INSTITUT DE RECHERCHE ET DÕENSEIGNEMENT SUR LES COOPƒRATIVES DE LÕUNIVERSITƒ DE SHERBROOKE. FacultŽ dõadministration



Documents pareils
Cristallisation dõapplication musicales par collaboration

Dispoziþii tranzitorii ºi finale

ABORDABILITƒ ET CHOIX TOUJOURS (A C T) PROJET DE RATIONALISATION DU PROCESSUS D'APPROBATION

les inondations dans le sous-sol de ma ržsidence

Guide de la planification financière de la retraite

Guide du coordinateur de système du SCI modulaire 4.0

Public Administration Programmes in France

Focus ASSOCIATION TREMPLIN : dix ANS de TuTORAT

PROGRAMME DE MATHEMATIQUES SERIE G

ZI PARIS NORD II 305, Rue de la Belle Etoile B.P ROISSY C.D.G. CEDEX

TRANSFERT DE LA BASE DE DONNEES DE LA BIBLIOTHEQUE DU LSE VERS LE WEB

Xserve. FonctionnalitŽs clžs

Document d information n o 1 sur les pensions

POLITIQUE D ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

I. MODULE DÕINTRODUCTION AUX ORDINATEURS. Yannis Delmas 1999, IUFM de Paris

Le directeur gžnžral (gžrant de bande) et l'administration des bandes indiennes

LA SOLIDARITE INTERNATIONALE ET LES ENTREPRISES.

Migration: un plus pour la Suisse Relations entre État social et migration: la position de Caritas

Article. Bien-être économique. par Cara Williams. Décembre 2010

Conférence mondiale sur les déterminants sociaux de la santé. Déclaration politique de Rio sur les déterminants sociaux de la santé

pas de santé sans ressources humaines

"Arr te! C'est ici l'empire de la mort". la porte au-dessus de laquelle

Organisation de dispositifs pour tous les apprenants : la question de l'évaluation inclusive

Discours à la communauté d affaires française Montréal, 6 février 2014 Résidence du Consul général

Final Cut Pro 4. La nouvelle ržfžrence pour le montage vidžo. Nouvelles fonctionnalitžs clžs

Inégalités de salaires et de revenus, la stabilité dans l hétérogénéité

le QuEbec POUR Enrichir Affirmer les valeurs communes de la société québécoise

LES ORGANISMES DE BIENFAISANCE, LES CITOYENS ET LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL :

Le FMI conclut les consultations de 2008 au titre de l article IV avec le Maroc

Le Plan libéral pour les soins familiaux

Après quatre tests d évaluation passés dans des pays différents (USA et Amérique latine), la norme SA 8000 a été validée et diffusée.

Conseil d administration Genève, mars 2000 ESP. Relations de l OIT avec les institutions de Bretton Woods BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL

ÉNONCÉ DE PRINCIPES LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE DES PRODUITS D ASSURANCE

Pourquoi le Canada a besoin de services bancaires postaux

L assurance de Groupe. 10 questions souvent posées sur l assurance de groupe

Les Principes fondamentaux

Exposé au Comité spécial sur les coopératives de la Chambre des communes 7 août 2012

CHARLES DAN Candidat du Bénin pour le poste de Directeur général du Bureau international du Travail (BIT)

Le projet malaria. copyright 2002, EMBL

Bonsoir, Mesdames et Messieurs,

CRÉDIT D IMPÔT POUR LA PRODUCTION DE TITRES MULTIMÉDIAS VOLET GÉNÉRAL INVESTISSEMENT QUÉBEC

La gestion des risques en entreprise de nouvelles dimensions

Rédiger et administrer un questionnaire

La retraite. n est pas un privilège! Avant-propos. Qu est-ce que le RREGOP? En savoir plus sur le RREGOP pour mettre fin aux malentendus

PIERRE MARTELL PRéSIDENT MARTELL HOME BUILDERS

LUTTER POUR UNE MEILLEURE SANTÉ : QUE PEUT-ON FAIRE DANS NOTRE QUARTIER?

Quelles ressources pour vivre seul, en 2014, dans une commune du Doubs? Essai d évaluation

DEVENIR TUTEUR DANS LE MEILLEUR INTÉRÊT DE L ENFANT

Agricultures paysannes, mondialisation et développement agricole durable

CAISSE D ÉCONOMIE SOLIDAIRE DESJARDINS

Sources de revenu et autonomie des immigrants âgés au Canada SOMMAIRE

Hausse du crédit bancaire aux entreprises au Canada

Réduire la pauvreté : comment les collectivités territoriales peuvent-elles être des catalyseurs du développement économique pro-pauvre?

