Chapitre 5 Chimie multiphasique 1 1. Introduction 2. Chimie en phase aqueuse 3. Conséquence: acidité des précipitations 1. Acidité naturelle des précipitations et perturbation 2. Sources d acidité 3. Dépôt humide 4. Législation et tendances 4. Interactions entre phase condensée et phase gazeuse
2 5.1 Introduction Qu est-ce que la chimie multiphasique ou hétérogène? Processus chimique impliquant différentes phases => des aérosols (particules liquides ou solides) On distingue souvent en chimie atmosphérique aérosols (particules solides ou concentrées) gouttelettes d eau ou cristaux de glace dans les nuages Leur présence permet des réactions qui n ont pas lieu en phase gazeuse (ioniques et surfaciques) Importance reconnue dans les années 1970 avec les pluies acides Rôle important dans la formation du trou d ozone stratosphérique Importance pour la capacité oxydante de la troposphère (HOx, production d ozone) étudiée depuis une dizaine d années Clé pour la compréhension des mécanismes de formation des aérosols secondaires
3 5.2 Chimie en phase aqueuse X Etape 1: Diffusion vers la surface Etape 2: Dissolution X X A + + B - Etape 2 : Ionisation (pour certaines espèces) Très rapide. Etape 3: Diffusion en phase aqueuse Etape 4: Réaction chimique X X+Y?
4 Solubilité des gaz: Loi de Henry La solubilité des espèces gazeuses dans une phase liquide (ici aqueuse) est gouverné par un équilibre de la forme: K H = Constante de Henry" Unité: mole/atm" Espèce chimique HNO 3 2.1x10 5 H 2 O 2 7.5x10 4 HCHO 3.5x10 3 NH 3 57.5 SO 2 1.2 Constante de Henry @ 298K (mol/l/atm) Avec ΔH= enthalpie de dissolution Note: K H avec T CO 2 3.4x10-2 CO 9.6x10-4
5 Le rôle de l eau liquide L = contenu en eau liquide dans l atmosphère (volume d eau / volume d air) Diameter (µm)" L (cm 3 /m 3 )" L (m 3 /m 3 )" ph" haze " 0.05-0.5 " 10-5 10-4" 10-11 10-10" 1-8" clouds " 10" 0.1-1" 10-7 10-6" 3-6" fog " 10" 0.05-0.5" 5x10-8 5x10-7" 2-6" rain" 500-5000 " 0.1-1" 10-7 10-6" 4-5" Facteur de distribution d une espèce [ ] [ ] = K H,ARTL = K H,AP A r A = A(aq) A(g) P A /RT L moles A en solution / L air moles A dans l'air / L air =1, même quantité de A dans chaque phase <<1, A majoritairement en phase gaz >> 1, A majoritairement en phase aqueuse Généralement, L~10-6, donc f A =1 pour H A ~4x10 4 M/atm. Si H A << cette valeur, majorité de A en phase gaz
Equilibre de dissociation Dissociation de l eau: 6 Constante d auto-ionisation: K e =[H + ].[OH - ]=10-14 M 2 Eau pure: [H+]=[OH-]=10-7 M ph=-log 10 ([H+])=7 Dissociation en phase aqueuse: Constantes d acidité Constante de Henry effective: Dissociation augmente la solubilité totale, par exemple pour un acide: Quantité totale d acide dissous: Constante de Henry effective:
Exemple: dissolution du soufre en phase aqueuse SO2 dissout dans une gouttelette de nuage: [SO 2 (aq)]=h SO2 P SO2 Loi de Henry 7 Cependant, SO 2 est un acide en solution aqueuse: SO 2 (aq)+h 2 O(l) HSO 3- (aq) + H + (aq) HSO 3- (aq) SO 3 2- (aq) + H + (aq) Constantes d acidité (K a1, K a2 ): État quasistationnaire [ ] [ HSO 3 ] = K SO (aq) a1 2 [ H + ] [ (aq)] 2 [ SO 3 ] = K HSO a 2 3 H + [ ] = K a1 K H,SO 2 P SO2 H + [ ] = K a1 K a 2 K H,SO2 P SO 2 H + [ ] 2 Equilibre rapide => on regroupe la concentration au degré d oxydation IV [S(IV)]=[SO 2 (aq)]+[hso 3- ]+[SO 2-3 ] [ S IV ] = K H,SO2 P SO 2 1+ K a1 H + [ ] + K a1k a 2 [ H + ] 2 Solubilité de S(IV) augmente avec le ph. L ionisation en solution a pour effet l augmentation de la solubilité effective du gaz.
