LA CHIRURGIE DE LA PRESBYTIE ; QU EN EST-IL EN 2009? F. Malecaze, Professeur des Universités en Ophtalmologie, Service d Ophtalmologie, Hôpital Purpan, Place du Dr Baylac, 31059 TOULOUSE Cedex, Tél : 05 61 77 77 52 Alors que la chirurgie réfractive dans le but de corriger une anomalie de la réfraction (myopie, astigmatisme, hypermétropie) ne s adresse qu à environ un tiers de la population, la chirurgie de la presbytie pourrait potentiellement aider 100 % de la population car la perte du pouvoir accommodatif avec l âge est inéluctable. C est pourquoi la chirurgie de la presbytie est devenue en 2009 le prochain challenge de la chirurgie réfractive. La connaissance précise du mécanisme de l accommodation et de la perte du pouvoir accommodatif avec l âge ou presbytie (du Grec presbutês : vieillard) sont encore mal connus. L accommodation, cette faculté de «mettre au point» à toute distance est due à un changement de la forme du cristallin, qui présente lors de l accommodation une modification de sa courbure, déviant ainsi les rayons lumineux, et cela grâce à la contraction du muscle ciliaire qui l entoure. Ce muscle est relié au cristallin par les fibres de la zonule. La physiologie de la modification de la forme du cristallin lors de l accommodation est encore controversée. L hypothèse la plus probable est que lors de la vision de près (Fig 1), le muscle ciliaire se contracte, son diamètre diminue, les fibres zonulaires se relâchent et le cristallin élastique prend alors une forme plus bombée, ce qui augmente sa puissance déviant plus fortement les rayons lumineux. La presbytie est une conséquence inévitable du vieillissement et varie très peu d un individu à l autre. La perte du pouvoir d accommodation devient gênante à partir de la quarantaine, et généralement une correction optique de près est nécessaire vers 45 ans. Deux hypothèses pourraient expliquer cette perte de la capacité d accommoder : soit le cristallin perd son élasticité avec l âge, soit le muscle ciliaire devient moins performant. Il est également possible que ces deux mécanismes soient intriqués, la presbytie étant multifactorielle.
C est la connaissance incomplète du mécanisme de l accommodation qui rend difficile le challenge de la chirurgie de la presbytie. Les différents traitements chirurgicaux encore au stade expérimental ou actuellement en évaluation se divisent en trois stratégies. Les premières ont pour objectif de restaurer le pouvoir accommodatif. Une approche très ambitieuse, encore expérimentale, consiste à remplacer le cristallin par une substance élastique injectée dans son enveloppe, le sac capsulaire permettant à ce cristallin «reconstitué» de se déformer lors de la vision de près. C est une technique prometteuse qui pose cependant plusieurs problèmes techniques encore non résolus. Une autre stratégie moins ambitieuse envisageable lors de la chirurgie de la cataracte est basée sur un implant à géométrie modifiée de façon à permettre son déplacement dans l œil secondaire à la contraction du muscle ciliaire. L efficacité de ce type d implant fait actuellement l objet d une évaluation clinique. Une autre stratégie visant à restaurer l accommodation a pour objectif d aider le muscle ciliaire à transmettre sa contraction avec plus d efficacité sur le cristallin en remodifiant la tension des fibres zonulaires. Ainsi ont été proposées la mise en place de bandelettes d expansion sclérale et la réalisation d incisions sclérales radiaires réalisées en regard du muscle ciliaire ; les premiers essais cliniques réalisés en Europe et aux Etats-Unis montrent que l efficacité est inconstante, temporaire et incomplète. Un deuxième groupe de technique chirurgicale (Fig 2) a pour objectif de remédier à la presbytie de façon indirecte par un système multifocal analogue aux lentilles «progressives» de presbytie (Fig 2A). Le principe est de modifier le système optique de l œil de façon à ce que se forment simultanément sur la rétine plusieurs images correspondant à la vision de près, intermédiaire et de loin (Fig 2B). Ce système multifocal repose sur le principe de la vision
simultanée, le cerveau recevant en même temps plusieurs images. Se posent deux problèmes : le premier est la nécessité d une «plasticité» cérébrale pour que le cerveau puisse sélectionner l image nette et neutraliser l image qu il n utilise pas (Fig 2C) ; le deuxième est la qualité de vision qui peut être parfois altérée par des éblouissements et par une diminution de la sensibilité des contrastes en raison de la défocalisation d une partie des rayons lumineux. Ce système multifocal peut être réalisé en remodelant la cornée à l aide d un laser excimer selon la technique du lasik. La géométrie cornéenne multifocale optimale est encore mal définie, en cours d évaluation. On peut également obtenir un système multifocal en utilisant une lentille intraoculaire en utilisant un implant multifocal qui est placé dans la chambre antérieure de l œil en avant du cristallin. Cet implant, disponible depuis peu, semble permettre une bonne performance visuelle de près mais l enjeu essentiel sera la tolérance à long terme encore inconnue. Un implant multifocal peut être également proposé a la place d un implant conventionnel au cours de la chirurgie de la cataracte chez des patients bien sélectionnés. La troisième stratégie visant à compenser la presbytie, certainement la moins audacieuse est la monovision. Son principe est de myopiser d environ 1 à 2 D un des deux yeux permettant une vision de près sans correction additionnelle. Elle est volontiers proposée lors d une chirurgie réfractive standard pour corriger une anomalie de la réfraction (myopie ou hypermétropie) chez des patients approchant l âge de la presbytie. Ainsi, au début de ce 21 ème siècle, sommes nous à une étape critique sur la route de la chirurgie de la presbytie. Sous la pression de plusieurs intérêts convergents, plusieurs centres dans le monde sont impliqués dans la mise au point et le développement de la chirurgie de la presbytie. Cette mise au point, à défaut d apporter les bonnes réponses a le mérite de poser les bonnes questions et montrer que la chirurgie de la presbytie est un sujet controversé et encore évolutif. Quoiqu il en soit, des solutions «réversibles» devront être privilégiées car une
simple correction optique reste une des meilleures alternatives pour compenser le vieillissement physiologique de l accommodation.