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Transcription:

Délibération n 2009-239 du 15 juin 2009 Service public Réglementation Nationalité Recommandations La haute autorité a été saisie par une réclamante du refus que lui ont opposé la CAF et le Conseil général de prendre en compte ses enfants pour la majoration du RMI qu elle perçoit et ce, au motif que ses enfants ne sont pas arrivés en France dans le cadre de la procédure du regroupement familial. Au cours de l instruction, le Conseil donnait une suite favorable à la demande au vu des explications données par la haute autorité. Le Collège prend acte de l issue favorable donnée à ce dossier du fait de l intervention de la haute autorité et recommande au Conseil Général ainsi qu à la CAF d accorder de telles majorations à tous les demandeurs placés dans une situation comparable à celle de la réclamante - c'est-à-dire dont les enfants ne sont pas arrivés dans le cadre du regroupement familial - et ce, sans attendre que les intéressés aient obtenu gain de cause dans le cadre d un recours contentieux. Enfin, le Collège recommande à la CNAF d abroger l article 4-2122 de sa lettre-circulaire n 2002-116 du 2 août 2002 de suivi législatif du RMI qui fixe l exigence d entrée régulière par la procédure du regroupement familial pour le bénéfice des majorations dans le calcul du RMI, exigence non prévue par la loi et discriminatoire au regard de plusieurs textes internationaux. Le Collège : Vu l article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l Homme combiné à l article 1 er du premier Protocole additionnel à cette Convention ; Vu la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée et notamment l article 11 ; Vu la déclaration de principes du 19 mars 1962 relative à la coopération économique et financière entre la France et l Algérie, dit «Accords d Evian» et notamment l article 7 ; Vu le code de l action sociale et des familles et notamment les articles L.262-2, L.262-9 et R.262-2 ; Vu la loi n 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité et notamment l article 13 ; Vu le décret n 2005-215 du 4 mars 2005 relatif à la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité ; Sur proposition du Président, Décide : 1

Par courrier du 29 décembre 2008, la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité a été saisie d une réclamation de Madame H relative au refus implicite du Président du Conseil général de faire droit à sa demande de majoration du revenu minimum d insertion (RMI) au titre de deux de ses enfants, A et M, nés en 1992 et 1995 à Alger. Madame H, titulaire d une carte de résident, estime que ce refus est fondé sur sa nationalité et revêtirait, de ce fait, un caractère discriminatoire. Par courrier du 3 novembre 2008 Madame H sollicitait du Conseil général qu il prenne en compte, pour la détermination du montant du RMI qu elle perçoit, ses deux enfants à charge et ce, rétroactivement et dans la limite de la prescription biennale en la matière. Par décision implicite de rejet, née du silence gardé par l administration pendant deux mois, le Président du Conseil général refusait de faire droit à la demande de majoration de l intéressée le 5 novembre 2008. Madame H a alors déposé un recours devant la Commission départementale d aide sociale, juridiction administrative spécialisée compétente, en vue d obtenir l annulation de la décision du Conseil général. Dans le cadre de ce contentieux, elle sollicitait l intervention de la haute autorité, conformément à l article 13 de la loi n 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant sa création. Lors de son instruction auprès de la CAF et du Conseil général, la HALDE indiquait aux mis en cause que le refus ainsi opposé à la réclamante était susceptible de revêtir un caractère discriminatoire en exposant les considérations de faits et de droit sur lesquels elle fondait son analyse. L article L. 262-2 du code de l action sociale et des familles (CASF) dispose que le revenu minimum d insertion varie selon la composition du foyer et le nombre de personnes à charge. L article R. 262-2 du même code précise qu un enfant est considéré à charge s il ouvre droit aux prestations familiales ou s il est à la charge réelle et continue du bénéficiaire du RMI. L interprétation des critères pour déterminer si un enfant est à charge est en principe très souple, la condition indispensable étant que l allocataire finance de façon effective et permanente son entretien et assume à son égard la responsabilité affective et éducative. L enfant, avec qui un lien de parenté n est pas obligatoire (il peut s'agir d'un enfant légitime, naturel, reconnu ou non, adopté ou recueilli, mais aussi de frère ou de sœur, nièce ou neveu) doit, en outre, résider en France. Il résulte toutefois des articles L. 262-9 et R. 262-2 du CASF qu une condition supplémentaire est imposée aux seuls enfants de nationalité étrangère nés à l étrangers pour que leur présence au foyer de l allocataire ouvre droit à la majoration du RMI : la régularité de leur séjour. Ces deux articles ne précisent pas ce que signifie la régularité du séjour pour un enfant et, a fortiori, n imposent d aucune façon la présentation du certificat «OMI» attestant de l arrivée en France dans le cadre du regroupement familial. Cette exigence, non prévue par la loi et son décret d application, se trouve dans l article 4-2122 de la lettre-circulaire CNAF n 2002-116 du 2 août 2002 de suivi législatif du RMI. Une telle 2

