tissu social québécois Et agissons! Protégeons le l il? Le privé en santé : à qui profite-t-il sociaux



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Transcription:

Rendez-vous d échange et d information du mouvement communautaire lanaudois Le 28 octobre 2010 Le privé en santé : à qui profite-t-il il? Santé Gratuité Universa ersalité Services sociaux Éducation Démocratie Action Communautaire Pratiques citoyennes Environn onnement Protégeons le l tissu social québécois Et agissons!

Le privé en santé : à qui profite-t-il? LE DISCOURS DOMINANT Avant de plonger dans le cœur du sujet, rappelons-nous que le système de santé est la plus grosse institution du Québec par le nombre de personnes qui y travaillent (près de 10% de sa population active) et par son budget (10,7% du produit intérieur brut - PIB - en 2006). Comme toutes les grandes institutions, sa performance, sa légitimité et sa pérennité reposent sur la cohérence qu il y a entre, d une part, sa structure symbolique et sociale et d autre part, ses modalités d organisation et de financement 1. Depuis de nombreuses années déjà, la privatisation des services publics est un thème des plus populaire dans les discours politiques. L engouement pour la privatisation, sous toutes ses formes, touche maintenant le secteur de la santé québécois et fait l objet de nombreux débats au sein de la population Une population divisée sur la question et surtout, confuse devant le discours dominant voulant que la privatisation soit la solution à tous les maux : listes d attente interminables, crise des finances publiques, pénurie de main-d œuvre médicale, etc. À petites doses, une part des citoyens et citoyennes se fait donc à l idée néolibérale que la privatisation représente, peut-être, le meilleur choix pour la société québécoise. COMMENT EN EST-ON ARRIVÉ LÀ? Il est important de remonter au milieu des années 1990 pour constater que les différents gouvernements, tant au niveau provincial que fédéral, appliquent les méthodes prescrites par la Banque mondiale 2 afin, paraît-il, de rétablir l équilibre budgétaire et de limiter les dépenses publiques de santé. Par contre, le but semble plutôt de faciliter l ouverture de ce marché extrêmement lucratif de la santé aux investisseurs privés. Cependant, les promoteurs de la privatisation «à tout prix» ont vite réalisé l écart existant entre leurs souhaits et la réalité. Sondage après sondage, la population canadienne et québécoise réitère son attachement au système de santé public qui fait partie de son identité collective. Face à cette réalité, les politiciens doivent rivaliser de créativité, afin de se faire élire et demeurer au pouvoir et ce, tout en proposant des mesures rejetées massivement. La théorie des petits pas est donc appliquée. Sachant pertinemment que la pilule serait difficile à avaler pour la population, une stratégie visant à discréditer le système de santé en place a été mise de l avant. En 1994 et 1995 l opportunité se présente! Le désengagement financier majeur du gouvernement fédéral sur la facture totale de santé du Québec (diminution de 14 milliards de ses paiements de transfert sur 2 ans), a ouvert la porte au gouvernement du Québec. Celui-ci prêche donc en faveur d un rôle accru du privé dans le domaine de la santé, volonté politique étroitement liée à l atteinte absolue du Déficit Zéro. 1 André-Pierre Contandriopoulos, Diagnostic d une crise, revue Relations, juin 2009 2 www.banquemondiale.org 2

