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CHAPITRE 6 LES DOULEURS NEUROPATHIQUES SEMIOLOGIE ET STRATEGIE D EVALUATION Pascal Cintas et Nathalie Cantagrel Plan du Chapitre DEFINITION 1. Rappel physiopathologique des douleurs neuropathiques 1.1. Mécanismes périphériques 1.2. Mécanismes centraux 2. Diagnostic d une douleur neuropathique 2.1. Interrogatoire 2.2. Examen clinique 2.3. Outils d aide au diagnostic 2.4. Examens complémentaires 3. Evaluation de la douleur neuropathique 3.1. Evaluation non spécifique 3.2. Evaluation spécifique 4. Douleurs neurogènes périphériques 4.1. Polyneuropathies douloureuses 4.2. Neuropathies focales ou multifocales 4.3. Compressions radiculaires 4.4. Ganglionopathies 5. Douleurs centrales 5.1. Médullaires 5.2. Tronc cérébral 5.3. Encéphale

DEFINITION La douleur neuropathique est définie comme une douleur secondaire à une lésion ou une maladie affectant le système somato-sensoriel. Près de 7% de la population souffre de douleurs chroniques avec les caractéristiques d une douleur neuropathique soit un quart des patients douloureux chroniques. Elle diffère de la douleur nociceptive par les mécanismes, la distribution, les symptômes et le traitement. Elle est de deux types : La douleur neuropathique périphérique : selon son origine, elle peut concerner les territoires d un plexus (brachial ), d une racine (L4, L5, ), d un tronc (nerf cubital, sciatique poplité externe ) ou être plus diffuse dans le cadre de polyneuropathies. De façon très schématique, son mécanisme fait appel à une suppression des phénomènes inhibiteurs et/ou à la survenue de décharges ectopiques sur les fibres nociceptives. La douleur neuropathique centrale : il s agit de lésions affectant les voies sensitives ou du contrôle de la douleur. Leur systématisation est donc caractéristique du niveau d atteinte : thalamus, moelle Tableau 1 : comparaison des différentes caractéristiques des douleurs chroniques neuropathiques et par excès de nociception. TYPE DE DOULEUR DOULEUR PART EXCES DE NOCICEPTION DOULEUR NEUROPATHIQUE Prévalence dans la 25% 7% population générale Physiopathologie Stimulation des nocicepteurs Lésion ou maladie nerveuse périphérique ou centrale Sémiologie Rythme mécanique ou inflammatoire Composante continue ou paroxystique Composante spontanée ou évoquée Dysesthésies Topographie Sans systématisation Avec systématisation neurologique Examen clinique Examen neurologique normal ; on peut souvent trouver une manoeuvre reproduisant la douleur Traitement Médicaments antalgiques : paracétamol, acide acétyl salicylique et antiinflammatoires non stéroïdiens, opioïdes neurologique Signes d hyposensibilité (hypoesthésie, anesthésie) Signes d hypersensibilité (allodynie, hyperalgésie) Médicaments spécifiques appartenant à la classe des antidépresseurs et des antiépileptiques

