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sigma N 6/2010 Microassurance couverture des risques pour 4 milliards de personnes 1 Résumé 2 Introduction : en quoi la microassurance est-elle différente de l assurance traditionnelle? 4 La microassurance profite à la société et au secteur de l assurance 10 Vue d ensemble du marché Evaluation du potentiel Modèles d affaires et tendances du marché Développements régionaux Evolution des produits Difficultés majeures 25 Le rôle des gouvernements et des partenariats public-privé (PPP) 30 Perspectives la microassurance dans les dix ans à venir 32 Conclusion

Une publication de la Compagnie Suisse de Réassurances SA Economic Research & Consulting Boîte postale 8022 Zurich Suisse Téléphone +41 43 285 2551 Fax +41 43 282 0075 E-mail : sigma@swissre.com Bureau de New York : 55 East 52 nd Street 40 th Floor New York, NY 10055 Téléphone +1 212 317 5400 Fax +1 212 317 5455 Bureau de Hong Kong : 18 Harbour Road, Wanchai Central Plaza, 61 st Floor Hong Kong, SAR Téléphone + 852 25 82 5703 Fax + 852 25 11 6603 Auteur : Amit Kalra Téléphone +91 80 4134 2317 Rédacteur : Clarence Wong Téléphone +852 2582 5644 Co-rédacteur de sigma : Brian Rogers Téléphone +41 43 285 2733 Directeur de la série sigma : Thomas Hess, responsable du département Economic Research & Consulting, est responsable de la série sigma. Ce numéro a été achevé le 4 novembre 2010. Ce sigma est disponible en anglais (langue d origine), en allemand, en français, en espagnol, en chinois et en japonais. sigma peut être consulté sur le site Internet de Swiss Re : www.swissre.com/sigma L information peut avoir été légèrement actualisée dans la version en ligne. Version française : CLS Communication Graphisme et production : Swiss Re Logistics/Media Production 2010 Compagnie Suisse de Réassurances SA Tous droits réservés. L intégralité du contenu de la présente étude sigma est soumise aux droits d auteur. Les informations contenues dans la présente étude peuvent être utilisées à des fins privées ou internes, à condition de mentionner les droits d auteur ou de propriété. La reproduction électronique des données publiées dans sigma est interdite. Toute reproduction, ne serait-ce que partielle, ou l utilisation à des fins publiques est soumise à l autorisation écrite préalable de Swiss Re Economic Research & Consulting et doit comporter la mention «Swiss Re, sigma n 6/2010». Merci de nous faire parvenir un exemplaire du document citant sigma. Bien que les informations utilisées dans la présente étude proviennent de sources fiables, Swiss Re ne peut garantir l exactitude ni l exhaustivité des données. Ces données fournies à but informatif ne constituent en aucune façon une prise de position de la part de Swiss Re. Swiss Re ne peut en aucun cas être tenu responsable des pertes ou dommages éventuels qui pourraient survenir dans le cadre de l utilisation de ces informations. Numéro de commande: 270_0610_fr

Résumé La microassurance représente un marché potentiel de 4 milliards de clients et de 40 milliards USD de recettes de primes. Elle peut aider les ménages à faibles revenus à gérer leur exposition au risque et favoriser la croissance à long terme des assureurs, en particulier dans les marchés émergents. Diverses régions émergentes, en particulier les marchés asiatiques en développement, offrent des opportunités prometteuses en matière de microassurance. La microassurance santé et la microassurance agricole offrent une forte valeur ajoutée pour les ménages à faibles revenus. Si les parties prenantes parviennent à surmonter les principales difficultés, il sera possible de réaliser le potentiel de la microassurance. Le marché mondial de la microassurance peut potentiellement couvrir jusqu à 4 milliards de personnes par des solutions de transfert des risques basées sur le marché et des partenariats public-privé (PPP), soit un volume de primes potentiel de quelque 40 milliards USD. Durant la dernière décennie, la microassurance a connu un essor dans l activité institutionnelle, à l image de la forte croissance enregistrée sur de nombreux marchés régionaux. Les principaux moteurs de cette expansion sont la pénétration croissante de la microfinance, une approche ciblée par les acteurs du marché, l implication active des gouvernements et une offre de produits novatrice. La microassurance offre aux ménages à faibles revenus une alternative viable pour gérer leurs risques. Parallèlement, elle est de plus en plus considérée comme un vaste segment de croissance inexploité pour le secteur de l assurance. Les assureurs ciblant la microassurance répondent non seulement aux besoins de protection du risque non satisfaits actuellement, mais créent aussi une valeur de marque forte, constituent une large base de clientèle et soutiennent la croissance de l économie et de l assurance des marchés émergents. La région Asie-Pacifique, où habitent près de 70 % des ménages à faibles revenus de la planète, est le plus grand marché de la microassurance. La microassurance a connu une croissance rapide, notamment en Inde et au Bangladesh. Parallèlement, de nouvelles initiatives ont vu le jour sur d autres marchés clés tels que la Chine et les Philippines. L Afrique est un vaste marché encore peu exploité et offre un potentiel de croissance immense. Une forte croissance a aussi été observée en Amérique latine, notamment au Brésil, au Mexique, au Pérou et en Colombie. Toutefois, la croissance a été plus faible en Europe centrale et orientale. L assurance d amortissement est le principal produit de microassurance, de par sa simplicité et une forte promotion de la part des établissements de microfinance pour allier la couverture vie au microcrédit. Toutefois, ce produit n offre qu une protection limitée aux ménages à faibles revenus. De plus en plus, les porteurs de risque, assureurs compris, conçoivent des produits offrant une protection vie/non-vie plus complète et aidant à mobiliser l épargne. La microassurance santé et la microassurance agricole sont très utiles aux populations à faibles revenus ; toutefois, elles sont aussi plus complexes en termes de conception, de tarification et d administration. L innovation dans la conception, la distribution et la technologie des produits est donc importante pour améliorer la viabilité de la microassurance. Les produits météo basés sur des indices sont des exemples de conception de produit novatrice aidant à surmonter les difficultés de l assurance agricole traditionnelle. Pour le segment extrêmement pauvre de la société dans lequel la microassurance commerciale pourrait ne pas être viable, le soutien gouvernemental par des projets de partenariat public-privé (PPP) peut aider à améliorer la viabilité des produits de microassurance. Les gouvernements et/ou agences de développement peuvent aussi bénéficier de solutions novatrices de transfert du risque de catastrophe avec le secteur de la (ré)assurance. De tels mécanismes aident à gérer les coûts croissants des catastrophes naturelles et leur impact sur la société, et à atténuer les engagements conditionnels dans les budgets des Etats. Bien que les perspectives de la microassurance soient très favorables, des difficultés majeures doivent encore être surmontées. En voici quelques-unes : créer une culture d achat d assurance parmi les ménages à faibles revenus ; développer des modèles opérationnels «low-cost» durables et s appuyer sur des canaux de distribution et des procédures administratives novateurs ; adopter des réglementations pouvant faciliter le développement du marché de la microassurance ; encourager la participation active de divers partenaires y compris les assureurs, réassureurs, ONG et gouvernements. Swiss Re, sigma n 6/2010 1