Cinétique des réactions en phase aqueuse 8 Les gaz et les ions dissous dans les aérosols peuvent subir des réactions chimiques Oxydation
Exemple: oxydation S IV S VI par l ozone 9 On obtient donc une évolution fortement dépendante du ph en raison de l équilibre en la phase gazeuse SO2 et liquide SO 3 2-. SO 3 2- oxydé => remplacé par SO 2 dissout à partir de la phase gazeuse. SO 2 acide en solution => le ph et le taux d oxydation diminue La réaction est auto-limitée Les trois composantes du S IV réagissent avec l ozone, ainsi:
10 Exemple: oxydation S IV S VI par H 2 O 2 Hoffman and Calvert (1985): 1ere réaction accélérée par un partitionnement des S IV vers l hydrogénosulfite à ph plus élevé. 2 e réaction devient plus rapide lorsque le ph diminu Peu d effet net du ph Les péroxydes organiques sont aussi proposés comme oxydants potentiels de S IV en phase aqueuse mais leur concentration et leur solubilité sont faibles => importance mineure. Les taux de production de sulfates sont par unité de volume => à multiplier par L => plus important dans les nuages.
11 5.3 Conséquence: précipitations acides Les pluies acides ont été observées au 19 e siècle par Robert Angus Smith (Angleterre) en mesurant l acidité de la pluie au-dessus de régions industrielles et de campagnes. Plus d attention a été donnée à ce phénomène dans les années 50 et 60, lorsque les effets sur la faune et la flore sont devenus critiques. Le contrôle rapide des émissions de SO2 à partir des années 80 a permis de minimiser leur importance en Europe. Certains bassins versants présentent cependant une sensibilité élevée aux dépôts acides (cas en France des Ardennes, des Landes, du Massif Central,...). Cependant, d autres régions en forte expansion économique comme la Chine voient leurs émissions de SO2 exploser, avec des conséquences importantes localement mais également dans les régions voisines comme le Japon. Corrosion d un sculpture du château de Herten (Allemagne) (Persson, 1982) 1908 1968
12 Acidité naturelle des précipitations: Acidité naturelle de l eau de pluie: 5 < ph < 7 Liée à la dissolution du CO 2 (CO 2 naturel ~280ppmv en phqse gazeuse). Solubilité du CO 2 dans l eau => Loi de Henry K H = 3,4 10-2 M atm -1 acide carbonique K 1,a = 4.3 10-7 M K 2,a = 4.7 10-11 M On a toujours également la dissociation de l eau K e =10-14 M 2 Electroneutralité de la solution: De plus, CO2 acide, d où ph<7, donc on a [H + ] = ( K e + K H K 1 p CO2 ) 1/ 2 (Exercice: redémontrer)
Pour une concentration de CO 2 de 360ppmv, on peut ainsi calculer un ph de 5,6. 13 Epoque préindustrielle: CO 2 de 280ppmv ph = 5,7. (Exercice: Faire ce calcul) Autres acides naturels: acides organiques émis par la biosphère HNO3 provenant de l oxydation des NOX émis par les éclairs, les sols et les feux H2SO4 provenant de l oxydation du SO2 émis par les volcans et la biosphère Cette acidité est partiellement contrebalancée par les bases naturelles: NH3 émis par la biosphère CaCO3 contenu dans les poussières soulevées depuis le sol Précipitations «naturelles»: 5 < ph < 7 Facteurs supplémentaires contribuent à la modification du ph des précipitations!
14 Pollution anthropique:
15 Pluies acides en Chine Données 1997-1998 (Wei an Wang, 2000) Composition des précipitation: exemple en Chine Electroneutralité: condition pour la pluie acide sur la base des ions prédominants: [H + ] + [NH 4+ ] +2[Ca 2+ ] = 2[SO 4 2- ] + [NO 3- ]+[Cl - ]
16 exemple aux Etats-Unis Dans le Minnesota, atténuation de l acidité par la présence dans l atmosphère d ammoniac (NH3, lié aux activités agricoles, en particulier l utilisation d engrais) et de poussière alcaline (CaCO3, Na2CO3, soulevées depuis le sol car climat semiaride).
