Séquence 5. Intégration, conflit, changement social. 1. Quels liens sociaux dans les sociétés où s affirme le primat de l individu



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Séquence 5 Intégration, conflit, changement social Sommaire 1. Quels liens sociaux dans les sociétés où s affirme le primat de l individu? 2. La conflictualité sociale : pathologie, facteur de cohésion ou moteur du changement social? Auto-évaluation Corrigé des activités Corrigé de l auto-évaluation 1

Photo : Jean Ayissi AFP. 2

1 Quels liens sociaux dans les sociétés où s affirme le primat de l individu? Introduction Le programme de première vous a permis de comprendre comment la socialisation transmettait des normes et des valeurs et conduisait à la formation de l identité de l individu. Nous allons ici poursuivre le raisonnement en nous interrogeant sur l intégration sociale. En effet, si la socialisation contribue à la formation de l identité individuelle, comment l individu s intègre-t-il au groupe, à la société? Pré-requis Socialisation, capital social, sociabilité, anomie, désaffiliation, disqualification, réseaux sociaux. Notions à acquérir Notions à acquérir : solidarité mécanique/organique, cohésion sociale. çactivité 1 Sensibilisation : La fête des voisins Allez sur le site http://www.immeublesenfete.com afin de traiter les questions suivantes : Questions De quand date l idée d immeubles en fête? Quelles évolutions de la société urbaine sont à l origine du projet? Quels sont les objectifs de la fête des voisins/immeubles en fête? Quelles sont les actions menées par l association? Problématique L exemple de la fête des voisins nous a permis de mettre en évidence que les transformations de la société sont à l origine de nouvelles formes de solidarité. Nous verrons alors comment le lien social s est transformé (A) avant d aborder les risques qu il fait peser sur l intégration sociale(b). 3

A Les transformations du lien social Le lien social recouvre l ensemble des relations qui unissent les membres d une société et font que les individus ont le sentiment de former une collectivité. 1. Qu est-ce que le lien social? Avant d aborder comment le lien social s est transformé, il convient de définir cette notion. Le lien social est le résultat de la socialisation (cf programme de première) c est-à-dire du processus par lequel l individu apprend et intériorise, tout au long de sa vie, les éléments socioculturels de son groupe et de la société dans laquelle il vit. Le lien social est aussi le résultat de l intégration sociale qui repose à la fois sur l adhésion à des normes et des valeurs communes et sur des réseaux multiples de relations sociales que sont les relations familiales, amicales, de voisinage L intégration peut être définie de manière générale par l intégration dans la société : un individu est intégré quand il occupe une place reconnue dans la société. Néanmoins, en, sociologie, la notion fait référence à l analyse d E. Durkheim, pour qui une société est intégrée quand il existe des liens entre les individus qui la composent. 2. L évolution des formes de solidarité E. Durkheim a étudié les formes de solidarité en distinguant les sociétés traditionnelles et les sociétés modernes. a) Le rôle de la division du travail dans l évolution des solidarités Pour E. Durkheim, le développement de la division sociale du travail est à l origine de l évolution des formes de solidarités. La division sociale du travail est un phénomène lié au développement de la taille des sociétés qui sont alors conduites à spécialiser les rôles et les fonctions (politiques, économiques, religieuses, sociales de leurs membres. La division du travail produit alors de la solidarité, des liens durables entre les individus car ces derniers ont besoin les uns des autres. b) les formes de solidarité Document n 1 Dans son ouvrage De la division du travail social, Durkheim distingue la solidarité mécanique et la solidarité organique. La solidarité 4