Introduction : en quoi la microassurance est-elle différente de l assurance traditionnelle? La microassurance est une solution de transfert des risques basée sur le marché destinée aux personnes à faibles revenus. La microassurance fait traditionnellement référence aux produits d assurance conçus pour les personnes à faibles revenus. Le terme «micro» fait référence à la taille relativement petite de la transaction ou aux primes moins élevées, un concept comparable à la microfinance avec des emprunts d un faible montant. La microassurance diffère de l assurance traditionnelle de nombreuses manières, notamment : le montant des primes, les limites de couverture, les caractéristiques des produits, la distribution, la gestion des polices et les clients cibles. Les objectifs de la microassurance varient aussi entre les différentes parties prenantes. Pour les gouvernements et les responsables politiques, par exemple, la microassurance est une manière d assurer une croissance inclusive et de soutenir les moyens d existence du segment le plus vulnérable de la population. Pour les organisations sociales et de développement, la microassurance peut être un outil efficace pour atténuer la pauvreté. Pour les assureurs et autres acteurs du marché, c est une opportunité d accéder à de nouveaux segments de marché et de soutenir la croissance de l économie et du secteur de l assurance des marchés émergents. Caractéristiques de la microassurance Bien que le concept de microassurance soit de plus en plus populaire, il n existe pas de définition communément acceptée. Selon cette étude sigma, la microassurance présente les caractéristiques suivantes (cf. schéma 1) : Schéma 1 Eléments clés/caractéristiques de la microassurance Principes d assurance Simplicité Eléments clés de la microassurance Accessibilité Flexibilité Coûts Source : Swiss Re Economic Research & Consulting Principes d assurance : elle repose sur des principes d assurance et implique le paiement de primes par les preneurs d assurance (ou par les gouvernements, agences de développement et donateurs pour les preneurs d assurance) en échange d une promesse d indemnisation par l assureur en cas de sinistre couvert. Accessibilité : la microassurance vise le segment de population à revenus faibles et instables qui ne pourrait pas s offrir une assurance traditionnelle autrement. Cela étend la portée de l assurance aux sections isolées de la société, assurant ainsi la disponibilité d une couverture des risques pour une partie plus importante de la société. Coûts : les primes et les couvertures sont limitées afin que les produits restent abordables pour la population cible. Les subsides accordés par les gouvernements ou agences de développement permettent aussi de veiller à ce que les produits soient abordables. Flexibilité : vu que le segment à faibles revenus de la société n est pas un groupe homogène, les produits de microassurance doivent être adaptés pour répondre aux exigences de la communauté de manière efficace. Par exemple, l encaissement des primes peut être adapté aux revenus irréguliers des preneurs de police. Simplicité : la microassurance devrait présenter une structure simple en termes de conception des produits, de conditions de souscription, d encaissement des primes, d énoncé des polices et de gestion des déclarations de sinistre. Cela tient compte de l insuffisance de données actuarielles dans de nombreux cas et aide à rendre les produits faciles à comprendre et plus acceptables. 2 Swiss Re, sigma n 6/2010

Le schéma 2 met en évidence les éléments clés de la microassurance par rapport à l assurance traditionnelle. Schéma 2 Principaux signes distinctifs de la microasssurance d un bout à l autre de la chaîne de valeur de l assurance Marché cible Microassurance Individus à faibles revenus Conscience / connaissance très limitée de l assurance Assurance traditionnelle Individus à revenus moyens et élevés Le marché est conscient des bénéfices de l assurance Conception des produits Marketing et distribution Souscription Administration Produits simples avec des caractéristiques faciles à comprendre Tarification communautaire ou de groupe ; données actuarielles limitées Distribution novatrice avec associations multiples Souvent vendu comme produit combiné par des instit. de microfinance Souscription simple (souvent sans filtrage); petites sommes assurées Enoncés des polices simples avec peu voire pas d exclusions Paiements des primes irréguliers, en espèces ou liés à d autres produits Couvertures et caractéristiques multiples Tarification basée sur le risque reposant sur de multiples paramètres; bonne qualité des données Utilise des canaux classiques (agents, banques, internet) Assurance vendue par des intermédiaires autorisés Souscription complète; sommes assurées élevées Enoncés complexes avec de nombreuses exclusions et conditions générales Paiements réguliers par chèque, débit direct, carte de crédit Gestion des sinistres Processus de traitement des sinistres simple et rapide; documentation limitée Processus complet; documentation détaillée Gestion des actifs Selon les normes réglementaires ou règles d investissement du porteur de risque Selon les normes réglementaires ou règles d investissement du porteur de risque Source : Swiss Re Economic Research & Consulting Swiss Re, sigma n 6/2010 3

La microassurance profite à la société et au secteur de l assurance Besoin important de protection financière et de couverture des risques en bas de la pyramide Les individus à faibles revenus sont confrontés à de nombreux risques qui influent sur leurs moyens d existence. Selon les statistiques 2005 de la Banque Mondiale, environ 4 milliards d individus vivent avec moins de 4 $ par jour (en dollars internationaux de 2005 selon la parité du pouvoir d achat). Ce chiffre inclut 2,6 milliards d individus vivant avec moins de 2 $ par jour. Cette large tranche de la population est généralement sous-desservie et dispose d un accès très limité aux produits de première nécessité. Leurs moyens de subsistance dépendent largement de secteurs informels sans flux de revenus réguliers et de ressources financières limitées voire négligeables. En outre, ils sont confrontés à de nombreux risques et n ont généralement pas accès aux solutions officielles de gestion des risques, y compris les produits d assurance traditionnels. En conséquence, il devient très difficile pour de tels ménages de gérer les dépenses ou pertes de revenu imprévues, ce qui les rend très vulnérables aux chocs dans les domaines de la vie, de la santé et des finances. Le risque de santé, en particulier, est souvent le souci majeur des familles à faibles revenus (cf. schéma 3), mais d autres risques sont aussi sources de préoccupations. Schéma 3 Les besoins de gestion des risques sont une priorité pour les individus à faibles revenus dans onze pays. Santé Décès Dommages Chômage Autres 0 1 2 3 4 5 6 7 8 Nombre de pays 1 re priorité 2 e priorité 3 e priorité Source : The Landscape of Microinsurance in the World s 100 poorest countries, le Centre de la microassurance, LLC, avril 2007. Risques de santé : à savoir maladie, accidents et invalidité. Ils peuvent engendrer des frais de traitement élevés et avoir des coûts indirects tels qu une perte de revenu. Risques du cycle de vie : la mort du soutien de famille peut engendrer des conditions d extrême pauvreté pour les membres de la famille avec des sources de revenu alternatives inexistantes ou limitées. De nombreux ménages à faibles revenus ne sont pas non plus préparés à surmonter des événements majeurs du cycle de vie tels que la vieillesse et la retraite. Risques financiers : à savoir mauvaises récoltes, baisse des prix du marché pour le produit, mort de bétail ou perte de biens commerciaux. Ces événements peuvent avoir des effets non négligeables sur les gains des familles à faibles revenus. Risques de catastrophe : à savoir tempête, inondation, tsunami et tremblement de terre. Ces événements provoquent non seulement des décès, mais aussi des dommages économiques très importants qui ont des effets négatifs sur les moyens d existence des individus à faibles revenus. Une forte demande insatisfaite existe en matière de protection financière et de protection du risque dans les segments les plus pauvres de la population. Les individus à faibles revenus ont généralement un accès limité aux solutions de risque traditionnelles (cf. schéma 4). Des mesures ex-ante telles que l épargne de précaution aident à atténuer l impact ; toutefois, l épargne, si elle existe, suffit rarement à compenser la perte de choses ou de la vie. Dans de tels cas, ces personnes ont généralement recours au soutien de la famille ou de leur communauté, elles vendent leurs actifs ou souscrivent des prêts d urgence. Parallèlement, la disponibilité de mécanismes formels, y compris les plans de protection sociale et les programmes coopératifs, est souvent limitée pour les familles à faibles revenus. En effet, le segment le plus faible de la société est généralement le moins protégé et pourrait être le plus touché en raison du nombre limité d outils de gestion des risques disponibles. Ces individus ont d importants besoins insatisfaits en matière de couverture financière des risques liés à la santé, aux événements de la vie, aux mauvaises récoltes et à la perte d actifs. 4 Swiss Re, sigma n 6/2010

