FICHE D.5 : CHANTIERS



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FICHE D.5 : CHANTIERS La réalisation de constructions occasionne le plus souvent, des nuisances sonores plus ou moins supportables, selon leur intensité, leur durée et le lieu concerné. Certes, les engins de chantiers sont soumis à une réglementation limitant leurs niveaux sonores. En généralisant, dans son article L. 571-2, l'exigence d'insonorisation à tous les matériels bruyants, le Code de l'environnement conduit à la mise en place d'un nouveau cadre juridique que traduit son décret d'application n 95-79 du 23 janvier 1995. Mais, même dans le respect de la réglementation de leurs engins et matériels, les chantiers peuvent générer des nuisances sonores. Jusqu'à la publication du décret n 95-408 du 18 avril 1995 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage et modifiant le Code de la santé publique (D. n 95-408, 18 avr. 1995 : J.O. 19 avr. 1995), les chantiers étaient soumis au décret du 5 mai 1988. Il a été abrogé par le décret n 95-408 du 18 avril 1995 qui introduit dans le Code de la santé publique les articles R. 48-1 à R. 48-5. Les chantiers sont visés à l'article R. 48-5 qui mentionne "les chantiers de travaux publics ou privés et de travaux intéressant les bâtiments et leurs équipements soumis à une procédure de déclaration ou d'autorisation". Les chantiers sont toutefois soumis à d'autres réglementations, aussi bien en amont, à travers le dispositif de prévention, qu'en aval à travers les systèmes de répression et d'indemnisation des bruits de voisinage. I. PRÉVENTION DES NUISANCES SONORES GÉNÉRÉS PAR LES CHANTIERS A. Quels sont les moyens de prévention des nuisances sonores dues aux chantiers? Depuis la loi du 31 décembre 1992, (art. 9 et s), les moyens de prévention de ces nuisances sonores relèvent principalement de l'initiative du maire. Ces nouvelles dispositions, intégrées dans le Code général des collectivités territoriales, précisent, à l'article L. 2213-4, que le maire peut, "par arrêté motivé, soumettre à des prescriptions particulières relatives aux conditions d'horaires et d'accès à certains lieux et aux niveaux sonores admissibles les activités s'exerçant sur la voie publique, à l'exception de celles qui relèvent d'une mission de service public". Sur ce fondement juridique, le maire peut limiter les nuisances sonores générées par les chantiers sur le territoire de la commune en définissant notamment : les horaires possibles ; lorsque l'arrêté d'un maire autorise la réalisation de chantiers, entre 8 heures et 19 heures, constituent des troubles anormaux de voisinage, les travaux de construction effectués en dehors des heures prévues (C.A. de Paris, 6 juill. 1994, Amaro c. Amouroux, Juris-Data n 024104). et les périodes autorisées. Le maire d'une commune balnéaire avait, par arrêté, interdit, sur toute l'étendue de la commune, entre le 1 er juillet et le 31 août, les travaux de construction. Cet arrêté a été considéré comme légal par la Cour de cassation au motif que des travaux pouvaient être réglementés "dès lors qu'ils nuisent à l'environnement par le bruit, les poussières ( )" (Cass., 3 ème civ., 10 mars 1993, S.C.I. Espadon c. M. Malet et autres, n 447D, pourvoi n 90-19.405/B). La Cour d'appel de Caen a précisé quant à elle que pouvaient constituer de telles nuisances, les bruits importants causés par le fonctionnement d'une grue, d'une pelleteuse ou le déchargement de camions (C.A. de Caen, 1 er juin 1995, Coin c. S.C.I. Plazza, Juris-Data n 049318 : à propos de la violation d'un arrêté interdisant des travaux en été dans une station balnéaire).

