Amélioration génétique des caprins en France : la sélection laitière et les thèmes de recherches Bouvier F. 1 François D. 2 et Martin P. 3 (1) INRA UE 332 Domaine de Bourges, 18390 Osmoy (France) (2) INRA UR 631, SAGA Equipe Génétique des Petits Ruminants, BP 52627, 31326 Castanet-Tolosan (France) (3) CAPGENES, OES Caprin Multi-racial, Agropôle 2135, Route de Chauvigny, 86550 Mignaloux-Beauvoir, (France). Résumé. L élevage caprin français est entièrement orienté vers la production de lait pour la transformation fromagère industrielle ou fermière. L amélioration génétique caprine s est organisée en France dans les années 70 en bâtissant un schéma de sélection basé sur l insémination artificielle et l évaluation des aptitudes laitières des boucs par testage sur descendance. Ces caractères laitiers sont moyennement héritables pour les quantités (h!= 0,30 à 0,40) à héritables pour les taux (h!= 0,50 à 0,60). La sélection s est développée avec la création du noyau de sélection en 1992 exigeant des éleveurs adhérents un minimum de 30% d IA pour leur cheptel. En cohérence avec le débouché fromager, l objectif de sélection a d abord visé l amélioration de la quantité de matière protéique (MP) et du taux protéique (TP) avec une sélection pratiquée par seuils sur chacun des index. A partir de 1995, la sélection a été pratiquée avec un index combiné MP et TP, modifié en 1999. Parmi les protéines du lait, le polymorphisme des caséines et en particulier de la caséine alphas1 a été pris en compte. Depuis 1999, progressivement des caractères fonctionnels sont venus compléter la sélection sur la production laitière, en particulier des caractères de morphologie mammaire (h!= 0,20 à 0,35) combinés depuis 2006 dans un index morphologie caprine (IMC). Les recherches actuelles menées en génétique caprine portent sur l impact de la sélection sur la résistance aux mammites en utilisant le critère des numérations cellulaires (h!= 0,20) et sur la maîtrise de la saisonnalité de la reproduction au travers d un dispositif de croisement backcross Alpine x Créole. Mots clés : Caprins, France, amélioration génétique, sélection, laitière, recherche. I- Introduction L élevage caprin français est entièrement orienté vers la production de lait pour la transformation fromagère industrielle ou fermière. L amélioration génétique caprine s est organisée en France dans les années 1970 en bâtissant un schéma de sélection basé sur l insémination artificielle et l évaluation des aptitudes laitières des boucs par testage sur descendance. La prise en compte des caractères laitiers et des caractères fonctionnels a évolué au cours des années 1990 et 2000. 1. Elevage caprin dans le monde, en Europe et en France A l échelon mondial, 95% des chèvres sont élevées pour la production de viande et 5% pour la production de lait. L espèce caprine est concentrée pour 90% de l effectif mondial sur les deux continents Asie (61%) et Afrique (29%). L Europe arrive en quatrième position pour 3% juste derrière l Amérique du Sud (4%). 20% de la production mondiale de lait de chèvre est produite en Europe. Les principaux pays 93
ACTES des 1 ères journées de Recherches sur les Ruminants producteurs Européens (lait & viande confondus) sont la Grèce (5,8 millions de têtes, essentiellement pour la viande), l Espagne (2,6 millions de têtes) et l Italie (1,4 million de têtes). La population caprine en France est d environ 1 million de têtes pour une taille de troupeau moyenne de 80 chèvres. La production laitière annuelle était de 575 millions de litres en 2007, soit 4% de la production mondiale. 70% de la production est collectée par des industriels et est commercialisée au prix moyen de 0,57!