Schéma 4 Stratégies pour faire face aux risques et chocs majeurs des familles à faibles revenus Officiel Non officiel Mesures ex-ante Epargne Plans communautaires non officiels/associations (Micro)assurance Plans de protection sociaux y compris médecine préventive Risques/chocs Santé Cycle de vie Finances Catastrophes Mesures ex-post Soutien de la famille/ communauté/des amis Prêts d urgence Vente d actifs/biens Soins de santé publics Prêts d IMF (institutions de microfinance)/mutuelles/ coopératives Fonds d aide/soutien de gouvernements, d ONG et d agences de développement Sources : Swiss Re Economic Research & Consulting ; «Using Microinsurance and Financial Education to Protect and Accumulate Assets», Monique Cohen et Pamela Young ; «Reducing Global Poverty : The Case for Asset Accumulation», The Brookings Foundation, printemps 2007. Propositions de valeur de la microassurance La microassurance contribue au développe ment social et économique et crée des opportunités de croissance à long terme pour le secteur de l assurance. Les assureurs proposant de la microassurance cherchent à contribuer au développement socio-économique des marchés émergents ainsi qu à exploiter de nouveaux segments (cf. schéma 5). Ces deux objectifs doivent être équilibrés pour garantir une croissance durable. Si les organisations sont trop focalisées sur les profits à court terme, l objectif premier de donner accès à des solutions officielles de gestion des risques aux populations à faibles revenus n est globalement pas atteint. Dans le cas contraire, si les organisations travaillent avec des marges très faibles, la durabilité deviendra un sérieux problème. Le développement de n importe quel secteur dépend de sa viabilité à long terme. Les profits donnent la motivation pour le succès à long terme. Afin d assurer la croissance à long terme de la microassurance et de développer des solutions durables, les organisations devraient s efforcer, dès le début, d élaborer des plans pour atteindre à la fois les objectifs socio-économiques et les objectifs commerciaux. Schéma 5 Proposition de valeur de la microassurance : les prestataires devraient rechercher des solutions viables à long terme Contribution au développement socio-économique Elevée Pas viable commercialement à long terme Approche non ciblée Solution viable à long terme Contribution limitée au développement social Faible Faible Rentabilité commerciale Elevée Source : Swiss Re Economic Research & Consulting Swiss Re, sigma n 6/2010 5

La microassurance profite à la société et au secteur de l assurance Proposition de valeur de la microassurance : soutenir le développement économique et social Les plans de sécurité sociale n offrent généralement pas un soutien adéquat aux personnes à faibles revenus. La microassurance offre aux ménages à faibles revenus une alternative viable pour gérer leurs risques. La microassurance contribue au développement social et économique. L extension de l accès aux services financiers crée une opportunité économique qui favorise la croissance inclusive. Les gouvernements et agences de développement ont été fortement impliqués dans le lancement et la mise en place de plans de sécurité sociale visant à améliorer les moyens de subsistance des individus à faibles revenus. Toutefois, on estime que de nombreux ménages à faibles revenus n ont pas encore bénéficié de tels plans et que les prestations disponibles pourraient être insuffisantes. Parallèlement, l utilisation de l assurance traditionnelle pour gérer les risques, après une nette amélioration sur les marchés émergents par le passé, reste moins répandue parmi les ménages à faibles revenus qui n ont pas accès à l assurance ou ne peuvent pas payer une couverture d assurance. La microassurance constitue une alternative viable de gestion des risques pour les ménages à faibles revenus. Les risques liés à la santé, aux événements du cycle de vie, aux catastrophes naturelles et aux dommages économiques peuvent être couverts à des prix abordables avec la microassurance. Le développement de la microassurance découle largement de celui de la microfinance, l assurance vie étant de plus en plus associée à des produits de crédit pour limiter les incertitudes liées au décès de titulaires de prêts. Cette évolution a permis d accroître la sensibilisation à l égard de l assurance, mais aussi de créer une plate-forme pour développer d autres produits de microassurance. Le développement de la microfinance au cours des deux dernières décennies a montré que la population à faibles revenus est un segment commercialement viable et représente un énorme marché potentiel pour les services financiers. Un objectif clé de la microassurance est d offrir des produits d assurance et de gestion des risques aux populations à faibles revenus. En réduisant la vulnérabilité des ménages à faibles revenus, la microassurance soutient le développement macro-économique des marchés émergents et atténue l impact des chocs. Elle aide aussi à protéger les flux de revenus des familles concernées, réduisant ainsi leur risque de retomber dans la pauvreté extrême. Ces familles peuvent donc commencer à se concentrer sur l éducation de leurs enfants, la santé, l amélioration de leur qualité de vie, leurs compétences et le lancement d entreprises qui permettront d améliorer le cadre de vie dans les zones rurales. Donner accès aux services financiers à tous les segments de la société est vital pour assurer un bon niveau de développement économique. Grâce au crédit, à l épargne et aux produits d assurance, les ménages à faibles revenus peuvent atténuer leurs risques, accéder au crédit ce qui leur permettra de créer de nouvelles entreprises et d élargir leurs possibilités de générer des revenus. Les services financiers créent ainsi des opportunités économiques qui permettent aux individus qui en bénéficient de gérer leurs actifs de manière à générer des revenus et des opportunités.¹ ¹ Sutton, Christopher N. et Beth Jenkins, 2007, «The role of the financial services sector in expanding economic opportunity». Corporate social responsibility initiative report n 19, Cambridge, MA : Kennedy School of Government, Université de Harvard, 2007. 6 Swiss Re, sigma n 6/2010

Les gouvernements, en partenariat avec des acteurs privés, peuvent canaliser efficacement les subventions par le biais de programmes de microassurance. Pour le segment extrêmement pauvre de la société, où la microassurance commerciale pourrait ne pas être viable, les gouvernements, par le truchement de partenariats public-privé (PPP), peuvent engager des assureurs pour administrer des produits de microassurance en finançant intégralement les primes ou en accordant des subsides (cf. encadré). De tels mécanismes sont très utiles, notamment sur les marchés où les plans de sécurité sociale sont inadaptés. En fait, les programmes de microassurance soutenus par les gouvernements peuvent constituer une alternative efficace aux plans de sécurité sociale, notamment en aidant à faire face aux risques vie et santé. De tels programmes étendent la portée des mesures de protection sociale à une tranche plus large de la population. Ils permettent aussi aux gouvernements de s appuyer sur la participation du secteur privé pour améliorer l efficacité et l efficience. Les programmes soutenus par les gouvernements réduisent sensiblement les dépenses gouvernementales et administratives nécessaires à l établissement et au maintien de plans de sécurité sociale complets. Enfin, ces programmes encouragent les investissements infrastructurels par le secteur privé, tels que la création de structures médicales et l amélioration de la qualité de service.² Rashtriya Swasthya Bima Yojana (RSBY) : microassurance santé pour les plus démunis en Inde Afin d offrir une couverture santé aux ménages vivant sous le seuil de pauvreté (below poverty line, BPL), le gouvernement indien a lancé en 2008 l initiative RSBY, un modèle de financement de santé utilisant le partenariat public-privé (PPP). Ce modèle s appuie sur un financement gouvernemental, la législation et le savoir-faire du secteur privé pour améliorer l accès des ménages BPL aux services de santé. Le plan fournit des couvertures d assurance santé sans espèces aux familles BPL qui obtiennent ainsi accès à plus de 700 traitements médicaux stationnaires pour une taxe d inscription minimale. Les prestataires d assurance santé sont sélectionnés après un processus d appel d offres. Avec leur carte à puce, les bénéficiaires peuvent utiliser les infrastructures médicales dans les hôpitaux (publics et privés) de la liste dans tout le pays. L assurance est aussi mobile, ce qui est utile pour les travailleurs migrants en Inde. L initiative est devenue l un des principaux plans gouvernementaux d assurance santé en Inde avec plus de 19 millions de familles inscrites. Elle a utilisé avec succès le modèle PPP et tiré profit des technologies de l information pour améliorer l accessibilité et l efficience. Les premières conclusions indiquent que le programme a permis d améliorer l accès aux soins de santé, d améliorer la qualité de ces soins, de réduire les dépenses médicales et d augmenter les investissements dans les structures médicales. Il a aussi permis de développer un meilleur processus de suivi pour les services de santé fournis. La microassurance peut aider à constituer de l épargne à long terme. Par ailleurs, la croissance économique sur les marchés émergents profitera aussi de l augmentation de l épargne et des flux d investissement. Les familles à faibles revenus sans assurance conservent généralement de petites réserves de liquidités pour gérer les obligations quotidiennes et les risques imprévus ; la plupart ne font pas d épargne pour le long terme. La disponibilité de la microassurance aide à garantir que la plupart des risques majeurs sont couverts et favorise l épargne à long terme. Les produits vie tels que ceux présentant une part d épargne ou les rentes peuvent aussi aider à atteindre cet objectif. Au niveau macro-économique, les fonds encaissés par les opérateurs de microassurance sont généralement investis dans des emprunts d Etat ou d autres titres d entreprise, ce qui profite à l économie dans son ensemble, notamment pour le développement de l infrastructure et des marchés financiers. ² La partie sur le «rôle des governments et des partenariats public-privé (PPP)» présentera plus en detail l utilité des plans PPP. Swiss Re, sigma n 6/2010 7