UN BRIN D HISTOIRE 1995 Mise de l avant de la réforme Rochon, initiatrice du virage ambulatoire. Alors que ce dernier visait une plus grande humanisation des soins, sans allocation de ressources humaines et financières, il entraînera plutôt la fermeture d hôpitaux, avec comme conséquences une diminution de la qualité et de l accessibilité des services ; 1997 Mise en place d un programme de retraite anticipée pour les infirmières : 4200 infirmières quittent alors la profession ; 1999 Dépôt du Rapport Clair où il est, entre autre, suggéré de faire une place accrue au secteur privé ; 2003 La Loi 25, qui instaure les réseaux locaux de services (RLS) et reconnaît les entreprises privées comme parties prenantes du réseau de la santé et des services sociaux du Québec ; 2004 Loi cadre sur les partenariats publics-privés (PPP) ; 2005 Jugement Chaoulli, où la Cour suprême détermine que les QuébécoisEs ont le droit de contracter une assurance privée pour se faire soigner au privé, si les délais d attente le justifient ; 2006 Adoption de la loi 33 autorisant le recours au privé, au frais de l État, pour notamment des opérations de la cataracte, de la hanche et du genou ; 2007 Ouverture, par le docteur Chaoulli, de la première firme de courtage de soins de santé, où il est proposé, moyennant des frais, de «magasiner» un médecin dans le secteur privé ou public ; 2008 Dépôt du Rapport Castonguay prônant, entre autres, l augmentation de la contribution des citoyennes au financement du réseau de la santé et la présence accrue de la place du secteur privé dans la santé au Québec ; 2008-2010 Grands débats et déboires sur la construction de CHSLD et du CHUM par le biais de partenariats publics-privés (PPP) ; 2010 Ouverture du premier CHSLD construit en partenariat public-privé (PPP) ; 2010 Mise en application de la contribution santé. UN EXEMPLE CONCRET DE PPP: NOUVEAUX CHSLD Rappelons qu au départ, lorsque le gouvernement québécois a adopté le mode des partenariats publics-privés, ces derniers étaient censés, en santé comme dans tous les autres domaines d ailleurs, permettre à l État de maintenir une prestation publique de services de qualité à la population, par une prise en charge privée de la construction et de l entretien des infrastructures. En aucun cas il n a été question que les services rendus à la population le soient par des entreprises privées, et ce, encore moins dans le domaine de la santé et des services sociaux. Pourtant, il y a quelques semaines ouvrait le Centre d hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) du Centre de santé et des services sociaux (CSSS) Champlain, en Montérégie CHSLD dont la prestation des soins de santé est dévolue au secteur privé. De plus, les entreprises privées, auxquelles on transmet la responsabilité totale des soins et des services de santé du CHSLD, ne poursuivent, malgré toutes les façons dont on peut s évertuer à renouveler la formulation de leur finalité, que des objectifs de rentabilité économique et financière. Il s agit d une réalité des plus préoccupante alors que nous parlons du droit des citoyens à des services de santé accessibles et universels. 3

DANS QUELLE LOGIQUE POLITIQUE A-T-ON RECOURS AUX PPP POUR LES CHSLD? Le gouvernement du Québec, dans ses réflexions entourant la santé chez les personnes âgées, propose de privilégier le domicile comme lieu d habitation où les services de maintien à domicile peuvent suppléer à la perte d autonomie. Il propose, en quelque sorte, la désinstitutionalisation pour les personnes âgées en perte d autonomie. Sur un horizon de 10 ans, le ministère de la Santé et des Services sociaux souhaite appliquer différentes mesures qui viennent confirmer cette vision : Rehausser le seuil de perte d autonomie à partir duquel une personne devrait être hébergée en milieu institutionnel. Le seuil passerait à 3.5 heures/soin pour les CHSLD publics et privés conventionnés. L objectif est de maintenir le nombre de places en CHSLD publics, de telle sorte que le taux d hébergement passerait de 3.5% en 2004 à 3% en 2010. Des lits seront fermés dans les institutions publiques et transférés dans des établissements construits en PPP 3 ; Les personnes en perte d autonomie dont la condition ne justifierait plus le placement en CHSLD, selon les nouveaux critères, seraient dirigées vers les ressources intermédiaires et de type familial ; Le gouvernement veut également modifier la méthode de calcul de la contribution financière des personnes hébergées. IMPACTS DES MESURES ENTOURANT LA PRIVATISATION DES CHSLD L augmentation du ratio, concernant le nombre d heures de soins nécessaires pour être hébergé en CHSLD public, alors que celui des établissements privés restera le même affectera nécessairement l accessibilité aux soins ; Exemple : Cette décision risque d accentuer la présence d un système à deux vitesses pour les personnes âgées en perte d autonomie. Ainsi, une personne nécessitant moins de 3.5 heures de soins par jour sera dorénavant dirigée vers une ressource intermédiaire. Toutefois une personne relativement fortunée, dans la même condition, pourra s offrir une place dans un CHSLD privé non conventionné. L État, en cédant la prestation de soins à des entreprises privées, se désengage de ses responsabilités et ouvre la porte à des situations pouvant affecter la qualité des soins offerts. N oublions pas que le but premier de l entreprise privée est la rentabilité et le profit ; Exemple : Le CHSLD en Montérégie, géré par une société privée (cité plus haut), ne comptera que 8 préposés et 1 infirmière par nuit pour 200 patients en lourde perte d autonomie. Cette situation est notamment dénoncée par plusieurs acteurs du milieu de la santé. 4 La construction de CHSLD en PPP et l abandon de sa gestion à des entreprises privées peuvent alourdir la gestion, alors que celle-ci devait s en trouver allégée. Exemple : Le CHSLD en Montérégie éprouve des difficultés à recruter des médecins pour son centre. Il y a un débat à savoir qui du CSSS ou du partenaire privé doit assumer cette responsabilité. Alors que toutes les énergies sont déployées pour accroître la productivité, il y a peu de réflexions face à la tâche accrue que devront assumer les infirmières affiliées aux CHSLD publics. La lourdeur des cas sera accentuée, sans pour autant voir une augmentation des effectifs, surtout en situation de pénurie de main d œuvre. Il y aura donc un recours aux services des agences de placement privées et les coûts seront plus élevés. Il serait essentiel que le gouvernement se penche sur les conditions de travail des travailleurs du milieu de la santé et ce, dans une optique de recrutement et de rétention. 3 Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, Pour contrer la désinstitutionalisation, 2008 4 Ariane Lacoursière, cyberpresse.ca, 10 septembre 2010 4