disposition entre en contradiction avec la loi, laquelle n évoque qu une régularité de séjour et, dans la mesure où elle ne pèse que sur les enfants étrangers, constitue, de surcroît, une discrimination fondée sur la nationalité prohibée par le droit communautaire (1) le droit européen (2) ainsi que par le droit international (3). 1. La subordination de la majoration du RMI à une condition d entrée et de séjour réguliers des enfants est contraire au droit communautaire L article 11 de la directive 2003/109/CEE relative au statut des ressortissants des pays tiers résidents de longue durée dispose que les résidents de longue durée bénéficient d une égalité de traitement avec les nationaux en matière de «sécurité sociale, aide sociale et protection sociale telles qu elles sont définies par la législation nationale». Or, le revenu minimum d insertion est un mécanisme d aide sociale. Il n est donc pas loisible au pouvoir exécutif d opérer une distinction quant au bénéfice de cette prestation qui serait fondée sur la nationalité puisque cela reviendrait à en exclure les résidents de longue durée, au bénéfice des seuls nationaux, ce qui est prohibé par la directive communautaire. Cet article trouve à s appliquer dans le cas d espèce, Madame H étant titulaire d un carte de résident. 2. La subordination de la majoration du RMI à une condition d entrée et de séjour réguliers des enfants est contraire au droit européen L article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l Homme (CEDH) stipule : «la jouissance des droits et libertés reconnus par la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l origine nationale ou sociale, l appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation». L'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention stipule quant à lui : «Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international». Le Conseil d Etat a jugé le 5 mars 1999 dans l arrêt Rouquette et Lipietz que les prestations sociales non contributives constituaient une créance devant être regardée comme un bien au sens de cette stipulation. Il a précisé, sur cette base, qu une différence de traitement liée à la jouissance de l un des droits garantis par la Convention, entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de l article 14 de la CEDH, «si elle n est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d utilité publique ou si elle n est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi». Il a suivi, pour le cas d espèce, le raisonnement de la Cour européenne des droits de l Homme dans l affaire Gaygusuz c/ Autriche du 16 septembre 1996 laquelle a condamné un Etat membre pour avoir soumis l attribution d une prestation sociale non contributive à une condition de nationalité. La Cour a en effet considéré qu une telle distinction portait sur un bien au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel de CEDH et constituait une discrimination au sens de l article 14 manquant de justification objective et raisonnable. 3