La microassurance profite à la société et au secteur de l assurance Proposition de valeur de la microassurance : opportunité de croissance pour le secteur de l assurance La microassurance devrait devenir un nouveau segment de croissance pour le secteur de l assurance. Les assureurs misant sur la microassurance contribuent à soutenir la croissance à long terme en créant un fort capitalmarque, en constituant un portefeuille de clients étoffé et en développant une culture d achat de l assurance. Les efforts pour sensibiliser la population à faibles revenus à l assurance offriront des avantages à long terme. Proposer des assurances au segment à faibles revenus de la société n est plus simplement un devoir de responsabilité sociale de l entreprise, cela devient une stratégie de croissance ciblée des assureurs. Comme les marchés de l assurance des pays industrialisés sont presque saturés, les assureurs doivent trouver de nouveaux marchés pour générer la croissance future. Les marchés émergents offrent d énormes opportunités pour le secteur de l assurance. On estime que les individus à faibles revenus représentent un marché mondial de 5 000 milliards USD.³ C est donc une opportunité de marché substantielle pour le secteur des services financiers, y compris l assurance. La microassurance soutient le développement à long terme du secteur de l assurance. Avec des tendances favorables, telles que la hausse des revenus personnels et des ménages, l amélioration des fondamentaux économiques et l augmentation des efforts visant à réduire la pauvreté, un pourcentage élevé des ménages à faibles revenus à l heure actuelle devrait passer dans le segment des revenus moyens dans un avenir proche. Cette évolution socio-économique offrira d énormes opportunités commerciales au secteur des services financiers. Les assureurs en particulier peuvent se réjouir d un portefeuille de clients croissant à la recherche de produits d assurance traditionnels avec des primes ou des couvertures plus importantes. Les assureurs misant sur la microassurance répondent non seulement aux besoins de couverture des risques non couverts actuellement, mais créent aussi un solide capital-marque pour leur croissance à long terme, un vaste portefeuille de clients, ainsi qu une crédibilité et une reconnaissance pour de futurs développements. Une contribution clé de la microassurance permet d augmenter la sensibilisation à l assurance grâce aux assureurs, acteurs du marché et gouvernements. L absence de sensibilisation à l assurance a souvent été considérée comme l une des raisons principales à la faible pénétration de l assurance dans les économies émergentes, en particulier dans le segment à faibles revenus. Les efforts pour augmenter la sensibilisation à l assurance offriront non seulement des avantages immédiats, tels qu un intérêt accru pour les produits de microassurance, mais ils aideront aussi à développer une culture d achat de l assurance parmi les individus à faibles revenus, soutenant la demande à long terme pour les produits d assurance et augmentant ainsi les niveaux de pénétration de l assurance dans les économies émergentes. La microfinance en Inde un secteur en transition Le secteur très florissant de la microfinance en Inde fait l objet d une pression croissante de la part des autorités de surveillance, du gouvernement, et des partis/organisations politiques locaux afin qu il adapte son modèle d affaires et trouve un meilleur équilibre entre rentabilité et responsabilité sociale. Le secteur a été sous le feu des projecteurs lorsque SKS Microfinance Ltd, l institution de microfinance la plus importante du pays, a fait son entrée en Bourse en août 2010. La capitalisation boursière de la société est montée en flèche pour atteindre 2,4 milliards USD, suscitant l intérêt d autres institutions de microfinance (IMF) et d investisseurs institutionnels. Toutefois, l image du secteur a été rapidement ternie par des rapports suggérant que certaines entreprises facturaient des taux d intérêt extrêmement élevés et intimidaient les emprunteurs qui n honoraient pas leurs dettes. ³ «The next 4 billion», World Resource Institute and International Finance Corporation, mars 2007. 8 Swiss Re, sigma n 6/2010

Le gouvernement d Andrah Pradesh a renforcé sa réglementation en édictant une ordonnance visant à restreindre les opérations des IMF afin de protéger les intérêts des populations à faibles revenus (l Etat représente une grande proportion des portefeuilles d emprunts des IMF). Les dispositions de l ordonnance incluent, par exemple, l enregistrement obligatoire des IMF, un changement de la fréquence des encaissements (d hebdomadaires à mensuels), l interdiction du cumul de prêts aux emprunteurs et l arrestation possible des employés utilisant la contrainte pour recouvrer des créances. Cette initiative au niveau législatif était accompagnée de pressions politiques et de mesures visant à encourager les banques publiques à ne pas accorder de prêts aux IMF à moins qu elles baissent les taux d intérêt facturés aux emprunteurs. En conséquence, bon nombre d IMF ont réduit leurs taux d intérêt de plus de 30 % à quelque 24 %. Les résultats financiers des IMF pourraient bien être pénalisés à court terme vu que les marges nettes sur les taux d intérêt diminuent, que la croissance des emprunts diminue et que les risques de crédit augmentent. Bien que le secteur de la microfinance ait fait l objet de publicité négative, le secteur a joué un rôle significatif dans l augmentation de l inclusion financière. Les principales IMF ont étendu le crédit aux pauvres, constitué un solide réseau de distribution et amélioré l efficacité opérationnelle. Le secteur de la microfinance est aussi parvenu à atteindre quelque 27 millions d individus à faibles revenus un exploit que les grandes banques commerciales n auraient pas pu réaliser seules en raison du taux de pénétration plus faible dans les zones rurales et des frais de distribution et de transaction élevés. Le secteur de la microfinance tirera profit de réglementations fiables qui protègent les intérêts des emprunteurs et favorise le développement du secteur. Ces décisions devraient promouvoir la création d IMF bien gérées avec de bonnes pratiques en matière de gouvernance d entreprise et d éthique. Des réglementations trop strictes pourraient dissuader les entreprises de se lancer sur le marché et augmenter les coûts, ce qui se répercuterait sur les millions d individus à faibles revenus qui comptent sur les IMF pour trouver un financement. Le secteur de la microfinance est actuellement dans une phase de transition malgré son énorme potentiel de croissance. Dès que des réglementations fiables seront en place, le champ d action de la microfinance devrait s étendre et inclure l épargne, les versements et la microassurance. Swiss Re, sigma n 6/2010 9

Vue d ensemble du marché Vue d ensemble du marché évaluation du potentiel Le marché cible pour la microassurance commerciale inclut les personnes pouvant payer des primes qui sont viables commercialement. Pour les plus démunis, les aides et/ou subsides gouvernementaux sont nécessaires pour étendre la gamme des produits de microassurance. Le marché de la microassurance pourrait couvrir 4 milliards de personnes, soit 2 à 3 milliards de polices ou jusqu à 40 milliards USD de primes directes. La série sigma divise le marché de la microassurance en deux segments, en fonction du niveau de consommation des personnes et de leur capacité à payer des primes. Les personnes vivant au-dessus du seuil de pauvreté international de 1,25 $/jour (en dollars internationaux 2005, sur la base de la parité du pouvoir d achat) et jusqu à 4 $/jour représentent le segment de marché cible pour la microassurance commercialement viable. Pour ce groupe, il est possible d avoir une approche indépendante basée sur le marché, dans laquelle des produits de microassurance sont vendus à un prix qui reste abordable pour le client, mais qui est aussi commercialement viable. L autre segment, aussi appelé population extrêmement pauvre, est en bas de la pyramide des revenus et inclut les personnes vivant avec moins de 1,25 $/jour. Les personnes de cette catégorie gagnent si peu qu il leur est même difficile de payer les produits de première nécessité pour leur famille et encore moins le coût de produits de microassurance commercialement viables. Toutefois, il existe d autres approches pour étendre la protection sociale et les programmes de microassurance à ce groupe. Par exemple, les gouvernements eux-mêmes peuvent introduire des mesures de sécurité sociale à grande échelle ou subventionner les primes de microassurance par le biais de programmes de partenariat public-privé. En outre, la population extrêmement pauvre peut aussi bénéficier indirectement de mécanismes d assurance introduits à un niveau national. Les gouvernements et/ou agences de développement peuvent participer à des solutions novatrices de transfert du risque de catastrophe avec le secteur de la (ré)assurance. Les paiements reçus de l assurance peuvent alors être utilisés par exemple pour soutenir immédiatement le groupe cible touché après une catastrophe majeure. Autre option : les assureurs peuvent estimer qu il est judicieux de miser sur la microassurance pour ce segment s ils sont capables de réduire drastiquement leurs coûts de manière à s aligner sur les capacités de paiement des clients ou dans le cadre de mesures de responsabilité sociale d entreprise. On estime que 2,6 milliards de personnes se situent dans la tranche de revenus entre 1,25 $/jour et 4 $/jour. Tel est donc le marché cible potentiel pour divers produits de microassurance commercialement viables (cf. schéma 6). Par ailleurs, quelque 1,4 milliard de personnes vivent avec moins de 1,25 $/jour et ont besoin de l aide des gouvernements et des agences de développement pour bénéficier de produits de microassurance. Au total, jusqu à 4 milliards de personnes pourraient potentiellement bénéficier de la microassurance et/ou de partenariats public-privé. Cela représenterait 2 à 3 milliards de polices dans le monde pour des produits des secteurs vie, santé, crédit, agriculture / bétail et catastrophe. En dollars US, ce marché potentiel pourrait atteindre 40 milliards. Toutefois, le marché est bien moins important à l heure actuelle. La pénétration actuelle de la microassurance est estimée à 2 3 % du marché potentiel, soit environ 0,8 1,2 milliard USD de primes directes. 10 Swiss Re, sigma N 6/2010