POUR DÉCONSTRUIRE LE DISCOURS DOMINANT Maintenant, voici quelques questions à soumettre à vos membres lors d un atelier, d un café rencontre ou d un échange traitant de leurs perceptions sur l état actuel du système de santé et de la privatisation grandissante. Mythe 1 Mais voyons! L état n a plus les moyens de payer pour un système universel de soins de santé! Qu en pensez-vous? Quelques faits Cette affirmation, bien que faisant partie du discours dominant, est plutôt alarmiste ; Si l on compare à l ensemble des sommes investies dans les programmes gouvernementaux, les coûts liés à la santé (secteurs privé et public), ils sont passés de 30 à 38% entre 1976 et 2006 ; L essentiel de cette augmentation des coûts, sur trente ans, a eu lieu durant la dernière décennie. Cependant, les cinq dernières années correspondent à la période où l État a vu ses recettes diminuer de cinq milliard, suite à des baisses d impôts ; Il y a 20 ans, le Québec dépensait en moyenne 7,5% de son produit intérieur brut (PIB) valeur totale de la production des biens et des services de la province pour les soins de santé ; Au cours des dernières années, et encore aujourd hui, le pourcentage des dépenses en santé est demeuré sensiblement le même, soit 7,9% de la richesse collective 5. Mythe 2 La population est vieillissante ça fait certainement pression sur les coûts en santé. Qu en pensez-vous? Quelques faits Le pourcentage d augmentation des dépenses en santé attribuable au vieillissement de la population est seulement de 1,8% ; La majorité des hausses sont dues à la hausse du prix des médicaments ; Des pays au nord de l Europe, comme le Danemark et la Suède, vivent cette situation et leur système de santé public est demeuré performant. Mythe 3 Au bout de la ligne, le privé ça coûte moins cher! Qu en pensez-vous? Quelques faits Non seulement l acceptation d un système privé de financement soit directement de la poche de l usager, soit à partir d assurances complémentaires ne réduirait pas les coûts, mais au contraire les augmenterait. Oui, il est possible que les coûts publics diminuent, mais les coûts totaux augmenteraient inévitablement. 5 Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, Pour contrer la désinstitutionalisation, 2008 5

