REPUBLIQUE FRANÇAISE AMBASSADE DE FRANCE EN TUNISIE SERVICE DE COOPERATION ET D ACTION CULTURELLE Inspection de l Education nationale AGENCE POUR L ENSEIGNEMENT FRANÇAIS A L ETRANGER Zone Maghreb Est/Machrek Questionnaire préalable à une visite GRANDE SECTION Ce document est conçu comme un outil de réflexion sur votre pratique professionnelle ; il est destiné à vous aider à effectuer un bilan de votre action, et à préparer l entretien qui suivra ma visite dans votre classe. Vous pouvez y joindre les documents que vous jugerez utiles. Je vous remercie de bien vouloir l enregistrer sous la forme suivante «prenom.nom.quest.insp», de le renseigner, et de l adresser par voie électronique à laurent.peter@institutfrancais-tunisie.com ainsi qu à ien.maghrebest@institutfrancaistunisie.com préalablement à la visite d inspection. Renseignements administratifs Laurent Peter, inspecteur de l éducation nationale. Document établi à partir d un questionnaire utilisé dans le département du Nord. 1 Le contexte de travail Les élèves scolarisés dans l établissement présentent-ils des caractéristiques particulières? (langues parlées dans la famille, atouts / difficultés, ) -Juxtaposition ou cohabitation de deux cultures? Dans leur écrasante majorité les élèves scolarisés dans l établissement sont arabophones et de culture égyptienne. Il y a donc une scission à la fois langagière et culturelle entre le monde de l école et le monde extérieur. Le programme, comme la langue et le choix d enseignants principalement français ou de culture française véhiculent un ensemble de valeurs, de règles de cohabitation, de manières d être conscientes et inconscientes, profondément divergents de ceux qui informent le quotidien de ces élèves. Le défi principal pour ces enfants est de vivre cette dichotomie comme une richesse, une source de possibilités dont ils peuvent se nourrir: leur vécu et leurs apprentissages à l école prendront alors leur sens. Les enfants se construisent à l école autant qu à la maison : comment leur inculquer la langue et la culture française sans les mettre en porte-à-faux avec leur culture d origine? Certains enfants viennent de milieux polyglottes et ouverts sur la culture française. Pour la majorité d entre eux, la question du sens et de la cohabitation harmonieuse de deux cultures et non leur simple juxtaposition, se pose avec une moindre acuité. D autres enfants souffrent visiblement de cette dichotomie : ils semblent moins ouverts aux apprentissages et moins bien adaptés que leurs pairs. L enseignant comme l institution scolaire peuvent les aider à surmonter cet obstacle en reconnaissant la légitimité de ce questionnement, en aidant l enfant à le verbaliser et en valorisant la culture d origine de l élève. -La langue, un obstacle? Qu ils viennent d un milieu francophone ou non, qu ils jouissent d aptitudes particulières ou non, leur maîtrise de la langue française à l oral comme à l écrit ne satisfait pas aux exigences du programme français. Je reste convaincue que ce constat n est pas une fatalité. Quels sont leurs résultats du point de vue scolaire comme du point de vue de leur devenir scolaire?