17 Sources d acidité Principaux acides responsables des pluies acides : HNO 3 et H 2 SO 4 (D. Jacob, 1999)
18 Principaux acides responsables des pluies acides : HNO 3 et H 2 SO 4 Phase gazeuse (rappel): De jour: De nuit: Oxydation des COVs: Phase aqueuse: HNO3 est l un des gaz les plus solubles K H =2.1 10 5 M atm -1 HNO 3 total dans le nuage: K 1,a = 15.4 M (@298K) Hydrolyse de N 2 O 5 en phase gazeuse: >> 1 dans l atmosphère HNO3 acide puissant qui, une fois dissous, se dissocies complètement en nitrate.
19 Principaux acides responsables des pluies acides : HNO 3 et H 2 SO 4 4" NO 3 " DMS" τ = 1.0d 22" 18" OH" 10" SO 2" τ = 1.3d" 64" nuage, " H +, H 2 O 2 " 42" OH" SO 4 2- " τ = 3.9d" 8" H2 SO 4 (g)" dépôt" dépôt" 27 sec" 20 humide" 6 sec" 44 humide" Global sulfur budget Chin et al., 1996.
Oxydation du SO 2 : 20 Phase gazeuse: (rapide) (rapide) τ ~ 1-2 semaines Cependant: SO 2-4 max au-dessus des régions sources Oxydation en phase aqueuse dans les gouttelettes (nuages/pluie) Phase aqueuse (nuages): (1) (2) (3) Formation de sulfate SO 4 2- en phase aqueuse: (4) Réaction très rapide SO2 et H2O2 ne coexistent pas dans les nuages
21 Capacité de neutralisation de l atmosphère Ammoniac (basique en solution): NH 3 (g) NH 4 OH(aq) NH 4 OH(aq) NH 4+ +OH - Poussières (dissolution): CaCO 3 (s) Ca 2+ + CO 3 2- CO 3 2- + 2H + CO 2 + H 2 O Sels (dissolution): (NH 4 ) 2 SO 4 =2NH 4+ +SO 4 2-
22 L acidification des écosystèmes est principalement un problème du à l accumulation des composés acides au cours des années Flux acide" F H+ " Acid-neutralizing capacity (ANC)" from CaCO 3 and other bases" t 0 F H + dt > ANC Acidification Des années de pluies acides ont épuisé le stock de bases capables de neutraliser dans de nombreux écosystèmes
23
Efficient scavenging" of both HNO 3 (g) and nitrate aerosol"
Efficient scavenging" of both NH 3 (g) and ammonium aerosol"
Impact des pluies acides Nocif pour les forêts et la végétation en général Effets dépendent du type de sol et du type de végétation il existe plusieurs types de dépérissement Perte anormale du feuillage (massif vosgien ici) Causes ici: carence nutritives en magnésium et calcium
Nocif pour les bâtiments Corrosion des sites historiques Mexique Allemagne (Persson, 1982) 1908 1968
Acidification des eaux de surface (lacs, rivières, ) Impact sur les écosystèmes aquatiques et sur la biodiversité Impact sur la santé humaine (problèmes de saturnisme et d intoxication)
Acidification des eaux de surface (lacs, rivières, ) Impact sur les écosystèmes aquatiques et sur la biodiversité Impact sur la santé humaine (problèmes de saturnisme et d intoxication)
Législation et tendances Les polluants peuvent être transportés sur les centaines de km ==> problème international! Europe: 1979: Convention on Long-Range Transboundary Pollution par l UNECE (Commission Economique pour l'europe des Nations Unies) 1985: Protocole de Réduction des Emissions de soufre. Objectif: -30% entre 1980 et 1993 : tous les pays signataires ont atteind ces objectifs 1994: 2 e protocole : -70-80% entre 2000 et 1980 (pays de l ouest) -40-50% (pays de l est) 1999: Gothenburg protocole. Réduction des émissions pour 4 polluants d ici 2010: SO2, NOx, VOCs et NH3.
