COURS : LES LINGUISTES DANS LE MONDE DU TRAVAIL Acquisition du langage
EXPLOITER LES ENSEIGNEMENTS DE LINGUISTIQUE La formation de linguiste apporte de nombreux enseignements précieux pour tous les métiers touchant à la petite enfance Développement d outils pour les enfants (outils éducatifs en particulier) Encadrement, suivi, éducation des enfants Orthophonie, psychologie Enseignements des langues (secondes) Mais aussi pour toutes les interactions avec des enfants et dans certains cas avec des adolescents et des adultes Les principes d interaction qui se mettent en place chez les jeunes enfants restent valides à tout âge
PLUSIEURS TRANCHES D'ÂGE Enseignements différents suivant les tranches d âge (même si certains principes s appliquent à tout âge) Développement précoce (première année) Développement intermédiaire (de 1 à 6 ans) Développement scolaire (à partir de 6 ans)
DIFFICULTÉ INHÉRENTE À TOUTE COMMUNICATION La communication et le langage se partagent Mais on n a aucun moyen de savoir ce qu il y a dans la tête d autrui Pas de «télépathie» Nos idées, nos envies sont communiquées par notre seul comportement L interlocuteur doit «deviner» ce que l on dit: Il faut donc que «l énigme» que l on pose puisse être résolue On a intérêt à faciliter le travail de nos interlocuteurs Paul Grice On doit anticiper et s accorder une grande marge de manœuvre dans notre compréhension d autrui Notre seule source de connaissance fiable, ce sont nos propres expériences personnelles
DÉVELOPPEMENT PRÉCOCE Créer la communication à deux (ou à plusieurs) Dès la naissance de l enfant, ses proches attribuent du sens à ses actions (pleurs, cris, mouvements de bras, de bouches, etc.) C est inévitable (on cherche à communiquer avec l enfant) C est nécessaire (le petit enfant ne connaît encore rien et il ne peut au début faire le trajet inverse attribuer du sens à l adulte) Comment? Imitation, intersubjectivité, attention partagée
DANIEL STERN: THE INTERPERSONAL WORLD OF THE INFANT (1985) A partir de sept mois, l enfant prend conscience que ses pensées sont différentes de celles des autres. Vers 15 mois, l enfant développe la capacité de représentation symbolique et peut créer des représentations abstraites Réception de sensations nouvelles et encore désorganisées. Apprentissage de la différence entre soi et le reste du monde. Vers deux mois, création des premiers souvenirs de situations précises. Attentes par rapport à l environnement et perception de soimême.
COLIN TREVARTHEN: INTERSUBJECTIVITÉ CHEZ LE NOURRISSON Un nouveau né ne peut pas, comme un adulte, utiliser toute son expérience et ses connaissances passées Pourtant on constate (en analysant le comportement des tout-petits) que : Ils coordonnent leurs mouvements et leur sensations avec celles des autres personnes Ils entretiennent des relations familières et séduisent leurs interlocuteurs Comme s ils ressentaient leurs sentiments et leurs intentions Cette relation d intérêt et d affection semble être cruciale pour le développement de l enfant
MICHAEL TOMASELLO: ATTENTION CONJOINTE Vers 9-12 mois, les enfants commencent à partager de manière systématique les intentions des adultes: Relations triadiques: l enfant comprend que l adulte cherche à agir sur le monde qu il les entoure Enfant Adulte But
TOMASELLO, LIEVEN, GOLDBERG: DÉVELOPPEMENT BASÉ SUR L USAGE L acquisition de sa langue (du lexique et des structures) se fait par l usage - La nature et la variabilité des formes entendues - Le nombre des répétitions et la nature des répétitions à ont un effet direct sur les connaissances langagières d une personne
REPÈRES CHRONOLOGIQUES DU DÉVELOPPEMENT Avant un an: Echanges émotionnels A partir d un an environ: Premiers mots, premiers échanges verbaux A partir de 18 mois à 2 ans Combinaisons de mots A partir de trois ans Enoncés grammaticaux complets, prononciation compréhensible même en dehors des proches A partir de quatre à cinq ans Commence à raconter des histoires, comprend le déroulement du temps
STRUCTURES LANGAGIÈRES Lexique, expressions figées 1;09.11 les chaussures [ə ʃosy] (2 occurrences) 2;00.00 comme ça [kosa] (18 occurrences) 1;10.07 c est qui? Assemblages d expressions figées 1;11.07 *CHI: c'est qui a trouvé Boucle d or? *CHI: c'est qui i(l) fait rien? *CHI: c'est qui yy fait rien? *CHI: c'est qui yy <fait> [/] fait rien là. 2;09.16 *CHI: c'est qui? *CHI: oh c'est qui c'est la tétine.
