Entre «sanitaire» et «sécuritaire» : la psychiatrie face aux politiques libérales J.C. Delavigne, Rouge



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Transcription:

Entre «sanitaire» et «sécuritaire» : la psychiatrie face aux politiques libérales J.C. Delavigne, Rouge Depuis le meurtre de deux soignantes de l Hôpital de Pau, en décembre 2004, la psychiatrie n a cessé d occuper la scéne médiatique. De nouveau, le 1 er Octobre dernier, un jeune aide-soignant a été tué à Lecques (Gard), lors de sa première matinée de travail en psychiatrie. La «crise de la psychiatrie», jusque là considérée comme un débat de spécialistes a fait irruption dans le débat politique. Ces drames ont au moins favorisé la reconnaissance de la «grande misère» de la psychiatrie publique. Malheureusement, la manière même dont le sujet a été traité, à la rubrique des «faits divers», a pour première conséquence de réactiver la peur, toujours latente, du «fou dangereux» dont il faut avant tout protéger la société. Elle anticipe ainsi les réponses préconisées par le gouvernement: une psychiatrie davantage tournée vers le maintien de l ordre public à l opposé des besoins réels d une politique de santé mentale humaniste, non ségrégative, tournée vers le soin. L émotion suscitée par le drame de Pau a contraint P. Douste-Blazy, ministre de la santé de l époque, à reconnaître la situation critique dans laquelle se trouve la psychiatrie publique et à révéler en toute hâte un «plan santé mentale». Toutefois la baudruche s est vite dégonflée. L essentiel de ce plan est consacré à la construction de bâtiments et à des mesures de sécurité et non aux besoins essentiels : la formation et la création de postes de personnel qualifié restent dérisoires (2 postes en moyenne par service prévus en 5 ans!). Le Plan Santé mentale fait en outre la part belle au développement du secteur privé libéral et de l hospitalisation privée lucrative. Pendant l été, suite aux «évasion de détenus» hospitalisés dans des établissements psychiatriques, le nouveau ministre de la santé, Xavier Bertrand a renforcé de manière encore plus nette le caractère sécuritaire du Plan Santé Mentale avec deux mesures phares : l embauche de personnel de sécurité (vigiles..) et l accélération de la construction de quartiers de sécurité pour les détenus hospitalisés (appelés «UHSA» unités d hospitalisation spécialement aménagées). Enfin, le 10 octobre, c est le Ministre de l Intérieur, N.Sarkozy qui, à Perpignan intégrait la psychiatrie à son dispositif sécuritaire en signant une convention avec l Hôpital Psychiatrique en vue du dépistage des «enfants à risque» dans les quartiers «sensibles» de cette ville. La psychiatrie : une question très politique Depuis la loi du 30 juin 1838 qui a fondé, en France, l asile d aliénés [1], la psychiatrie a été l objet d exigences politiques contradictoires mélangeant assistance et soins d une part; défense de l ordre public de l autre. Cent soixante dix-sept ans plus tard, la question reste d actualité : la mission de la psychiatrie est-elle d apporter les [1] devenu en 1937 «Hôpital Psychiatrique», puis «centre hospitalier spécialisé» et aujourd hui «centre hospitalier» 1

