://rechercheseducations.revues.org/778 (consulté le...) Recherches et Educations. Tous droits réservé. Paris- France- 2013

Les premières années du Groupe Français d Education Nouvelle (1921-1940) Laurent Gutierrez Université de Rouen, Laboratoire CIVIIC pp.27-39 Au sortir de la Première Guerre mondiale, divers organismes parmi lesquels La Société française de Pédagogie, La Nouvelle Education et Les Compagnons de l Université nouvelle, s interrogent sur l efficacité de l institution scolaire française. Au plan international, une Ligue pour l Education nouvelle d où naîtra, officiellement, à la fin des années vingt, le Groupe Français d Education Nouvelle (G.F.E.N), affiche également sa volonté de rompre définitivement avec un modèle d éducation traditionnelle qui condamne les écoliers à la docilité et à l immobilisme. En retraçant les principales étapes par lesquelles est passé le G.F.E.N durant ces vingt premières années, nous nous proposons d interroger les stratégies qui lui permirent de trouver progressivement une certaine audience auprès du Ministère de l Education nationale et d apparaître, ainsi, comme un organisme légitime et, par la même, écouté. Cette contribution à l histoire du G.F.E.N souhaite souligner, par ailleurs, le rôle décisif de ses acteurs. Leur militantisme contribua à la survie du Groupe et, au-delà, lui assura sa renommée tant sur le plan national qu international. Tant et si bien que le G.F.E.N représente encore aujourd hui l un des principaux organismes dépositaires de la mémoire de ce mouvement d éducation nouvelle en France. Un flou originel Le 4 août 1921, en marge du 1 er congrès de la Ligue internationale pour l Education nouvelle (L.I.E.N), à Calais, le genevois, Adolphe Ferrière, fondateur du Bureau international des écoles nouvelles en 1899 1, s entretient avec Béatrice Ensor, présidente de cette Ligue. Il lui propose de créer un périodique, en langue française, qui permettrait de diffuser les idées de la L.I.E.N. Quatre mois plus tard, Adolphe Ferrière rédige une circulaire de propagande annonçant la parution, dès le mois de janvier 1922, d une revue dont il sera le rédacteur en chef : Pour l Ere nouvelle. Dans le même temps, à Paris, une section française de la L.I.E.N est fondée avec pour seule représentante, une secrétaire, Jeanne Hauser. A cette initiative, correspond celle de L Education nouvelle «Groupe d études, de recherches et d expériences éducatives», fondée par une directrice d école de plein air, Alice Jouenne 2, et représenté par 1 Daniel Hameline (Sous la dir.), «Autour d Adolphe Ferrière et de l Education nouvelle», Cahiers de la Section des Sciences de l Education : Pratiques et Théorie, n 25, Université de Genève, Faculté de Psychologie et des Sciences de l Education, 1989 (2 ème édition). 2 Institutrice, militante socialiste, syndicale et «coopératiste», Alice Jouenne (1873-1954) devient, en 1921, la directrice de la première Ecole de Plein air de la Municipalité de Paris (Boulevard Bessières, Paris 17 ème ). Elle en publie les principales orientations dans son livre «Une expérience d éducation nouvelle : L Ecole de plein air» (Paris : Radot, 1927). 2

un comité d honneur prestigieux au sein duquel siègent, entre autres, le député Ferdinand Buisson, l écrivain Georges Duhamel et l académicien Anatole France. Cette coïncidence entraîna, comme le souligne Adolphe Ferrière une «confusion bien naturelle de la part des personnalités auxquelles se trouvait adressé ainsi un double appel» 3. Devant cette situation, les deux organisations se réunissent et adoptent une charte commune dès le 16 février 1922 4. Lors de la cérémonie qui scelle cette union, Georges Renard, professeur au Collège de France, expose un programme de conférences en vue d étudier les problèmes liés à la réforme de l éducation. Des exposés sont programmés sur les écoles nouvelles, la question de l apprentissage, le travail manuel, la valeur éducative du jeu ainsi que sur le cinéma éducatif. Des visites et des démonstrations sont prévues pour le public qui souhaite