158 Série D : Différentes catégories de bruits de voisinage B. Quelles sont les obligations à respecter pour effectuer des travaux considérés comme gênants? Certains travaux considérés comme gênants peuvent être soumis à un contrôle, à travers une autorisation de travaux ou encore un permis de construire. Par ailleurs, les travaux urgents réalisés sur la voie publique, ainsi que ceux exécutés de jour comme de nuit, dans certaines zones sensibles à proximité d'hôpitaux, d'établissements d'enseignement ou de maisons de repos, doivent faire l'objet d'une autorisation et de dispositions à caractère réglementaire édictées par le maire. Des horaires peuvent ainsi être fixés et des sujétions particulières imposées (C.G.C.T., art. L. 2212-2). Néanmoins, l'autorisation accordée par le maire, ne dégage pas l'auteur du bruit de toute responsabilité. Ainsi, la Cour d'appel d'aix en Provence a condamné le responsable d'une activité autorisée par le maire, à indemniser les riverains pour le préjudice subi, en raison des nuisances sonores générées (C.A. d'aix-en-provence, Sté Ciments Lafarge c. Moro, 11 mai 1988, Juris-Data n 04729). II. RÉPRESSION DES NUISANCES SONORES GÉNÉRÉES PAR LES CHANTIERS A. Dispositions de l'article R. 48-5 du Code de la santé publique 1. Dispositif concernant tous les chantiers L'infraction visée à l'article R. 48-5 concerne tous les chantiers. Les chantiers visés, tels que l'article R. 48-5 le prévoit, sont aussi bien privés, que publics et englobent les travaux intéressant les bâtiments et leurs équipements. Ainsi, par exemple, les autorisations délivrées en droit de l'urbanisme comme le permis de construire (art. L. 421-1 du Code de l'urbanisme), sont implicitement des autorisations au sens de la réglementation applicable aux chantiers. Ce principe est également applicable pour les déclarations de travaux prévus à l'article L. 422-2 du Code de l'urbanisme. 2. Dispositif mis en œuvre à des conditions précises Les chantiers ne sont susceptibles d'être réprimés, en vertu des dispositions contenues à l'article R. 48-5 du Code de la santé publique, que si la personne, à l'origine du bruit transgresse une des trois conditions édictées par ce texte. Est, ainsi, punie d'une amende correspondant à une contravention de la 3 ème classe (450 Euros (3000 F) au plus), toute personne qui : n'aura pas respecté les conditions d'utilisation ou d'exploitation de matériels, fixées par les autorités compétentes ; ou, aura négligé de prendre toute les précautions pour limiter le bruit ; ou encore, aura fait preuve d'un comportement anormalement bruyant. B. Application de l'article R. 48-2 du Code de la santé publique Certains travaux ne nécessitent ni autorisation, ni déclaration. Par conséquent, le régime répressif de l'article R; 48-5 du Code de la santé publique ne peut s'appliquer aux chantiers de ces travaux. De ce fait, même si l'article R. 48-2 exclut pourtant, de façon expresse de son champ d'application, "les chantiers de travaux publics et privés et les travaux intéressant les bâtiments et leurs équipements soumis à une procédure

Fiche D.5 : Chantiers 159 de déclaration ou d'autorisation", il semble être le seul régime applicable aux chantiers dépourvus d'autorisation ou de déclaration. L'article R. 48-2 s'applique à tous les bruits résultants de la vie quotidienne comme le souligne la circulaire du 27 fév. 1996 (préc.). Par application du premier alinéa de cet article, est passible d'une amende prévue pour les contraventions de la troisième classe (450 Euros (3 000 F) au plus) "toute personne qui, dans un lieu public ou privé, aura été à l'origine par elle-même ou par l'intermédiaire d'une personne d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité, d'un bruit particulier de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme par sa durée, sa répétition ou son intensité". Une peine complémentaire est prévue. Il s'agit de la confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction (art. R. 48-2, al. 2). La complicité, par aide ou assistance, est également réprimée (art. R. 48-2, al. 3). III. INDEMNISATION DES PRÉJUDICES SUBIS À L'OCCASION DU FONCTIONNEMENT DE CHANTIERS A. Responsabilité civile Afin d'obtenir réparation du préjudice subi suite au fonctionnement bruyant d'un chantier, la victime peut saisir un tribunal civil si le responsable du dommage est un particulier (personne physique) ou une entreprise privée (personne morale). La jurisprudence a mis en avant, à propos des chantiers, un certain nombre d'éléments constitutifs de troubles de voisinage et d'autres les excluant. 