PROPRIETAIRES FACE AUX LOCATAIRES USANT DE LA LOI SUR LE SURENDETTEMENT : LEURS DROITS ET LEURS OBLIGATIONS



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Transcription:

PROPRIETAIRES FACE AUX LOCATAIRES USANT DE LA LOI SUR LE SURENDETTEMENT : LEURS DROITS ET LEURS OBLIGATIONS De Pierre Rousseaux, avocat, Président SNP CHARLEROI I. INTRODUCTION Dans le cadre de cet exposé, nous tenterons d être extrêmement pratiques et, après avoir expliqué la loi sur le surendettement, de proposer au bailleur certaines voies simples lorsque celui-ci est confronté ou, surtout, craint d être ultérieurement confronté à un preneur en état de surendettement. Ces voies seront présentées en guise de conclusions au terme de notre exposé. Il s agit de veiller à ce que le bailleur puisse se positionner dans le cadre du concours avec les autres créanciers.

Rappelons que la créance du bailleur naît de l usage par un locataire d un bien dont le premier est propriétaire en manière telle qu il est impératif de tout mettre en œuvre pour récupérer sa créance ET pour éviter une détérioration d un immeuble ainsi qu une utilisation improductive de celui-ci pendant un laps de temps trop long. Cela implique une stratégie rapide et efficace sur laquelle nous reviendrons. Notre arsenal législatif s étoffe de dispositions en vue de combattre le surendettement. Il y aurait beaucoup à dire et à écrire sur le danger potentiel de «déresponsabilisation» consécutive à la loi sur le surendettement. Tel ne sera pas notre propos. Nous nous bornerons à expliquer : 1. Les règles de base de cette loi (il ne nous sera pas possible d étudier toutes les dispositions de celle-ci). 2. Les implications possibles de ces règles dans le cadre du rapport bailleurlocataire. 3. Les mesures de protection possibles du bailleur.

1. RESUME SUCCINCT DE LA LOI DU 05.07.1978 RELATIVE AU REGLEMENT COLLECTIF DES DETTES La loi tente de proposer une réponse curative globale au surendettement. La procédure offre deux possibilités : Un règlement amiable sous l autorité d un médiateur de dettes désigné par le tribunal, celui-ci tentant de négocier un plan amiable avec les créanciers. Un règlement judiciaire imposé par le juge à défaut d accord. La demande visant à obtenir un règlement collectif n est pas subordonnée à la bonne foi du débiteur, sauf si celui-ci a manifestement organisé son insolvabilité. La demande de règlement collectif est introduite par une requête contenant notamment l objet et l indication sommaire des motifs de la demande. Lorsqu il déclare la demande admissible, le juge nomme un médiateur de dettes. Cette décision fait naître une situation de concours entre les créanciers et a pour conséquence la suspension du cours des intérêts et l indisponibilité du patrimoine du requérant. Cela implique que, sauf autorisation du juge, le débiteur ne peut : Accomplir tout acte étranger à la gestion normale du patrimoine. Accomplir tout acte susceptible de favoriser un créancier (tel que paiement des loyers venant à échéance sauf autorisation du juge) ; notons qu il peut payer une dette alimentaire à l exception des arriérés de cette dette alimentaire. Aggraver son insolvabilité (le débiteur ne peut ainsi contracter de nouveaux emprunts, le cas échéant conclure un bail qui entraînerait un loyer excessif par rapport à son budget). Dans le mois de l envoi de cette décision, les créanciers (dont le bailleur) formulent à l attention du médiateur de dettes une déclaration de créance. Le médiateur va alors tenter un plan de règlement amiable nécessitant l accord unanime de toutes les parties. Le médiateur de dettes adresse le projet de plan de règlement amiable au débiteur ainsi

qu au créancier, lequel doit être approuvé par toutes les parties intéressées. Ultérieurement, après éventuelle rectification suite aux contre-propositions formulées, le médiateur transmet au juge le plan de règlement amiable pour une homologation. Lorsque le médiateur constate qu il n est pas possible de conclure un accord sur un plan de règlement amiable, il le consigne dans un procès-verbal qu il transmet au juge en vue d un éventuel plan de règlement judiciaire. Le juge fixe l audience à une date rapprochée ; le médiateur de dettes fait rapport ; le juge statue au plus tard dans les quinze jours suivant la clôture des débats. Le plan de règlement judiciaire peut comporter les mesures suivantes : Report ou rééchelonnement du paiement des dettes en principal, intérêts et frais Réduction des taux d intérêt conventionnels au taux d intérêt légal Suspension, pour la durée du plan de règlement judiciaire, de l effet des sûretés réelles Remise de dette totale ou partielle des intérêts, indemnités et frais. Relevons la possibilité d un règlement judiciaire avec remise de dettes en principal dans les cas extrêmes mais cela entraîne nécessairement la réalisation de tous les biens saisissables, le solde restant dû après réalisation des biens saisissables faisant l objet d un plan de règlement dans le respect de l égalité des créanciers (avec néanmoins un traitement préférentiel pour les dettes alimentaires).