»»»» CONCILIATION FAMILLE-TRAVAIL OU COMMENT RÉCONCILIER LES DEUX MONDES DANS LESQUELS NOUS ÉVOLUONS? DÉFINITION

Coût des opérations bancaires

UN REVENU QUOI QU IL ARRIVE

DOCUMENT DE TRAVAIL SUR LES RÉGIMES DE RETRAITE PRIVÉS DU MINISTÈRE DES FINANCES (JANVIER 2009)

INFORMATIONS SUR LE DROIT DE LA FAMILLE

Utiliser le secteur privé comme levier?

Cadre complet de mieux-être en milieu travail Présenté par : Marilyn Babineau, Réseau de santé Horizon Isabelle Duguay, Réseau de santé Vitalité Le 7

Le creusement des inégalités touche plus particulièrement les jeunes et les pauvres

educationsolidarite.org

Intervention de M. Assane DIOP Directeur exécutif, Protection sociale Bureau international du Travail, Genève ***

Service de presse novembre 2014

Réception de Montréal Secteur des valeurs mobilières. Discours d ouverture

Passeport pour ma réussite : Mentorat Vivez comme si vous mourrez demain. Apprenez comme si vous vivrez éternellement Gandhi

Introduction à l évaluation des besoins en compétences essentielles

75 ANS D HISTOIRE EN CHIFFRES :

PRÉPARER LA RELÈVE DANS LE MONDE DE L ÉVALUATION: LE CONCOURS DE SIMULATION DU POINT DE VUE DES COMMANDITAIRES

Profits et pauvreté: la dimension économique du travail forcé

Charte de la laïcité à l École Charte commentée

TOUR DE FRANCE NOUVEAU DIALOGUE FORUM-DEBAT POITIERS

Fiche 7: Privatisation et eau

Comité des produits Discours du Directeur général. 29 mai DISCOURS D OUVERTURE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL AU COMITÉ DES PRODUITS.

PRIORITÉS POUR LE BUDGET FÉDÉRAL DE 2012

Les défis du mandat d une Équipe itinérante : prévenir les glissements

Le domaine point-ca est le meilleur choix pour toute entreprise canadienne qui veut établir une présence en ligne

MÉMOIRE CONSEIL QUÉBÉCOIS DU COMMERCE DE DÉTAIL SUR LE DOCUMENT DE CONSULTATION VERS UN RÉGIME DE RENTES DU QUÉBEC RENFORCÉ ET PLUS ÉQUITABLE

LE DON : UN MODELE DE MANAGEMENT AU SERVICE DE LA COOPERATION

Assemblée publique annuelle novembre 2011 Trois-Rivières, QC. allocutions de

Le Québec, terre de traduction

J ai droit, tu as droit, il/elle a droit

Attention aux prêts prédateurs!

Cadre de travail sur les relations avec les gouvernements et la défense des droits. Société canadienne de la sclérose en plaques

«La Mutualité Française ouvre de nouveaux chantiers innovants.»

Intervenir à l étranger Une revue des règlements canadiens ayant trait aux activités à l étranger

Lignes. directrices. droits. d enfants. d accès. Pour l expertise en matière de garde. et des. février 2oo6

Garth LARCEN, Directeur du Positive Vibe Cafe à Richmond (Etats Unis Virginie)

Les obstacles : Solutions envisageables :

Commentaires de l ICÉA à la Commission canadienne de l UNESCO - Suivi de CONFITEA VI page 2

Nouvelle stratégie européenne d action pour la jeunesse «Investir en faveur de la jeunesse et la mobiliser»

Groupe de la Banque africaine de développement. ALLOCUTION D OUVERTURE DE M. OMAR KABBAJ Président du Groupe de la Banque africaine de développement

solutions Investir dans des Plan stratégique

Avis légal. I 2 FISCALLIANCE 2011 L Incorporation des Courtiers Immobiliers du Québec

4.04 Etat au 1 er janvier 2013

Dossier de presse. Semaine nationale de la création reprise d entreprises artisanales. Du 18 au 25 novembre 2011

Étude 2013 sur la. reconnaissance des bénévoles. Contenu. Comment les bénévoles canadiens souhaitent-ils que leurs contributions soient reconnues?

