DISCOURS DE DIANE LAVALLÉE, PRÉSIDENTE LORS DU COLLOQUE «DES PARTIS ET DES FEMMES» ORGANISÉ PAR LE GROUPE FEMMES, POLITIQUE ET DÉMOCRATIE

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DISCOURS DE DIANE LAVALLÉE, PRÉSIDENTE LORS DU COLLOQUE «DES PARTIS ET DES FEMMES» ORGANISÉ PAR LE GROUPE FEMMES, POLITIQUE ET DÉMOCRATIE 1 er novembre 2002 Cercle de la Garnison Québec

Discours de Mme Diane Lavallée lors du colloque «Des partis et des femmes» organisé par le groupe Femmes, politique et démocratie Discours de Mme Diane Lavallée lors du colloque «Des partis et des femmes» organisé par le groupe Femmes, politique et démocratie Date de publication : 2002-11-01 Auteur : Conseil du statut de la femme

Mesdames, Messieurs, Mon intervention au colloque «Des partis et des femmes» se traduira plutôt par «Un parti, une femme». Je vous parlerai de ma réalité, du cheminement qui m a conduit à poser ma candidature aux élections provinciales de 1994. Cette tribune m offre aussi une occasion en or de rappeler quelques constats, tirés des travaux du Conseil du statut de la femme, et de vous soumettre des pistes de solution pour accroître la participation des femmes aux postes politiques. Question d alimenter les débats. D emblée, il est important de préciser que l entrée à la candidature d un poste se fait de deux façons qui peuvent se résumer en deux mots : par le «haut» ou par le «bas». Pour ma part, cette invitation a été formulée par le «haut» par le président du parti et, à plusieurs reprises, par des femmes députées de ce parti qui avaient le mandat de solliciter la candidature de femmes. D autres partis de la scène fédérale ont aussi procédé de la même façon pour me solliciter. Je sais pertinemment que les femmes sont plus rares que les hommes à faire l objet de tels appels. Bien sûr, mon passé de chef syndical, mon expérience politique, ma capacité à gouverner, ma notoriété publique d alors et le fait d être une femme sont les ingrédients favorables qui ont amené la direction des partis à me solliciter. Le seul fait d être une femme ne suffit pas! Les partis cherchent à se faire élire, posséder le pouvoir en s associant des personnes qu ils jugent susceptibles de les aider à l acquérir. Bien que préparée à l action politique, la décision de faire le saut n a pas été facile. J avais deux dilemmes : mon désir de vouloir rester à l extérieur de l arène politique ou choisir d y entrer avec les risques que ça comporte. La réputation des personnes politiques, ce milieu composé majoritairement d hommes, l exigence de la tâche et la disponibilité qu elle demande sont autant d éléments qui rendent la décision difficile, et ce, même si j ai toujours claironné, sur tous les tons, l importance d accroître la participation des femmes dans les postes de pouvoir. C est mon désir et ma volonté de vouloir changer les choses, de participer à l édification d un projet de société plus juste et plus équitable et, sûrement encore, une bonne dose d audace, qui m ont convaincu d accepter. Avant même de donner son accord, il est important de se préciser à soi-même les orientations que l on souhaite privilégier et sur lesquelles on veut travailler et de clarifier les objectifs que l'on poursuit (santé, éducation, travail, condition des femmes, etc.) si l on ne veut pas se perdre dans les contraintes de l exercice du pouvoir. Je crois surtout que ces orientations et ces objectifs doivent être connus et partagés par le président et la direction du parti. Des échanges doivent avoir lieu pour faire préciser le projet de société dans lequel lui et son équipe veulent engager la population. 2