Dans le cours de cette procédure, il y a possibilité de voir un tribunal révoquer tant la décision d admissibilité que le plan de règlement amiable ou judiciaire, et ce, principalement, si le débiteur ne respecte pas ses obligations. Cette révocation peut être demandée tant par le médiateur de dettes désigné que par un créancier intéressé. II. LES IMPLICATIONS POSSIBLES DE CETTE LOI DANS LE CADRE DU RAPPORT BAILLEUR-LOCATAIRE La question nous intéressant est bien naturellement la suivante : que se passe-t-il si votre locataire, en défaut de payer ses loyers, introduit une demande de règlement collectif de dettes? Le propriétaire ne risque-t-il pas de devoir supporter cette procédure de règlement collectif de dettes et être confronté à un locataire restant dans les lieux sans acquitter tant sa dette arriérée (antérieure à sa demande devant la juge) que ses dettes à échoir (loyer postérieur à la requête)? Il est heureusement admis que les voies d exécution qui tendent à une exécution en nature ne tombent pas sous la suspension découlant de l admissibilité de la requête introduite, en manière telle que l expulsion du débiteur de son logement pour non paiement de dettes arriérées reste toujours possible. Cet élément est donc déterminant puisque le bailleur ne sera pas pénalisé par la requête introduite par le locataire en état de surendettement. TOUTEFOIS, l expulsion ordonnée par le tribunal qui serait nécessairement consécutive à un jugement de condamnation de sommes ne donnera pas la possibilité au locataire de recouvrer ses dettes arriérées.

En d autres termes, le jugement de condamnation de sommes qui reste possible, lequel est un préalable à la décision d expulsion, verra sa force exécutoire suspendue. Ce principe entraîne donc les conséquences suivantes : a) Si, pour obtenir le paiement des loyers arriérés ou des dégâts constatés, le Juge de Paix autorise le bailleur à pouvoir disposer de la garantie locative consignée, une telle autorisation constituant une mesure d exécution de la décision prononcée sera suspendue, sauf si le plan de règlement prévu par le médiateur ou le juge autorise le bailleur à disposer de cette garantie. b) Si le bailleur a initialement pratiqué saisie-gagerie afin de pouvoir, par préférence, se faire payer sur le prix de vente des meubles meublant l objet loué après obtention de la décision de condamnation de sommes obtenues devant le Juge de Paix, celui-ci ne pourra transformer sa saisie-gagerie en saisie exécutoire. c) De même, il ne peut bien naturellement être question pour le bailleur d user de son jugement de condamnation de sommes pour pratiquer des saisies telles que saisie sur salaire, etc. En conséquence, pour la dette arriérée, le bailleur n aura normalement (voir les exceptions possibles développées infra) aucune autre possibilité que celle de subir la loi du concours avec les autres créanciers sous réserve de l application de son privilège et de la possibilité de négocier avec le médiateur de dettes un régime préférentiel qui serait accepté par tous les autres créanciers.

En ce qui concerne les loyers à échoir, leur exigibilité n est en rien affectée par le dépôt d une requête en procédure de règlement collectif. Le paiement de ces loyers constituant «un acte de gestion normale du patrimoine» doit être effectué par le débiteur lui-même, son bailleur, s il ne l a fait auparavant, pouvant toujours agir contre son locataire en cas d absence de paiement afin d obtenir un titre exécutoire avec expulsion. Il est évident que le non paiement de la dette de loyers postérieurs à la mise sur pied du plan de règlement collectif permettra d obtenir la révocation de celui-ci, ce qui arrêtera les effets de la suspension des mesures d exécution. III. MESURES DE PROTECTION POSSIBLES DU BAILLEUR L analyse des implications de cette loi dans les rapports bailleur-locataire, laisse-t-elle ledit bailleur sans aucune ressource? Celui-ci doit-il rester passif ou peut-il prévenir le risque de «catastrophe financière» résultant d une demande de procédure de règlement collectif introduite par son locataire? Nous croyons pouvoir conseiller au bailleur les voies suivantes : 1. Avant signature du bail, le bailleur avisé est en droit de récolter un maximum de renseignements sur la solvabilité de son locataire. Tout en respectant le droit au respect de la vie privée, il peut veiller à obtenir la production volontaire de la dernière fiche de paie de son cocontractant, l adresse et le numéro de téléphone du propriétaire précédant auquel ce dernier louait le bien, etc. Une réticence dans la communication de telles données peut entraîner une méfiance légitime du bailleur. Celui-ci pourrait aussi se renseigner auprès du greffe des saisie afin de savoir si a été déposée une requête en procédure de règlement collectif par son locataire.