STRUCTURES PLUS ABSTRAITES Ex: c est {X} qui {Y} c'est papa qui m' a donné c'est maman qui descend la poussette de moi. c'est le monsieur qui fait du bruit. Ex: il {mange/boit} du {Y} *CHI: lui i(l) mange du pain grillé avec de la confiture. *CHI: i(l) mange [de] cheval. *CHI: i(l) mange du la purée. *CHI: non i(l) [/] <i(l) &s> [//] i(l) mange du lait! *CHI: ouais si il boit du [/] du chocolat et du lait. *CHI: i(l) boit du l' eau. *CHI: +< mais [/] mais <c'est un bébé> [/] mais [/] mais c'est un grand bébé mais <il a> [//] il boit du biberon. Ex: {X} {Y} *CHI: 0 [=! tousse] la voiture elle mange le gratin. *CHI: elle mange le poisson. *CHI: et lui i(l) mange elle elle mange et lui i(l) mange.
DÉVELOPPEMENT BASÉ SUR L USAGE: RÉPÉTITION À L IDENTIQUE Répétitions à l identique: Enracinement, amélioration des capacités de perception, de production, de traitement Plus souvent on entend une forme, plus on la manipule facilement Mais ne permet pas d apprendre à généraliser.
RÉPÉTITIONS À L IDENTIQUE 905 «merci» dans le corpus, dont 339 «merci» isolés. *MOT: on dit merci! *MOT: +< on dit merci! *MOT: t' as dit merci à Aliyah? *MOT: i(l) dit merci [=! hoche la tête]. *MOT: et on dit merci! *MOT: <mais elle est si bien élevée qu' elle dit merci> [=! lit]. *MOT: et on dit merci maman. *MOT: ah elle dit (mer)ci pour dire merci. *MOT: <oh il dit merci beaucoup je la mettrai sur la plage pour me protéger du <soleil> [>] > [=! lit]. *MOT: et t(u) as dit merci à Lili? *MOT: on dit merci!
DÉVELOPPEMENT BASÉ SUR L USAGE: REPRISES AVEC VARIATIONS Reprises avec des variations - Plus on reprend une forme en variant son contexte et la manière dont elle est utilisée à Plus on facilite la généralisation et la capacité d invention
VARIATIONS AUTOUR D UNE FORME C est qui *OBS: c'est qui maman? *MOT: +< regarde mon coeur c'est qui? *AUN: c'est qui? *FAT: +< oui c'est qui? *ADU: +< c'est qui le pied? *OBS: et ça c'est qui ça? *MOT: c'est qui qui a acheté ce téléphone mon chéri? *MOT: ça c'est qui Antoine? *OBS: c'est qui ça? *OBS: <c'est qui> [<]? *OBS: <c'est qui ça là+bas> [=! chuchote]? *MOT: hé c'est qui le coquin?
APPLICATIONS DES CONNAISSANCES SUR LE DÉVELOPPEMENT LANGAGIER Savoir qu il faut chercher à s ajuster au langage, à la vitesse, des jeunes enfants Dès le plus jeune âge, des interactions avec les enfants peuvent se mettre en place mais elles doivent s ajuster de très près les capacités et les intérêts de l enfant On peut faire demander des ajustements à l enfant, mais on doit toujours demander des choses proches de ce que l enfant sait déjà faire
CONDUITE DES INTERACTIONS LANGAGIÈRES Pour faciliter le développement du langage chez l enfant Il faut souvent répéter et renforcer ce qu il dit et ce qu il fait Principe de répétitions à l identique Ne jamais considérer que quelque chose est «évident» pour l enfant, ne pas hésiter à renforcer Il faut introduire de la variété pour permettre la créativité Principe de répétitions avec variation Ne faire que des répétitions à l identique est insuffisant
ATTENTION AU BILINGUISME Les connaissances de l enfant sont directement dépendantes que la quantité de langage et d interaction qu il reçoit Dans les cas d usage de plusieurs langues, il faut tenir compte de l expérience effective de l enfant dans chaque langue Chaque cas est particulier (famille, histoire, culture)