-Voici bientôt quatre ans que j enseigne à l écolex: après deux ans de Petite Section, j entame ma deuxième année de Grande Section. Ainsi, j ai retrouvé en Grande Se ction une partie de mes élèves de Petite Section. Les enfants qui marquent un retard dans la compréhension de la langue française sont manifestement freinés dans leurs apprentissages en «mathématiques», en «sciences», ou dans des matières en apparence non-linguistiques pour deux raisons principales : -ils fournissent un double effort et ne peuvent se concentrer sur la substance des apprentissages alors qu ils peinent à comprendre la langue d enseignement. -ils ne fournissent pas d efforts, se découragent et s inscrivent dans une logique d échec. Dans ces deux cas, le niveau des enfants ne reflète en rien leurs capacités Les enfants dont la compréhension est adéquate peuvent exceller dans les domaines où la qualité de l expression française n est pas un objectif. Mais comment imaginer que des enfants dont la maîtrise de leur langue d apprentissage reste bien en-deçà du niveau de leurs pairs francophones, puissent nuancer et approfondir leur réflexion ou saisir des subtilités portées par une syntaxe complexe et un lexique recherché? Quels sont les moyens particuliers mis en œuvre pour les faire progresser? -A l école maternelle cette question se place au centre de notre réflexion. C est au corps enseignant travaillant sur le terrain d élaborer et de mettre en commun des outils pour travailler la langue orale, base de tous les apprentissages. Pour ce faire, il faut cibler la syntaxe et le lexique. Voici quelques moyens mis en œuvre pour atteindre ces objectifs : -un cahier de vocabulaire contenant des mots et des phrases ; -un travail sur la syntaxe française. Les enfants font du calque, plaquant sur des phrases à structure arabe, des mots français. Pour remédier à cela, depuis l année dernière, j élabore des listes de phrases erronées que j entends au quotidien dans la classe que je classe ensuite par type d erreurs. En général ces erreurs relèvent de confusions ayant trait à l ordre des mots dans la phrase ou à la grammaire (par exemple, le verbe «être» n existe pas au présent en arabe). J élabore ensuite des jeux de marionnettes qui ciblent des difficultés précises et proposent aux enfants des alternatives simples et correctes. Ceci permet aux enfants de s entraider (certains mémorisent les nouvelles structures plus rapidement que d autres) et donne un sens au travail syntaxique qui les aide à mieux s exprimer et à mieux comprendre dans le quotidien de l école. Il faudrait élaborer une réflexion cohérente sur toute la scolarité de l enfant et fixer des objectifs précis par niveaux, au-delà de la maternelle. Car en effet, un enfant peut savoir lire : mais quel plaisir aura-t-il à se plonger dans la lecture si la compréhension demeure laborieuse, quel plaisir aura-il à écrire, à penser, s il ne parvient pas à s exprimer? Quels obstacles (institutionnels ou autres) faudrait-il lever pour améliorer leurs résultats? -Il faudrait renforcer la collaboration entre écoles à programme français dans le monde arabe où les obstacles linguistiques sont similaires ; créer un système de partage des observations et projets mis en œuvre pour répondre à cette demande. -Mettre en place, pour les enfants accusant un retard linguistique, des sessions parallèles de FLE qui travailleraient en coordination avec les enseignants de ces élèves. -Réduire les effectifs des classes de maternelle à 12 enfants par classe de manière à augmenter le temps de parole et d interaction en français de chaque enfant. -Il faudrait intensifier le dialogue (ou le créer dans la majorité des cas) entre les enseignants francophones et arabophones des enfants pour aider les enseignants français à mieux cerner le type d erreurs commises par les enfants. 2 -Mon action Depuis qu ils me sont confiés, mes élèves ont progressé dans les domaines suivants (en référence au socle commun de connaissances et de compétences en termes de connaissances / capacités / attitudes, ) a-s approprier le langage : -Mes élèves maîtrisent mieux certaines structures syntaxiques donc voici les plus importantes à mes yeux: l emploi de «pour» au lieu de «parce que» ne pose plus problème pour la majorité d entre eux. Ils différencient bien mieux