I - RAPPEL PHYSIOPATHOLOGIQUE DES DOULEURS NEUROPATHIQUES Les douleurs neuropathiques présentent la particularité de répondre peu ou pas aux antalgiques usuels. Les mécanismes physiopathologiques impliqués sont donc différents des douleurs nociceptives. Les divers travaux expérimentaux ont permis de préciser les mécanismes impliqués. Malgré la présence initiale d une lésion périphérique (traumatisme, névrome ) il est actuellement admis qu il existe assez rapidement des modifications importantes à la fois périphériques mais aussi centrales, en particulier au niveau de la corne dorsale de la moelle à l origine des phénomènes douloureux. 1.1. Les mécanismes périphériques 1.1.1. Présence d activités électriques ectopiques : Les douleurs spontanées (continues et/ou paroxystiques) pourraient être en partie liées à l apparition d activités électriques anormales dans les fibres de petit calibres qui véhiculent la douleur. Ces décharges ectopiques peuvent naître du tronc nerveux, des corps cellulaires situés dans le ganglion sensitif ou au niveau de plaque de démyélinisation sur les axones des fibres de gros diamètre. Elles sont en grande partie liées à des modifications de l expression et de la répartition des canaux sodiques. 1.1.2. Sensibilisation des récepteurs nociceptifs : elle est caractérisée par une diminution du seuil d activation de ces récepteurs, une augmentation de leurs réponses aux stimulations supraliminaires, ainsi que l apparition d une activité spontanée. Cette sensibilisation serait en grande partie liée à des phénomènes d inflammation neurogène à l origine d une libération locale de cytokines et de neuropeptides tels que la sérotonine. 1.1.3. Présence de connexions anormales entre les fibres = éphapses : il s agit de véritables «court-circuits» entre des fibres de petit calibre par des fibres de gros calibre. Ainsi, une stimulation tactile non nociceptive peut être à l origine d une activation des fibres nociceptives. 1.2. Les mécanismes centraux 1.2.1. Sensibilisation centrale. Il s agit de mécanismes conduisant à la présence d une hyperexcitabilité des neurones nocicepteurs médullaires. Cette hyperexcitabilité se caractérise par la présence de décharges spontanées et d une augmentation de leurs réponses aux stimulations. L activation des fibres Aδ et C va être à l origine d une libération massive d acides aminés excitateurs tel que le glutamate au niveau des cordons postérieurs de la moelle. Cette libération de glutamate entraîne, par sa liaison sur les récepteurs NMDA, une dépolarisation des neurones nociceptifs et une entrée massive de calcium intracellulaire. Ces modifications vont être à l origine d un état d hyperexcitabilité de longue durée des neurones nocicepteurs centraux. 1.2.2. Altération des systèmes de modulation. Plusieurs systèmes de régulation de la douleur existent au niveau spinal (inhibition segmentaire telle que la théorie du «contrôle de porte») ainsi qu au niveau cérébral (contrôle descendant). Dans les douleurs neuropathiques, un défaut d inhibition segmentaire médullaire normalement exercé par les fibres de gros calibre sur l activité des fibres impliquées dans la nociception (Aδ et c) a été observée. Plusieurs éléments plaident en faveur d une diminution du contrôle cérébral descendant.

1.2.3. Les modifications histologiques. Il existe en effet des modifications des terminaisons des efférences au niveau des cordons postérieurs rendant compte de la chronicisation des troubles et des délais nécessaires pour l obtention d une efficacité thérapeutique. Ainsi, les terminaisons des fibres de gros calibres normalement situées au niveau des couches profondes de la corne postérieure émettent des ramifications vers les couches superficielles à l origine de contacts synaptiques avec les fibres C. Ces synapses rendent comptent en partie des phénomènes d allodynie. II - DIAGNOSTIC D UNE DOULEUR NEUROPATHIQUE 2.1. Interrogatoire 2.1.1. Le contexte On recherche un contexte évoquant une lésion du système nerveux. La lésion peut être connue (intervention chirurgicale, hernie discale, traumatisme, etc ) ou le patient porteur d une pathologie connue pour affecter le système nerveux (diabète, alcoolisme, infection HIV,..). Il existe parfois un intervalle libre entre la lésion initiale et l apparition de la douleur qui peut être de quelques jours à plusieurs mois voire plusieurs années. Le contexte peut être parfois trompeur, une analyse de la sémiologie douloureuse est donc indispensable. 2.1.2. Sémiologie de la douleur neuropathique La sémiologie de la douleur neuropathique repose sur quatre caractéristiques de la douleur qui sont la composante continue, paroxystique, spontanée et provoquée. La stimulation peut être provoquée par un stimulus habituellement perçu comme non douloureux :il s agit d une allodynie mécanique. Quand une douleur exagérée est provoquée par une stimulation perçue habituellement comme douloureuse, on utilise le terme d hyperalgésie. Le patient peut aussi décrire des sensations étranges, bizarres non ressenties comme douloureuses: fourmillements, engourdissements, picotements, démangeaisons. Lorsqu elles sont ressenties comme désagréables on parle de dysesthésies, sinon on parle de paresthésies. Tableau 2 : Définitions de l Association internationale pour l étude de la douleur (d après Merskey et Bogduk, 1994) Allodynie Analgésie Anesthésie douloureuse Douleur centrale Dysesthésie Hyperalgésie Hyperesthésie Hyperpathie Douleur provoquée par un stimulus qui normalement ne produit pas de douleur Absence de douleur en réponse à une stimulation normalement douloureuse Douleur dans une aire ou une région anesthésiée Douleur initiée ou causée par une lésion ou un dysfonctionnement du système nerveux central Sensation anormale et désagréable qui peut être spontanée ou provoquée Réponse exagérée à une stimulation qui normalement est douloureuse Sensibilité exagérée à une stimulation, à l exception des systèmes sensoriels spécifiques Réponse retardée, souvent explosive, à un stimulus

