Chambre 5 Numéro de rôle 2012/AM/194 L. R. SPRL / ONSS Numéro de répertoire 2015/ Arrêt contradictoire, définitif pour partie, ordonnant la réouverture des débats avant de statuer quant au montant des cotisations. COUR DU TRAVAIL DE MONS ARRET Audience publique du 12 mars 2015
2 ème feuillet. Sécurité sociale des travailleurs salariés Champ d application Extension Transport de choses Lien de subordination Base de calcul des cotisations. Article 580 1 du Code judiciaire. EN CAUSE DE : La SPRL L.R., dont le siège social est établi à Appelante au principal, intimée sur incident, comparaissant par son conseil Maître Chevalier, avocat à Bruxelles ; CONTRE : L OFFICE NATIONAL DE SECURITE SOCIALE, en abrégé O.N.S.S., établissement public dont le siège est sis à Intimé au principal, appelant sur incident, comparaissant par son conseil Maître Demarque loco Maître Brouckaert, avocat à Tournai ; ****** La cour du travail, après en avoir délibéré, rend ce jour l arrêt suivant : Vu les pièces de la procédure, et notamment : - la requête d appel reçue au greffe de la cour le 15 mai 2012, dirigée contre le jugement contradictoire prononcé le 25 novembre 2011 par le tribunal du travail de Tournai, section de Tournai ; - les arrêts contradictoires prononcés les 26 septembre 2013 et 13 mars 2014 par la 5 ème chambre de la cour ; - les conclusions des parties ; Vu les dossiers des parties ;
3 ème feuillet. Entendu les conseils des parties, en leurs explications et plaidoiries, à l audience publique du 11 décembre 2014 ; Entendu le ministère public en la lecture de son avis écrit déposé à l audience publique du 8 janvier 2015 ; Vu les conclusions des parties après avis du ministère public ; * * * * La SPRL L.R. exploite une entreprise de transport de mazout et de charbon. Une enquête a été menée par l inspection sociale du Hainaut en juillet 2007, au cours de laquelle a été examinée la situation de M. M.C., prestant officiellement pour le compte de la société sous statut de travailleur indépendant. A l issue de cette enquête, l inspecteur social a conclu à l assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés pour les prestations de M. M.C. de 2003 à 2006, considérant qu il y avait lieu à application de l article 3, 5, de l arrêté royal du 28 novembre 1969. L inspecteur s est fondé pour la régularisation sur les factures émises par l intéressé. Par lettres recommandées du 28 juillet 2008, l O.N.S.S. a notifié à la SPRL L.R. sa décision de procéder à l assujettissement de M. M.C. au régime général de la sécurité sociale pour travailleurs salariés à partir du 1 er trimestre 2003 jusqu au 4 ème trimestre 2006 inclus sur base de l article 3, 5, de l arrêté royal du 28 novembre 1969 et l a invitée à verser la somme de 42.841,83. Par citation du 3 décembre 2008, l O.N.S.S. a poursuivi la condamnation de la SPRL L.R. au paiement de la somme de 45.183,15 au titre de cotisations, majorations et intérêts de retard pour les 1 er, 2 ème et 4 ème trimestres 2003, les années 2004 et 2005 ainsi que le 1 er trimestre 2006, suivant extrait de compte arrêté au 23 octobre 2008, cette somme étant à majorer des intérêts au taux légal sur la somme de 33.355,59 depuis le 24 octobre 2008. Par citation du 3 février 2009, l O.N.S.S. a poursuivi la condamnation de la SPRL L.R. au paiement de la somme de 11.946,62 au titre de cotisations, majorations et intérêts de retard pour les 2 ème, 3 ème et 4 ème trimestres 2006, suivant extrait de compte arrêté au 22 décembre 2008, cette somme étant à majorer des intérêts au taux légal sur la somme de 9.486,27 depuis le 23 décembre 2008.
