Lecture analytique n 7 : le discours contre la guerre 5 10 HECTOR : Ô vous qui ne nous entendez pas, qui ne nous voyez pas, / écoutez ces paroles, voyez ce cortège. Nous sommes les vainqueurs. Cela vous est bien égal, n est-ce pas? Vous aussi vous l êtes. Mais, nous, nous sommes les vainqueurs vivants. C est ici que commence la différence. C est ici que j ai honte. Je ne sais si dans la foule des morts on distingue les morts vainqueurs par une cocarde. Les vivants, vainqueurs ou non, ont la vraie cocarde, la double cocarde. Ce sont leurs yeux. Nous, nous avons deux yeux, mes pauvres amis. Nous voyons le soleil. Nous faisons tout ce qui se fait dans le soleil. Nous mangeons. Nous buvons... Et dans le clair de lune!... Nous couchons avec nos femmes... Avec les vôtres aussi... DEMOKOS : Tu insultes les morts, maintenant? HECTOR : Vraiment, tu crois? DEMOKOS : Ou les morts, ou les vivants. HECTOR : Il y a une distinction... PRIAM : Achève, Hector... Les Grecs débarquent... 15 20 25 HECTOR : J achève... Ô vous qui ne sentez pas, qui ne touchez pas, / respirez cet encens, touchez ces offrandes. Puisqu enfn c est un général sincère qui vous parle, apprenez que je n ai pas une tendresse égale, un respect égal pour vous tous. Tout morts que vous êtes, il y a chez vous la même proportion de braves et de peureux que chez nous qui avons survécu et vous ne me ferez pas confondre, à la faveur d une cérémonie, les morts que j admire avec les morts que je n admire pas. Mais ce que j ai à vous dire aujourd hui, c est que la guerre me semble la recette la plus sordide et la plus hypocrite pour égaliser les humains e t je n admets pas plus la mort comme châtiment ou comme expiation au lâche que comme récompense aux vivants. Aussi qui que vous soyez, vous absents, vous inexistants, vous oubliés, vous sans occupation, sans repos, sans être, je comprends en effet qu il faille en fermant ces portes excuser près de vous ces déserteurs que sont les survivants, et ressentir comme un privilège et un vol ces deux biens qui s appellent, de deux noms dont j espère que la résonance ne vous atteint jamais, la chaleur et le ciel. LA PETITE POLYXÈNE : Les portes se ferment, maman! HÉCUBE : Oui, chérie. 30 LA PETITE POLYXÈNE : Ce sont les morts qui les poussent. HÉCUBE : Ils aident, un petit peu. LA PETITE POLYXÈNE : Ils aident bien, surtout à droite. HECTOR : C est fait? Elles sont fermées? 35 LE GARDE : Un coffre-fort... HECTOR : Nous sommes en paix, père, nous sommes en paix. HÉCUBE : Nous sommes en paix! 40 LA PETITE POLYXÈNE : On se sent bien mieux, n est-ce pas, maman? HECTOR : Vraiment, chérie! LA PETITE POLYXÈNE : Moi je me sens bien mieux. La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935) de Jean Giraudoux, Acte II, scène 5.
SUPPORT La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935) de Jean Giraudoux, Acte II, scène 5. PRÉSENTATION ET SITUATION DU PASSAGE Hector veut refermer les portes pour offrir la paix, même si elle ne dure que quelques instants. Busiris, un expert du droit des peuples entre. On lui demande son avis. Il déclare qu'il faut faire la guerre parce que les Grecs n'ont pas respecté les règles. Il apparaît que ces manquements ne sont que des détails au code de la guerre : ils sont mal hissé leur pavillon, la fotte grecque est entrée de face et a accosté sans permission. Ces erreurs ont déjà engendré la guerre. Mais Hector résiste et indique que les Troyens ne se sentent pas offensés par le comportement des Grecs et lutte avec acharnement pour convaincre les autres de ne pas entrer en guerre. Les portes se ferment, Hector prépare un discours pour les Grecs. PROBLÉMATIQUES Montrez qu'hector dénonce l'absurdité du discours traditionnel aux morts. Montrez que le discours fait plutôt l'éloge de la vie que celui des héros mors au champ d'honneur. AI-JE BIEN LU? 1. A qui Hector s'adresse-t-il dans ces deux tirades? 2. Quels sont les deux personnages qui lui coupent la parole? 3. Pourquoi Priam est-il pressé de voir Hector fnir son discours? 4. A quel moment les portes de la guerre se ferment-elles? 5. Quels personnages laissent éclater leur joie? DES AXES Une tradition absurde. Une tradition hypocrite. Une critique de la guerre. LES NEUF IDÉES ESSENTIELLES 1. Hector s'adresse aux morts. 2. Il distingue les vainqueurs morts et les vainqueurs vivants. 3. Demokos n'aime pas le discours d'hector. 4. Priam trouve le discours trop long. 5. Hector distingue les morts : il y a ceux qu'il admire et ce qu'il n'admire pas. 6. C'est un discours contre la guerre. 7. Les portes de la guerre se ferment. 8. Seuls les personnages appartenant au camp de la paix s'expriment après la fermeture des portes. 9. Pour Hector, les survivants sont des déserteurs.