Schéma 6 Estimations du marché potentiel de la microassurance mondiale Seuil de pauvreté Revenu moyen à élevé Marché de l assurance traditionnelle $ 4/jour $ 2/jour Marché de la microassurance (commercialement viable) 2,6 milliards de personnes Marché de 33 milliards USD $ 1,25/jour Microassurance par des aides/ subsides gouvernementaux 1,4 milliard de personnes Marché de 7 milliards USD Remarque : les montants en dollars font référence au seuil de pauvreté en dollars internationaux de 2005 selon la parité du pouvoir d achat (PovcalNet / Banque mondiale). Les données peuvent différer d'autres sources pour diverses raisons, notamment le nombre de pays couverts. Sources : Swiss Re Economic Research & Consulting ; PovcalNet : l'outil en ligne développé par le Development Research Group de la Banque Mondiale pour mesurer la pauvreté (http://iresearch.worldbank.org/povcalnet/) La région Asie-Pacifique est un marché potentiel clé pour la microassurance. L Asie du Sud a la plus forte proportion d individus à faibles revenus vivant avec moins de 4 $/jour. L ensemble de la région Asie-Pacifique représente 70 % de la population à faibles revenus du monde (cf. schéma 7). L Afrique sub-saharienne ainsi que le Moyen- Orient et l Afrique du Nord constituent les autres marchés régionaux majeurs avec 865 millions d individus à faibles revenus. L Amérique latine et les Caraïbes, où la microassurance est bien plus développée qu en Afrique, ne représentent que 5 % de la population mondiale à faibles revenus. Le taux de pauvreté extrême est le plus élevé en Asie du Sud et en Afrique sub-saharienne, ce qui représente près d un milliard de personnes. Schéma 7 Population à faibles revenus par région (en millions) Total Asie de l Est et Pacifique Asie du Sud Afrique sub-saharienne Amérique latine et Caraïbes Moyen-Orient et Afrique du Nord Europe et Asie centrale 0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 Nécessite un soutien gouvernemental (<1,25$/jour) Marché potentiel pour la microassurance commercialement viable (1,25$ 4$/jour) Sources: Swiss Re Economic Research & Consulting; PovcalNet : l'outil en ligne développé par le Development Research Group de la Banque Mondiale pour mesurer la pauvreté (http://iresearch.worldbank.org/povcalnet/) Le potentiel de marché est le plus élevé pour les produits vie et santé. Le potentiel de marché de la microassurance vie est le plus élevé à l échelle planétaire. Il inclut les produits d assurance amortissement, les couvertures obsèques, les produits d épargne et de rente. La couverture santé, qui est considérée comme la plus importante pour la population à faibles revenus se place juste derrière ; sa pénétration devrait augmenter dans les économies sous-développées et émergentes d Afrique et d Asie. L assurance agricole, y compris la microassurance récoltes, bétail et contre les intempéries, recèle un fort potentiel de croissance et devrait être davantage utilisée en tant que moyen efficace de gérer les risques agricoles sur les marchés émergents. La microassurance dommages, qui comprend la couverture dommages pour les ménages, les biens personnels/commerciaux, devrait croître parallèlement à l augmentation des revenus et de la fortune des ménages à faibles revenus actuels. Ces ménages devraient toutefois sortir du groupe cible de la microassurance selon les critères susmentionnés. Swiss Re, sigma N 6/2010 11

Vue d ensemble du marché Les réassureurs font partie intégrante de la chaîne de fourniture de la microassurance. Les prestataires de microassurance utilisent divers intermédiaires et canaux de distribution. Une distribution efficace de la microassurance nécessite une innovation continue dans les canaux et les pratiques. Les institutions de soutien et les donateurs apportent une contribution en augmentant le savoir-faire et les ressources. Il existe de multiples modèles d affaires utilisés par les acteurs du marché pour fournir des produits de microassurance. Vue d ensemble du marché Modèles d affaires et tendances du marché La chaîne de fourniture de la microassurance est composée de réassureurs, de porteurs de risque, de distributeurs et de preneurs d assurance (y compris les bénéficiaires). Les porteurs de risque sont essentiellement des prestataires d assurance, y compris des assureurs privés et publics, des organisations non gouvernementales (ONG), des mutuelles et des organisations/coopératives communautaires. Une étude a montré que 48 % des vies étaient couvertes par des microassureurs commerciaux, alors qu une portion comparable était couverte par des ONG.⁴ Les réassureurs soutiennent la capacité de souscription en assumant une partie des risques d assurance. Dans les branches ou régions sujettes aux catastrophes, les réassureurs jouent un rôle important car ils atténuent certains risques de pointe et stabilisent les résultats techniques. Ils offrent aussi des conseils techniques pour aider les porteurs de risque à concevoir des produits viables. L efficience en matière de distribution est peut-être l un des facteurs de succès clés dans la microassurance. L un des défis majeurs pour les microassureurs est d obtenir le canal le meilleur et le plus avantageux pour atteindre les clients. Les canaux de microassurance existants incluent les institutions de microfinance (IMF), les ONG, les organisations communautaires et coopératives, les magasins de détail/grands magasins, les syndicats, les services publics, les groupes religieux, les bureaux de poste et les banques commerciales. Le rôle et l importance des différents canaux varient selon les régions et segments de produit. En Inde et aux Philippines, par exemple, les IMF jouent un rôle important dans la distribution des produits d assurance de la microassurance (en particulier l assurance d amortissement), alors que les entreprises de service public et de télécommunication sont de plus en plus utilisées au Brésil. La distribution au détail a gagné du terrain sur les marchés d Amérique latine et en Afrique du Sud. L assurance obsèques, en revanche, continue à être dominée par des entreprises de pompes funèbres, des funérariums et des sociétés coopératives non officiels. L une des réussites majeures dans le secteur de la microfinance a été l innovation continue par les porteurs de risque dans le domaine des canaux de distribution et dans la sélection des intermédiaires. Les solutions reposant sur les nouvelles technologies (p. ex. banque mobile) sont de plus en plus utilisées dans les processus opérationnels et dans la distribution et devraient aussi façonner la distribution de masse des produits de microassurance à l avenir. Parmi les autres participants clés, on note les gouvernements qui sont déterminants pour définir le cadre réglementaire approprié ainsi que pour soutenir certains programmes de microassurance. Il existe aussi des institutions et organisations annexes telles que les prestataires de services (p. ex. gestion des sinistres, informatique, étude de marché), les organisations de développement international, les donateurs et les investisseurs. Collectivement, ils jouent un rôle clé dans les opérations, le développement du marché, le transfert des connaissances et la mobilisation du capital. Les organisations de développement international et les donateurs en particulier ont apporté une aide précieuse pour fournir le soutien financier nécessaire au lancement et au développement de plans de microassurance et pour soutenir les porteurs de risque et les distributeurs. Une gamme de modèles institutionnels et de distribution ont été testés dans l environnement de la microassurance ; toutefois, leur efficacité varie considérablement selon les plans (cf. tableau 1). Les modèles classiques pour la microassurance sont le modèle partenaire-agent et les arrangements d entraide, tels que les mutuelles/coopératives/ organisations communautaires lançant leurs propres programmes de microassurance. Pour les assureurs poursuivant une approche ciblée vers la microassurance, la distribution directe a été introduite avec succès tout en maîtrisant les coûts. ⁴ The Landscape of Microinsurance in the World s 100 poorest countries, le Centre de la microassurance, avril 2007. 12 Swiss Re, sigma n 6/2010