mécanique caractérise les sociétés traditionnelles. Ces dernières ont pour particularité une grande ressemblance entre ses membres. Les individus se ressemblent, sont interchangeables et aucune autonomie ne leur est laissée car la société impose ses normes, ses règles, ses valeurs. La société domine les individus c est-à-dire que la conscience collective l emporte sur la conscience individuelle. La justice veille à cette subordination de l individu à la conscience collective. La seconde forme de solidarité distinguée par Durkheim est la solidarité organique qui est liée au développement de la division sociale du travail. Elle caractérise les sociétés modernes qui sont composées d individus nettement différenciés et dépendants les uns des autres puisqu ils sont aussi complémentaires. Dans ce type de société la justice vise davantage à donner réparation qu à punir. Le droit perd de son caractère répressif et le recours à la punition est de moins en moins nécessaire. Ainsi pour Durkheim, le passage de la société traditionnelle à la société moderne correspond au développement de la division sociale du travail et à l émergence de l individualisme. Activité 2 Question À partir du document n 1 complétez le tableau ci-dessous. Solidarité mécanique Solidarité organique Type de société Caractéristiques Origine de la cohésion sociale Type de droit La solidarité mécanique, typique des sociétés traditionnelles de taille réduite, est une solidarité de similitude. L absence de division du travail, l indifférenciation sociale font que les individus sont interchangeables et leurs croyances identiques. La solidarité organique, caractéristique des sociétés industrielles, est un lien par complémentarité : la division sociale du travail entraîne une interdépendance entre les individus. 5

Le passage de la solidarité mécanique à la solidarité organique amène à la question du maintien du lien social. En effet si les individus sont différents, qu est-ce qui les lie désormais? Avec le développement de la société industrielle, Durkheim craint que ne se développe une société individualiste avec une diminution de la conscience collective au profit de la conscience individuelle. Sa crainte est que la société se désagrège, que le lien social diminue. Il craint que les individus composant la société tombent dans l anomie c est-à-dire un dérèglement social provenant d une insuffisance de coordination entre les différents organes de la société, où du fait que les individus, seuls face à leurs désirs ne savent plus comment conduire leurs actions. Il y a donc eu une l évolution progressive et sur le très long terme conduisant au passage d une forme de solidarité à l autre. Néanmoins cette évolution n a pas conduit à une disparition de la solidarité mécanique de notre société. Elle a en effet décliné pour la société dans son ensemble mais s est maintenue pour des groupes sociaux plus restreints (voisinage, famille ). 3. L individualisme : une menace pour l intégration sociale? Le passage de la société mécanique à la société organique est lié à la division sociale du travail et à montée de l individualisme. Document n 2 Il est courant d imputer les maux de notre société à la montée de l individualisme, sans pour autant prendre la peine de définir la réalité que cette notion recouvrirait. Comme si cela allait de soi. Pourtant, l individualisme est loin d avoir toujours représenté une tare ou un vague synonyme y de l égoïsme. Pour les philosophes des Lumières au XVIIIe siècle, par exemple, il incarnait au contraire un idéal : celui du sujet pensant, capable d user de sa raison de manière critique et autonome. La promotion de l individualisme devait permettre de rompre avec l obscurantisme, l ignorance, le fanatisme religieux et les préjugés moraux, et de favoriser l avènement d une société pacifiée et égalitaire. [ ] De même, parmi les sociologues qui s appliquent à montrer l inanité d une croyance dans un libre-arbitre absolu, beaucoup sont loin d être les pourfendeurs de l individualisme. Dans un texte mal connu, Émile Durkheim écrit ainsi que «pour faire plus facilement le procès de l individualisme, on le confond avec l utilitarisme étroit et l égoïsme utilitaire ( ) des économistes «. Il y promeut au contraire un individualisme «abstrait «dont l objet est «la glorification, non du moi, mais de l individu en général [et qui] a pour ressort non l égoïsme, mais la sympathie pour tout ce qui est homme, une pitié pour toutes les misères humaines, un 6

plus ardent besoin de les combattre et de les adoucir, une plus grande soif de justice «. Et d exhorter : «Qu on ne vienne donc pas dénoncer l individualisme comme ennemi qu il faut combattre à tout prix! On ne le combat que pour y revenir, tant il est impossible d y échapper «[1]. [ ] Thierry Pech et Igor Martinache Alternatives Economiques Hors-série n 089 - avril 2011 www.alternatives-economiques.fr (1) L individualisme et les intellectuels, par Émile Durkheim, Mille et une nuits, 2002 Activité 3 Question À partir du document n 2, indiquez quel passage correspond aux propositions proposées dans le tableau ci-dessous : (cochez la proposition) L individualisme est/permet une montée de l égoïsme Passage 1 «Pourtant, l'individualisme est loin d'avoir toujours représenté une tare ou un vague synonyme de l'égoïsme.» Passage 2 «il incarnait au contraire un idéal : celui du sujet pensant, capable d'user de sa raison de manière critique et autonome.» un idéal une plus grande liberté un choix de vie un repli sur la sphère privée A retenir Si dans le sens courant l individualisme peut être synonyme d égoïsme, la sociologie donne une autre signification de ce terme. Le sens qui lui est donné varie selon les auteurs et pour E. Durkheim, l individualisme se caractérise par l accroissement de l autonomie de l individu par rapport aux règles collectives. L individualisme a donc un double sens : un sens positif ou optimiste : plus de liberté de choix pour l individu, reconnaissance de droits individuels, plus d autonomie un sens plus négatif plus pessimiste : repli sur ses intérêts privés. La montée de l individualisme transforme le lien social : elle peut engendrer des comportements de retrait des individus, déstabiliser leur intégration, voire provoquer l isolement. Cependant l individualisme peut aussi être créateur de lien social reposant non plus sur la contrainte mais sur le libre choix et le partage. 7