Hypoalgésie Hypoesthésie Paresthésie plus souvent répétitif et dont le seuil est augmenté Diminution de la douleur évoquée par un stimulus normalement douloureux Diminution de la sensibilité à une stimulation, exception faite des systèmes sensoriels spécifiques Sensation anormale qui peut être spontanée ou évoquée 2.2. L examen clinique 2.2.1. Topographie L examen neurologique dans un but diagnostic doit s attacher à retrouver les signes évocateurs d une atteinte dans un territoire neuro-anatomique compatible avec une atteinte du système nerveux. La systématisation de l atteinte permet de discerner une topographie tronculaire, radiculaire, médullaire, corticale. Toutefois la topographie peut être trompeuse, et non parfaitement superposable au territoire nerveux concerné par la lésion. 2.2.2. Signes négatifs Les signes négatifs dépendent de la lésion du système nerveux et se caractériseront par un déficit du système sensoriel et sensitif. Si la lésion nerveuse touche les grosses fibres myélinisées, on peut observer un déficit moteur ou un déficit de la sensibilité tactile grossière. La recherche du déficit moteur doit être associée à la recherche des réflexes et d éventuelles réponses motrices anormales (spasticité, hypertonie pyramidale ) qui peuvent avoir un effet aggravant sur la douleur en particulier dans les douleurs centrales. Ce sont souvent les fibres plus fines, non myélinisées plus vulnérables qui sont principalement lésées. Le déficit sensitif le plus souvent constaté concerne alors la sensibilité thermoalgique (piqûre, chaud, froid). 2.2.3. Signes positifs L atteinte du système nerveux peut aussi se manifester par des signes positifs représentés par l allodynie au frottement (allodynie mécanique dynamique) et l allodynie thermique au chaud et au froid. 2.2.4. Troubles vasomoteurs, sudoraux et trophiques Les troubles vasomoteurs correspondent à la réponse «sympathique». La région douloureuse peut être érythémateuse, oedématiée, chaude ou froide, avec éventuellement hypersudation, ces troubles trophiques réalisant le tableau clinique décrit dans la causalgie (syndrome douloureux régional complexe SDRC de type II). 2.3. Outils d aide au diagnostic Plusieurs outils de dépistage basés sur des descripteurs de la douleur ont été développés et validés. Tous ces questionnaires reposent sur des descripteurs verbaux et pour certains de ces outils d un examen clinique sommaire. L outil diagnostic DN4 (douleur neuropathique en 4 questions) a été validé en français.

2.4. Examens complémentaires Le diagnostic de douleur neuropathique est clinique, aucun examen complémentaire n est nécessaire pour le diagnostic de douleur neuropathique. En revanche, les examens complémentaires peuvent être utiles pour confirmer le diagnostic lésionnel.

2.4.1. L électromyogramme Il permet l évaluation des grosses fibres A alpha et A beta. Il ne donne aucune information sur celle des fibres de la douleur A delta et C. Il est par contre utile pour préciser certaines étiologies et les sites lésionnels : neuropathies diffuses, atteintes radiculaires, atteinte plexique. 2.4.2. Les potentiels évoqués somesthésiques Ils permettent d étudier les grosses fibres et la voie lemniscale, à partir de la stimulation des tronc nerveux (sciatique, médian, cubital ) ou de quelques dermatomes. Ils sont utiles en pratique soit pour discriminer une lésion proximale (entre le ganglion rachidien et la moelle) ou distale (plexus) dans les arrachements du plexus brachial, soit pour vérifier l intégrité fonctionnelle des cordons postérieurs. III. EVALUATION DE LA DOULEUR NEUROPATHIQUE 3.1. Evaluation non spécifique de la douleur neuropathique Il s agit de l évaluation générale des douleurs qu elles soient neuropathiques ou non. Cette évaluation doit donc comprendre l évaluation de l intensité de la douleur (EV, EN, EVS). Il n y a pas de lien direct entre la valeur obtenue sur une échelle et le type de traitement antalgique nécessaire. Les scores obtenus ont une valeur descriptive pour un individu donné et permettent un suivi. Elle doit être complétée par une évaluation des aspects sensoriels et affectifs de la douleur, une évaluation du retentissement de la douleur sur la qualité du sommeil, sur les capacités physiques et relationnelles. Les perturbations comportementales et émotionnelles ne sont pas proportionnelles au déficit objectif et à l intensité globale de douleur. Il ne faut pas oublier l évaluation de l anxiété et de la dépression. En effet, la thymie, l anxiété et le stress sont des facteurs possibles d amplification ou d entretien de ce type de douleur. La dépression aggrave la douleur alors que les situations de détente la soulagent. De même des facteurs cognitifs d anticipation ou de mémoire douloureuse sont à connaître en particulier dès que l on a affaire à des douleurs neuropathiques centrales ou des douleurs fantômes qui reproduisent parfois la douleur de l accident initial. La composante anxieuse et dépressive est habituelle dans ces douleurs chroniques à faible sensibilité thérapeutique. Faire comprendre au patient l impact aggravant de ces facteurs permet d introduire les prises en charge cognitivocomportementales très utiles (relaxation, analyse des situations cognitives et émotionnelles aggravantes et bénéfiques). 3.2. Evaluation spécifique de la douleur neuropathique Il existe des questionnaires qui permettent une évaluation spécifique de la douleur neuropathique par rapport à une évaluation globale. Ils permettent notamment une évaluation séparée des divers symptômes de la douleur neuropathique comme la brûlure, les décharges électriques, l allodynie au frottement. A ce jour seul le Neuropathic Pain Symptom Inventory (NPSI) a fait l objet d une validation extensive dans les douleurs neuropathiques. Les différents éléments de l évaluation clinique d une douleur neuropathique sont les suivants : - Examen topographique : localisation et étendue de la douleur, élaboration de cartographie avec claques ou photos. - Evaluation d un déficit : la force musculaire sera évaluée à l aide d un testing musculaire, le déficit sensitif sera évalué en fonction des différentes voies de la sensibilité (Tableau 3).

