Quentin Ludwig, avec la collaboration de Cyril-Igor Grigorieff Comprendre l islam Groupe Eyrolles, 2004 ISBN 2-7081-3510-4
Comprendre l islam Les banques islamiques La charia (le droit islamique) interdit le prêt à intérêt fixe, qui est assimilé à de l usure (ribâ). Dans la pratique, il est difficile de faire du commerce et de stimuler la croissance sans faire circuler de l argent et sans en rémunérer le prêt. Pour résoudre ce problème, différentes dispositions on été prises par les musulmans, du Moyen Âge à aujourd hui (contrat de participation, partenariat, prise de risque, société en commandite, payement de services, etc.). Signalons cependant qu aucune disposition ne satisfait pleinement tant la charia que les règles du système bancaire mondial. 44 Les banquiers et leurs banques Dans l islam médiéval, et sous l empire ottoman, le rôle des banquiers était tenu par des non musulmans (généralement des juifs). Ils participaient également à la levée des impôts et aux opérations de change : on les désignait sous le nom de jahâbidha. Aujourd hui, différents États ont créé des banques dont l organisation répond le mieux possible aux dispositions de la charia : ce sont les banques islamiques. Dans chaque banque islamique, il y a un Conseil de la charia qui vérifie si l opération est conforme au principe de la loi religieuse (par exemple, un prêt sera refusé à une compagnie d aviation si de l alcool est servi à bord...). La création des banques islamiques est assez récente. En 1975, la Dubaï Islamic Bank est la première banque islamique privée. En 1979, le Pakistan décrète l islamisation de l ensemble du secteur bancaire (il est suivi par le Soudan puis l Iran). En 1996, la CitiBank établit une filière au Bahrein. Depuis lors, la plupart des banques importantes disposent de «guichets islamiques» où sont proposés des produits répondant aux prescrits coraniques. Contourner les dispositions coraniques Divers systèmes ont été imaginés pour contourner l interdiction du prêt à intérêt fixe (ribâ) ; l un des plus utilisés est celui de la double vente fictive. En même temps que s organise le prêt, l emprunteur achète un objet au prêteur. Plus tard, il le lui revend mais à un prix inférieur à celui de l achat. La différence (sa perte) constituant l intérêt pour la somme prêtée. Un autre système permettant de contourner la ribâ est le contrat de commandite, lequel offre une participation dans les bénéfices d une entreprise. Enfin, le plus simple pour emprunter de l argent est encore de s adresser à un usurier juif ou chrétien.
Dans la société musulmane, la femme dispose de sa propre fortune qu elle gère selon ses besoins ou ses plaisirs sans jamais, en principe, intervenir dans les frais du ménage. Il n est donc pas rare qu une femme fasse du commerce. Ainsi, la première épouse de Mahomet était une riche commerçante dont les caravanes parcourraient toute l Arabie. Société en commandite Société créée pour une courte période de manière à réunir les intérêts de plusieurs individus. Dans la société en commandite (qirâd mudâraba) des sociétés médiévales arabes, les commanditaires remettaient une certaine somme à un négociant pour l exercice d un commerce (par exemple organiser une caravane). Chaque commanditaire pouvait ainsi prendre part, en toute licité, aux bénéfices de l opération. C est ainsi qu il n était pas rare de voir tout un village participer à l organisation d une caravane et suivre la progression de celle-ci avec une vive attention. Le secteur bancaire islamique En 1998, création du SAMI (Socially Aware Muslim Index). C est le premier index de cotation globale en Bourse. Près de 400 sociétés, dont les formes d investissements sont conformes à la charia, lui sont rattachées. Quelques pays ont un secteur bancaire entièrement islamique. Ce sont : l Iran, le Pakistan et le Soudan. Quelques pays ont un secteur bancaire mixte : islamique et traditionnel. Ce sont : la Tunisie, l Égypte, l Indonésie, la Malaisie, etc. 45
Les banques islamiques Les banques islamiques Devant l impérieuse nécessité de permettre la circulation de l argent, les autorités civiles et religieuses ont pris certaines dispositions pratiques. Ainsi, l État turc, en 1887 déjà, avait promulgué une loi autorisant le prêt à intérêt en en fixant le taux à 9 % (considéré comme un taux non usuraire). D autre part, plusieurs fatwas (consultations juridiques) permettaient la rémunération de l épargne. Cette rémunération étant alors présentée non comme un intérêt pour la somme prêtée mais comme la rémunération d un service ou une opération de commandite (les clients de la banque étant alors considérés comme des «associés»). Divers services répondant aux prescriptions coraniques sont proposés par les banques islamiques : investissements à court terme, commandite, rémunération de services, etc. Autres dispositions concernant l argent La charia interdit également tout ce qui n est pas produit par le travail personnel (l enrichissement sans cause) et qui rendrait le riche plus riche et le pauvre plus pauvre : les jeux de hasard, les assurances, etc. On conçoit ainsi qu il existe une théorie islamique concernant les richesses produites, le développement de la production, la propriété privée, etc. π La main de Fatima est censée éloigner le mauvais œil. Beaucoup de musulmans portent cette main en effigie sur le corps ou sur un bijou. 46
Succursales islamiques des banques conventionnelles Le secteur bancaire ne pouvait, bien entendu, laisser les milliards de dollars du monde islamique aux seules mains des banques musulmanes. Il fallait faire quelque chose. L idée était de créer des guichets islamiques ou, mieux, des succursales islamiques pouvant ainsi faire oublier au client que la maison mère n était pas islamique. Dans leurs supports publicitaires, ces banques précisent qu elles travaillent «au service de l économie islamique, par application de la charia». Dans son ouvrage consacré aux finances islamiques, M. Galloux 1 ajoute : «Elles le montrent par le refus de traiter avec l intérêt, débiteur ou créditeur ; l acceptation de dépôts sous forme de comptes d investissement, selon le principe de la mudâraba légale autorisant la distribution d un revenu halâl ou «licite» ; leurs offres de financement dans tous les domaines d activité plaisent à Dieu (commerce, services, production) ; le recours qu elles font à un conseiller religieux ( ) ; leur autonomie des capitaux et des profits par rapport à ceux de la maison mère». 1 Michel Galloux. Finance islamique et pouvoir politique. Le cas de l Égypte moderne. PUF 1997. Page 168. POUR EN SAVOIR PLUS Gilbert Beaugé. Les capitaux de l Islam. Presses du CNRS. 1990. 278 pages. Dr Abdul Hâdi Gafouri. Islam et économie. Éditions Al Bouraq. 2000. 356 pages. Lachemi Siagh. L'islam et le monde des affaires. Éditions d'organisation. 2003. 384 pages. Versets coraniques «Ceux qui se nourrissent de l usure ne se dresseront au Jugement Dernier,. que comme se dressera celui que le Démon aura roué de son toucher. Ils disent en effet : Le troc est comme l usure. Non! Allah a déclaré licite le troc et déclaré illicite l usure. ( ) Allah au Jugement Dernier, annulera les profits de l usure alors qu Il fera fructifier le mérite des aumônes. Allah n aime pas le Pécheur impie.» (II-276-277). «Ô vous qui croyez!, ne vivez pas de l usure produisant le double deux fois! Soyez pieux envers Allah! Peut-être serez-vous bienheureux.» (III-125). 47