Superficie européenne soumise à des dépassements de charge critique acide (ifen) La charge critique acide correspond à la quantité maximale de dépôt de composés acidifiants n'entraînant pas de dommages irréversibles pour les écosystèmes : c'est la quantité maximale que peuvent "supporter" les écosystèmes. Elle est calculée pour chaque écosystème et varie géographiquement. En France, on estime que près de 10% des écosystèmes ont subi des dépôts acides supérieurs aux charges critiques en 2005. Les dépôts acides sont plus élevés essentiellement dans la partie nord du pays, sous le double effet des émissions d origine française et des polluants transportés par le vent en provenance des pays limitrophes.
L'«alerte aux pluies acides» a été à son maximum dans les années 80. Depuis, la médiatisation est retombée et les rejets polluants ont diminué, notamment l'oxyde de soufre et l'oxyde d'azote, principaux responsables des «pluies acides». Ces retombées sont fortement influencées par les vents dominants : 30 % des dépôts d'azote, 60 % des dépôts de soufre en France sont d'origine extra métropolitaine. Importance du transport à longue distance!
AMMONIUM AND SULFATE TRENDS, 1985-2004 NH 4+ " Lehmann et al. [2007]" SO 4 2- "
TREND IN FREQUENCY OF ACID RAIN (ph < 5) 1994-1996" 2002-2004" Lehmann et al. [2007]"
DEPLETION OF BASE CATIONS FROM ACID RAIN (Hubbard Brook Experimental Forest, New Hampshire)
36 5.4 Interactions phase gaz / phase condensée Description ici des interaction entre gaz et particule (gouttelette ou aérosol) X Quels mécanismes? Nombre de Knudsen: K n = λ g r p Libre parcours moyen Rayon de la particule 2 cas limite d interaction: K n >> 1 : le comportement de la particule s apparente à celui des molécules environnantes => régime cinétique K n << 1 : du point de vue de la particule, le gaz se comporte comme un fluide continu => régime continu Ordre de grandeur: gaz == air, le diamètre de transition entre les régimes est obtenu pour λ g ~70nm (T, P ambiants à la surface) Si r p > centaines de nm : régime continu Si r p < dizaines de nm: régime cinétique NOTE: λ g augmente lorsque P diminue 7/11/11
Représentation schématique du transfert de masse 37 On considère un gaz A et son interaction avec une particule P La vitesse de consommation de A est directement liée au nombre de collisions entre A et la particule. A (g) A s (g) A s (g) A (g) A s (g) A s (part.) A (g) A s (part.) Régime stationnaire: v 1 = k tdg C A v 2 = k tdg C A s v 3 = k ti C A s v g = dc A /dt dc A /dt dc A s dt = 0 ou v 3 = v 1 v 2 C A s = k tdg k tdg + k ti C A et v g = k ti C A s = k tik tdg k tdg + k ti C A Vitesse de consommation de A 7/11/11
38 A l odre 1, on peut représenter la consommation de A par la particule de manière schématique: 1 k transfert = 1 k transport diffusif + 1 k transport interfacial Et les temps caractéristiques correspondants: On peut montrer: k transfert = 4πr 2 p γc D g C p γr p c + 4D g La diffusion n est pas limitante si τ t = τ tdg +τ ti Avec: r p le diamètre de la particule γ le coefficient de capture (nb de molecules de A piégées par la particules / nb total de collisions) D g la constante de diffusion de A dans l air C p le nombre de particules c- la vitesse moyenne k tdg >> k ti r p << 4D g γc 8/11/11
Limitations du transfert de masse 39 Vrai pour de petites particules; MAIS, la diffusion en phase gazeuse tend à limiter les taux de réaction gazparticules pour de plus grosses particules, comme des gouttelettes de nuages. Particulièrement important pour les gaz relativement peu solubles (l ozone par exemple pour l oxydation du SO2). La diffusion dans les liquides est relativement faible concentration en phase liquide en moyenne plus faible que le prédit la loi de Henry. 7/11/11
40 7/11/11
41 Exemple Physique et Chimie de l Atmosphère Application aux nuages 8/11/11