les pronoms personnels «il» et «elle» (le genre) ainsi que les déterminants «un» et «des» (distinction pluriel/singulier). Ils accordent les adjectifs «absent/e» et «présent/e» avec le nom auquel ils se rapportent et prennent conscience que d autres adjectifs subissent les mêmes modifications. Ils sont conscients que certaines phrases comprennent le mot «est» («Elle est absente) : les verbe et auxiliaire «être» selon le cas, n existant pas en arabe au présent de l indicatif. Grâce au cahier de vocabulaire, ils apprennent de nouveaux mots chaque semaine. Ceux dont la mémoire auditive est moins performante s imprègnent de ces mots qu ils intègreront plus tard. J ai décidé il y a deux semaines de faire participer les élèves au choix de ces mots : lorsque nous lisons une histoire, je les encourage à me citer les mots qu ils ne comprennent pas. J ai constaté avec plaisir que même les élèves qui se déconnectaient lors des lectures d histoires cherchaient activement à comprendre. Je souhaite vivement qu ils s approprient ce cahier et que leur envie d entrer dans le monde de l histoire les motive à fournir l effort nécessaire pour les mémoriser. Ceci implique aussi la personnalisation des cahiers de vocabulaire qui doivent servir de tremplin pour chaque enfant vers une meilleure maîtrise de la langue française. J encourage systématiquement les élèves à lever la main s ils ne me comprennent pas : je ne souhaite pas qu ils cherchent à me plaire mais qu ils deviennent acteurs de leurs apprentissages. Reconnaître et manifester spontanément qu on ne sait pas, c est déjà vouloir savoir : c est sur ce désir que je souhaite fonder les apprentissages. b-découvrir l écrit : Il existe de multiples supports de l écrit régulièrement employés en classe : j ai tenté d en sélectionner les plus importants et ceux dont l utilisation quotidienne et la fonction impactent les enfants ou sont le fruit d une demande de leur part (les listes des présents et des absents, les premiers et des derniers dans le rang, de ceux qui s assoient sur les chaises lors des regroupements etc., le calendrier, la bande numérique, le livre, le tableau d affichage, les affiches, le dossier de vocabulaire, les cartes d invitation). Dans chaque cas, je leur demande à quoi sert le document écrit que l on élabore parfois ensemble ou qu ils trouvent en classe à leur arrivée. Au-delà des ces supports, je souhaiterais qu ils comprennent que l écrit sert «à ne pas oublier», qu il «aide à réfléchir» et qu il est pérenne. J ai souvent recours à la dictée à l adulte : cette activité me permet de reformuler à voix haute les phrases orales des enfants avant de les écrire afin qu ils distinguent progressivement la langue écrite de la langue orale. Elle nous permet aussi de revenir à une activité antérieure pour la continuer et la mener à bout. Les enfants comptent les syllabes de mots connus ou inconnus, classent les mots du plus court au plus long, commencent à repérer une même syllabe dans une série de 3 ou 4 mots. Ils connaissent la vaste majorité des lettres de l alphabet en capitale d imprimerie et sont en train d apprendre l alphabet en cursive. Nous n avons pas encore commencé à travailler les phonèmes mais je leur demande souvent de m épeler des mots courants tels que les jours de la semaine. Nous avons mis en place une stratégie de pré-lecture pour que les enfants se repèrent dans le mot («Comment je fais si je veux lire un prénom que je ne connais pas?»). Cette stratégie est visuo-auditive : quelle est la première lettre du mot? Qu est-ce que j entends en premier? c-devenir élève : Les enfants acquièrent progressivement de l autonomie : chacun est responsable de ranger ses affaires, de ranger la classe, de manger proprement. Ils sont capables de chercher des feuilles, ardoises, feutres ou d autres outils nécessaires pour un atelier et de les ranger à leur place. Ils obéissent mieux aux règles de l école : ils me demandent souvent d arbitrer un conflit et connaissent les règles régissant le vivre ensemble ainsi que les règles d hygiène appliquées à l école (se laver les mains avant de manger etc.). Les élèves connaissent ma fonction et celle de mon assistante, du médecin scolaire, du personnel de ménage, des aides-maternelles. d-découverte du monde :