/litre (2009). Deux races principales composent cette population: la race Saanen (n=350.000) originaire de la Vallée de la Saane en Suisse. Elle se distingue par sa robe entièrement blanche. Et la race Alpine (n=450.000) originaire du massif alpin, sa robe est de couleur chamoisée. C est la race la plus répandue en France avec 55% des femelles soumises au contrôle laitier. Le poids moyen des chèvres adultes se situe entre 50 et 90 kg. La mise à la reproduction se fait à l âge de 7 à 8 mois pour un poids vif d environ 32 à 35 kg. Les chevreaux non conservés pour le renouvellement sont engraissés jusqu à l âge de 4 semaines pour un poids vif de 8 à 10 kg. 2. Pôle national de la sélection caprine en France Née de la fusion en 2008 de Caprigène-France et de Capri-IA, la structure CAPGENES regroupe 18 coopératives ou union de coopératives et fait office d entreprise et d organisme de sélection (OES). Capgènes est agréé par le Ministère de l Agriculture et de la Pêche pour conduire le schéma national d amélioration génétique des races laitières Alpine et Saanen et gérer l ensemble des races caprines françaises. Ses missions principales sont : l orientation des races : définition des objectifs de sélection et des modalités du programme de sélection ; la création du progrès génétique : programmation des accouplements et testage ; la diffusion du progrès génétique : production de semences. La structure emploie 20 salariés. Elle compte 750 éleveurs adhérents détenteurs de la base de sélection qui compte 170.000 chèvres. Capgènes dispose d un centre de production de semences caprines unique au monde avec un laboratoire répondant aux normes sanitaires européennes et un savoir-faire sur les techniques de cryo-conservation de semences et d embryons. Capgènes produit 250.000 paillettes par an. 94
3. Schéma de sélection laitière 3.1. Evolution de la sélection de 1970 à aujourd hui Les caractères laitiers sont moyennement héritables (h"= 0,30 à 0,40) pour les quantités à héritables (h"= 0,50 à 0,60) pour les taux (Leboeuf et al. 2008). La sélection initiée dans les années 1970 s est développée avec la création du noyau de sélection en 1992 exigeant des éleveurs adhérents un minimum de 30% d IA pour leur cheptel. En cohérence avec le débouché fromager, l objectif de sélection a d abord visé l amélioration de la quantité de matière protéique (MP) et du taux protéique (TP) avec une sélection pratiquée par seuils sur chacun des index. Mais ce principe d une sélection à seuils pour des caractères corrélés négativement s est révélé peu efficace. A partir de 1995, la sélection a été pratiquée avec un index combiné MP et TP (Piacère et al. 1997), modifié en 1999. Parmi les protéines du lait, le polymorphisme des caséines et en particulier de la caséine alphas1 a été pris en compte. Depuis 1999, progressivement des caractères fonctionnels sont venus compléter la sélection sur la production laitière, en particulier des caractères de morphologie mammaire (h"= 0,20 à 0,35, Piacère et al. 1998) combinés depuis 2006 dans un index morphologie caprine (IMC). 3.2. Objectif de sélection actuel L objectif de sélection est d augmenter la quantité et la qualité du fromage tout en améliorant la morphologie fonctionnelle des femelles et en préservant la variabilité génétique. Les critères de sélection sont : la quantité de lait la quantité de matière protéique (MP) la quantité de matière grasse (MG) le taux protéique (TP) & la caséine!s1 le taux butyreux (TB) la morphologie mammaire. 3.3. Evaluation génétique L évaluation génétique ou indexation porte sur des caractères de production et des caractères fonctionnels. Deux index sont calculés : l Index Combiné Caprin (ICC) qui est un index de synthèse économique élaboré en fonction des critères technico-économiques correspondant aux conditions de production française : prix du lait, rendement fromager, rapport TB/TP ICC= IMP + 0,4 ITP + 0,2 IMG + 0,1 ITB (IMP=index MP, ITP=index TP, IMG=index MG, ITB=index TB) 95