Les coûts d administration des assurances privées de santé sont plus élevés que ceux des services publics ; Au Québec, l administration du système de santé public coûte de 3% à 6% de la totalité du système de santé, alors que l administration d un système privé coûte de 15% à 30% ; Les coûts de construction, par le biais des PPP, augmentent par rapport aux coûts publics. Le Rapport spécial du Vérificateur général du Québec sur la vigie relative aux projets de modernisation des centres hospitaliers universitaires de Montréal le démontre très bien 6. Mythe 4 Moi j en veux un système privé, les riches vont y aller et ça va désengorger le système public! Qu en pensez-vous? Quelques faits Les études tendent toutes à démontrer que la présence d un système mixte (privé et public) ne diminue pas le temps d attente dans le système public, au contraire, l attente augmente ; En effet, en situation de pénurie de ressources médicales et infirmières, la présence d un système privé parallèle encourage les praticiens à quitter le système public. Les conditions de travail y sont souvent meilleures et la pression est moins grande ; La présence grandissante du système privé parallèle pourrait aussi conduire à une diminution de la qualité des services offerts dans le système public. En effet, le système public perdrait son principal mécanisme d amélioration, la prise de parole des usageres par le service des plaintes mis en place. De plus, des études effectuées depuis 20 ans ont comparé la performance des hôpitaux privés à but lucratif et sans but lucratif et des hôpitaux publics. Sur 146 études : 88 concluent que les centres sans but lucratif ont une meilleure performance en termes d accès, de qualité et de rentabilité, 43 études concluent à une performance similaire. Finalement, seulement 18 études ont montré une meilleure performance des hôpitaux à but lucratif 7. PISTES DE SOLUTIONS Réflexion 1 - Mais alors, quelles sont les solutions pour sauver le système public sans se tourner vers la privatisation? Qu en pensez-vous? Les pistes de solutions ici suggérées relèvent des recherches et projets pilotes du Docteur Réjean Hébert, doyen de la Faculté de médecine de l Université Sherbrooke. La diminution des listes d attente peut passer par une réorganisation des soins dans le secteur public. Il semble que la création d une liste commune, et non une liste relevant de chaque médecin, serait beaucoup plus efficace. Une modernisation des systèmes informatiques permettrait une meilleure circulation de l information entre les différents intervenants. Une meilleure reconnaissance de l importance de la prévention dans la gestion des services de santé permettrait de réduire le nombre de malades. Une grande part de l augmentation des coûts en santé est attribuable à la hausse des prix des médicaments. La Régie de l assurance maladie du Québec devrait s appliquer à mieux négocier les prix. Réflexion 2 En tant que citoyenne et citoyen, qu est-ce que je peux faire pour contribuer à la sauvegarde du système de santé public et de ses valeurs d universalité et d accessibilité? Qu en pensez-vous? 6 http://www.vgq.gouv.qc.ca/fr/fr_publications/fr_rapport-annuel/fr_2010-2011-rapport-chu/fr_rapport2010-2011-chu.pdf 7 François Champagne, L illusion du privé, revue Relations, juin 2007 6

POUR MIEUX COMPRENDRE Afin de bien saisir le contenu de ce document et de pouvoir l utiliser à l intérieur d activités offertes à vos membres, voici quelques définitions directement en lien avec cette brochure. Partenariat public-privé Le partenariat public-privé (PPP) est un mode de financement par lequel une autorité publique fait appel à des prestataires privés pour financer et gérer un équipement assurant ou contribuant au service public. Le partenaire privé reçoit en contrepartie un paiement du partenaire public et/ou des usagers du service qu'il gère. Centre d hébergement et de soins de longue durée CHSLD Il s agit d une ressource institutionnelle qui offre un milieu de vie substitut, des services d hébergement, d assistance, de soutien, de surveillance, de réadaptation ainsi que des services psychosociaux, infirmiers, pharmaceutiques et médicaux à des personnes en perte d autonomie fonctionnelle ou psychosociale. L établissement reçoit, sur référence, les personnes qui requièrent ces services. CHSLD privé conventionné Il s agit d une compagnie privée qui signe un contrat ou une convention avec l Agence régionale et cette dernière lui transmet son budget selon les modalités prévues au contrat. Bien que l usager contribue financièrement pour être hébergé dans un CHSLD public, la contribution en CHSLD conventionné est plus élevée. CHSLD privé non conventionné Ce type de CHSLD est entièrement financé par la contribution financière des usagers. Ressource intermédiaire Il s agit d une ressource rattachée à un établissement public ou à un CSSS. Elle procure à l usagere un milieu de vie où des services de soutien ou d assistance sont dispensés. Une ressource intermédiaire peut être à but non lucratif (organisme communautaire) ou à but lucratif. Les services peuvent être à court, moyen ou long terme. Un établissement public peut référer un usagere à une ressource intermédiaire. En fait, il sous-traite des lits. La contribution de l usagere est établie selon la tarification de la RAMQ. 7

Notes complémentaires : 8