L excellence opérationnelle est un facteur de réussite déterminant. Le secteur de la microassurance permet aussi l utilisation de modèles novateurs qui font recours aux courtiers. Les prestataires de services se lancent aussi sur le marché. Dans ce cadre, certaines organisations⁵ offrent des services initiaux et finaux aux porteurs de risque tels que la conception des produits et de la distribution, le traitement des sinistres et la gestion des bases de données et apportent leur soutien dans la recherche d accords de (ré)assurance adaptés aux programmes de microassurance. Les courtiers internationaux portent maintenant un intérêt croissant au secteur de la microassurance et offrent des services de placement et de conseil. Bien qu il soit encore trop tôt pour dire quel modèle est le meilleur, la réussite dépend largement de la compréhension des besoins et caractéristiques de la population cible, ce qui garantit une structure opérationnelle légère et efficiente et permet de sélectionner le meilleur canal disponible. Tableau 1 Différents modèles d affaires pour la microassurance Modèles Direct Partenaire agent Mutuelles /communautés /coopératives Fournisseur Takaful Partenariats publicprivé (PPP) Détails Les assureurs développent des produits pour le segment à faibles revenus et utilisent leur propres canaux de distribution (y c. canaux alternatifs). Co-développement de produits par les assureurs et IMF/ONG/ coopératives. Les assureurs supportent le risque tandis que d autres organisations distribuent les produits. Des communautés locales, organisations basées sur les membres, ONG, organisations coopératives développent et distribuent leurs propres produits. Les banques/institutions de microfinance, par exemple, offrent des assurances contre le risque de défaillance. Les prestataires de santé offrent une assurance avec les services de santé. Des opérateurs takaful ou d autres institutions offrent des produits takaful respectant les principes de la charia. Les gouvernements, en partenariat avec le secteur privé, les ONG/IMF, offrent des produits subventionnés ou achètent directement des couvertures catastrophe de (ré)assureurs ou sur le marché des capitaux. Source: Swiss Re Economic Research & Consulting Durant la dernière décennie, la microassurance a connu un essor dans l activité institutionnelle, à l image de la forte croissance enregistrée sur de nombreux marchés. La microassurance n est pas un concept nouveau ; son histoire remonte aux nombreux mécanismes non officiels courants sur les marchés en développement, en particulier pour les populations à faibles revenus. La microassurance est la structure institutionnelle lancée comme une forme de charité durant les années 90, lorsque des polices d assurance réduites étaient proposées. Toutefois, ce n est qu au cours de la dernière décennie que la microassurance a fait l objet d activités et d un intérêt commercial. En Afrique, par exemple, bon nombre de plans de microassurance ont enregistré une croissance de plus de 80 % entre 2006 et 2008.⁶ La croissance a aussi été soutenue en Inde et dans certains pays d Amérique latine, tandis que des projets pilotes à grande échelle ont été lancés en Chine. Alors qu est-ce qui a changé durant la dernière décennie pour générer une solide croissance dans la microassurance et accroître la participation au marché? Il s agit plutôt d un cumul de facteurs tels que la pénétration croissante de la microfinance, l approche ciblée des acteurs du marché, l implication active des gouvernements dans certains cas ainsi que des canaux et produits novateurs correspondants aux besoins des marchés cibles. ⁵ P. ex. Paralife et Microensure. ⁶ The Landscape of Microinsurance in Africa/Michal Matul, Michael J. McCord, Caroline Phily et Job Harms ; Bureau International du Travail, mars 2010. Swiss Re, sigma n 6/2010 13

Vue d ensemble du marché Les produits d amortissement ont largement bénéficié du développement de la microfinance. Les gouvernements, par le biais de dispositions réglementaires spécifiques et de programmes de partenariat publicprivé, ont contribué à développer la microassurance. L importance des réassureurs et bailleurs de fonds s accroît dans le secteur de la microassurance. La croissance et le développement dans le secteur de la microfinance ont eu une influence majeure sur le développement de la microassurance. Tout d abord, de solides réseaux de distribution ont été créés, ce qui a permis aux assureurs du secteur privé et à d autres institutions de fournir des produits de microassurance aux populations à faibles revenus, qui étaient considérées comme un segment inaccessible. Ensuite, pour atténuer le risque de crédit, les prestataires de la microfinance ont commencé à combiner assurance vie et produits de crédit. Cela a permis d augmenter les ventes de produits d assurance de crédit, mais aussi créé des opportunités de vendre d autres produits de microassurance faciles à comprendre aux clients à faibles revenus. Enfin, la microassurance a surfé sur la vague du succès de la microfinance. Des dispositions réglementaires spécifiques pour la microassurance ainsi que la participation active des gouvernements et agences de développement (y compris des ONG) ont dopé le développement de la microassurance sur certains marchés émergents. La microassurance est de plus en plus considérée comme un mécanisme basé sur le marché qui permet de gérer efficacement les risques auxquels la population à faibles revenus est confrontée, d accorder les subsides et de soutenir le développement socioéconomique. Les gouvernements essaient d intensifier leurs efforts pour fournir une couverture des risques à un segment plus large de la population, en adoptant des réglementations favorables, en sensibilisant la population à l assurance, en développant les modèles de partenariat public-privé (PPP), en finançant les primes, etc. Les réassureurs et marchés des capitaux soutiennent le développement de la microassurance, bien que leur implication demeure limitée à l heure actuelle. Il y a eu des cas d implication plus forte de réassureurs dans des programmes, fournissant ainsi la capacité de risque, l expertise technique et une connaissance novatrice des produits. Cette implication est déterminante pour gérer le cumul des risques au niveau institutionnel, car bon nombre des porteurs de risque opèrent à petite ou moyenne échelle au niveau régional. Le soutien du marché des capitaux est aussi crucial lorsque les programmes de microassurance doivent être élargis pour satisfaire à des marchés cibles plus étendus et lancer de nouveaux programmes. Par exemple, LeapFrog, premier fonds ciblant exclusivement le secteur de la microassurance, investit dans des institutions de microassurance émergentes. Vue d'ensemble du marché Développements régionaux Le développement soutenu en Asie du Sud, en particulier en Inde, est encadré par des réglementations de microassurance et des conditions d agrément spécifiant les obligations rurales et sociales. Asie Développement à un rythme soutenu L Asie a connu un développement rapide dans la microassurance principalement en raison du succès de la microfinance et de réglementations favorables qui en ont fait le marché de la microassurance le plus évolué au monde (sur une base relative). L Inde a été l un des premiers pays à formuler des réglementations de microassurance et à établir des conditions d agrément qui obligent les assureurs à rechercher des affaires de secteurs ruraux et sociaux prédéfinis, ce qui a incité fortement les assureurs à s adresser aux populations à faibles revenus. Le marché indien a aussi enregistré un étoffement rapide de sa palette de produits novateurs ainsi que des plans de microassurance à grande échelle (notamment dans le domaine de la santé) lancés par les gouvernements d Etat et central. Le Bangladesh, où la banque Grameen a initié la microfinance, a connu une croissance spectaculaire dans la microassurance également. La quasi-totalité des assureurs offre des produits de microassurance aux groupes à faibles revenus, avec des primes totales de microassurance en 2008 représentant près de la moitié du marché de l assurance traditionnelle. La croissance annuelle a été supérieure à 20 % pour de nombreux prestataires. Les produits les plus prisés sont les couvertures retraite, santé, crédit et accidents individuels.⁷ Au Pakistan, la microassurance n en est qu à ses balbutiements. Toutefois, les programmes de microassurance santé proposent désormais par exemple les systèmes sans espèces. Ces programmes ont été fortement soutenus par des organisations de développement international, ONG et fondations, y compris l AKAM (Aga Khan Agency for Microfinance). ⁷ «Microtakaful Microinsurance in Bangladesh : A promising Sector», MiddleEast Insurance Review, juillet 2009. 14 Swiss Re, sigma n 6/2010