Nous allons à présent nous interroger sur ce qui serait à la fois à l origine de la montée de l individualisme ; mais aussi une conséquence : un relâchement, voire une disparition des instances d intégration. B L intégration sociale en péril? Les instances d intégration sont l ensemble des lieux, des institutions autour desquelles se nouent les liens sociaux. Ces liens sont créés dès la socialisation avec la transmission des normes et des valeurs de la société (cf programme de première). Ainsi les instances de socialisation que vous avez vues en première sont créatrices de solidarité et plus généralement de lien social. Seulement, il semble aujourd hui que certaines de ces instances traversent une crise. On peut alors s interroger sur l éventuelle crise de l intégration sociale. 500 000 400 000 Nombre de mariages 300 000 200 000 100 000 0 1946 1950 Nombre de divorces prononcés Nombre de Pacs 1954 1958 1962 1966 1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002 2006 2010* *Prévisions Alternatives Economiques Hors-série n 89 - avril 2011 www.alternatives-economiques.fr Insee et Ined 1. L intégration familiale en crise? a) La famille se recompose Document n 3 Activité 4 Questions Comment a évolué le nombre de mariages? Quand cela s est-il accéléré? Comment a évolué le nombre de divorces depuis 1970? Comment peut-on l expliquer? 8

En quoi ces deux évolutions attestent-elles d une fragilisation de la famille sous sa forme traditionnelle? En quoi le PACS est-il un indicateur du changement de visage de la famille? Depuis le début des années 70, on constate une diminution du nombre de mariages et une augmentation du nombre de divorces ce qui atteste d une décomposition de la famille sous sa forme traditionnelle. Pour autant la famille ne se décompose pas en tant que telle, elle se transforme, se recompose. Dans la France du XXI e siècle, on peut être marié, divorcé, veuf, concubin, pacsé ou célibataire. On peut également vivre officiellement avec quelqu un du même sexe, élever seul ses enfants (famille monoparentale) ou partager cette charge avec un nouveau conjoint (famille recomposée). Les évolutions sociales, culturelles mais aussi juridiques ont permis à la famille d avoir de multiples visages. On peut alors s interroger sur les conséquences de cette recomposition sur le rôle intégrateur de cette institution? b) La famille intègre-t-elle moins? La capacité d intégration de la famille s effrite du fait de ses transformations. Les individus peuvent se sentir moins liés et voire isolés du fait des divorces et du célibat qui ont progressé. En 2011, 47 % des individus disent se sentir «souvent «ou «parfois «seuls. Cette proportion est très élevée chez les personnes ayant de bas revenus (72 %), les familles monoparentales (63 %) et les personnes âgées de 70 ans et plus (57 %). Le divorce appauvrit les couples qui se séparent, en particulier quand l un des deux ne travaille pas. Les difficultés économiques et sociales dépendent ainsi notamment de la situation familiale : il existe par exemple une sur-représentativité des familles monoparentales parmi les allocataires du RSA. De manière plus générale, ce type de famille connaît davantage de difficultés. Les enfants peuvent se retrouver dans des situations difficiles et parfois perdre le contact avec le parent qui n en a pas la garde. Une rupture familiale peut enclencher un processus d exclusion sociale si elle coïncide par exemple avec une rupture professionnelle. Si dans certains cas la fragilisation des liens conjugaux peut entraîner des difficultés économiques et sociales, dans le même temps, la parentèle, c est-à-dire le réseau des parents, joue un rôle de plus en plus important dans la vie des individus comme en témoigne le document suivant. 9

