Les violences faites aux femmes recouvrent des réalités diverses, caractérisées par différents types d atteintes portées à l intégrité des individus. Si les violences physiques, verbales, sexuelles ou psychologiques peuvent être discernées en théorie, elles sont toujours vécues en pratique de manière concomitante : les femmes victimes de violence conjugale peuvent par exemple être exposées à des coups et des blessures, mais aussi à des viols ou à des tentatives des viols, ainsi qu à des pressions psychologiques diverses (insultes, chantage, menaces). L ensemble de ces violences, que leurs conséquences soient directes ou diffuses, ont en commun de limiter l expérience des femmes, de freiner leur épanouissement, et d empêcher leur réalisation intime, sociale et économique. Les violences faites aux femmes ne sont donc pas un problème isolé, mais sont au contraire un facteur structurel d inégalités qui touchent les communautés du monde entier. Les violences : une réalité diverse Les violences physiques et sexuelles se caractérisent par une atteinte portée à l intégrité corporelle des individus : elles comprennent les coups et les blessures (violence conjugales), mais recoupent aussi les viols et les agressions sexuelles. Il serait néanmoins réducteur de caractériser les violences physiques par les séquelles laissées sur le corps des victimes : certains viols ou certaines agressions sexuelles, commises sous menace physique ou sous contrainte psychologique, peuvent être perpétrés sans laisser de blessures. Les violences conjugales et les violences sexuelles bénéficient d une tribune médiatique relativement importante, mais sont souvent injustement dépeintes (à des fins humoristiques ou en culpabilisant la victime), ce qui peut expliquer la difficulté qu a le grand public à les identifier et à les combattre.
Les violences psychologiques insultes, chantage, menaces peuvent paraitre plus difficiles à appréhender, car elles ont la particularité d être moins visibles. Elles sont généralement définies par ces cinq paramètres : - Un climat d insécurité physique et émotionnelle - Un climat de contrainte, de contrôle et d isolement - Un sentiment d infériorité, de dévalorisation et d humiliation - Un climat de culpabilisation et un sentiment d incompétence - Un sentiment de confusion et de doute Depuis 2010 en France, les violences psychologiques sont considérées comme un délit. Elles peuvent toucher le couple, mais aussi les relations familiales ou professionnelles (comme le harcèlement sur le lieu d étude ou de travail). Malgré leur moindre visibilité les violences psychologiques restent méconnues du grand public leurs conséquences sont tout aussi graves : les violences psychologiques, en plus de provoquer une dégradation des conditions de vie des victimes, peuvent ultimement mener à la dépression et au suicide. Les violences diffuses sont plus difficiles à définir, car elles se manifestent, parfois insidieusement, tout au long de la vie des femmes. Elles peuvent à ce titre ne pas être vécues par les victimes ou perçues par le grand public comme des violences «véritables». À termes, elles ont cependant des conséquences désastreuses sur le développement individuel, social ou professionnel des filles et des femmes. Cette violence quotidienne peut prendre des formes diverses. Elle peut se manifester par des atteintes verbales (propositions, plaisanteries ou insultes à caractère sexuel), qui peuvent survenir dans la rue, au travail, ou dans le cercle intimes. Ces violences diffuses se manifestent également de manière moins directe et moins tangible à travers les stéréotypes de genre («les femmes sont plus douces que les hommes») et les discriminations sexistes. Elles ont des conséquences graves sur la place accordée aux femmes dans la société, mais également sur la manière dont les femmes ellesmêmes se perçoivent. Quelques chiffres, en France et dans le monde Les violences physiques et psychologiques : D après une étude réalisée en 2013 par l Organisation mondiale de la santé, plus d une femme sur trois dans le monde subira au cours de sa vie des violences physiques ou sexuelles de la part de son partenaire intime. En Europe, selon l Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, plus de la
moitié des crimes violents commis envers les femmes ont été perpétrés par un membre de leur famille (35% par un partenaire ou un ancien partenaire intime, 17% par un parent). Selon l Agence des droits fondamentaux de l Union Européenne, 43 % des femmes européennes déclarent avoir subi des violences psychologiques de la part de leur conjoint ou de leur ex-conjoint. Les violences sexuelles : Contrairement aux idées reçues, les violences sexuelles sont majoritairement le fait d un membre de l entourage proche de la victime. Selon l enquête CVS (Cadre de Vie et Sécurité) menée entre 2010 et 2014 par l INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques) et l ONDRP (Observatoire National de la Délinquance et de la Répression Pénale) en France, 84 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de viols ou de tentatives de viols par an (contre 14 000 hommes). 83% d entre elles connaissaient leur agresseur. D après les résultats de cette même enquête, depuis 2007, la proportion de femmes se déclarant victimes de violences sexuelles est plus de 3,5 fois supérieure à celle des hommes (soit environ 146 000 femmes «victimes déclarées» contre 39 000 hommes) 1. Enfin, 2,3 % des hommes et 2,5 % des femmes de 18 à 75 ans disent avoir été victimes d au moins un acte de violences physiques ou sexuelles au cours de l année précédant l enquête, soit une estimation de 560 000 femmes et 487 000 hommes sur l ensemble du territoire. Les mutilations sexuelles féminines : Les mutilations sexuelles touchent également un grand nombre de la population féminine : selon le Secrétariat général des Nations Unies, plus de 130 millions de filles dans le monde en ont été victimes. En France, l INED (Institut National d Etudes Démographiques) estime que 53 000 femmes de plus de 18 ans ayant subi une mutilation sexuelle vivaient sur le territoire national en 2004 2. Elles sont principalement originaires de pays où se pratique l excision (Mali, Sénégal, Côte-d Ivoire, Burkina- Faso). Mais la perpétuation de la pratique entre mère et fille diminue très fortement en contexte migratoire : seulement 11 % des filles de femmes excisées interrogées sont elles-mêmes excisées. Les mariages forcés : 1 Les principaux concepts liés à l enquête «Cadre de vie et sécurité» sont détaillés aux adresses suivantes : http://www.inhesj.fr/fr/ondrp/methodologie/les-enquetes-cadre-de-vie-et-securite-en-douze-questions http://www.inhesj.fr/sites/default/files/dico_methodo.pdf 2 Enquête «Excision et Handicap» (ExH) réalisée en 2009 par l Université Paris 1 et l INED.