se familiariser avec ces nouvelles méthodes. Dans son optique de propagande, le comité d action de «L Education nouvelle» va même jusqu à étudier les moyens d organiser, chaque année, un voyage d études éducatives et pédagogiques à l étranger pour ses membres. Lutter contre les préjugés Faute de moyens, les premières initiatives de la section française de la L.I.E.N se révèlent toutefois fort modestes. Malgré le deuxième congrès international d Education nouvelle de Montreux (2-15 août 1923) qui attire cent quarante personnes et les quatre conférences que donne Adolphe Ferrière en France, la revue atteint difficilement les 75 abonnés l année suivante. Que faire? Organiser un nouveau congrès? La situation est préoccupante lorsque se rassemble du 22 au 27 avril 1924, au château de Villebon 5, la cinquantaine d éducateurs tout au plus qui représente ce mouvement d éducation en France. Alice Jouenne qui semble en être la principale animatrice, rappelle que la fraternité et la joie doivent être les bases nouvelles de l école : «l administration et la routine sont contre nous. Beaucoup de parents aussi. On nous objecte qu avec nous les enfants jouent au lieu de travailler. Il y a six mille ans que l axiome biblique a présenté le travail comme un châtiment. Il serait temps de tourner la page! Trop d éducateurs se font une conception périmée de l ordre et du travail» 6. Cette référence à la tradition éducative à travers l axiome biblique n est pas anodine de la part d Alice Jouenne qui est une fidèle adepte des valeurs laïques en matière d éducation et d enseignement 7. Adolphe Ferrière qui préside ce congrès 8 est conscient des faibles résultats de la L.I.E.N en France. Affecté par ce constat d échec et accaparé par la fondation du Bureau international 3 La Rédaction (Adolphe Ferrière), «Editorial», Pour l Ere nouvelle, n 2, avril 1922, p. 30. 4 Dans le même temps, l association des Compagnons de l Université nouvelle inaugurait à l Hôtel des Sociétés Savantes (28, rue Serpente, Paris, 6 ème ) sa campagne de meetings en faveur d une réforme totale de l enseignement public en présence de plus de mille auditeurs. 5 Château, située à Liancourt depuis 1901, qui héberge, par ailleurs, l Ecole d Ile de France, seconde école nouvelle fondée en France. Voir, ici, Laurent Gutierrez, «Une pédagogie prisonnière de ses châteaux : Les premières «écoles nouvelles» en France (1899-1939)». In Mathias Gardet et Samuel Boussion (Dir.), Les châteaux du social XIXè-XXè siècle, Paris : Beauchesne, 2010, pp. 221-230. 6 Alice Jouenne, «La Semaine de Villebon «, Pour l Ere nouvelle, n 13 (Hors série), 1924, p. 2. 7 SAVOYE Antoine, «Ecole de plein air et éducation nouvelle, France 1920-1954», in Anne-Marie Châtelet, Dominique LERCH et Jean-Noël Luc (Sous la dir.), L Ecole de plein air. Une expérience pédagogique et architecturale dans l Europe du XXè siècle, Paris : Editions Recherches, 2003, pp. 280-288. 8 Manifestation dont le thème tourne autour de la manière de «concilier le postulat moderne de la psychologie en faveur de la reconnaissance de l individualité de l enfant et de ses besoins avec les exigences actuelles de l enseignement collectif dans les écoles publiques». 3

d Education, il va jusqu à envisager de mettre un terme à ses fonctions à la tête de Pour l Ere nouvelle. Lors d un entretien en date du 10 mai 1924, il propose au suisse Robert Nussbaum d en prendre la direction à sa place 9. Malgré deux nouvelles conférences en France, au Musée pédagogique, en octobre 1924 puis, trois autres, en février 1925, respectivement sous l égide de la Société française pour l avancement des sciences, du Groupe d études philosophiques et scientifiques pour l examen des idées et tendances actuelles de la Sorbonne et de l Ecole pratique de Service social de Paris, ce propagandiste dévoué à la cause de l Education nouvelle voit son rêve de participer à une réforme de l enseignement s amenuiser. Persister malgré les difficultés En effet, la situation évolue peu dans le sens de l introduction des idées de l