Document n 4 Déménager Hébergement chez soi Emmener en vacances Faire la toilette 51 65 71 75 Ce que les Français se disent prêts à faire pour leurs parents si ces derniers devenaient dépendants (%) Don d argent 87 Aide ménagère 87 Aide administrative 93 Visites régulières 94 0 20 40 60 80 100 CREDOC, «Baromètre des solidarités familiales», 2006 Activité 5 Questions Faites une phrase de lecture avec le nombre 65. À partir du document n 4, montrez que la solidarité familiale intergénérationnelle n a pas disparu. Document n 5 : L impact du divorce ou de la séparation Il nous a semblé intéressant d observer les liens entretenus par les personnes vivant seules qui, soit ont divorcé, soit se sont séparées. Or, il semble que, dans de nombreux cas, l épreuve de la séparation soit l occasion de raviver les liens avec sa famille, comme si la coupure de la relation conjugale avait incité à se tourner vers ses proches. Ainsi, 76 % des personnes séparées ou divorcées ont reçu de leur famille, au cours des douze derniers mois, un soutien moral par téléphone (contre 56 % des personnes vivant en couple) ; 21 % ont bénéficié de l aide d un des membres de leur famille pour effectuer des démarches bancaires, administratives ou fiscales (contre 8 %) ; 14 % ont bénéficié d un prêt (contre 11 %) et 43 % ont été accueillies en vacances par leur famille 10

(contre 28 %). En retour, les personnes séparées ou divorcées ont, plus souvent que celles vivant en couple, soutenu moralement un de leurs proches par téléphone et elles ont plus souvent été présentes en cas de coup dur d un membre de leur famille. CREDOC, «Baromètre des solidarités familiales», 2006 Activité 6 Question Montrez qu un divorce n est pas synonyme de rupture des solidarités familiales. A retenir Au sein de la famille la solidarité est loin d avoir disparu. Ainsi, la prise en charge des personnes âgées dépendantes est aujourd hui l une des principales préoccupations sociales des français. Le document n 4 nous a permis de mettre en évidence que les Français se déclaraient prêts à aider leurs parents. Il s agit certes ici de déclarations d intentions, mais les faits montrent que les personnes concernées ont déjà l habitude de soutenir des membres de leur famille en situation de dépendance : On peut alors douter du fait que les solidarités familiales soient si mal en point que certains le prétendent. En 2006, près de 9 Français sur 10 ont bénéficié d une aide de leur famille. Ces aides sont diverses : soutien moral, présence d un proche, bricolage, garde d enfant, tâches ménagères, démarches administratives, aide financière En cette période de crise économique et de chômage, la famille joue un véritable rôle d amortisseur. Les populations les plus touchées par les transformations de la famille n en sont quant à elles (document 5) pas moins solidaires à l égard des membres de leur famille, bien au contraire. Ainsi les personnes divorcées sont à la fois les destinataires de soutiens familiaux mais aussi actrices de la solidarité familiale. La famille connaît d importantes mutations : elle se fragilise, s éclate, se réduit, les structures familiales se diversifiant mais reste, quelle que soit sa forme, une valeur refuge dans une société en crise, grâce au maintien de ses fonctions traditionnelles de socialisation et de solidarité. 3. L école est-elle encore un facteur d intégration? a) Le rôle de l école Dans les années 1880, l école républicaine bénéficie d une forte légitimité en offrant des garanties d équité dans une société où l injustice 11

domine. La démocratisation de l enseignement est en marche et un nombre toujours croissant d individus accède à l enseignement primaire puis secondaire et enfin supérieur. La proportion de bacheliers dans une génération était de 5 % en 1950, 20 % en 1970, 43,5 % en 1990 et de 67,10 % en 2010. Le nombre des étudiants bascule aussi de façon spectaculaire, d un million dans les années 1980 à plus de deux millions aujourd hui : À la rentrée 2010, 2 318 700 étudiants sont inscrits dans l enseignement supérieur en France. Plus généralement l école est une instance privilégiée de socialisation qui permet les apprentissages indispensables à la vie sociale par intégration des normes, conduites et valeurs et l insertion dans le monde du travail, lui-même instance de socialisation secondaire. Les règles sociales et politiques, les valeurs morales et civiques en vigueur dans le système scolaire sont inculquées dès le plus jeune âge aux enfants scolarisés. La formation intellectuelle et professionnelle sanctionnée par un diplôme ouvre l esprit et facilite l accès à la culture et au monde du travail. b) L école face à de nouveaux défis. La difficulté à remplir son rôle de certification. Document n 6 : Évolution du nombre de sortants sans qualification 170 000 160 000 150 000 140 000 130 000 120 000 110 000 100 000 90 000 80 000 70 000 60 000 50 000 40 000 1975 1977 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 Lecture : en juin 2005, 42 000 élèves quittent le système scolaire sans un niveau de qualification reconnue. Champ : ensemble des formations initiales, France métropolitaine. NEN-DEPP, INSEE (calculs DEPP) 12