Il convient donc de déterminer si la différence de traitement ainsi opérée entre les enfants peut être regardée comme reposant sur un critère objectif et raisonnable eu égard à l objet des prestations en cause. Aucune justification ne peut être établie tant, d une part, au regard de l objet de la majoration du RMI qui est de faire bénéficier d un revenu minimum les membres d une famille et participent, de fait, aux conditions d éducation et de développement des enfants de ces familles que, d autre part, au regard de l article 3 de la Convention internationale des droits de l enfant (CIDE) aux termes duquel «dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protections sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l intérêt supérieur de l enfant doit être une considération primordiale». C est pourquoi la Cour de cassation, en ce qui concerne les prestations familiales, a décidé, dans un arrêt du 14 septembre 2006, que les dispositions du code de la sécurité sociale qui subordonnent le droit aux prestations pour les enfants étrangers à la régularité de leur séjour et non pas seulement à celles de leurs parents contrevenaient aux articles 8 et 14 de la CEDH. La Cour a réaffirmé que «bénéficient de plein droit des prestations familiales, pour les enfants à leur charge résidant en France, les étrangers titulaires d un titre exigé d eux pour résider régulièrement en France». Le Collège de la haute autorité ayant lui-même recommandé à plusieurs reprises que soient réformés les textes relatifs aux prestations familiales, considère aussi, dans le cas de la majoration du RMI pour charge d enfants, que cette contrainte pesant uniquement sur les enfants étrangers n est pas justifiée. 3. La subordination de la majoration du RMI à une condition d entrée et de séjour réguliers des enfants est contraire au droit international En dehors des stipulations de l article 3-1 de la Convention internationale des droits de l enfant, les refus de majoration du RMI pour les motifs invoqués constituent aussi, en ce qui concerne les ressortissants algériens une discrimination au regard de la déclaration de principes du 19 mars 1962 relative à la coopération économique et financière entre la France et l Algérie, dit «Accords d Evian». L article 7 de cet accord, qui a vocation à s appliquer aux ressortissants algériens résidant en France, dispose que ces derniers «auront les mêmes droits que les nationaux français, à l exception des droits politiques». Ce texte, dont l applicabilité directe a été reconnue par le Conseil d Etat (CE, ass, 29 juin 1990, GISTI ) et la Cour de Cassation (Cass. crim., 5 octobre 1972), a déjà permis au juge administratif d écarter une disposition législative relative au RMI. Dans l arrêt Saïd A. du 9 novembre 2007, le Conseil d Etat a jugé que le RMI devait être octroyé aux ressortissants dans les mêmes conditions que pour les français et a ainsi affirmé que la condition de stage préalable sur le territoire français n était pas opposable aux algériens. Au vu de ce texte et de sa consécration jurisprudentielle, Madame H, ressortissante algérienne, devrait pouvoir bénéficier du RMI dans les mêmes conditions que les Français. Or, pour obtenir une majoration du RMI, seule la charge effective et permanente d un enfant est à démontrer pour les Français ; il ne saurait en être autrement pour les ressortissants algériens. 4

Par télécopie du 26 mai 2009, la Directrice de la Prévention et de l action sociale du Conseil général informait la haute autorité que la situation de Mme H avait été réexaminée à la lumière des informations que la haute autorité a apportées dans son courrier de notification des charges du 6 avril 2009 et qu elle donnait une suite favorable à sa demande en décidant de prendre en compte ses deux enfants, A et M dans le calcul du RMI. Si la haute autorité se réjouit d une telle décision, elle ne saurait se satisfaire d une mesure dérogatoire au droit appliqué à l ensemble des allocataires et ce, par simple «faveur» de l administration. En conséquence, le Collège prend acte de l issue favorable donnée à de ce dossier du fait de l intervention de la haute autorité. En outre, il recommande au Conseil Général et à la CAF d accorder de telles majorations à tous les demandeurs placés dans une situation comparable à celle de Madame H - c'est-à-dire dont les enfants ne sont pas arrivés dans le cadre du regroupement familial - et ce, sans attendre que les intéressés aient obtenu gain de cause dans le cadre d un recours contentieux. Enfin, il recommande à la CNAF d abroger l article 4-2122 de sa lettre-circulaire n 2002-116 du 2 août 2002 de suivi législatif du RMI qui fixe l exigence d entrée régulière par la procédure du regroupement familial pour le bénéfice des majorations dans le calcul du RMI, exigence non prévue par la loi et discriminatoire au regard de plusieurs textes internationaux. 5