Education nouvelle dans l enseignement français malgré l appui moral du Ministre de l Instruction publique, François Albert et de l action de Paul Lapie 10 à la tête de l enseignement primaire. Adolphe Ferrière décide, alors, de prendre de nouvelles mesures afin d en accélérer la diffusion. La première concerne l augmentation de la parution de Pour l Ere nouvelle qui passe, ainsi, de 4 à 6 numéros par an. Afin d être probablement plus proche des professeurs, la revue souhaite, par ailleurs, limiter la place qu elle réservait jusqu à présent aux articles théoriques. Enfin, Adolphe Ferrière s adjoint les services d un instituteur, Eugène Delaunay qui, à travers sa chronique, livre un point de vue souvent aiguisé sur la vie politique et syndicale française dans ses rapports avec l éducation. De son côté, la L.I.E.N connaît son véritable premier succès d audience lors de son 3 ème congrès à Heidelberg (Allemagne) en 1925. Cette manifestation qui voit affluer près de 500 participants venus de 28 pays fait, ainsi, la preuve de sa capacité à rassembler ceux qui souhaitent voir réformer leurs modèles traditionnels d enseignement. Faute de représentants, la section française est, pour sa part, quasi-invisible au sein de la L.I.E.N comme l atteste l absence, pendant deux ans (1926 et 1927) dans Pour l Ere nouvelle, d articles de fonds sur les réalisations éducatives et pédagogiques menées en France. La reprise en main de l administration de la revue par le Centre de librairie française et étrangère que dirige Julien Crémieu en 1927, ressemble d ailleurs à s y méprendre, à une forme de sauvetage éditorial. Enfin, la très faible représentativité de la délégation française au 4 ème congrès de la L.I.E.N de Locarno (Suisse), en 1927, achève ce tableau alarmant 11. A cette occasion, la question de la survie du mouvement est, une nouvelle fois, évoquée. Le manque d argent et les faibles résultats liés à la propagande en faveur des idées de l Education nouvelle, malgré le nombre accru de participants venu de toute l Europe à ce Congrès (1500), interroge ses chances de succès de l aveu même d Adolphe Ferrière. 9 Archives de l Institut J.-J. Rousseau (Genève), RI 4. Rémy Gerber, Vie et œuvre d Adolphe Ferrière (1879-1960). Chronologie de son existence, 1 ère partie : 1879-1934. Faculté de Psychologie et des sciences de l éducation, Genève, juin 1989, p. 30. 10 Paul Lapie fut respectivement professeur de lycée (1893-1898), professeur de Faculté (1898-1911), recteur de l Académie de Toulouse (1911-1914), directeur de l Enseignement primaire (1914-1925), recteur de l Académie de Paris (1925-1927). 11 Il semble que seuls Marguerite Reynier, Madeleine Guéritte, Paul Faucher et Alice Coirault y aient assisté. 4

Des insuffisances doctrinales préjudiciables De son côté, la section française de la L.I.E.N n existe essentiellement qu à travers ses principes fondateurs dont la neutralité, si elle lui est reprochée, lui permet cependant de ne pas être pris à partie dans le cadre des luttes scolaires. Mais, cet héritage va voler en éclat avec l arrivée à sa tête de nouvelles personnalités. Le Comité d action du G.F.E.N en 1930 12 Madeleine Bardot, Inspectrice des écoles maternelles ; M. Beltesse, Secrétaire général du Bureau International des professeurs de l enseignement secondaire ; F.-L. Bertrand, Inspecteur primaire ; Mlle Carpentier, Inspectrice des écoles maternelles ; Anne-Marie Carroi, Professeur au lycée Fallières à Tunis ; Fernand Cattier, Directeur de l Ecole Normale à Mirecourt (Vosges) ; M. Debray, Directeur de l Institut départemental d Asnières ; Emilie Flayol, Directrice d Ecole normale en retraite ; Paul Fauconnet, Professeur à l Université ; Jeanne Hauser ; Alice Jouenne, Directrice pédagogique de l école de plein air de la ville de Paris ; Paul Langevin, Directeur de l Ecole de Physique ; Georges Lapierre, Instituteur ; Henri Marty, Sous-Directeur de l Ecole des Roches à Verneuil sur Avre ; Henri Piéron, Professeur au Collège de France ; Suzanne Roubakine, Fondatrice et directrice de l Ecole