2. Au moment de la conclusion du bail écrit, il est sage d obtenir la signature d une personne autre que le locataire occupant, personne appelée «caution personnelle» qui resterait tenue de toutes les dettes impayées du preneur (voir contrat type mis sur pied par la S.N.P.). Le bailleur se trouverait ainsi face à deux débiteurs et veillera bien naturellement à ce que cette caution personnelle présente des apparences de solvabilité dans la mesure où, en cas de défaillance de paiement de son locataire, il se retournera contre la caution. A ce sujet, il est naturel que le bailleur puisse, à l égard de cette caution, poser aussi toutes questions utiles (voir point 1). Relevons que, psychologiquement, l insertion d une caution revêt un moyen de pression légitime efficace. Si le preneur ne respecte pas ses obligations, celui-ci sait que la caution à laquelle il a demandé le service de signer le contrat de bail, devra payer en ses lieux et place, ce qui risque d entraîner un conflit important entre locataire et caution. Certes, il pourrait être répondu que certains locataires rencontreront des difficultés pour trouver une telle caution. Libre alors au bailleur qui sent «un risque d insolvabilité» de s abstenir de conclure. Si le locataire ne peut en effet trouver une personne qui lui est proche consentant à signer comme caution (ce qui implique une marque de confiance à son égard), est-il raisonnable dans le chef du bailleur qui ne connaît pas son locataire de témoigner de la confiance vis-à-vis de la personne avec laquelle il va s engager contractuellement? De même qu une banque soupèse le risque d insolvabilité d une société pouvant être déclarée en faillite et minimise ce risque par la signature de cautions personnelles, un bailleur nous apparaît pouvoir adopter le même comportement de prudence que l organisme bancaire. Il est évident que la procédure de règlement collectif, introduite par le locataire occupant, ne pourra pas être brandie par la caution afin de faire obstacle au paiement de sommes qui pourraient être consacrées par jugement à son égard.

3. L introduction très rapide d une procédure contre le locataire restant en défaut de paiement apparaît encore plus impérieuse que par le passé. La dette pour un logement est naturellement celle qui, dans le budget d un ménage bien géré, doit être prioritaire. Il y a dès lors lieu de craindre qu un locataire en proie à des difficultés de trésorerie et négligeant le remboursement de cette dette prioritaire n accroisse sa dette de loyers. Un mois entier de retard de loyer nous apparaît être un délai d attente suffisamment long avant d agir pour les raisons suivantes : a) La garantie locative étant souvent de deux mois de loyer, une insolvabilité totale du preneur, si cette garantie est libérée en fin de procédure au profit du bailleur, comblera alors, à supposer inexistants les dégâts locatifs, une part importante de la dette, pour autant que le jugement ne tarde pas et que cette libération de la garantie locative au profit du bailleur autorisée par le Juge de Paix ne soit pas entravée par la procédure de règlement collectif (voir infra). b) Une fois le jugement rendu avant l expulsion, il faut encore attendre un long délai surtout depuis la nouvelle loi qui humanise les expulsions. Rappelons que celle-ci ne permet pas une expulsion avant l écoulement d un délai d un mois qui suit la signification du jugement sauf si le bien est manifestement abandonné. Certes, le législateur autorise le Juge de Paix saisi du litige à moduler ce délai d un mois en le réduisant ou en l allongeant mais uniquement pour des circonstances d une gravité particulière. Il ne sert dès lors à rien de traîner avant de déposer une requête en condamnation de sommes et en expulsion. 4. Il est impératif que le bailleur se montre actif après réception de la décision d admissibilité de la requête en procédure de règlement collectif et prenne contact avec le médiateur. Divers actes peuvent être posés par le bailleur :