Conseil régional. Plan d action régional Outaouais

NOTE DE PRESENTATION DU PROGRAMME STATISTIQUE DE L UEMOA

LES ÉLÈVES INSCRITS EN FORMATION PROFESSIONNELLE ET LEURS BESOINS SPÉCIFIQUES DE SOUTIEN À LA PERSÉVÉRANCE ET À LA RÉUSSITE. QUI SONT-ILS VRAIMENT?

Transcription:

INSTITUT DE RECHERCHE ET DÕENSEIGNEMENT SUR LES COOPƒRATIVES DE LÕUNIVERSITƒ DE SHERBROOKE FacultŽ dõadministration LA CONTRIBUTION DU MODéLE COOPƒRATIF AU DƒVELOPPEMENT AXƒ SUR LE GENREÊ: LE CAS DES COOPƒRATIVES FƒMININES DÕEXTRACTION ET DE COMMERCIALISATION DÕHUILE DÕARGANIER AU MAROC par ISABELLE DRAINVILLE Bacheli re s science (anthropologie) de lõuniversitž de MontrŽal MƒMOIRE PRƒSENTƒ pour obtenir LA MAëTRISE és SCIENCES (GESTION ET DƒVELOPPEMENT DES COOPƒRATIVES) Sherbrooke JUILLET 2001

AVANT-PROPOS LÕaccomplissement de cette recherche de ma trise est le fruit de plusieurs mois de travail au cours desquels jõai pu compter sur lõappui et la disponibilitž de nombreuses personnes. Je tiens donc ˆ prendre quelques lignes pour leur exprimer ma gratitude. Mes premiers remerciements vont ˆ M. Michel Lafleur, directeur de mon mžmoire, pour lõintžr t, la rigueur et les encouragements quõil ma džmontrž. Je remercie aussi Mme. Nicole St-Martin et M. Paul PrŽvost pour les critiques constructives quõils portent ˆ mon travail. Cette Žtude nõaurait pas pu tre ržalisže sans la participation des femmes des coopžratives Tafyoucht, Amal et Ajddigue. Leur accueil a ŽtŽ des plus chaleureux et leur collaboration enti re. Je les ai grandement appržcižes. Je tiens aussi ˆ remercier M. Judith Larivi re, coopžrante volontaire avec Oxfam-QuŽbec au Maroc, son intžr t, son enthousiasme ainsi que son soutien ont ŽtŽ hautement significatif dans le džroulement et la ržussite de mon Žtude sur le terrain. JÕaimerais souligner la pržsence de M. Mahmoud Bchini, Mme ƒlizabeth Warddle et M. Denis LÕHeureux, respectivement coopžrants volontaires et repržsentant ržgional avec Oxfam-QuŽbec au Maroc, pour leur appui dans ce projet. Je profite de lõoccasion pour remercier le Bureau canadien de lõžducation internationale et lõagence canadienne de džveloppement internationale pour le financement mõayant permis la ržalisation de lõžtude terrain. Mes derniers remerciements mais non les moindres sont adressžs ˆ mes proches pour lõappui moral qui mõont toujours džmontrž, plus pržcisžment ˆ M. Abdellatif Masmoudi pour son appui et sa complicitž, Mme. JosŽe St-Arnaud et mes tr s chers parents pour leurs pržcieux commentaires sur cet ouvrage. i

LISTE DES SIGLES ACDIÊ: Agence canadienne de džveloppement international AQOCIÊ: Association qužbžcoise des organismes de coopžration internationale CCCIÊ: Conseil canadien pour la coopžration internationale CRDIÊ: Centre de recherche en džveloppement international GEDÊ: Genre et džveloppement GERPEÊ: Groupe dõžtudes et de recherche pour la promotion dõessaouira IFDÊ: IntŽgration des femmes au džveloppement ODCOÊ: Office de džveloppement coopžratif marocain ONGÊ: Organisation non-gouvernementale DhÊ: Dirham marocain (unitž monžtaire marocaine, un dollars canadien vaut approximativement 7 dirhams marocains). ii