Activité 7 Complétez le texte suivant Le nombre d élèves quittant le système éducatif sans un niveau de qualification reconnue a considérablement baissé en trente ans, passant de... en 1975 à... en 2005 soit une baisse d environ... %. A retenir Si le phénomène de sortie du système scolaire sans qualification tend à diminuer il n en demeure pas moins une préoccupation importante. En effet, la qualification est un des facteurs favorisant l insertion sur le marché du travail. Néanmoins on constate que les jeunes non diplômés, même s ils sont qualifiés, sont ceux qui rencontrent les plus grandes difficultés pour trouver un emploi. Le rôle de certification de l école conserve donc une importance primordiale. Les politiques éducatives tentent donc de comprendre les causes conduisant à une sortie du système scolaire sans qualification afin de tenter d y remédier. Document n 7 Phénomène de décrochage et sorties sans qualification sont intimement liés : le décrochage et l abandon prématuré du système scolaire nourrissent largement les sorties sans qualification. C est donc, d abord, aux élèves à risques, au décrochage et à la rupture avec le système, qu il convient de s attacher. [ ] Le phénomène de décrochage lui-même, indépendamment des causes qui le provoquent, touche des types d élèves très différents et on peut distinguer quatre grandes catégories de décrocheurs : les discrets (qualifiés de «faibles mais sérieux», ce seraient les plus nombreux, pouvant passer inaperçus car ne manifestant aucun trouble de comportement, leur seul «défaut» étant de ne pas bien réussir à l école) ; les désengagés qui ne travaillent pas, alors qu ils ont les capacités nécessaires pour réussir ; les sous-performants dont le «rendement moyen est très faible» ; les inadaptés qui cumulent les problèmes, tant sur le plan des apprentissages que sous l angle des comportements. On comprend bien, dès lors, toute la difficulté qu il peut y avoir à repérer des élèves à risques ou des élèves en cours de décrochage. Le phénomène est d autant plus complexe que le décrochage se manifeste de manières très diverses. On retiendra, à cet égard, une situation qui est, à la fois, manifestation mais aussi cause de décrochage : l absentéisme dont on peut dire qu il constitue,,p pour bon nombre d élèves, une véritable «spirale de l échec». http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/brp/054000542/0000.pdf 13

Activité 8 Questions Pourquoi le décrochage est un phénomène difficile à appréhender. Expliquez le passage souligné. Des valeurs scolaires parfois contradictoires. Document n 8 Les familles et les élèves prennent de plus en plus conscience de la nécessité de la formation initiale pour l intégration professionnelle et donc sociale. Les jeunes le savent : S ils réussissent à l école, ils ne sont pas sûrs d avoir du travail - mais s ils échouent ils n en auront sûrement pas. [ ] Ce faisant, l école a changé de nature. Elle est devenue passage obligé, condition nécessaire de l insertion professionnelle et donc de l intégration sociale. L échec à l école devient donc plus dramatique qu auparavant. [ ]. Désormais ; l enjeu de la réussite scolaire angoisse aussi bien les jeunes que leur famille. [ ] Cela a des conséquences au niveau de l éducation morale et civique. Développer l esprit de concurrence évitera l exclusion...à ceux qui auront appris à se battre - au besoin en piétinant les autres. Cela débouche sur une société au pouvoir de personnes qui ne considéreront pas la convivialité comme une valeur et l exclusion comme un mal. L école est ici confrontée à une contradiction entre une certaine forme d efficacité basée sur la compétitivité et une certaine éthique de la citoyenneté et de la solidarité. Jacques Natanson, L école, facteur d exclusion ou d intégration? Revue Le Portique Activité 9 Questions Quel rôle a désormais l école dans l insertion professionnelle? Quelle conséquence cela a-t-il sur les valeurs implicitement transmises? Expliquez le passage souligné. Le défi de l intégration scolaire des enfants issus de l immigration. Document n 9 : École et intégration : l avis du Haut Conseil à l intégration Selon le Haut Conseil à l intégration, l école, pour mener à bien sa mission d intégration des enfants issus de l immigration, doit aujourd hui relever trois défis : un défi migratoire (arrivée d élèves migrants parfois non francophones), un défi social (inégalités socioéconomiques et territoriales frappant les immigrés) et un défi culturel (adhésion aux valeurs de la République de plus en plus contestée). Dans 14