nouvelle de Clamart ; Henri Wallon, Professeur à la Sorbonne ; Maurice Weber, Maître de conférences à l Ecole de Sèvres, Directeur des «Compagnons de l Université nouvelle» ; M. Zavitz, Directeur de l Ecole du château de Bures. La période transitoire, entre 1929 et 1930, caractérisée par la présidence de Paul Fauconnet et la vice présidence assurée, conjointement par Henri Piéron et Henri Wallon, va permettre au G.F.E.N d entamer un travail d identification qui jusqu ici lui faisait défaut. Malgré la création d un Comité d action (voir encart ci-dessus) et la diffusion d un «Programme», l évolution semble timide et ne s inscrit pas véritablement dans la rupture vis-à-vis des principes de la L.I.E.N. Appelant de ses vœux les parents et les éducateurs à se joindre à lui, le G.F.E.N (appellation, désormais, officielle de la section française de la L.I.E.N) 13 plaide pour le rapprochement et la collaboration de toutes celles et de tous ceux qui souhaitent travailler en dehors des doctrines et des dogmes pédagogiques. Les nécessités liées au recrutement de nouveaux membres afin d assurer la survie du Groupe semble, à ce moment, écarter provisoirement la question de l accord sur les buts supérieurs de l éducation et sur l essentiel de ses méthodes. Il en va de même, lors du 5 ème congrès mondial d Education nouvelle, à Elseneur (Danemark) 14. Dans un article sans concession sur ce congrès, Jacques-Olivier Grandjouan 15 interroge les fondements de ce mouvement qui restent, selon son expression, «le gros point d interrogation 12 Cité par Martine Leroux-Yahiel, L Histoire du Groupe Français d Education Nouvelle de 1922 à 1962. Mémoire de Maîtrise d Histoire Contemporaine. Université de Paris I, Panthéon Sorbonne, 1983, pp. 54-55. 13 «Par déclaration du 15 février 1929, à la préfecture de police, l Education nouvelle, groupe d études, de recherche et d expérience éducatives, change son titre en celui de Groupe Français d Education nouvelle». Cité par Hugues Lethierry, Education nouvelle : Quelle histoire! Un mouvement en mouvement : Le GFEN après Wallon, Paris : éditions Subervie, 1986, p. 36. 14 Le thème général porté à la réflexion des congressistes pendant ces quinze jours (du 8 au 21 août 1929) fut «la psychologie nouvelle et les programmes scolaires». 15 Agrégé de l Université, directeur de l Ecole de Zamalek au Caire, responsable des Eclaireurs de France et membre du Bureau français d Education, J.-O. Grandjouan (né en 1902) fut un temps, professeur de lettres à l Ecole des Roches et l un des fidèles collaborateurs de la revue l Education. 5

de l Education nouvelle» 16. En effet, si cette réflexion est nouvellement amorcée, à cette occasion, force est d admettre avec Béatrice Ensor que cette «philosophie» se cherche toujours, à défaut d avoir pu s être constituée. Pour J.-O. Grandjouan, «Jusqu ici les innovateurs créaient, transformaient, refondaient, sans trop se préoccuper de principes. Ils obéissaient à la nécessité du moment ( ). Les systèmes philosophiques venaient ensuite quand ils venaient et n étaient pas forcément très scientifiques, ni très cohérents en toutes leurs parties, ni même d un bout à l autre d accord avec la pratique de leurs auteurs. ( ). Comme on pouvait s y attendre, ces systèmes philosophiques issus d une pratique pédagogique qu ils prétendent régir forment un vaste ramassis hétéroclite de théories contradictoires, rattachées à des doctrines philosophiques de tout âge et de toute nuance. Aujourd hui qu on prend au sérieux l éducation nouvelle, qu on fait appel à elle, qu on lui demande des principes d action, quelle doctrine générale peut-elle offrir, pour faire la liaison entre ces doctrines multiformes, et au besoin pour les dominer? Peut-on se contenter des «Principes de Ralliement» de The New Education Fellowship, ou de sa Charte des Ecoles Nouvelles, principes à la fois vagues pour un critique impartial et trop affirmatifs pour certains?» 