Un projet pilote à grande échelle est en cours en Chine et couvre déjà 19 provinces. L Asie du Sud-Est connaît une croissance de sa palette de produits et de l étendue du marché. L activité de microassurance est limitée au Moyen-Orient. Les programmes de microassurance ont connu une croissance significative en Afrique. Récemment, la Chine a enregistré un vif intérêt pour les programmes de microassurance (assurance de petites sommes). La China Insurance Regulatory Commission (CIRC) a lancé en 2008 un programme pilote pour encourager le développement des produits de microassurance liés à l assurance vie dans les zones rurales. Selon la CIRC, à fin 2009, des programmes pilotes avaient été lancés dans 19 provinces et fournissaient 170 milliards CNY de couverture à 11,1 millions de personnes. En 2009, les recettes de primes de la microassurance en Chine ont atteint 230 millions CNY. Les programmes pilotes incluent les principaux prestataires d assurance tels que China Life, China Pacific Life, Ping An Pension, New China Life, China Post Life et PICC Life. A Taïwan, la Financial Supervisory Commission a voté en 2009 un avantprojet de réglementations concernant un programme de microassurance.⁸ On estime qu environ 3 millions de personnes bénéficieront de ce programme qui propose des couvertures temporaires décès et accidents corporels. En Asie du Sud-Est, les Philippines disposent de réglementations définissant le financement de la microassurance ainsi que des concessions pour la microassurance Mutual Benefit Association (MBA), qui ont joué un rôle clé dans la promotion des produits de microassurance. Le taux de pénétration de la microassurance est estimé à quelque 5,4 %, l assurance d amortissement obligatoire représentant près de la moitié des produits de microassurance.⁹ En Indonésie, le système de microfinance est bien établi, mais le marché de la microassurance reste sous-développé. Néanmoins, une augmentation des activités a été observée dernièrement. Par exemple, le portefeuille de microassurance d Allianz en Indonésie a été multiplié par six, en moyenne, de 2006 à 2009, avec près de 350 000 polices vendues durant la seule année 2009.¹⁰ Le Moyen-Orient, qui a de très faibles niveaux de pénétration dans les assurances de personnes, n a pas encore enregistré de développements majeurs dans le domaine de la microassurance, bien que de nouveaux programmes aient été lancés. Une initiative a été lancée en Jordanie par Microfund for Women. Cette initiative s adresse aux femmes à faibles revenus et couvre les frais annexes associés à l hospitalisation. Au Koweït, Warba Insurance Company a développé un plan de microassurance spécialement conçu pour les expatriés à faibles revenus vivant au Koweït. Le produit offre une couverture vie, accidents et invalidité ainsi que des prestations de rapatriement. Afrique Opportunité hors des villes De nombreux pays africains connaissent des niveaux élevés de pauvreté et profiteraient de la microassurance. Les mécanismes informels de partage des risques, tels que les pompes funèbres et les programmes communautaires, dominent le marché africain depuis des décennies ; toutefois, ce n est que depuis les années 2000 que l on constate une activité accrue des (ré)assureurs commerciaux, des agences de développement et des autres acteurs du marché. Une étude du BIT a montré que le marché de la microassurance en Afrique a connu une forte croissance durant la période 2006 2008 marquée par une augmentation de 80 % des vies couvertes. On estime qu actuellement 14,7 millions de personnes sont couvertes par la microassurance, ce qui génère 257 millions USD de recettes de primes.¹¹ L Afrique du Sud, qui a l un des taux de pénétration de l assurance les plus élevés du monde (12,9 % en 2009), est aussi un marché relativement avancé en termes de microassurance avec un marché de l assurance obsèques étendu et plutôt développé. Ce marché devrait bénéficier des réglementations de microassurance proposées qui incluent des dispositions telles que des autorisations spécifiques et des exigences de fonds propres moins élevées. Toutefois, la plupart des autres marchés régionaux doivent faire face à des difficultés du point de vue réglementaire, car le cadre de surveillance actuel n est pas adapté au développement de la microassurance. Il existe des problèmes persistants, par exemple concernant les critères d acceptabilité et les normes d autorisation des canaux de distribution non officiels ainsi que les exigences de fonds propres élevées. ⁸ http://www.fscey.gov.tw/ Taiwan Financial Supervisory Commission. ⁹ «Making insurance markets work for the poor : microinsurance policy, regulation and supervision Philippines case study», groupe de travail CGAP sur la microassurance, janvier 2009. ¹⁰ http://www.allianz.com. ¹¹ The Landscape of Microinsurance in Africa/Michal Matul, Michael J. McCord, Caroline Phily et Job Harms ; Bureau International du Travail, mars 2010. Swiss Re, sigma n 6/2010 15

Vue d ensemble du marché L assurance d amortissement et l assurance obsèques sont les produits les plus prisés, avec de nouvelles initiatives dans les couvertures indexées et des programmes santé. L assurance d amortissement et l assurance accidents individuelle sont largement commercialisées sur le continent car elles sont simples à concevoir et à distribuer sur le marché cible. L assurance obsèques, qui est généralement fournie par des sociétés de pompes funèbres, continue à dominer la plupart des marchés régionaux. La microassurance santé gagne du terrain principalement en raison de l absence de programmes de sécurité sociale gouvernementaux sur la plupart des marchés régionaux. Elle est généralement distribuée par des mutuelles de santé ou des assureurs. Les mutuelles de santé, qui sont plus présentes en Afrique centrale, de l Ouest et de l Est, sont des organisations basées sur les membres qui la composent travaillant au niveau communautaire. De nombreuses initiatives d assurance agricole indexée et projets pilotes ont été lancés dans la région, p. ex. en Ethiopie, au Kenya, au Rwanda, en Tanzanie et au Malawi. Bien que le nombre d agriculteurs couverts par de tels programmes soit faible actuellement, la participation devrait augmenter car les porteurs de risque améliorent les produits et commencent à cibler des «organisations aggrégatrices» telles que les associations d agriculteurs, des villages et des coopératives afin de réduire les coûts opérationnels et augmenter la pénétration. Les canaux de distribution de la microassurance comprennent principalement les IMF, les coopératives d épargne et de crédit, les fonds de santé, les associations spécialisées dans les obsèques et d autres groupes informels.¹² Le rôle de la technologie, en particulier l utilisation de téléphones portables, prend de plus en plus d importance sur divers marchés africains. Par exemple, ils sont utilisés pour inscrire de nouveaux clients, de même que pour faciliter l encaissement des primes. Horn of Africa Risk Transfer for Adaptation (HARITA) En Ethiopie, Oxfam America, Swiss Re et d autres partenaires (tels que le International Research Institute for Climate and Society à l Université de Columbia) travaillent ensemble pour fournir une assurance contre les intempéries aux exploitants agricoles pauvres par le biais d un plan de microassurance novateur. Le projet HARITA fournit un set de gestion des risques alliant des mesures de réduction du risque et une assurance sécheresse pour les exploitants vulnérables. Il innove en donnant aux bénéficiaires la possibilité de payer leurs primes par leur travail en les engageant dans des initiatives d adaptation au changement climatique organisées localement par la communauté contre une couverture d assurance. Ces initiatives comprennent des projets de reboisement, de développement de systèmes sanitaires et d irrigation des cultures. Le projet HARITA vise à renforcer la résilience climatique en Ethiopie rurale en informant les exploitants locaux sur les avantages de l assurance et en développant les mécanismes d un marché de l assurance naissant. Depuis son lancement en 2008, le programme s est rapidement étendu à d autres villages dans le pays de 200 ménages à son lancement la première année à 1300 ménages en 2010. Cette approche novatrice de gestion des risques a permis à un nombre croissant de ménages ruraux, souvent gérés par des femmes, de bénéficier d une assurance. ¹² Microinsurance in Eastern Africa, Swedish Cooperative Centre & Vi Agroforestry, février 2008. 16 Swiss Re, sigma n 6/2010