a) Il peut former tierce opposition face à la décision d admissibilité. b) Il doit présenter sa déclaration de créance au médiateur. c) Il peut faire valoir ses exigences avant de marquer accord sur un plan de règlement amiable, que ce plan fasse l objet d une homologation ou que le juge fixe un plan de règlement judiciaire. a) Quant à la tierce opposition face à la décision d admissibilité La bonne foi du débiteur n est pas un préalable exigé pour le dépôt d une procédure en règlement collectif. Toutefois, la bonne foi procédurale reste indispensable. Ainsi, si le débiteur cache l existence de certains avoirs ou de certaines dettes, le bailleur, comme tout autre créancier, pourrait former tierce opposition et s opposer à cette procédure qui risque de le pénaliser. b) Quant à la déclaration de créance à adresser au médiateur Le bailleur doit déclarer sa créance, que celle-ci soit ou non inscrite dans un jugement qui aurait été préalablement obtenu. Il est évident que la créance consacrée par un jugement définitif n est plus susceptible d être remise en cause (ce qui explique l intérêt «d aller vite» pour obtenir un jugement) et qu enfin, cette créance «se gonfle» à chaque mensualité venant à échéance. c) Quant aux exigences que le bailleur peut exprimer face à un plan d apurement qui est proposé au créancier La première phase de la procédure est une phase amiable qui doit être approuvée par toutes les parties intéressées avant d être homologuée par le tribunal. Dans cette phase de discussion, il est légitime que le bailleur, éventuellement déjà préjudicié par l existence d arriérés de loyer, fasse valoir ses droits. A titre exemplatif, sa revendication pourrait se présenter comme suit :

En cas de jugement de condamnation de sommes, se faire autoriser à pouvoir disposer de la garantie locative en paiement de tout ou partie des arriérés. En effet, même si le Juge de Paix a autorisé, dans un jugement antérieur, la libération de cette garantie au profit du preneur, il nous apparaît envisageable de demander de faire insérer dans le plan de règlement, une telle autorisation puisque le propre de la procédure de règlement collectif est de suspendre toutes mesures d exécution. Montrer une certaine détermination pour voir apurée dans un délai très bref (plus bref que pour les autres créanciers) la dette dont l origine est l usage d un bien, propriété du bailleur. Il ne nous apparaît pas normal d aligner les termes et délais octroyés au débiteur à l égard du bailleur sur ceux octroyés à un organisme financier (banque, etc.). N est-il pas légitime de favoriser davantage un particulier n ayant pas les réserves d une institution financière? Si le bailleur, n usant pas du jugement d expulsion qui est éventuellement obtenu, laisse le preneur dans le bien, exiger naturellement le paiement des loyers à échoir directement par le preneur aux dates contractuellement fixées. Cette demande nous apparaît devoir être formée pour être reprise dans le plan ultérieurement homologué par le juge même si cela peut paraître superfétatoire. Faire insérer une telle condition dans le plan homologué par le tribunal permettra plus aisément d obtenir la révocation de celui-ci en cas de non respect de la condition insérée et aussi d obtenir devant le Juge de Paix une décision d expulsion, à supposer que ladite décision n ait pas été antérieurement obtenue. Demander aussi au médiateur la communication rapide de l inventaire des biens mobiliers figurant dans l immeuble loué afin d être éclairé sur l assiette du privilège.

Le bailleur a un privilège spécial sur les meubles meublants, ce qui lui permet d être désintéressé avant tout autre créancier sur le produit de la vente de ceux-ci. Il est donc naturel que, très rapidement, le créancier soit averti de l importance de son assiette, ne fût-ce que pour pouvoir exercer ultérieurement la pression légitime sur le preneur ne respectant pas le plan d apurement et, si nécessaire, pratiquer une saisie-gagerie (saisie conservatoire possible sans autorisation du juge). Une telle saisie-gagerie peut constituer un moyen de pression supplémentaire attirant l attention du locataire sur la détermination du bailleur et le poussant ainsi à respecter ses obligations. Que ces quelques conseils donnés ne soient en aucun cas interprétés comme une marque de défiance systématique d un bailleur confronté à un locataire en proie à des difficultés financières, lesquelles nécessitent écoute et compréhension. Il est toutefois naturel, lorsque des intérêts divergents existent et, surtout, lorsque divers créanciers (dont le bailleur) peuvent être en concours face à un débiteur en difficulté, que le bailleur puisse utilement se positionner dans le respect des droits de chacun. Tel était le but de notre exposé. Pierre ROUSSEAUX Avocat