17. A terme, si cette capacité à composer avec tant de doctrines et à faire coopérer tant d opinions différentes, est l une des forces de la L.I.E.N, elle n en constitue pas moins également l une de ses principales faiblesses. En effet, il est attendu de ce mouvement qu il soit en mesure de justifier de ses assises doctrinales faute de quoi il devient suspect voire dangereux aux yeux de ceux qui ne peuvent adhérer à un tel éclectisme idéologique 18. La fin du cosmopolitisme pédagogique? Lors du 6 ème congrès mondial d Education nouvelle qui se tient, à Nice, du 2 au 15 août 1932, la L.I.E.N adopte, non sans quelques difficultés, une nouvelle charte. Paul Langevin, président d honneur du G.F.E.N, et surtout Henri Wallon qui loue avec insistance le modèle communiste de la société, politise le débat empreint traditionnellement d une certaine neutralité. L insistance avec laquelle ils prônent une éducation qui doit résolument s orienter vers la recherche d une hiérarchie de valeurs dont la reconnaissance assurerait le règne de la justice et de la paix, va avoir des répercussions sur les principes jusque là fédérateurs de la L.I.E.N. Cette nécessité de mettre en harmonie l éducation et l évolution sociale amène aussi bien Paul Langevin que Henri Wallon à prendre pour modèle l école soviétique en y prônant les réformes scolaires adoptées et les résultats qu ils ont pu y observer eux-mêmes au cours de leurs séjours. En supprimant, par ailleurs, toute référence à la spiritualité dans les buts assignés à l éducation, la nouvelle charte du G.F.E.N réduit plus encore les possibilités de 16 J.-O. Grandjouan, «Elseneur», l Education, n 5, février 1930, p. 294. 17 J.-O. Grandjouan, Ibid. 18 On pense, ici, naturellement aux éducateurs catholiques pour qui certains principes de la L.I.E.N (négation présumée du péché originel à travers une confiance excessive portée en la nature de l enfant, mais aussi coéducation, place trop importante accordée à la psychanalyse, etc.) sont en contradiction avec la plus pure pensée de l Eglise en matière d éducation. Voir sur ce point, Laurent Gutierrez, «L Education nouvelle et l enseignement catholique en France (1899-1939)». Thèse de doctorat en Sciences de l éducation (A. Savoye, dir.), Université d Paris VIII, 2008, 537 p. 6

collaboration entre les artisans d un mouvement qui se voulait étranger, à l origine, à toute attitude sectaire ou perçue comme telle. Nouvelle charte de la L.I.E.N après le Congrès de Nice (1932) La crise actuelle appelle la concentration à travers le monde entier de tous les efforts vers une éducation rénovée. En vingt ans, l éducation pourrait transformer l ordre social et instaurer un esprit de coopération capable de trouver des solutions aux problèmes de l heure. A cela, nul effort national ne saurait suffire. C est pourquoi la Ligue Internationale pour l Education nouvelle adresse un pressant appel aux parents, éducateurs, administrateurs et travailleurs sociaux pour qu ils s unissent en un vaste mouvement universel. Seule une éducation réalisant dans toutes les activités un changement d attitude vis-à-vis des enfants peut inaugurer une ère libérée des concurrences ruineuses, des préjugés, des inquiétudes et des misères caractéristiques de notre civilisation présente, chaotique et dépourvue de sécurité. Une rénovation de l éducation s impose, basée sur les principes suivants : 1) L Education doit mettre l enfant en mesure de saisir les complexités de la vie sociale et économique de notre temps. 2) Elle doit être conçue de manière à répondre aux exigences intellectuelles et affectives des enfants de tempéraments variés et leur fournir l occasion de s exprimer en tout temps selon leurs caractéristiques propres. 3) Elle doit aider l enfant à s adapter volontairement aux exigences de la vie en société en remplaçant la discipline basée sur la contrainte et la peur des punitions par le développement de l initiative personnelle et de la responsabilité. 4) Elle doit favoriser la collaboration entre tous les membres de la communauté scolaire en amenant maîtres et élèves à comprendre la valeur de la diversité des caractères et de l indépendance d esprit. 