meilleurs soins possibles à des êtres qui souffrent et de leur permettre de vivre comme des êtres humains et des citoyens à part entière? Est elle au contraire de protéger la société de la dangerosité supposée de la folie en répondant ainsi avant tout à des préoccupations sécuritaires? De l asile à la politique de secteur : avancées et limites La réponse sécuritaire a été privilégiée, sous la forme de l enfermement derrière les murs de l hôpital psychiatrique, jusqu à la seconde guerre mondiale. La prise de concience de l horreur de l univers concentrationnaire au lendemain de la seconde guerre mondiale, le développement de politiques sanitaires et sociales, sous le nom d Etat-Providence ont favorisé,dans de nombreux pays, l emergences de nouvelles politiques de santé mentale visant à aborder et à soigner le trouble psychique ou psychiatrique, hors de l hôpital, dans son contexte social En France sous le nom de «politique de secteur» [2], cette politique s est mise en place à partir de 1960. Elle s est nourrie à la fois des acquis de la «médecine sociale» promue par le Front Populaire et des idéaux «désaliéniste» portés par des psychiatres progressistes au cours de la résistance (hôpital de St Alban en Lozère) A l opposé du reste du systéme de soins (clivé entre «médecine de ville et Hôpital) la psychiatrie publique offre une réponse publique, globale, gratuite, incluant à la fois la prévention, les soins de proximité, (accueil consultation et soins dans les dispensaires) [3], et si nécessaires soins à l hôpital. Cette politique a pris son élan dans les années qui ont suivi mai 68 Elle a été favorisée par le changement du statut du malade qui, d assité, est devenu à partir de 1945 un «assuré social» ayant des droits. La psychanalyse a également permis le changement du statut du patient : d objet subissant un «traitement» au nom de la «science» psychiatrique, il a été reconnu comme sujet et acteur d une histoire. Elle a permis, au travers de la psychothérapie institutionnelle de donner vie à une institution ou régnait la mort psychique. Les relations, travaillées dans l institution entre «soignants» et «soignés», sont devenus des éléments essentiels du soins. Mais, le plus souvent la politique de secteur a été mise en place par des directions administratives et des psychiatres marqués par le modèle hospitalier. Elle n a pu, de ce fait,développer toutes ses potentialités. Elle s est, dans de nombreux cas, cantonnée au déplacement du lieu de soin à l extérieur de l Hôpital. Sa part la plus subversive, l approche de la personne souffrante dans son contexte, en lien avec tous ceux qui se trouvent autour du patient (famille, travailleurs sociaux, élus ) n a été développée que par un nombre limité d équipes. [2] Cette politique met à disposition d une population d environ 65 000 habitants une équipe de psychiatrie publique travaillant à la fois «sur le terrain», dans la ville et à l Hôpital et dispensant des soins totalement gratuits (circulaire du 15 mars 1960) [3] devenus par la suite Centre Médico Psychologiques-CMP 2

Les expériences les plus achevées, les «centres d accueil et de crise» offrant une possibilité d accueil d écoute et de soin, 24h/24 hors hôpital sont restées extrémement limitées et sont aujourd hui menacées. Malgré ces limites, le bilan de la psychiatrie de secteur est très largement positif. Il a permis d en finir avec l enfermement a vie ou pour de longues périodes dans les hôpitaux psychiatriques. Elle a ouvert au patient la possibilité de soins, tout en lui permettant de vivre une existence qui lui appartienne davantage. La psychiatrie et les politiques libérales Les politiques libérales se sont traduites à partir des années 80 par une précarisation générale de la société, la diminution des droits sociaux, les attaques sur les politiques sociales et sur les services public. Elles ont été accompagnées de criminalisation et de la répression de la misère et des tous ceux que la société des «gagneurs» laisse sur le bas coté. Ces évolutions entamées sous les gouvernements successifs s accélèrent fortement depuis 2003 La psychiatrie est triplement percutée par ce que l on a pu appeler le passage de «l Etat Providence» à «l Etat Pénitence» [4]. La psychiatrie est tout particulièrement victime des coupes sombres dans les budgets sanitaires, qui frappent les hôpitaux. Le modèle de service public, gratuit, de proximité, accessible à tous, entre en contradictions avec les politiques de rentabilisation et de privatisation de l assurance maladie et du systéme de soins en cours. Avec ces moyens réduits la psychiatrie doit répondre à des sollicitations croissantes liées à la souffrance sociale générée par la précarisation de la société,le développement de l exclusion et déterioration des conditions de travail. La psychiatrie est enfin l objet d une OPA des politiques sécuritaire visant à contrôler et à «normaliser» les populations «à risque» victimes de la crise. La politique de secteur mise à mal. Les politiques de restructurations hospitalières, de restrictions de personnels qui touchent l ensemble des établissements hospitaliers ont frappé tout spécialement la psychiatrie, discipline toujours peu valorisée s adressant à des patients eux-mêmes peu considérés. Le management d entreprise introduit à l Hôpital impose une standardisation des soins souvent réduits à l urgence. Le travail de prévention et de soins «sur le terrain» en est la première victime : le personnel de ces structures doit retourner à l Hôpital qui fonctionne 24h/24. Quant aux soins à l hôpital ils subissent la loi de la «rentabilisation» Le psychiatre (devenu «expert» plutôt que thérapeute) doit fournir dans les meilleurs délais ( le temps médical se fait rare) un diagnostic et prescrire un traitement «efficient» pour le meilleur rapport qualité/prix. Les thérapies comportementales et cognitives, dont on peut «évaluer» les effets et la rentabilité à court terme (sans prêter attention aux conséquences dans la durée) apparaissent comme les outils de choix de cette rentabilisation du soin. [4] L. Wacquant «les prisons de la misère» Collection «Raisons d agir» 3