Je n étais pas militante du parti et je ne vivais pas dans la circonscription électorale que j ai choisie (car on ne m a pas désignée à un comté). Deux autres personnes souhaitaient se faire la lutte à l investiture du parti, une autre femme et un homme militant de longue date dans le parti. J ai effectué personnellement des démarches auprès de ces personnes pour leur signifier mon intérêt à me présenter dans leur comté lors de l investiture. À peine trois semaines avant la date de la mise en candidature, un candidat demeurait en lice et il s est retiré en me donnant son appui ainsi que celui de son équipe (comme ce fut le cas avec l autre candidate). J étais prête à mener la bataille à l investiture. Mais, dans mon cas, celle-ci n a pas eu lieu. Qu il y ait ou non une lutte à ce niveau, les partis provinciaux imposent déjà une limite aux dépenses pour les campagnes et exigent des rapports de contrôle, ce qui permet de circonscrire les coûts d une telle opération. Un avantage indéniable pour nous les femmes. Je dois vous rappeler qu au moment de l investiture, j avais quitté le poste de présidente de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec (FIIQ) et j avais pris un congé de maternité «sans traitement» de mon hôpital d attachement. De décembre 1993, date à laquelle j ai quitté la FIIQ, au 12 septembre 1994, date des élections, les seules entrées de fonds perçues ont été mes vacances annuelles accumulées, l allocation de trois mois de départ de la FIIQ et le congé de maternité prévu à l assurance chômage (que j ai dû rembourser par la suite). N ayant pas de fortune familiale ni un richissime conjoint Je peux vous dire que les coûts de participation à une campagne électorale sont très coûteux, bien que les dépenses soient contrôlées. Comme je vous l ai mentionné, je suis entrée par le «haut», et ce, contrairement aux nombreuses recherches sur les femmes et la politique qui confirment que les femmes qui obtiennent souvent l investiture d un poste ont fréquemment fait leurs preuves comme militantes de longue date. C est généralement l aboutissement de leurs actions militantes qui les amène à se porter candidates à l investiture du parti, à la demande des militantes et des militants de la base ou moins souvent de leur propre initiative. Ce sont les candidatures qui entrent par le «bas». D où l importance pour les femmes d investir les partis politiques, d autant plus qu elles auraient plus de succès que les hommes quand elles se portent candidates à une investiture. Les lieux d influence au sein des partis sont nombreux et notre présence à ces niveaux est essentielle. Il existe en effet des comités de travail tant sectoriel que d orientation générale qui proposent au parti les priorités d action qui guideront le futur gouvernement, si le parti accède au pouvoir. J ai donc été amenée à travailler avec d autres collègues sur le comité santé afin d établir les priorités d un futur gouvernement à cet égard. J ai aussi siégé au niveau du comité de la plate-forme électorale qui est le comité chapeau où on discute et où on décide de l ensemble des priorités sur lesquelles travaillera le parti, s il est élu (je vous dirais que ça ressemble passablement à ce que doit être un Conseil des ministres). 3

On y retrouve des femmes et des hommes (en plus grand nombre) provenant des diverses régions du Québec, qui ont des expertises diverses, des politiciennes et des politiciens d expérience ainsi que quelques nouvelles recrues. C est à ce comité, entre autres, que la décision a été prise d aller de l avant avec une Loi sur l équité salariale comme priorité pour les femmes Après de vigoureuses discussions et une bonne dose de persuasion Je suis convaincue que l amélioration de la présence et de la participation des femmes dans les instances démocratiques passe en grande partie par des initiatives prises par les partis politiques. Je crois qu ils constituent la clé de l accès des femmes à l Assemblée nationale tout comme aux conseils municipaux. C est pourquoi, j estime que les partis doivent revoir les règles qui les régissent concernant la sélection des candidates et des candidats en vue d'y apporter une plus grande équité. Ils doivent aussi réfléchir à leur mission de formation politique. Le CSF croit fermement à ces deux avenues gagnantes. D autres solutions existent. Je pense au contrôle des dépenses à l occasion des investitures que tous les partis doivent effectuer, à la création de comités de recrutement composés en parts égales de femmes et d hommes, au niveau des circonscriptions ou des districts municipaux, à la formation politique active et continue de leurs membres. Le mouvement des femmes doit accentuer ses pressions sur les partis, les acteurs inéluctables dans le processus démocratique. Devant la lente progression des femmes en politique et afin d inciter les partis à présenter un plus grand nombre de candidates et de les placer en situation avantageuse, le CSF recommande : 9 qu un parti politique qui compte au moins 30 % de femmes parmi ses députés, à la suite d une élection générale, reçoive un remboursement de ses dépenses électorales majoré du pourcentage de femmes élues dans sa formation politique; et 9 que la Loi électorale stipule que cette mesure prendra fin lorsque le pourcentage des femmes députées à l Assemblée nationale aura atteint 40 % à la suite d une élection générale. Il serait par ailleurs fort souhaitable que ces primes servent à prendre des initiatives susceptibles de favoriser la participation politique des femmes notamment par la voie de la formation politique. De plus, je considère qu un programme comme «À égalité pour décider» devrait être reconduit, et ce, avec des ressources financières accrues, car il représente un engagement concret de l État québécois dans la recherche d un partage plus équitable des pouvoirs entre les femmes et les hommes qui me semble, bien que jeune, avoir fait ses preuves. Tant et aussi longtemps que nous n aurons pas atteint l équilibre de représentation des femmes et des hommes dans les différentes instances de pouvoir, il faut continuer à analyser les diverses avenues susceptibles d accroître le pouvoir des femmes. Il faut aussi garder en tête que la politique est et demeurera un rapport de force continuel, et ce, malgré l accroissement du nombre de femmes à l Assemblée nationale notamment. Les batailles d idées, la confrontation, les 4

stratégies et les compromis, ces éléments souvent perçus comme hostiles par les femmes, seront toujours de la partie! Nous devons nous donner les moyens d apprivoiser cet univers. Merci. 5