5) Elle doit amener l enfant à apprécier son propre héritage national et à accueillir avec joie la contribution originale de toute autre nation de culture humaine universelle. Pour la sécurité de la civilisation moderne, les citoyens du monde ne sont pas moins nécessaires que les bons citoyens de leur propre nation. Sans conteste, ce congrès de Nice marque un tournant dans l histoire de la L.I.E.N, en général, et de celle du G.F.E.N, en particulier, avec l affirmation d une doctrine, désormais, assumée par ses dirigeants français, tout au moins. C est également à partir de cette manifestation, que le G.F.E.N va nouer des liens plus étroits avec les pouvoirs publics. Basé au Musée pédagogique et dirigé majoritairement par des membres ou anciens personnels de la haute hiérarchie de l enseignement public, le G.F.E.N va progressivement apparaître comme une force de proposition alternative aux réformes de l enseignement. Ces accointances avec le ministère de l Education nationale vont, dès lors, assurer une certaine assise à l action du G.F.E.N qui, fort de ce soutien, va entreprendre une véritable campagne de propagande. Inaugurés le 15 mai 1933 19, des «cours d Education nouvelle» sont organisés au Collège libre des sciences sociales (28, rue Serpente, Paris 6 ème ) par le «Groupe d études internationales» de la Sorbonne. Les thèmes abordés balayent alors de nombreuses problématiques discutées à cette époque comme l éducation sexuelle (Dr Montreuil-Strauss), les rapports entre l Ecole primaire et l Enseignement professionnel (H. Luc), la biologie de l Enfant (Dr Jeudon), le perfectionnement des techniques d examen (Henri Laugier), sans oublier l examen des méthodes d apprentissage comme celles de Roger Cousinet ou de Maria Montessori. 19 La rédaction, «Conférences sur l Education nouvelle», Pour l Ere nouvelle, n 87, avril-mai 1933, p. 115. 7

Un exemple encourageant Malgré ces conférences, le G.F.E.N va traverser, une fois encore, une période particulièrement difficile sur le plan financier. Les diverses initiatives de ses membres sur la scène éducative française en 1933 à 1934 ne seront pas, en effet, à la hauteur des efforts consentis. Si avec ses 804 abonnés à Pour l Ere nouvelle, le G.F.E.N atteint un record en 1933 («Effet Congrès de Nice»), il doit constater avec amertume, dès l année suivante, que ce nombre diminue fortement et ce malgré sa fusion avec le Bureau français d Education (B.F.E). 1931 1932 1933 1934 1935 1936 France / 551 571 438 456 409 Etrangers / 248 233 189 169 153 Total 715 799 804 677 625 562 Source : Fonds Paul Langevin. ESPCI, L 58/15. L union entre ces deux organismes entraîne une nouvelle répartition des rôles au sein même du G.F.E.N. Henri Wallon remplace ainsi, dès 1933, Paul Fauconnet à la présidence du Groupe. Dans le même temps, Paul Faucher accède à la co-vice-présidence, aux côtés de Georges Bertier, Paul Fauconnet et Henri Piéron alors que Marguerite Reynier-Paget, Mme Grandjouan et Jean Baucomont (anciens du B.F.E) intègrent son comité d action 20. En 1935, devant les difficultés d organiser un congrès international d Education nouvelle des pays de langues latines, le G.F.E.N est présent à celui de la Ligue de l Enseignement belge où il est fait l heureux constat que des réformes scolaires peuvent être entreprises selon certains principes de la pédagogie nouvelle. Fort de cet exemple, les français souhaitent s en inspirer afin d entreprendre une démarche analogue devant le gouvernement français. Percevant la nécessité de s unir afin d être plus efficace, Emilie Flayol 21 propose, en 1936, que le G.F.E.N se mette d accord avec les différentes associations d Education nouvelle. Son objectif est clair. Il s agit d obtenir du Ministère l examen d un projet qui viserait la création d écoles expérimentales. Adoptée par le bureau du G.F.E.N, cette proposition doit, cependant, rencontrer l adhésion des autres organisations. Or, rien n est moins sûr si l on considère que derrière certaines politesses de façades, des divergences fortes demeurent. De