son rapport annuel publié le 28 janvier 2011, le Haut Conseil formule 50 recommandations sur ce thème. Pour faciliter l intégration des enfants non francophones dans un parcours scolaire adapté, le Haut Conseil préconise d implanter les structures d accueil de ces élèves [ ] de mettre en place un accompagnement spécifique centré sur l acquisition du français et de distinguer, lors des procédures d orientation, les élèves en difficulté scolaire des élèves en situation de handicap linguistique. Pour lutter contre les inégalités sociales et l échec scolaire précoce, le HCI recommande de mieux impliquer les parents (accueil systématique en début d année scolaire), de rappeler l obligation d assiduité scolaire et de renforcer le rôle de l école maternelle. Il s agit de mettre l accent sur l apprentissage du français dès la maternelle, de spécialiser la formation des professeurs y enseignant et de rendre l école obligatoire dès 3 ans. Enfin, il est impératif de réaffirmer le principe de laïcité à l école, ce qui implique notamment de refuser tout compromis sur le contenu des programmes et sur l assiduité scolaire (quel qu en soit le motif, même religieux) et de faire respecter la laïcité par les parents accompagnateurs de sorties scolaires. www.vie-publique.fr Activité 10 Questions Qu est ce que la laïcité? Montrez en quoi les enfants issus de l immigration cumulent parfois certaines inégalités rendant plus difficile leur intégration scolaire. A retenir L école doit faire face à de multiples défis afin de lutter contre l échec scolaire. Cette lutte est d autant plus difficile que l école doit prendre en charge des populations d élèves hétérogènes (exemples : décrocheurs, issus de l immigration ) et les conduire à une qualification. La réussite scolaire, en rendant plus aisée l intégration des individus sur le marché du travail est révélatrice de l importance la fonction de certification (par les diplômes) de l école. Cependant, la possession d un diplôme n entraîne pas mécaniquement l obtention d un emploi correspondant au niveau de qualification atteint. En effet, avec les difficultés d insertion professionnelle, de nombreux jeunes subissent une déqualification à l embauche. Enfin, de nombreuses enquêtes ont montré que l on assiste à une démocratisation quantitative plus que qualitative. Ainsi, les inégalités face à l école demeurent. Les enfants d ouvriers sont moins souvent bacheliers que les enfants de cadres, et «choisissent» des filières plus courtes. 15

L école est selon le sociologue P Bourdieu «une instance légitimée de reproduction sociale». En véhiculant la «culture» des classes dominantes et en ignorant les différences culturelles qui existent entre les élèves, elle privilégie les enfants issus de milieux favorisés. À l inverse, les enfants des classes populaires ne se «retrouvent» pas dans cette culture étrangère souvent calquée, et devront franchir de nombreux obstacles durant leur scolarité. L école transmet donc parfois des valeurs en opposition avec la culture des élèves, mais est elle-même porteuse de contradiction dans les valeurs qu elle transmet et qui semblent contradictoires (compétitivité versus solidarité). 3. Le travail : vers une perte d intégration? Rempart contre l exclusion, le travail représente une des sphères privilégiées d intégration. Ce rôle s est vu conforter après la guerre quand développement du salariat rimait avec emplois stables et garanties sociales. Mais qu en est-il aujourd hui face à la hausse du chômage et à la précarisation de l emploi? a) Le travail : au fondement du lien social. Document n 10 Diriez-vous que le travail, c est d abord un moyen d épanouissement personnel 34 % une façon de trouver sa place dans la société 33 % une contrainte pour gagner de l argent 32 % Sans opinion 1 % D après un Sondage réalisé par TNS Sofres - Logica pour Pèlerin, du 10 au 13 décembre 2010 Activité 11 Questions Faite une phrase avec le nombre en gras (32) Monterez que le travail joue un rôle important dans l intégration des individus. Document n 11 Pourquoi travaille-t-on? La question paraît presque incongrue dans une société où le travail salarié est devenu, pour l immense majorité 16