Il en va de même de la réduction du soin aux prescriptions de médicaments psychotropes, pour le plus grand profit des laboratoires pharmaceutiques. La polémique actuelle contre la psychanalyse (livre noir, «évaluation» par l Inserm des psychothérapies) et ses enjeux ne saurait être comprise hors de ce contexte. L entrée des psychiatres, à coté des directeurs administratifs en tant que «managers» dans les directions d hôpitaux va accélérer ces évolutions. Le temps de la connaissance du patient, de son histoire, de l élaboration avec lui d un projet de soins, le temps du soin relationnel et de la réflexion clinique en équipe sont autant de temps «inutiles» nuisant à la productivité. On leur substitue des protocoles tout faits censé indiquer les «bonnes pratiques», des transmissions «ciblées» et des écrits standardisés dans les «dossiers de soins», sous le contrôle de «direction des soins» et d un encadrement infirmier converti au management. Ces évolutions sont également favorisées par la suppression des formations spécifiques à la psychiatrie, tant pour les psychiatres (suppression de l internat en psychiatrie) que pour les infirmiers (la suppression en 1992 du diplôme d infirmier de secteur psychiatrique au profit d un diplôme unique). Tout le monde reconnaît 13 ans plus tard que ce diplôme prépare mal à l exercice en psychiatrie, tandis que les infirmiers sont de plus en plus souvent remplacés par des aides-soignants n ayant pour leur part aucune formation aux soins en psychiatrie..au moment ou la demande sociale explose. La réduction des moyens soignants, intervient précisément alors que la crise et la précarisation de la société ; se traduisent par l accroissement de la «souffrance psychique» d origine sociale soulignée par tous les intervenants sociaux, les salariés de services publics, les élus. Cet souffrance psychique accroit les demandes faites à la psychiatrie. Cette demande est parfaitement légitime à condition de ne pas nourrir l illusion que l on puisse par par l écoute et le soin régler les problémes fondamentaux de la société ( chômage, logement, précarité, conditions de travail ). La psychiatrie publique dans ses missions de prévention et de soins ne saurait se désintéresser de la souffrance de la partie la plus population exclue par les mécanisme inhumains de la société capitaliste Psychiatrie à deux vitesses et psychiatrie «sécuritaire»? Les politiques libérales qui se dessinent aujourd hui se situent à l exact opposé de ces exigences. Le dépérissement entamé de la «politique de secteur» ouvre la voie à une psychiatrie à deux vitesses. D un coté on constate un accroissement rapide du nombre des psychiatres libéraux [5] s adressant à une clientèle souvent aisée et demandeuse de psychothérapies ainsi que la montée en puissance des cliniques privées psychiatriques à but lucratif (sur le créneau des pathologie les plus légères et les plus rentables) [5] alors que les postes médicaux restent vacants dans le service public. 4