la difficulté de s entendre Une tentative de collaboration a bien lieu, au Havre, en 1936, à l occasion d un congrès sur l étude des questions relatives à l organisation de l enseignement du second degré. Mais les résultats escomptés par cet essai de rapprochement semblent mitigés. Porté par l intérêt «d aboutir à des résolutions d ordre pratique immédiatement réalisables», Emile-Marcel Ginat, initiateur de cette manifestation et fervent défenseur de l expérimentation pédagogique, 20 En 1935, la composition du bureau du GFEN change, à nouveau, avec la nomination de Paul Faucher à la présidence du groupe. Henri Wallon, Henri Piéron, Georges Bertier et Paul Fauconnet sont, alors, élus co-viceprésidents. 21 Directrice d Ecole Normale avant de devenir inspectrice des écoles maternelles, Emilie Flayol (1873-1958) rédigea en 1921 l un des premiers livres sur la méthode Montessori en France avec La méthode Montessori en action : Théorie, pratique, critique (Paris : F. Nathan). 8

rejoindra davantage les ambitions poursuivies par La Nouvelle Education. Cet épisode est symptomatique des difficultés d entente entre les «pédagogues» (La Nouvelle Education, Groupe du Havre) et les «théoriciens» de la réforme scolaire (G.F.E.N). Ces divergences apparaissent avec une certaine acuité lors de l accession de Jean Zay au ministère de l Education nationale. Porteur d un projet de loi sur la refonte générale des enseignements secondaire, primaire supérieur et technique, ce jeune ministre du Front populaire va connaître un soutien inégal de la part des différents promoteurs du mouvement de l Education nouvelle. Après le 7 ème congrès de la LIEN, à Cheltenham (Angleterre) en 1936, où plus que jamais les divergences furent au centre des débats et les accords entre congressistes difficiles à trouver 22, le G.F.E.N procède à une réorganisation de son règlement intérieur afin d intensifier sa propagande. A cet effet, il publie un bulletin interne et créé sept sections avec à leur tête un rapporteur 23 afin d interroger les choix du nouveau législateur en matière d enseignement scolaire. Un «Projet de réforme du Certificat d Etudes» naît des réflexions menées dans le cadre de ces groupes de travail et se voit communiquer au ministère de l Education nationale, dès le mois de juin 1937. Dans ses colonnes, la revue Pour l Ere nouvelle, se fait régulièrement l écho de cette réforme de l enseignement en publiant de nombreux articles aussi bien sur les «Classes d orientation» que sur les «Loisirs dirigés». Collaborer malgré les divergences Entre temps, en 1936, Célestin Freinet accepte de collaborer avec le G.F.E.N. Mais des tensions apparaissent sur la manière de conduire la réorganisation du Groupe. Sa proposition de diviser le travail en trois sections distinctes pour le primaire, le secondaire et le supérieur, est repoussée par Henri Wallon et Emilie Flayol, en 1937, qui estiment qu elle est en contradiction avec l un des principes les plus essentiels de l éducation nouvelle qui est de ne pas fragmenter et dissocier l œuvre de l éducation, laquelle doit être une et continue 24. Henri Wallon qui partage certaines convictions avec Célestin Freinet et qui sait combien la force de propagande de l œuvre du mouvement de la Coopérative de l enseignement laïc peut être un atout non négligeable pour le GFEN auprès des instituteurs, va associer, plus étroitement, à l administration du Groupe, les nouveaux membres des sections départementales recrutés, pour une part, chez les «imprimeurs» 25. Bien qu inégales quant au nombre de leurs adhérents, ces filiales du G.F.E.N vont jouer un rôle de premier plan en diffusant localement les idées du mouvement de l Education nouvelle. Cependant, force est de constater que ces développements, issus de la collaboration entre ces deux organisations, ne permettront pas au G.F.E.N de faire face aux effets de la crise économique qui, en cette fin des années trente, avec l augmentation du prix du papier et de 22 Laurent Gutierrez, «La Ligue internationale pour l Education nouvelle», Spirale, n 45, janvier-mars 2010, pp. 29-42. 