4 ème feuillet. Par jugement prononcé le 25 novembre 2011, le premier juge, après avoir joint les causes, a déclaré les demandes recevables et fondées dans la mesure où, en application de l article 3, 5, de l arrêté royal du 28 novembre 1969, M. M.C. devait être assujetti à la sécurité sociale des travailleurs salariés pour toutes les prestations facturées à la SPRL L.R. sous le libellé «Prestations de service pour livraisons clientèle». Il a en revanche considéré que l assujettissement ne se justifiait pas pour les prestations ayant fait l objet de factures portant un autre libellé, principalement «aménagement de terrain» et a ordonné la réouverture des débats pour permettre à la SPRL L.R. de prendre position quant au nouveau décompte établi par l O.N.S.S., excluant lesdites factures. La SPRL L.R. a relevé appel de ce jugement par requête reçue au greffe de la cour le 15 mai 2012. L O.N.S.S. a introduit un appel incident en ce que le jugement entrepris a considéré à tort que, pour les activités étrangères au transport ne tombant pas dans le champ d application de l article 3, 5, de l arrêté royal du 28 novembre 1969, la preuve de l existence d un contrat de travail n était pas à suffisance rapportée. Par arrêt prononcé le 26 septembre 2013, la cour a reçu les appels principal et incident, a déclaré l appel incident non fondé et en conséquence a confirmé le jugement entrepris en ce qu il a dit pour droit que M. M.C. ne devait pas être assujetti à l O.N.S.S. pour les prestations ayant fait l objet des factures des 30 juin 2003, 31 août 2004, 30 septembre 2004 et 30 avril 2005. Avant de statuer sur le fondement de l appel principal, la cour a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de s expliquer quant à la force probante attachée aux factures dressées par M. M.C. et quant à l opposabilité à l O.N.S.S. de la convention confirmée par celles-ci, ayant pour objet des «prestations de service pour livraisons clientèle». Par arrêt prononcé le 13 mars 2014, la cour, après avoir rappelé la portée de l article 25, alinéa 2, du Code de commerce, a considéré que l objet du contrat dont les factures acceptées sont le reflet s imposent aux parties et que les tiers peuvent tirer argument de l existence d une convention conclue en dehors d eux. En l espèce la SPRL L.R. a réglé les factures dressées par M. M.C., ayant pour objet des «prestations de service pour livraisons clientèle» et l O.N.S.S. est en droit de s en prévaloir. L appel principal a été déclaré non fondé et à la demande des parties, il a été réservé à statuer quant au montant des cotisations dues. La réouverture des débats a été ordonnée pour qu un décompte (excluant les prestations faisant l objet de l appel incident) puisse être établi par l O.N.S.S. et soumis à la contradiction de la SPRL L.R.. Nouveau décompte établi par l O.N.S.S. le 29 avril 2014 Un nouveau décompte a été établi par l O.N.S.S. sur base des extraits de compte produits en pièce 15 de son dossier : cotisations : 30.523,23 - majorations : 3.214,26 - intérêts arrêtés au 29 avril 2014 : 18.071,27.
5 ème feuillet. L O.N.S.S. sollicite en conséquence la condamnation de la SPRL L.R. au paiement de la somme de 51.808,76 à augmenter des intérêts de retard au taux légal sur la somme de 30.523,23 depuis le 30 avril 2014 jusqu au complet paiement. Quant à la facture n 5 du 30 avril 2005 Pour rappel, par arrêt prononcé le 26 septembre 2013, la cour a déclaré l appel incident de l O.N.S.S. non fondé et a confirmé le jugement entrepris en ce qu il a dit pour droit que M. M.C. ne devait pas être assujetti pour les prestations ayant fait l objet des factures des 30 juin 2003, 31 août 2004, 30 septembre 2004 et 30 avril 2005. Il résulte du nouveau décompte établi le 29 avril 2014 que pour la procédure 61 (extrait de compte arrêté au 23 octobre 2008), l O.N.S.S. a réduit les cotisations en écartant les quatre factures faisant l objet de l appel incident (dont la facture du 30 avril 2005) pour un montant de 2.462,63 en principal. Le décompte de l O.N.S.S. est sur ce point conforme à la décision de la cour. Quant à la base de calcul des cotisations En vertu de l'article 14, 2, de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, la notion de rémunération sur la base de laquelle les cotisations de sécurité sociale sont calculées est déterminée par l'article 2 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs, c'est-à-dire, le salaire en espèces et les avantages évaluables en argent auxquels le travailleur a droit à charge de l'employeur en raison de son engagement. La requalification, par le juge, d'un contrat d'activité indépendante en contrat de travail entraîne l'application du régime de sécurité sociale des travailleurs. Le montant de la rémunération convenue entre le maître de l'ouvrage et l'ouvrier indépendant dans le cadre du louage d'une activité indépendante peut être fixé en fonction des cotisations dont le travailleur indépendant sera redevable aux caisses d'assurances sociales des travailleurs indépendants. La partie de la rémunération originairement prévue par les parties pour le paiement de la cotisation du travailleur indépendant aux caisses d'assurances sociales des travailleurs indépendants est propre au contrat de louage d'une activité indépendante et non au contrat de travail. Cette partie n'acquiert pas à la suite de la requalification du contrat le caractère d'avantage ou de salaire auxquels le travailleur a droit "en raison de son engagement". En conséquence, elle ne peut servir de base pour le calcul des cotisations de sécurité sociale des travailleurs (Cass., 10 janvier 2005, Pas., 2005, p. 50).