Les mariages forcés, qui touchent en particulier les filles et les adolescentes, concernent plus de 64 millions de femmes dans le monde, principalement en Asie du Sud, en Afrique de l Ouest et en Afrique centrale. La dépendance économique et la menace du crime d honneur empêchent les victimes de fuir et de dénoncer les violences subies. En France, les mariages forcés concernaient en 2008 4 % des femmes immigrées et 2 % des filles d immigrés nées en France 3. Le phénomène du mariage forcé est donc en recul d une génération à l autre. Le faible niveau d instruction des parents et des personnes concernées est un facteur de risque important dans la reproduction de ce phénomène. Le harcèlement : Selon l enquête IFOP pour le Défenseur des droits, une femme sur cinq a été victime de harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle. Et le harcèlement sexuel n est pas limité au monde du travail : dans une enquête réalisée en 2015 par le Haut conseil à l égalité entre les femmes et les hommes, 100 % des femmes interrogées déclaraient avoir déjà été victimes de harcèlement dans les transports en commun. Répercussions économiques des violences au sein du couple En France, les répercussions économiques de ces violences et leurs incidences sur les enfants pour l année 2012 ont été estimé à 3,6 milliards d euros, selon l étude réalisée par PSYTEL en 2014. Ces coûts correspondent à : - 290 millions d euros de coûts médicaux directs, correspondant aux soins de santé ; - 256 millions d euros de coûts non médicaux directs, correspondant au recours aux services de police et de la justice ; - 229 millions d euros de coûts relatifs aux conséquences sociales des violences, et notamment du recours aux aides sociales ; - 1 379 millions d euros de coûts relatifs aux pertes de production dues aux décès, aux incarcérations et à l absentéisme ; - 422 millions d euros de coûts relatifs à l incidence sur les enfants. 3 Enquête «Trajectoires et Origines» sur les conditions de vie et les trajectoires sociales des personnes immigrées et issues de l immigration réalisée en 2008 par l INED et l INSEE.
Violences faites aux femmes : contre les idées reçues Contrairement aux idées reçues, les violences conjugales (physiques et psychologiques), les violences sexuelles et le harcèlement de rue touchent l ensemble des milieux sociaux. Les agresseurs comme les victimes sont originaires de toutes les classes sociales. Pourtant, les condamnations en justices sont loin de refléter cette réalité : d après le livre de Véronique le Goaziou et Maryse Jaspart Le viol. Aspects sociologiques d un crime, 90 % des violeurs condamnés sont issus d un milieu populaire. De manière générale, les violences faites aux femmes sont largement sous-déclarées (entre 2010 et 2012, selon l Insee et l ONDRP, seul 11 % des victimes de viols ou de tentatives de viols ont porté plainte) et extrêmement sous-jugées et sous-condamnées. Si le procureur décide de donner suite au dossier (il peut choisir de le classer pour manque de preuves), seuls 2 % des viols en moyenne sont jugés aux assises (c est à dire en tant que crime, comme prévu par la loi). Pour aller plus loin : http://www.unwomen.org/fr/what-we-do/ending-violence-against-women/facts-and-figures Les grandes enquêtes en France : - L enquête Cadre de vie et sécurité (CVS) ; - L Etude nationale sur les morts violentes au sein du couple ; - L étude relative à «l actualisation du chiffrage des répercussions économiques des violences au sein du couple et leur incidence sur les enfants en France en 2012» ; - L enquête de l INED intitulée Violences et rapports de genre (VIRAGE).