de la population, la condition d accès à un revenu. Il occupe une place tellement centrale qu il est un élément essentiel du statut social. [ ] Le travail, c est le bonheur? À la question «Qu est-ce qui est pour vous le plus important pour être heureux?», les actifs citent dans 31,7 % des cas le travail. Avoir un travail est aujourd hui, dans le monde des adultes, un élément essentiel du bonheur, juste après la santé (42,2 %) et la famille (35,7 %). Cela n a pas toujours été le cas. «Nous appartenons depuis peu de temps (moins de deux siècles) à des sociétés fondées sur le travail», explique Dominique Méda. Le travail, chez les Grecs ou au Moyen Âge, ne se distinguait pas des autres activités ou était réservé aux esclaves et aux serfs.[ ] Le travail salarié est ainsi devenu la source essentielle de revenus. [ ] ces revenus assurent à celui qui les perçoit une autonomie sur le plan économique. Cette autonomie dépend du niveau de ces revenus, lequel façonne en partie les modes de vie, en donnant ou non accès à certains biens et services. Avec le développement de la société salariale, les revenus du travail ne se limitent plus au seul salaire net. Petit à petit (notamment après la Seconde Guerre mondiale en France), la protection sociale qui lui est associée est étendue : remboursement des dépenses maladie, retraite et indemnisation chômage notamment. En outre, le rapport salarial inclut une part d avenir : même dans un contexte de précarité croissante de l emploi, tout salarié espère, sinon faire une carrière, au moins améliorer sa condition. Outre un revenu, le travail est un des éléments qui déterminent la position des individus dans la société, à travers, par exemple, les responsabilités exercées, le type de métier, le lieu de l activité. Cette position se construit au fil du temps : le travail joue un rôle d intégration sociale, avec notamment l apprentissage des normes de la vie en société et la construction d un capital de relations sociales, par exemple. Louis MAURIN, Alternatives Economiques Hors-série n 44 - avril 2000 www.alternatives-economiques.fr Activité 12 Complétez le texte suivant afin de mettre en évidence les avantages procurés par le travail salarié. Vous utiliserez les termes : droits sociaux, intégration sociale, statut social, norme, revenus, consommation, identité sociale, autonome. Le travail salarié procure des... qui permettent d accéder à la... La consommation est en effet devenue une... de notre société, et ne pas pouvoir y accéder reflète des difficultés...... Ces revenus rendent par ailleurs l individu... d un point de vue économique. 17

Le travail salarié procure des... (prestations sociales, droits au versement d une pension de retraite, allocations de chômage ). Le travail salarié est un élément central du... et définit... des individus. L identité sociale se construit au fil du temps à travers les mécanismes de la socialisation dont le travail salarié en est une instance, en ce sens il participe donc à la transmission et à l intériorisation des normes permettant à l individu de vivre en société. Enfin, le travail salarié est une instance de sociabilité permettant d établir tout un réseau de relations sociales (relations professionnelles, amicales.). A retenir Le travail intègre l individu pour plusieurs raisons : Il caractérise l identité sociale de l individu et ce d autant plus que le travail reste une norme. Il lui procure aussi une certaine utilité sociale. Il est une instance de socialisation car il permet l apprentissage de la vie avec les autres, la coopération entre les individus, les échanges, en ce sens il contribue donc à intégrer les individus. L individu par son travail a une certaine utilité sociale. Il contribue à tisser des relations sociales (professionnelles, syndicales, amicales ) Il permet aussi de donner une certaine utilité sociale (je sers à quelque chose). Il permet par le revenu qu il procure d avoir accès à la consommation qui est une norme collective de notre société. Le travail n est pas seulement source de revenu. Il participe également à l intégration sociale des individus. Il permet de se construire une identité professionnelle et permet de rendre compte de l utilité sociale de chaque individu. De par les revenus qu il permet de se procurer, le travail donne accès à la société de consommation et consommer permet également de se faire connaître socialement. Le travail assure aussi des droits sociaux qui sont la preuve de la solidarité entre les individus. Puis, à l intérieur même du travail, il y a des échanges entre les individus. b) Les évolutions du marché du travail remettent en cause l intégration par le travail. Les mutations de la société Document n 12 Le chômage, la précarité et la pauvreté se sont installés au cœur de la société, en particulier parmi les moins qualifiés, les jeunes, les femmes et les familles monoparentales. Le «modèle social «français, adapté à 18

