Siréas asbl Service International de Recherche, d Education et d Action Sociale Année 2007 Analyses et études LA LUTTE CONTRE LES OGM Rue de la croix, 22 1050 Bruxelles Téléphone :02 /649 99 58 Fax 02/ 646 43 24 e-mail : sireas@sireas.be - site : http://www.sireas.be
La lutte contre les OGM La lutte contre les OGM «la culture de nouvelles variétés de plantes génétiquement modifiées» a perdu une fois de plus l occasion de s opposer aux puissants intérêts des multinationales et aux pressions exercées principalement par les Etats Unis. Tout récemment, la Commission européenne a ouvert la porte à l importation d une variété de betterave et de trois nouvelles variétés de maïs transgénique parmi lesquels l Hercalux destiné à la consommation humaine et animale. Les produits pourront être importés en Europe mais ils ne pourront être cultivés que par la société Monsanto, la plus grande multinationale agroalimentaire et par Dow AgroSciences. Cette ouverture par l Union européenne est extrêmement grave car elle va à l encontre du souhait de millions de citoyens opposés aux OGM, notamment en Italie et en France. Pourquoi une telle opposition à la culture des OGM, alors qu ils prennent de plus en plus de place dans l agroalimentaire avec 102 millions d hectares cultivés dans le monde, 57% de la superficie de la culture du soja est destinée à la culture des OGM. En Espagne, 60.000 hectares sont destinés à la culture des OGM ; 8.500 hectares d OGM sont cultivés dans d autres pays européens : la France, la République Tchèque, le Portugal, l Allemagne et la Slovaquie ; 15 produits génétiquement modifiés sont cultivés dans l Union européenne. Il est évident qu un tel développement de ces types de cultures nous oblige à nous demander pourquoi une telle opposition. L Institut de Recherche en Biotechnologie et bon nombre de scientifiques invoquent le droit à la recherche en tant qu élément essentiel du progrès scientifique. Par ailleurs il y a aussi toute la force de persuasion des états producteurs scientifiquement avancés dans ce domaine. L enjeu financier pour ces pays et pour ces sociétés est très important et ils ont un argument de poids. En effet, ils argumentent que, après tant d années de production d OGM, on n a pas pu prouver leur nocivité à l égard de la santé. En outre, les OGM possèdent des caractéristiques de résistance aux parasites et aux infections ainsi qu une capacité de production très importante avec une utilisation moindre de pesticides. 1
Alors encore une fois pourquoi une telle opposition? Giulia Maria Crespi est la Présidente du Fonds pour la sauvegarde de l environnement de l agriculture en Italie et une pionnière de l agriculture bio-dynamique. Elle a attaqué violemment la position de la Commission de l Union européenne dans un article paru dans la Repubblica du 25/10/2007 en répondant aux arguments des USA où l on consomme des OGM depuis des années sans enregistrer de dommages pour la santé. Mais ces dommages pourraient ne pas être immédiats. L auteur cite à titre d exemple le cas de Rudolf Steiner, fondateur de l'anthroposophie, qui a démontré en 1926 qu il est dangereux de nourrir des ruminants avec des substances d origine animale. Il a fallu la maladie de la Vache folle pour prouver qu il avait raison. Nous ne pouvons pas savoir ce que le développement des cultures d OGM nous réserve à l avenir. Qu est ce qu un OGM ou Organisme Génétiquement Modifié? Selon la Commission de l éthique de la science et de la technologie du Québec, un organisme génétiquement modifié ou OGM est «un organisme vivant dont le patrimoine génétique a été modifié par ingénierie génétique, soit pour accentuer certaines de ses caractéristiques ou lui en donner de nouvelles considérées comme désirables, soit au contraire pour atténuer, voire éliminer certaines caractéristiques considérées comme indésirables». Au sein de l'union européenne, la directive 2001/18/CE définit un OGM comme suit : «Un organisme génétiquement modifié est un organisme (à l'exception des êtres humains) dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne peut s'effectuer naturellement par multiplication et/ou par recombinaison.» Les cellules produisent des particules pouvant soit améliorer la production de la plante, soit produire des substances qui empêchent les bactéries pathogènes de s attaquer à la plante. De ce point de vue, l ingénierie génétique n aurait que des avantages. Cependant le problème est plus complexe. En effet, outre les risques de nuisance pour la santé, les OGM constituent un risque parce que la coexistence entre plantes naturelles et transgéniques est impossible, si l on commence à cultiver des plantes transgéniques, celles-ci contamineront les plantes naturelles et il n y aura 2