-Mes élèves connaissent les règles d hygiène des locaux (comment aider le personnel de ménage à garder une classe propre), du corps (se laver les mains et se brosser les dents) et comprennent que si certains aliments renforcent les dents d autres leur nuisent. -Les enfants connaissent les notions d «avant» et d «après», la plupart comprennent et savent manier les notions suivantes : «hier, aujourd hui» et commencent à s approprier le mot «demain». Presque tous mes élèves connaissent la succession des jours de la semaine et sont capables de déterminer quel jour on est si on leur dit quel jour on était hier. Nombre d entre eux savent aussi quel jour on sera demain. Nombre d enfants sont capables de déterminer le quantième du mois et le nom du mois. -Ils ont compris le principe qu une quantité équivalente ou plus grande que deux, se compose de «quantités plus petites mises ensemble» (le principe de la décomposition des nombres). La plupart ont compris que les quantités de 2 à 6 sont composées de la quantité précédente plus 1. Ils ont intégré et savent manier la notion «plus» que. Ils reconnaissent les schémas des constellations et les doigts et les relient à leur représentation chiffrée. -La majorité de mes élèves sait compter jusqu à 29. Le plus faible parvient jusqu à 14. -La majorité de mes élèves sépare les objets comptés des objets non-comptés lorsque les objets sont mobiles et qu ils peuvent les déplacer. -La plupart de mes élèves reconnaissent les chiffres de 1 à 9 ainsi que le nombre 10. -Mes élèves ont compris les notions de premier et dernier, devant et derrière, sur et sous (certains n arrivent pas encore à différencier ces mots sur le plan sonore), en haut et en bas. -Ils savent situer les bords de la feuille, écrire leur prénom en haut à gauche de la feuille, distinguer le haut du bas de la feuille. Ils savent qu en français on écrit de gauche à droite, que les mots doivent se poser sur une ligne horizontale, ne doivent pas se chevaucher ou sortir des bords de la page. Ils savent manier un livre et tourner les pages dans le bon sens, reconnaissent la couverture d un livre, le titre, le nom de l auteur. Nous explorons actuellement les notions de personnage et de texte. e-percevoir, sentir, imaginer, créer : -La plupart des enfants connaissent la bonne tenue de l outil scripteur, de la feuille et savent se tenir assis correctement pour écrire, s auto-corrigeant si nécessaire. -Ils ont mémorisé 9 comptines, chansons et poésies. J émets l hypothèse que ces progrès sont (au moins partiellement) le résultat des actions précisées ci-dessous : -la mise en place du cahier de vocabulaire et le travail ciblé sur la syntaxe (jeux de marionnettes) ; -les discussions, bilans et autres partages d idées lors d activités groupées ou en ateliers ; -la correction quasi-systématique des erreurs à l orale et la reformulation correcte de la phrase ; -la mise en place d ateliers ciblés dans tous les domaines d apprentissage ; -le fait d expliquer systématiquement avec des mots simples la raison et la portée de ces ateliers ; -la création de bonnes conditions pour l échange et l entraide. Par contre, j ai constaté une absence de progrès, ou des progrès que j estime insuffisants, dans les domaines suivants : -Certains enfants ne parviennent pas à s investir dans les apprentissages : ils manquent parfois de maturité et de concentration. Ils ne connaissent toujours pas la succession des jours de la semaine et n arrivent pas à passer le cap du 14 dans la comptine numérique. -Un nombre d enfants peine à contrôler le crayon et à se déplacer sur la page. -Certains enfants accusent un sérieux retard en compréhension de la langue orale ce qui les freine considérablement dans les autres matières. En réponse à ces constats, j envisage de mettre en place les dispositifs suivants : -Je compte : -appliquer la différenciation de manière plus systématique en élaborant des ateliers qui ciblent leurs difficultés; -augmenter le temps d accompagnement individuel (en classe) de ces enfants ; -mettre en place un système d entraide entre les enfants «forts» et les enfants «faibles» ;
-encourager les enfants, comme dans le cas du cahier de vocabulaire, à prendre une part plus active dans l élaboration de leurs apprentissages. 3 D une inspection (ou d une visite) à l autre Je vous prie de bien vouloir citer 3 axes de travail extraits de votre dernier rapport d inspection, et indiquer comment vous avez pu les mettre en œuvre (ou non). Si cela n est pas possible, je vous remercie de mentionner les domaines sur lesquels vous avez plus particulièrement fait porter vos efforts. Pour une première inspection, vous pouvez procéder au bilan de l accompagnement de l entrée dans le métier. 4 Observations complémentaires