ACTES des 1 ères journées de Recherches sur les Ruminants l Index Morphologique Caprin (IMC) qui porte à la fois sur 6 postes pour le corps et les aplombs et 11 postes pour la mamelle et les trayons (Clément et al, 2006). o Race Saanen : IMC=1 profil + 1 plancher + 1 attache arrière + 0,5 forme arrière-pis o Race Alpine : IMC=1,5 profil + 1 plancher + 1 attache arrière + 1 forme arrière-pis 3.4. Schéma d amélioration génétique Le schéma d amélioration génétique s appuie sur une base de sélection de 170.000 chèvres. Les chèvres aux meilleurs index seront qualifiées «mères à boucs», elles sont actuellement 46.000. Des accouplements sont ensuite programmés entre mères à boucs et pères à boucs (boucs aux meilleurs index), environ 1000 sont réalisés sur tout le territoire français. A l issue de ces accouplements, 170 à 180 jeunes mâles entreront en centre de production de semence pour être testés sur le plan sanitaire, sur la conformation, la croissance et la fonction sexuelle. 70 seront retenus et testés pour les caractères laitiers sur descendance avec un objectif de 80 filles contrôlées par bouc. Chaque année les 40 meilleurs sur index testés sur descendance seront agréés à l IA. La diffusion du progrès génétique ainsi créé est essentiellement assurée par l IA. 75% de celles-ci soit 65.000, sont réalisées sur les chèvres de la base de sélection. En 2009, les chèvres de la base de sélection produisaient par lactation près de 190 kg de lait de plus que la moyenne des chèvres de la population en contrôle laitier. Depuis 18 ans, le progrès génétique des primipares de race Saanen est de 13 kg de lait par an et de 450 g par an de matière grasse versus 610 g par an pour les primipares de race Alpine. Concernant les inséminations artificielles, leur nombre a progressé de 53.000 en 1992 à 82.000 en 2010. La génétique caprine française s exporte également avec 8000 IA annuelles réalisées à travers le monde, en Amérique Latine, en Asie, en Europe, en Afrique et au Moyen Orient. 4. Thèmes de recherche Les recherches actuelles menées en génétique caprine portent notamment sur l impact de la sélection sur la résistance aux mammites en utilisant le critère des numérations cellulaires (h"=0,20, Rupp et al, 2004) et sur la maîtrise de la saisonnalité de la reproduction au travers d un dispositif de croisement backcross Alpine x Créole. Concernant la résistance génétique aux mammites, le projet de recherche a pour objectif de produire et étudier 2 lignées divergentes de chèvres de race Alpine sur la base d index de numérations cellulaires de boucs d IA afin de : évaluer la réponse sur la résistance aux mammites ; étudier les mécanismes qui sous-tendent la divergence génétique ; 96
évaluer les conséquences sur d autres caractères d intérêt : qualité technologique du lait, aptitude à la traite, résistance au parasitisme gastrointestinal. Concernant la maîtrise de la saisonnalité de la reproduction, le dispositif est constitué de parentales Alpines et Créoles (169 Alpines : 13 familles de 13 demi-sœurs, 16 Créoles nées de transfert d embryons du domaine de Duclos en Guadeloupe) et de 2 familles de demi-sœurs Backcross Alpine-Créole (101 femelles nées en 2006, 2007 et 2008). Les premiers résultats de comparaison entre les chèvres Alpine et Créole ont montré une faible différence sur le début de saison sexuelle, par contre, une forte différence est observée sur la fin de saison. En effet, la fin de saison se situe en général au début mars pour les Alpines, alors que la majorité des Créoles est encore cyclique au 15 avril. Références Clément V., Martin P., Barillet F. 2006. Renc. Rech. Rum. 13, 209-212. Leboeuf B., Delgadillo J.A., Manfredi E., Piacère A., Clément V., Martin P., Pellicer-Rubio M.T., Boué P., de Crémoux R. 2008. INRA Prod. Anim. 21 (5) 391-402. Piacère A., Bouloc-Duval N., Sigwald J.P., Larzul C., Manfredi E. 1997. Renc. Rech. Rum. 4, 187-190. Piacère A., Manfredi E., Lahaye P. 1998. EAAP Publication 95, 375-380. Rupp R., Clément V., Piacère A., Manfredi E. 2004. 55th annual meeting EAAP Bled Slovenia abstract 46. 97