une protection des salariés dans un contexte de plein-emploi, répond désormais mal aux besoins de salariés dont beaucoup sont en emploi précaire : le temps partiel non choisi et les contrats à durée déterminée se sont généralisés dans l industrie comme dans les services. [ ] Et pourtant, depuis les années 1970, le pays s est enrichi. L insolence des riches, anciens et nouveaux, est à mettre en face des 7 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Il semble temps d adapter le modèle français à la société dite postindustrielle autrement qu en précarisant le travail, comme cela s est généralisé depuis trente ans au nom de la compétitivité internationale. L atomisation des mondes du travail a affaibli la capacité de résistance des salariés face à un monde des affaires qui se soucie peu de solidarité et de cohésion sociale, non plus que de bâtir des politiques d entreprise de long terme. Plus que jamais, les réponses appartiennent aux citoyens et aux politiques. La société française : 200 ans de mutations Gérard Vindt, Alternatives Economiques Hors-série n 89 - avril 2011 www.alternatives-economiques.fr Activité 13 Questions Définissez les termes chômage et précarité. Qui sont les populations les plus exposées au chômage et à la précarité? Expliquez le passage souligné. A retenir La montée du chômage mais aussi la diversité des formes d emploi et plus particulièrement l apparition des emplois précaires contribuent à faire perdre de sa capacité intégratrice au travail. Au sein des entreprises on assiste à une différenciation des statuts. Les salariés précaires ont davantage de difficultés à s intégrer à l entreprise mais plus généralement à la société du fait d un modèle social qui n a pas pris en compte ces évolutions. Il en découle un affaiblissement des collectifs de travail pourtant vecteur de solidarité et d intégration. Le chômage peut rompre les liens sociaux. Le chômage, correspond en soi à une rupture du lien qui rattache l individu au monde du travail. Cependant cette rupture est-elle susceptible d en entraîner d autres? Quelles conséquences le chômage peut-il avoir sur l intégration de l individu? 19

On distingue quatre grands types de liens sociaux : Le lien familial ou lien de filiation qui lie l individu au membre de sa famille et fonde notamment le couple. Le lien de participation élective c est-à-dire les relations affinitaires avec les amis, les proches, les voisins Le lien de participation organique qui fait référence à l analyse du Durkheim et aux interdépendances entre les individus. Le lien de citoyenneté qui désigne les modes de participation à la vie institutionnelle d un pays. Le chômage est un processus cumulatif puisqu il peut, en provocant la rupture du lien organique effriter les autres liens sociaux : être à l origine de problème familiaux, de divorces, isoler l individu de son entourage 4. Le rôle de l État dans l intégration : citoyenneté et État providence. En France, l État a joué un rôle central dans la constitution de la nation et du lien social. La société française vit sur l idée d une «communauté nationale» dont l État est le dépositaire et le garant. a) L intégration par la citoyenneté mise à mal par l abstention? La citoyenneté est la qualité de celui qui participe aux affaires de la Cité, en prenant part à la vie politique et aux décisions collectives de leur société. «Est citoyen toute personne membre d une communauté politique donnée. Cette appartenance confère des droits civils, sociaux et politiques ainsi que des obligations.» On peut distinguer trois grandes dimensions de la citoyenneté qui se sont successivement imposées : citoyenneté civique (droits civiques : libertés, égalité au Xième) citoyenneté politique (droit de vote puis suffrage universel) citoyenneté sociale (droits économiques et sociaux ; exemples la protection sociale en France) La citoyenneté est un lieu d intégration global : elle transcende les particularismes, elle relègue à la sphère privée toutes les appartenances particulières (religieuses, historiques, culturelles). La fonction de la citoyenneté que de donner un cadre moral à l individu en lui proposant de nouvelles valeurs et un nouvel idéal susceptibles de recréer une homogénéité des comportements. 20