23 M. Hulin (instituteur, collègue de Jean Roger) pour l éducation des enfants déficients ; Emilie Flayol pour le programme de la dernière année d études des écoles primaires ; Henri Gouhier (Président du Groupe du Nord des amis de l Education nouvelle) pour le certificat d études ; Emilie Brandt sur les relations avec les parents ; Alfred Weiler, sur les moyens de passage entre les divers enseignements ; M. Pichot (membre de la Coopérative de l enseignement laïc), sur les lectures des enfants ; et, enfin, Célestin Freinet sur le thème général «Eduquer ou instruire». 24 GFEN, «Historique», Pour l Ere nouvelle, n 135, février-mars 1938, p. 54. 25 Cette alliance avec Célestin Freinet va, sans conteste, profiter au GFEN qui, en 1938, compte une vingtaine de sections en province. 9

l impression, contrariera, un peu plus encore, les projets d extension du Groupe. Ainsi, malgré la bonne volonté de ses membres et le soutien d un nouvel éditeur (Michel Bourrelier), le G.F.E.N a de plus en plus de mal à se faire entendre sur la scène des réformes éducatives françaises, désormais, investie par de nombreuses associations en quête, elles aussi, de reconnaissance pour leurs idées. Après avoir accompagné la réforme de l enseignement En 1938, une certaine lassitude est perceptible chez Emilie Flayol, la secrétaire du Groupe, qui souligne les limites du bénévolat dans la gestion des tâches aussi diverses que variées dans le cadre de l organisation et de la diffusion des idées du G.F.E.N. Malgré cela, le Groupe formule, l année suivante, un certain nombre de vœux concernant le programme de la dernière année d études primaires. Ces propositions issues du travail de l une de ses commissions d études vont dans le sens des prérogatives ministérielles en soulignant quelques améliorations possibles dans le domaine de l organisation interne de la vie scolaire. A lire ce texte 26, on peut se demander quelles sont les divergences d orientations avec la réforme du gouvernement Daladier en matière d éducation. En ce début d année 1939, il est également question d organiser un congrès européen de la L.I.E.N, à Paris, pour le mois d août. Mais à la veille de la Seconde Guerre mondiale, le G.F.E.N se trouve en proie à de graves difficultés financières auxquelles il convient d ajouter celles, plus profondes encore, de la pertinence de ses principes. L intégration des méthodes dites «actives» dans le champ extra scolaire (mouvements de jeunesse, Centre d entraînement aux méthodes d éducation active) incite à se questionner sur le rôle que peut y jouer le G.F.E.N, notamment, dans le cadre de la formation de ces dirigeants. Cet axe paraît, en effet, en cette fin des années trente, au centre des nécessités de développement de ce mouvement afin de lui conserver outre sa pérennité, toute son originalité. Conclusion Malgré sa renommée, le G.F.E.N ne représentera jamais qu une «tendance» dans le paysage de la rénovation pédagogique française durant l Entre Deux guerres. Moins isolés qu au début des années vingt, les membres de ce Groupe restent, toutefois, peu nombreux et la chute du Front Populaire auquel succède le régime de Vichy va compromettre toute réforme éducative allant dans le sens de ses aspirations 27. En tant qu association, le G.F.E.N a subsisté, pendant une vingtaine d années, sans grands moyens financiers. En dépit des efforts déployés par ses dirigeants, l activité du Groupe va connaître un certain essoufflement perceptible, entre autres, à travers ses difficultés à mobiliser de nouvelles adhésions et à faire des propositions dans le sens d une éducation nouvelle «renouvelée». 26 GFEN, «Vœux du G.F.E.N au sujet du programme de la dernière année d études primaires», Pour l Ere nouvelle, n 143, janvier 1939, pp. 3-9. 27 L action du GFEN dans le ministère Jean Zay a été soulignée par Antoine Prost dans Regards historiques sur l éducation en France XIX-XX siècles, Paris : Belin, 2007, p. 187 et sq. 10

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