LES PROCÉDÉS Je cite Je nomme J'explique HECTOR : Ô vous qui ne nous entendez pas, (...) Avec les vôtres aussi... Tirades HECTOR : J achève... (...) dont j espère que la résonance ne vous atteint jamais, la chaleur et le ciel. HECTOR : Ô vous qui ne nous entendez pas, qui ne nous voyez pas HECTOR : (...) Ô vous qui ne sentez pas, qui ne touchez pas, Apostrophes oratoires HECTOR : Ô vous qui ne nous entendez pas, q u i ne nous voyez pas, / écoutez ces paroles, voyez ce cortège. Antithèses Ô vous qui ne sentez pas, qui ne t o u c h e z pas, / respirez cet encens, touchez ces offrandes. écoutez ces paroles, voyez ce cortège. Injonctions respirez cet encens, touchez ces offrandes. Ô vous qui ne nous entendez pas, qui ne nous voyez pas, / HECTOR : J achève... Ô vous qui ne sentez pas, q u i ne touchez pas, vous absents, vous inexistants, v o u s o u b l i é s, v o u s sans occupation, sans repos, sans être, Négations
mes pauvres amis. Apostrophes Aussi qui que vous soyez, vous absents, vous inexistants, vous oubliés, vous sans occupation, sans repos, sans être, Nous sommes les vainqueurs. M a i s, nous, nous sommes les vainqueurs vivants. Nous, nous avons deux yeux, mes pauvres amis. Nous voyons le soleil. Nous faisons tout ce qui se f a i t d a n s l e soleil. Nous mangeons. Nous buvons... Et dans le clair de lune!... Nous couchons avec nos femmes... Avec les vôtres aussi... Nous sommes les vainqueurs. Mais, nous, nous sommes les vainqueurs vivants. Je ne sais si dans la foule des morts on distingue les morts vainqueurs par une cocarde. Les vivants, vainqueurs ou non, ont la vraie cocarde, la double cocarde. Pronom personnel "nous" Anaphore Champ lexical de la victoire Nous voyons le soleil. Nous faisons tout ce qui se fait dans le soleil. je comprends en effet qu il faille en fermant ces portes excuser près de vous ces déserteurs que sont les survivants, et ressentir comme un privilège et un vol ces deux biens qui s appellent, de deux noms dont j espère que la résonance ne vous atteint jamais, la chaleur et le ciel. Champ lexical du soleil Répétition d u mot "soleil"
Nous c o u chons avec n o s femmes... Avec les vôtres aussi... je n ai pas une tendresse égale, un respect égal pour vous tous. Tout morts que vous êtes, il y a chez vous la même proportion de braves et de peureux que chez nous qui avons survécu et vous ne me ferez pas confondre, à la faveur d une cérémonie, les morts que j admire avec les morts que je n admire pas. DEMOKOS : Tu insultes les morts, maintenant? Stichomythie HECTOR : Vraiment, tu crois? DEMOKOS : Ou les morts, ou les vivants. HECTOR : Il y a une distinction... PRIAM : Achève, Hector... Les Grecs débarquent... la guerre me semble la recette la plus sordide et la plus hypocrite pour égaliser les humains Métaphore Hyperbole Aussi qui que vous soyez, vous absents, vous inexistants, vous oubliés, vous sans occupation, sans repos, sans être, Gradation HÉCUBE LA PETITE POLYXÈNE HECTOR :
Un coffre-fort... Métaphore HECTOR : Nous sommes en paix, père, nous sommes en paix. Anaphore HÉCUBE : Nous sommes en paix!