plus que des cultures transgéniques avec des conséquences irréparables sur notre patrimoine agroalimentaires. Il s agit d un patrimoine millénaire constitué par des produits de haute qualité, issus de cultures régionales. L Europe a une très grande tradition de particularités de produits régionaux de très haute qualité. Si l Europe veut se mettre en compétition avec la Chine ou l Inde au niveau de la quantité, elle perdrait la partie. Le deuxième aspect est que les agriculteurs ne pourront plus produire ni sélectionner leurs propres cultures. Ils dépendront des multinationales qui détermineront le marché des semences. Au niveau de la santé, il y a des études scientifiques dont celle réalisée par Irina Ermakova de l Académie des Sciences de Russie publiée en 2005 dans la Revue Nature. Les résultats sont inquiétants. Cette étude a prouvé que les souriceaux nés de souris nourries avec du soja transgénique, sont morts nés ou particulièrement affaiblis et incapables de se reproduire. Pourquoi l Europe ne bouge-t-elle pas? Depuis 2004, le Conseil des Ministres de l Union Européenne ne parvient pas à réunir une majorité qualifiée, ni pour ni contre les OGM. C est ici que réside le problème. L obstacle majeur se situe au niveau du Conseil des Ministres qui représente tous les gouvernements nationaux. C est là que sont bloqués beaucoup de bonnes propositions, beaucoup de projets. Dans ce type de blocage, les mécanismes institutionnels permettent à la Commission de prendre des décisions elle-même 1. Celle-ci vient de dire «oui» aux OGM. Les pays opposés à cette décision sont l Italie, la France, l Autriche, la Pologne, la Bulgarie, la Finlande, la Lettonie, l Estonie, la Lituanie, le Luxembourg, le Danemark, la Grèce. Par contre, la Slovaquie, la Slovénie, l Espagne, la Suède, l Irlande, la Grande Bretagne et la Roumanie y sont favorables. 1 Ce qui n empêche ces mêmes représentants nationaux de reprocher à la Commission de Bruxelles d être trop bureaucratique et de freiner le développement de solutions à tout ce qui ne va pas au niveau européen. L Europe s est développée trop vite. Une Europe à 27, avec des Etats dont les intérêts sont très différents, a perdu la vision de la politique sociale et démocratique qui a accompagné la création européenne à l origine 3
Il est inacceptable que la Commission de l Union européenne accepte l introduction en Europe des OGM alors que la plupart des citoyens y sont opposés. Ainsi, quand la Commission déclare être en faveur des OGM et prend une décision à défaut de légitimité démocratique, elle va à l encontre des citoyens. Pourquoi et pour qui? Pour les grandes multinationales qui font des investissements gigantesques pour contrôler l alimentation mondiale. Où en sommes-nous actuellement? Le Luxembourg et l Italie s efforcent d attirer les autres pays hostiles aux OGM et appellent au blocage de toute autorisation de l Union Européenne à la culture et à l importation des OGM tant que les normes réglementaires permettent à la Commission de prendre seule de telles décisions. La proposition introduite le 30 octobre dernier par la Sous-Secrétaire à l environnement, Madame Laura Marchetti, a été reçue par 13 pays de l Union. Le Président Sarkosy (la France est parmi les pays européens les plus engagés contre les OGM), espère l approbation d un moratoire en faveur de la défense de l agriculture traditionnelle pour contrer la culture des OGM. L Italie demande d augmenter la subvention de l Agence européenne pour la Sécurité Alimentaire (EFSA), basée à Parme, ce qui permettrait de mener des analyses sur les risques liés aux produits génétiquement modifiés. Le motif de cette requête a été exprimé par Mario Cappenna, Président de la Fondation de Droit Génétique, qui a organisé un sitting le 30 octobre 2007 devant le siège de l EFSA : cet organisme n examine pas d une manière indépendante les demandes d autorisation d importation des OGM proposé par les multinationales. Cette thèse a été confirmée par des experts européens qui confirment que l EFSA n a pas émis un seul avis négatif étant donné qu elle se plaint de ne pas disposer de moyens pour réaliser elle-même ses études. Elle se limite souvent à se conformer aux recherches réalisées par les multinationales du Biotech, notamment dans le cas de la super pomme de terre, considérée par de nombreux experts comme nuisible à la santé. 4
L introduction de cette pomme de terre dans la chaîne alimentaire est un risque pour la santé de la population puisque leur organisme sera privé des moyens qu offrent les antibiotiques aujourd hui. Il est inadmissible que l Union européenne laisse ainsi la porte ouverte aux OGM, sans exercer un contrôle parce qu incapable de former une majorité. Il est nécessaire que l Union européenne bloque toute autorisation d importation et de culture des OGM, tant qu elle n a pas la capacité de montrer la transparence de ses décisions face aux Etats qui la composent. La Commission Européenne se réfugie derrière une décision de l OMC qui autorise ainsi l ouverture du marché aux OGM. Mais elle ne tient pas compte de l intérêt principal des citoyens européens qui en majorité disent non aux OGM. Pourquoi? Pour faire plaisir à qui? En tout cas pas à l Europe, ni en vertu du respect de la volonté de ses citoyens. De nombreuses organisations de défense de l environnement se demandent si l Union européenne n est pas plus sensible au lobbying de grandes multinationales qu à la volonté de la majorité de ses citoyens. 5