6 ème feuillet. La SPRL L.R. fait valoir qu il y a lieu de prendre en considération un tarif horaire hors charges de 20 comme base de calcul des cotisations. Elle produit aux débats les documents relatifs au paiement par M. M.C. des cotisations sociales de travailleur indépendant au cours de la période litigieuse, à savoir 1.831,64 en 2003, 1.861,16 en 2004, 1.918,96 en 2005 et 1.983,60 en 2006. Elle produit également une attestation établie le 19 juin 2014 par M. M.C. en application de l article 961/1 du Code judiciaire selon laquelle le taux horaire qu il fixait vis-à-vis de ses différents commettants s élevait à 23 en tenant compte de 3 de frais divers parmi lesquels les cotisations sociales de travailleur indépendant. Les charges sociales évaluées raisonnablement au montant forfaitaire de 3, soit 13% du tarif horaire pratiqué par M. M.C., ne constituent pas un salaire ou avantage auquel le travailleur a droit en vertu de son engagement. En conséquence seul le montant horaire de 20 doit servir de base au calcul des cotisations sociales dues dans le régime des travailleurs salariés. Cette question n échappe nullement à la saisine de la cour. En effet, par arrêt prononcé le 13 mars 2014, la cour, en décidant que l O.N.S.S. était en droit de se prévaloir des factures dressées par M. M.C., ayant pour objet des «prestations de service pour livraisons clientèle», s est prononcée exclusivement quant au principe de l assujettissement en application de l article 3, 5, de l arrêté royal du 28 novembre 1969. En effet, l objet du contrat dont les factures sont le reflet s impose aux parties et les tiers peuvent en tirer argument. Tout autre est la question de l assiette de calcul des cotisations. La cour a ordonné la réouverture des débats pour qu un nouveau décompte excluant les autres factures puisse être établi par l O.N.S.S., étant expressément prévu que ce décompte devait être soumis à la contradiction de la SPRL L.R.. Celle-ci reste en droit de soutenir que la totalité du montant facturé ne doit pas être pris en compte pour le calcul des cotisations. Une nouvelle réouverture des débats s impose pour permettre à l O.N.S.S. d effectuer un nouveau calcul des cotisations sur base d un tarif horaire de 20. ********* PAR CES MOTIFS, La cour du travail,
7 ème feuillet. Statuant contradictoirement, Vu la loi du 15 juin 1935 sur l emploi des langues en matière judiciaire, notamment l article 24, Vu l avis écrit non conforme de Monsieur le substitut général Christophe Vanderlinden ; Avant de statuer quant au montant des cotisations dues par la SPRL L.R., ordonne d office la réouverture des débats aux fins précisées aux motifs du présent arrêt ; Dit qu en application des dispositions de l article 775 du Code judiciaire, l O.N.S.S. déposera le nouveau décompte au greffe et le communiquera à la SPRL L.R. le 23 avril 2015 au plus tard et celle-ci déposera et communiquera ses observations le 11 juin 2015 au plus tard, date à laquelle la cause sera prise en délibéré pour qu un arrêt soit rendu dans le délai légal ; Ainsi jugé par la 5 ème chambre de la Cour du travail de Mons, composée de : Joëlle BAUDART, président, Maria BRANCATO, conseiller social au titre d'employeur, Thierry JOSEPHY, conseiller social au titre de travailleur employé, Assistés de : Stéphan BARME, greffier, qui en ont préalablement signé la minute. et prononcé en langue française, à l audience publique du 12 mars 2015 par Joëlle BAUDART, président, avec l assistance de Stéphan BARME, greffier.