1. Éléments retenus Le juge doit rechercher si le bruit de chantier en cause constitue un inconvénient excédant les obligations normales du voisinage, c'est-à-dire un inconvénient qui dépasse ceux qu'on est normalement appelé à supporter, de la part de ses voisins. Constituent ainsi des inconvénients anormaux de voisinage : une durée excessive de travaux. La responsabilité de l'auteur de travaux est engagée dès lors que celui-là refuse de prendre en considération le trouble occasionné au voisinage, et cela depuis 5 ans (C.A. de Paris, 10 mai 1989, Reza c. Delorme) ; de même lorsque des travaux se prolongent depuis 10 ans (C.A. de Paris, 29 sept. 1981, Fritsch c. A.O.C.E.F.I., Juris-Data n 024891) ; le non-respect des recommandations formulées par des experts. Le maître d'ouvrage qui, de manière délibérée, n'a pas suivi les réserves des experts quant aux bruits, doit réparer les troubles causés aux tiers (C.A. de Paris, 28 mars 1989, Cirimelle c. Guidez, Juris-Data n 021190) ; des bruits désagréables générés par un chantier aboutissant à la violation de l'article 1382 du Code civil (C.A. de Paris, 18 avril 1985, Mandelbaum c. S.C.I. de Forcy, Juris-Data n 021642) ; la violation d'un arrêté municipal définissant les horaires des chantiers (C.A. de Paris, 6 juill. 1994, Amaro, c. Amouroux, préc.). L'existence d'une faute n'est pas nécessaire pour qu'un trouble de voisinage soit sanctionné. La Cour de cassation a posé nettement le principe selon lequel le trouble anormal de voisinage doit être sanctionné même en l'absence de faute (Cass. 2 ème civ., 24 avr. 1989, n 87-16.696 V, arrêt n 893 D, Murer, Rueffli c. Cordier, Chevalet). Ce principe a été réaffirmé lors d'une demande de réparation consécutive à des nuisances occasionnées par un chantier (C.A. de Paris, 12 janv. 1999, Mutuelle du Mans Assurances Iard c. Voillot, Juris-Data n 020049).

160 Série D : Différentes catégories de bruits de voisinage 2. Éléments rejetés La jurisprudence ne retient pas toutes les gênes occasionnées par les chantiers comme des troubles excédant les obligations normales du voisinage. En effet, peut être rejetée la demande d'indemnisation en fonction : de la base légale. L'application de l'article 1384 du Code civil ne peut permettre la réparation du préjudice causé par un chantier. En effet, au sens de l'article 1384, la personne qui a les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle d'une chose est responsable des dommages causés par cette chose. Or, la jurisprudence ne considère pas un chantier comme une chose (C.A. de Paris, 7 mai 1988, Galuz c. S.N.C. université foncière, Juris-Data n 021025) ; du fait que les troubles étaient inévitables. Ne peuvent prétendre à indemnisation, les tiers qui ont subi des troubles, du fait de la proximité d'un chantier nécessaire à la démolition de l'immeuble voisin (C.A. de Besançon, 20 janv. 1987, Syndicat des copropriétaires c. Strachhi, Juris-Data n 040740) ; du lieu. La présence d'un chantier de construction ne peut pas être constitutive de troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage, dès lors que les troubles ne dépassent pas les bruits entendus en ville à la suite de travaux sur les chaussées et trottoirs (C.A. de Paris, 27 janv. 1989, S.C.I. du 12, rue de l'abbé-de-l'épée c. Maret, Juris-Data n 024657) ; de la personne. Une personne morale n'est pas recevable à demander la réparation de troubles de voisinage, ces derniers ne pouvant être perçus et ressentis que par des personnes physiques (C.A. de Paris, 12 avril 1991, Syndicat des copropriétaires 14, rue de l'abbé-de-l'épée à Paris 5 ème c. S.C.I. du 12, rue de l'abbé-de-l'épée, Juris-Data, n 021113). 