De l autre le service public, recevant les patients les plus lourds et les moins fortunés, se dégrade, alors que la part des soins restant à la charge du patient et de sa mutuelle s accroit. Cette dégradation du service public de soins s accompagne d une tentative de récupération de la psychiatrie dans le cadre des politiques sécuritaires. Le discours de maintien de l ordre et de contrôle social tenu au nom de la «prévention de la délinquence» sème délibérément la confusion avec la prévention dans le domaine du soin. Cette nouvelle politique répressive ne vise pas à un retour à l enfermement d autrefois dans le cadre de l institution psychiatrique : c est aujourd hui avant tout la prison qui devient le lieu du «grand renfermement» moderne. Elle vise à faire de la psychiatrie (comme du travail social) un auxiliaire de la police et de la justice pour contrôler les populations dites à risque, en réunissant tous ces «acteurs» dans le cadre d un «secret partagé». La signature à Perpignan d une convention entre le ministre de l Intérieur et l hôpital psychiatrique, est présentée comme un modèle qui devrait être suivi. Sarkozy y met en pratique les propositions du rapport d experts de l INSERM qui préconisent le dépistage précoce des enfants «hyper-actifs» censés devenir les petits délinquants de demain.et les criminels d après demain.faisant le lien entre les «troubles des conduites» chez l enfant et «l existence d une personnalité antisociale» chez les parents, le rapport préconise «les interventions dans les familles à risque en particulier chez les jeunes mères primipares à faible niveau d éducation et en situation de précarité». Ils propose également l utilisation vis-à-vis de ces enfants de traitements pharmacologiques et le développement de «nouveaux essais cliniques avec des associations de médicaments et de nouvelles molécules». Le contrôle stigmatisant de «jeunes mères» en «situation de précarité» et la prescription de médicaments psychotropes est ainsi appelée à apporter sa contribution au maintien de l ordre public en collaboration avec la police et la justice! De la résistance à l alternative. La résistance à ces politiques doit donc s organiser. Mais elle ne peut être menée au nom de la défense de la psychiatrie telle qu elle est aujourd hui ni du retour nostalgique à la «politique de secteur» d autrefois souvent idéalisée. La LCR propose au contraire (voir encart), une autre politique de santé mentale s appuyant sur les meilleurs acquis du secteur et inscrivant sans ambiguité la psychiatrie dans une politique plus globale de santé publique et de soins gratuits. Une telle politique doit poser comme principes le refus de toute discrimination à l égard de «folie» et de la «déviance» et l approche de la personne souffrant de troubles psychiques ou psychiatrique comme sujet et citoyen à part entière. J.C. Delavigne Le 3/11/2005 5

Une autre politique de santé mentale : les propositions de la L.C.R. La L.C.R. défend une politique de santé mentale qui réalise complétement les principes de la «politique de secteur», elle exige les moyens de cette politique Un service public de psychiatrie organisé dans le cadre d établissements publics de Psychiatrie de Secteur, financés par des budgets spécifiques Le centre du dispositif de soin doit être le Centre Médico Psychologique et l équipe de soins implantée dans le quartier ou la ville, travaillant avec l ensemble des acteurs sanitaires Elle préconise le développement de Centre d Accueil et de Crise alternatives à l hospitalisation ouvertes 24h sur 24. Elle défend un «plan emploi formation» réclamé par plusieurs organisations syndicales, pour former les psychiatres et les infirmiers nécessaires. Elle revendique une formation spécifique et obligatoire pour exercer en psychiatrie, tant pour les infirmiers que pour les médecins La LCR défend la citoyenneté de la personne souffrant de troubles psychiques ou psychiatriques. l abrogation de la loi du 1990, qui maintient la confusion entre missions de soin et mission d ordre public et son remplacement par une législtation non spécifique au personnes hospitalisées en psychiatrie. L obligation de soins, parfois nécessaire doit être totalement séparée de la notion d ordre public. L obligation de soins doit être possible hors de l hospitalisation. Nous revendiquons Toute forme de discrimination à l égard du «malade mental» doit être abrogée, et celui ci doit diposer des droits de tout citoyen. Nous apportons notre soutien le développement et l action des associations de patients ainsi que des associations aidant les patients à faire valoir leurs droits (advocacy) 6