- Evaluation des douleurs provoquées : on recherchera une allodynie et une hyperalgésie (Tableau 4). - Evaluation quantifiée : des explorations plus complètes et précises peuvent être utilisées pour explorer cliniquement une douleur neuropathique (Tableau 5). Tableau 3 : Evaluation du déficit sensitif à l examen clinique (adapté de Hanpää et col 2007) Signes déficitaires Examen clinique Type de fibre nerveuse Toucher Pression du doigt A béta Vibration Diapason (128 Hz) A béta Piqûre Aiguille, bout de trombone A delta Froid Objet froid (20 ) A delta chaud Objet chaud (40 ) C Tableau 4 : Evaluation d une allodynie Douleur évoquée Examen clinique allodynie au frottement Frottement avec une brosse, un pinceau Allodynie à la pression Pression large au doigt Allodynie au chaud au froid Objet froid 20 Objet chaud 40 Hyperalgésie au chaud au froid Tube à essai eau chaude 45 glace Sommation temporelle Stimulation répétée (1 à 3/s), avec un pinceau. Tableau 5 : Evaluation des déficits sensitifs au moyen de l évaluation quantitative des troubles sensitifs Sensation Tact/piqûre Vibration Chaud Froid Instrument utilisé pour l évaluation quantifiée Filaments de Von Frey Vibramètre Thermotest Thermotest IV - DOULEURS NEUROGENES PERIPHERIQUES Ces douleurs sont soit localisées dans le territoire d un ou plusieurs troncs nerveux ou racines soit diffuses bilatérales et symétriques (polyneuropathie). La systématisation de l affection et le type de fibres atteintes déterminé cliniquement ou à l EMG permet d orienter le bilan étiologique.

4.1. Polyneuropathies douloureuses -Atteinte bilatérale et symétrique débutant en distalité, progressivement ascendantes (dying back) -Les douleurs sont le plus souvent continues associées à des dysesthésies. -Les antécédents du patient, les données cliniques et électromyographiques permettent souvent d orienter le diagnostic : N. diabétique N. alcoolique N. toxique (traitements médicamenteux, profession, exposition) N. para-néoplasique Amylose N. du VIH 4.2. Neuropathies focales ou multifocales Par ordre de fréquence, il faut rechercher : N. diabétique : «cruralgie» apparition de façon subaiguë d une brûlure de la face antérieure de la cuisse associée à une amyotrophie du quadriceps, une abolition du réflexe rotulien. Cette atteinte est réversible. Chez le patient diabétique, il existe une prévalence importante des neuropathies tronculaires compressives. Neuropathies compressives ou traumatiques N. des vascularites : Péri Artérite Noueuse Névralgie amyotrophiante de l épaule. Les principales étiologies des neuropathies périphériques douloureuses sont données dans le tableau 1. Tableau 1 : Principales étiologies des neuropathies périphériques douloureuses Mononeuropathies simples et multiples Lésions post-traumatiques Infections (zona, herpès) Diabète Pathologies malignes Syndromes canalaires Maladies de système (PAN, polyarthrite rhumatoïde, lupus, ) Polyneuropathies Diabète Alcool Toxiques ( Arsenic,Thalium, organophosphoré, ) Médicaments (Isoniazide, Cisplatine, Vincristine, ) SIDA Pathologies malignes Carences nutritionnelles (Beriberi, Pellagre) Maladies héréditaires (maladie de Fabry) Amylose Syndrome de Guillain-Barre