3. Qui peut être indemnisé? Toute personne ayant subi un préjudice doit pouvoir obtenir réparation. C'est le cas, tout d'abord, des locataires. Les bruits de chantier et les encombrements des parties communes constituant des inconvénients anormaux de voisinage, le bailleur doit réparation au locataire de ce fait (C.A. de Paris, 25 nov. 1986, U.N.M.I.R.F.E.N. c. Valas, Juris-Data n 600207). Il en va de même, si les troubles résultent du fait d'un tiers qui porte atteinte à la jouissance du locataire. Ce dernier peut ainsi obtenir réparation auprès du propriétaire (C.A. de Paris, 23 fév. 1999, Nowak c. Simon, Juris-Data n 0202366). C'est le cas, ensuite, des exploitants d'activités commerciales. Ainsi, un restaurateur est indemnisé si les bruits provenant d'un chantier proche persistent à l'intérieur du bâtiment malgré la fermeture des fenêtres (C.A. de Paris, 12 janv. 1999, Mutuelle du Mans Assurances Iard c. Voillot, préc.). Il en va de même pour un hôtelier qui, pendant la période estivale, dans une station balnéaire, subit les gênes sonores occasionnées par un chantier se situant à proximité de l'établissement (C.A. de Caen, 1 er juin 1995, Coin c. S.C.I. Plazza, préc.). C'est le cas, enfin, pour les responsables d'une école située à proximité d'un chantier lorsque les professeurs sont obligés de faire un effort anormal de diction et qu'est constaté un relâchement des élèves (C.A. de Paris, 25 avril 1980, Cie La mondiale c. G.I.E. Institut Supérieur de Gestion, Juris- Data n 095303). B. Responsabilité administrative Lorsque l'auteur du dommage est une personne publique ou que le dommage résulte de travaux publics ou d'ouvrages publics, la responsabilité de la puissance publique peut être retenue (Voir Fiche C.1 : Responsabilité de la puissance publique).

Fiche D.5 : Chantiers 161 Cette responsabilité n'est cependant pas fondée sur les articles 1382 et suivants du Code civil, mais sur la jurisprudence du Conseil d'état, des Cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs, d'ailleurs toujours en évolution. Cette responsabilité (qui pèse également sur les concessionnaires de services publics) est fondée : soit sur la faute des agents de la collectivité ; soit sur les simples risques ou inconvénients pour le voisinage "des travaux publics". Subissent ainsi un préjudice anormal et spécial de travaux publics, les riverains d'un chantier de métro, considéré comme aménagement d'un ouvrage public, d'où mise en œuvre de la responsabilité de la puissance publique (C.A.A. de Nancy, 29 oct. 1992, S.A. La Demeure française, n 91NC00297). De même, les bruits provoqués par un chantier à proximité d'une maison d'habitation excédant les sujétions que les riverains doivent supporter constituent un préjudice indemnisable (C.A.A. de Bordeaux, 13 oct. 1997, Ministre de l'équipement des transports et du tourisme c. Charpentier, n 94BX01270). Des indemnités ont été accordées également pour un préjudice découlant d'un chantier sur une période de neuf mois (C.E. 28 oct. 1988, Cne de Cagnes-sur-mer, n 74997). De même, un exploitant hôtelier a obtenu une indemnisation pour des travaux qui se sont poursuivis pendant trois ans (C.E., 22 juin 1992, Sté Bac Montalembert, n 40829). En revanche, ne donnent pas à droit à réparation : les nuisances acoustiques qui ont persisté alors que l'exploitation de l'établissement avait repris (C.A.A. de Nancy, 29 oct. 1992, S.A. La Demeure française, préc.) ; le chantier de construction d'une centrale nucléaire en raison de l'éloignement des riverains, le bruit constituant une sujétion normale que les propriétaires situés à proximité desdits chantiers sont tenus de supporter (C.E., 1er mars 1989, Epx Docquet Chassaing c. E.D.F., n 56.806 : propriété située à 630 mètres ; C.E., 11 janv. 1984, M. Jean Rivenet c. E.D.F., n 40.035 : propriété situé à 210 mètres) ; la construction d'immeubles collectifs en zones urbaines, du fait que les troubles occasionnés ne sont pas supérieurs à ceux qui peuvent affecter tout propriétaire qui se trouve normalement exposé au risque de voir les immeubles collectifs édifiés sur les parcelles voisines (C.A.A. de Paris, 12 sept. 1996, Rubin, n 93PA00499). Pour une opération de rénovation urbaine, (voir également : C.E., 24 mai 1991, M. Trouche, n 81.211). JURISPRUDENCE I. PRÉVENTION DES NUISANCES SONORES GÉNÉRÉES PAR LES CHANTIERS. A. Quels sont les moyens de prévention des nuisances sonores dues aux chantiers? C.A. de Paris, 6 juill. 1994, Amaro, c. Amouroux, Juris-Data n 024104 : Engendrent des troubles anormaux de voisinage dus à la réalisation de travaux de construction, d'une part, des nuisances sonores en dehors des heures prévues par un arrêté municipal du 28 juin 1984, créant une gêne insupportable avant 8 heures et après 19 heures et, d'autre part, des troubles divers dus à l'absence de mesures de protection suffisante du chantier.