Le développement de la microfinance et des réglementations incitatives stimulent la croissance en Amérique latine. Amérique latine Principalement de la microassurance vie Les marchés d assurance émergents d Amérique latine ont enregistré une croissance vigoureuse de 5,7 % (en termes réels) en 2009. Une croissance comparable est aussi observée dans le secteur de la microassurance au Brésil et au Mexique, de même que sur les marchés plus petits du Pérou et de la Colombie. Le développement de la microfinance et l environnement réglementaire favorable sur certains marchés ont joué un rôle déterminant dans la croissance soutenue de la microassurance en Amérique latine. Au Brésil, le plus grand marché assurantiel de la région, la microassurance est généralement proposée par des assureurs commerciaux ; à l exception de l assurance obsèques qui est fournie par des établissements funéraires. En Colombie, des réglementations incitatives ont créé des conditions favorables pour le secteur, qui ont stimulé la concurrence et étendu la portée des produits. En avril 2008, le secteur de la microassurance en Colombie couvrait 2,8 millions de personnes. Les primes issues de produits de microassurance (hors assurance d amortissement et obsèques) ont augmenté de 32 % (en termes nominaux) d avril 2009 à avril 2010.¹³ Les nouvelles réglementations relatives à la microassurance au Pérou ont permis une croissance des primes de 17 % en 2009 et une extension de l offre de produits. Alors que 600 000 personnes sont couvertes actuellement, le potentiel du marché est estimé à environ 8,9 millions de clients.¹⁴ Au Brésil, de même qu'au Mexique et au Chili, les gouvernements ont travaillé sur des réglementations de microassurance spécifiques pendant des années. Les produits de microassurance vie sont les plus prisés dans la région. Les produits vie, y compris les produits d amortissement, l assurance obsèques, accidents et les produits d épargne, sont les produits de microassurance les plus prisés et devraient être le principal moteur de croissance pour le secteur. Les produits vie combinés, qui couvrent la vie, les accidents, l assistance obsèques et présentent également une part d épargne, sont très demandés, notamment au Brésil.¹⁵ La demande de microassurance santé privée fait face à une forte concurrence de la part du secteur public, qui gère des plans de microassurance santé publics en Bolivie, au Paraguay et au Pérou. La région a enregistré un pic dans le nombre de prestataires de microassurance, avec de nombreux assureurs commerciaux visant la population à faibles revenus par le biais de gammes de produits et canaux de distribution variés. Bradesco Seguros e Previdência, le plus grand groupe d assurance au Brésil, utilise des canaux de distribution novateurs, y compris les banques, les IMF, les banques postales, le réseau de distribution, les filiales et diverses formes de transport telles que les bateaux et les avions pour atteindre les clients. Protecta, une société de microassurance spécialisée, qui a débuté ses activités au Pérou en 2008, offre déjà des produits vie et rente à plus d un demi-million de clients.¹⁶ La Banque Interaméricaine de Développement a récemment approuvé un crédit à la Federación Interamericana de Empresas de Seguros (FIDES) pour renforcer l utilisation de la microassurance en Amérique latine. Dix sociétés participeront au projet qui vise à élaborer et à vendre des produits de microassurance vie, non-vie et santé. L utilisation de modèles coopératifs a également déjà fait ses preuves. On citera La Equidad en Colombie et La Columna au Guatemala qui se sont focalisés sur des produits axés sur la demande, une gestion efficace et des programmes de réassurance comme élément de la gestion des risques.¹⁷ ¹³ Comité Microseguros, Fasecolda, 13 octobre 2010. ¹⁴ Business News Americas, 13 juillet 2009. ¹⁵ «Microinsurance in Brazil : Towards a strategy for market development», CENFRI, février 2010. ¹⁶ Business News Americas, février 2009. ¹⁷ Microinsurance matters in Latin America, Banque Mondiale, novembre 2008. Swiss Re, sigma n 6/2010 17

Vue d ensemble du marché Le marché de la microassurance recèle un fort potentiel de croissance en Europe centrale et orientale et en Turquie. Europe centrale et orientale et Turquie Des marchés encore inexploités Le concept de la microassurance est relativement nouveau en Europe centrale et orientale et en Turquie, bien que quelque 73 millions de personnes vivent avec moins de 4 $ par jour. Les cinq marchés c.-à-d. la Fédération de Russie, la Turquie, la Roumanie, l Ukraine et la Pologne représentent presque 90 % des populations à faibles revenus dans la région et peuvent être considérés comme les marchés potentiels majeurs pour les produits de microassurance. La Moldavie et l Albanie, en revanche, ont la plus forte proportion d individus à faibles revenus par rapport à la population totale, avec 4 millions de personnes. La forte croissance de la microfinance sur certains marchés est un signe positif pour le développement futur de la microassurance dans la région. Toutefois, pour que la microassurance s impose, il sera indispensable de sensibiliser les clients à faibles revenus à l assurance et aux produits liés et de les convaincre d acheter de tels produits. Des actions de soutien de la part des gouvernements sont aussi importantes pour développer le marché. Vue d ensemble du marché évolution des produits Les produits d amortissement offrent une couverture limitée aux familles à faibles revenus. La couverture d amortissement est le produit de microassurance le plus vendu dans le monde (cf. tableau 2). Bien que l assurance d amortissement ait souvent aidé à sensibiliser les clients au sujet des produits d assurance, cela reste un produit qui a été créé pour satisfaire les besoins des IMF plutôt que ceux des populations à faibles revenus. On estime que les ménages à faibles revenus auront besoin de niveaux de protection et de prestations beaucoup plus élevés et étendus que la couverture du montant de crédit non remboursé. En plus de la microassurance vie, la santé et l agriculture sont les produits de microassurance les plus importants qui répondent aux besoins des populations à faibles revenus ; toutefois, ils sont aussi plus complexes lorsqu il s agit de surmonter des difficultés opérationnelles et d assurance. Tableau 2 Types de produits et prestations phares de la microassurance Produits Sous-types Avantages Santé Hospitalisation, premiers soins, Protège les bénéficiaires en cas de maladie maladies graves et de dommages corporels ; couverture souvent limitée à l hospitalisation Vie-crédit Protection vie Protège le prêteur des pertes de crédit (combinée à un microcrédit) résultant du décès de l emprunteur ; valeur limitée Vie-protection Temporaire décès, funérailles, Prestations monétaires aux bénéficiaires accident, invalidité en cas de décès/accident/invalidité du preneur d assurance Vie-épargne Couverture mixte, Combinaison d épargne et de protection ; rentes, investissements mobilise l épargne pour le preneur d assurance/les personnes à charge Agriculture/ Assurance récoltes, Protège le revenu/les rendements indice bétail et couvertures indexées agricoles en cas d événement climatique, parasites, catastrophes etc. Actifs Maisons/baraques, Habituellement liée aux prêts ; indemnise actifs commerciaux le bénéficiaire en cas de perte d actifs couverts dans le cadre des risques définis Microtakaful Takaful familial et takaful général Offre une assurance conforme à la charia aux populations musulmanes à faibles revenus Source: Swiss Re Economic Research & Consulting Une focalisation continue sur l innovation en matière de produits, de distribution et de technologie est vitale pour développer des produits axés sur les risques. De nouveaux produits de microassurance sont conçus et lancés en faveur des individus à faibles revenus dans les marchés émergents. Bon nombre de ces produits présentent une conception novatrice, utilisent abondamment les nouvelles technologies et divers canaux de distribution traditionnels et alternatifs. Les porteurs de risque et distributeurs sont en permanence à la recherche d innovations permettant de concevoir les solutions optimales pour répondre aux besoins des populations à faibles revenus, réduire les coûts de transaction et étendre la portée des produits. 18 Swiss Re, sigma n 6/2010