4.3. Compressions radiculaires (sciatalgies ) Il s agit de douleurs névralgiques à type de décharge électrique ou de dysesthésies siégeant électivement dans un territoire radiculaire, parfois associée d un déficit sensitif et moteur périphérique de même systématisation. Il faut rechercher de façon associée un syndrome rachidien et un signe de Lassègue. 4.4. Ganglionopathies (atteinte du ganglion racidien) N. sensitive pure : elles doivent faire rechercher essentiellement 3 étiologies : paranéoplasiques, syndrome de Gougerot, idiopathiques Zona : il faut distinguer la douleur de la période aiguë de la douleur postzostérienne. -douleur de la période aiguë :. 1 ou 2 dermatomes, thoracique le plus souvent ou crânien (V1),. précède parfois l éruption,. est le plus souvent à type de brûlure,. dure 15 jours en moyenne mais durée variable. -douleur post-zostérienne (après 3 mois) :. fréquence varie en fonction de l age : après 60 ans, 50% des sujets ayant présenté une éruption zostérienne; après 70 ans, 75% des sujets.. moins de 50% durent moins de 2 mois.. caractéristiques :. douleur spontanée à type de brulure,. présence d accès spontanés brefs,. présence d une allodynie fréquente. V - DOULEURS CENTRALES La douleur centrale ressemble à la douleur neurogène périphérique, souvent à type de brûlure continue, de coup d aiguilles, de pointes, de fourmillements. Cette composante continue peut parfois être ressentie comme des crampes surtout chez le paraplégique. Ces douleurs spontanée peuvent être associées à des douleurs provoquées. 5.1. Médullaires 5.1.1. Douleur d étage névralgique ou de désafférentation. 5.1.2. Douleurs sous-lésionnelles : Elles sont différentes de façon théorique selon la présence d une atteinte préférentielle de la voie lemniscale ou extralemniscale. Dans les lésions des cordons postérieurs, on retrouve des douleurs de désafférentation sous lésionnelles homolatérales associées à des décharges paroxystiques comme le signe de Lhermitte (décharge lors de la flexion cervicale). Les lésions antéro-latérales sont plus volontiers à l origine de douleurs continues controlatérales, majorées par le mouvement.

5.1.3. Etiologies : Inflammatoires :sclérose en plaques, Traumatisme, Tumeurs, Carences vitaminiques, Vasculaires : syndrome de l artère spinale antérieure, Syringomyélie. 5.2. Tronc cérébral 5.2.1. Les lésions bulbaires sont à l origine d une atteinte dissociée de la sensibilité. Ex : Syndrome de la fossette latérale du bulbe (Wallenberg) : il existe une hypoesthésie thermo-algique de l hémicorps controlatéral où siègent des douleurs de désafférentation. Il n existe le plus souvent pas d allodynie. L atteinte de la face est le plus souvent homolatérale et parfois bilatérale. Les autres signes cliniques sont homolatéraux : syndrome de Claude-Bernard-Horner, syndrome vestibulaire, hémisyndrome cérébelleux, paralysie de l hémivoile, de l hémipharynx. 5.2.2. Les lésions mésencéphaliques sont à l origine d une atteinte le plus souvent des 2 contingents de la sensibilité regroupés à cet étage. 5.2.3. Etiologies SEP Vasculaire Tumeur 5.3. Encéphale 5.3.1. Le syndrome thalamique Douleur thalamique : il s agit de douleurs survenant souvent de façon différées par rapport à l accident, vasculaire le plus souvent, et caractérisées par une hyperpathie et une allodynie. Le patient a souvent beaucoup de difficultés à décrire sa douleur pour laquelle il ne trouve satisfaisante aucune comparaison usuelle. Les exacerbations de ces douleurs sont souvent le fait de stimulations somesthésiques variées ou de stimulations sensorielles et émotionnelles. Les troubles sensitifs objectifs : A l examen, on retrouve une hypoesthésie à tous les modes de l ensemble de l hémicorps controlatéral. 5.3.2. Le syndrome pariétal Les douleurs sont moins étendues, localisées, selon l homonculus, à la région chéiro-orale, brachio-faciale ou crurale. A l examen, on retrouve une atteinte de la sensibilité élémentaire le plus souvent modérée associée à une atteinte de la sensibilité élaborée (stéréognosie ). 5.3.3. Etiologies Vasculaires, Tumeur, SEP,

Traumatisme, Séquelles d encéphalite