162 Série D : Différentes catégories de bruits de voisinage Cass, 3 ème civ., 10 mars 1993, S.C.I. Espadon c. M. Malet et autres, n 447D, pourvoi n 90-19.405/B : "[ ] qu'un arrêté municipal du 18 juillet 1989 a interdit sur toute l'étendue de la commune, entre le 1 er juillet et le 31 août, les travaux de construction, dès lors qu'ils nuisent à l'environnement par le bruit, les poussières, les fumées et l'envol de papiers ; [ ]." C.A. de Caen, 1 er juin 1995, Coin c. S.C.I. Plazza, Juris-Data n 049318. B. Quelles sont les obligations à respecter pour effectuer des travaux considérés comme gênants C.A. d'aix-en-provence, Sté Ciments Lafarge c. Moro, 11 mai 1988, Juris-Data n 04729 : Bien que la cimenterie ait été autorisée à agrandir son installation de concassage [ ], cette dernière est responsable des nuisances subies par des riverains de l'exploitation [ ]. II. RÉPRESSION DES NUISANCES SONORES GÉNÉRÉES PAR LES CHANTIERS A. Dispositions de l'article R. 48-5 du Code de la santé publique 1. Dispositif concernant tous les chantiers 2. Dispositif mis en œuvre à des conditions précises B. Application provisoire de l'article R. 48-2 du Code de la santé publique III. INDEMNISATION DES PRÉJUDICES SUBIS À L'OCCASION DU FONCTIONNEMENT DE CHANTIERS A. Responsabilité civile 1. Éléments retenus Cass. 2 ème civ., 24 avr. 1989, n o 87-16.696 V, arrêt n 893 D, Murer, Rueffli c. Cordier, Chevalet : "[ ] Alors que, statuant sur une action en réparation de troubles anormaux du voisinage et constatant que n'était contesté ni le préjudice subi par Mesdames RUEFFLI ni le caractère anormal des nuisances, provenant de la propriété contiguë de M. CHEVALET, l'arrêt infirmatif attaqué a déchargé ledit voisin, ne pouvant invoquer le fait de son locataire pour s'exonérer, de toute obligation de réparer qu'au prix d'une violation du principe suivant lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage et d'une fausse application de l'article 1382 du Code Civil, s'agissant d'une responsabilité objective ; [ ]." C.A. de Paris, 29 sept. 1981, Fritsch c. A.O.C.E.F.I., Juris-Data n 024891 ; C.A. de Paris, 28 mars 1989, Cirimelle c. Guidez, Juris-Data n 021190 ; C.A. de Paris, 10 mai 1989, Reza c. Delorme ; C.A. de Paris, 6 juill. 1994, Amaro, c. Amouroux, préc. ; C.A. de Paris, 12 janv. 1999, Mutuelle du Mans Assurances Iard c. Voillot, Juris-Data n 020049.

Fiche D.5 : Chantiers 163 2. Éléments rejetés C.A. de Paris, 12 avril 1991, Syndicat des copropriétaires 14, rue de l'abbé-de-l'épée à Paris 5 ème c. S.C.I. du 12, rue de l'abbé-de-l'épée, Juris-Data, n 021113 : Le syndicat de copropriété personne morale représentant les copropriétaires, n'est pas recevable à demander la réparation de troubles de jouissance qu'il aurait subis pendant la construction de l'immeuble du voisin, de tels troubles ne pouvant être perçus et ressentis que par des personnes physiques habitant les lieux. C.A. de Besançon, 20 janv. 1987, Syndicat des copropriétaires c. Strachhi, Juris-Data n 040740 ; C.A. de Paris, 7 mai 1988, Galuz c. S.N.C. université foncière, Juris-Data n 021025 ; C.A. de Paris, 27 janv. 1989, S.C.I. du 12, rue de l'abbé-de-l'épée c. Maret, Juris-Data n 024657. 3. Qui peut être indemnisé? C.A. de Caen, 1 er juin 1995, Coin c. S.C.I. Plazza, préc : La présence d'un chantier de construction immobilière à proximité d'un hôtel est constitutive d'un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage lorsque ce chantier, ouvert l'été, dans une station balnéaire, est source de nuisances diverses. Sont considérés comme de telles nuisances, les bruits importants causés par le fonctionnement d'une grue, d'une pelleteuse ou le déchargement de camions, mais également la baisse de recette et l'atteinte à l'image de marque de l'hôtel qui en résultera, cette dernière pouvant être prouvée par des attestations de clients manifestant leur mécontentement. La réparation du préjudice subi par le propriétaire est de 50 000 F au titre de dommages et intérêts C.A. de Paris, 23 fév. 1999, Nowak c. Simon, Juris-Data, n 0202366 ; C.A. de Paris, 12 janv. 1999, Mutuelle du Mans Assurances Iard c. Voillot, préc. ; C.A. de Paris, 25 nov. 1986, U.N.M.I.R.F.E.N. c. Valas, Juris-Data, n 600207 ; C.A. de Paris, 25 avril 1980, Cie La mondiale c. G.I.E. institut supérieur de gestion, Juris-Data n 095303. B. Responsabilité administrative C.A.A. de Bordeaux, 13 oct. 1997, Ministre de l'équipement des transports et du tourisme c. Charpentier, n 94BX01270 : "[ ] Cons., en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que les nuisances dues aux travaux d'aménagement de l'autoroute A 75 et de percement d'un tunnel ont entraîné, dans les conditions d'existence de M. Charpentier, notamment en raison des bruits provoqués par le chantier situé à proximité de sa maison d'habitation, des troubles qui, par leur importance et leur durée, ont excédé les sujétions que les riverains doivent normalement supporter sans indemnité ; que l'impossibilité dans laquelle il a été mis d'exploiter son commerce et les difficultés financières qui en sont résultées ont également contribué à perturber la vie quotidienne et familiale de l'intéressé qui n'a pu mener à bien les travaux qu'il avaient entrepris de finition de sa maison individuelle et de création d'une salle de restaurant ; qu'il a ainsi subi un préjudice dont il est fondé à demander réparation ; [ ]." C.A.A. de Nancy, 29 oct. 1992, S.A. La Demeure française, n 91NC00297 ; C.E., 22 juin 1992, Sté Bac Montalembert, n 40829 ; C.E. 28 oct. 1988, Cne de Cagnes-sur-mer, n 74997 ; C.E., 23 mai 1986, Blondet, n 57264. C.E., 1 er mars 1989, Epx Docquet Chassaing c. E.D.F., n 56.806 : "[ ] Cons. qu'il résulte de l'instruction que si les Époux DOCQUET CHASSAING ont eu à subir du fait de la proximité du chantier de construction de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine des inconvénients découlant tant

164 Série D : Différentes catégories de bruits de voisinage du bruit et de la poussière résultant des travaux que de la difficulté accrue de la circulation sur les routes desservant leur propriété, ces sujétions, dès lors que la propriété des requérants est située au plus près à 630 mètres du chantier de la centrale dont elle est, en outre, séparée par une voie ferrée, la Seine et un rideau d'arbres, n'ont pas dépassé par leur importance les sujétions que les propriétaires situés à proximité desdits chantiers sont tenus de supporter ; [ ]." C.E., 11 janv. 1984, M. Jean Rivenet c. E.D.F., n 40.035. C.A.A. de Paris, 12 sept. 1996, Rubin, n 93PA00499 : "[ ] Cons. d'une part, qu'il résulte de l'instruction, que les troubles de voisinage qu'entraîne pour la maison de M. et Mme RUBIN la présence de ces ouvrages publics, dont il n'est pas contesté qu'ils ont été construits conformément aux règles d'urbanisme, ne sont pas supérieurs à ceux qui peuvent affecter tout propriétaire d'un terrain situé en zone urbaine et qui se trouve normalement exposé au risque de voir des immeubles collectifs édifiés sur les parcelles voisines ; [ ]." C.E., 24 mai 1991, M. Trouche, n 81.211.