TABLE DES MATIéRES Avant-propos Liste des sigles utilisžs i ii Introduction gžnžrale 1 1.0 ProblŽmatique 4 1.1 ProblŽmatique gžnžraleê: la situation des femmes dans le monde 5 1.2 ProblŽmatique spžcifiqueê: la participation des femmes au džveloppement 7 1.2.1 ExclusivitŽ fžminine dans les projets de džveloppement 10 1.2.2 Le mod le coopžratifê: un outil de džveloppement durable 11 1.3 Le terrain de rechercheê: le Maroc 13 1.3.1 Les motivations personnelles 13 1.3.2 Le contexte marocain 14 1.3.3 Le mouvement coopžratif marocainê: discours et ržalitžs 17 a)gen se du džveloppement et Žtat des lieux 17 b)la coopžration au fžminin 21 1.4 Question de recherche 22 1.4.1 Sous-questions 22 1.4.2 DŽfinitions des concepts 22 1.4.3 Le partenaire de recherche 26 2.0 Cadre de travail 28 2.1 Le mod le de džveloppement durable 29 2.2 Analyse stratžgique des coopžratives 31 2.3 LÕapproche genre et džveloppementê: thžorie et outils dõanalyse 33 3.0 MŽthodologie 37 3.1 Une džmarche exploratoire 38 3.2 Une recherche Žvaluative 40 3.3 RŽflexions ŽpistŽmologiques et paradigme de recherche 43 3.3.1 Une recherche fžministe 44 3.3.2 Le constructivisme comme paradigme 45 3.4 La stratžgie de rechercheê: lõžtude de cas multiples 46 3.5 MŽthode de cueillette de donnže 47 3.5.1 LÕobservation participante 48 3.5.2 LÕentrevue semi-structurže 49 3.5.3 LÕentrevue libre 50 3.6 LÕŽchantillon 50 3.7 LÕanalyse des donnžes 52 iii

3.8 La validitž et la fiabilitž de la recherche 52 3.8.1 FiabilitŽ de lõinstrument de collecte de donnžes 52 3.8.2 ValiditŽ de lõinstrument de collecte de donnžes 53 3.8.3 ValiditŽ externe de la recherche 56 4.0 PrŽsentation et analyse des ržsultats 58 4.1 Les coopžratives fžminines dõarganierê: 3 Žtudes de cas 59 4.1.1 Objectifs des projets 59 a) La promotion socio-žconomique des femmes 59 b) La sauvegarde de lõarganeraie 61 c) La lutte contre la džsertification 62 4.1.2 ƒtude de cas no 1Ê: CoopŽrative Tafyoucht 62 a) Historique et Žtat des lieux 62 b) ƒchantillon 63 c) Les femmes au džbut de leur expžrience 64 i Conditions de vie et situation des femmes 64 ii Acc s ˆ la coopžrative 65 iii IntŽgration 65 iv Non-mixitŽ 67 v Attentes des femmes 67 4.1.3 ƒtude de cas no 2Ê: CoopŽrative Ajddigue 70 a) Historique et Žtat des lieux 70 b) ƒchantillon 72 c) Synth se du cheminement des femmes dans la coopžrative 73 i Conditions de vie et situation des femmes 73 ii Acc s ˆ la coopžrative 74 iii Participation et appropriation 75 iv Non-mixitŽ 76 v Effets du projet 76 4.1.4 ƒtude de cas no 3Ê: CoopŽrative Amal 79 a) Historique et Žtat des lieux 79 b) ƒchantillon 80 c) Synth se du cheminement des femmes dans La coopžrative 81 i Conditions de vie des femmes 81 ii Acc s ˆ la coopžrative 81 iii Participation et appropriation 82 iv Non-mixitŽ 84 v Effets sociaux du projet 85 vi Effets Žconomiques du projet 86 4.1.5 Synth se des effets 88 4.1.6 La qualitž de vie selon les femmes 90 4.2 Des projets de džveloppement durable 92 iv

4.3 PŽrennitŽ sociale et viabilitž financi re des coopžratives 93 4.3.1 Perspective de lõassociation 94 a) Usage 94 b) PŽrennitŽ 94 c) Organisation de lõactivitž 97 d) IntercoopŽration 98 e) Aspects collectifs et communautaires 99 4.3.2 Perspective de lõentreprise 100 a) Technologie 100 b) Ressources humaines 101 c) Finances 102 d) Commercialisation 103 e) Secteur dõactivitž 104 4.4 Application de lõapproche genre et džveloppement 106 4.4.1 La division du travail selon le genre 107 4.4.2 LÕacc s et le contr le aux ressources et bžnžfices 111 4.4.3 Les facteurs dõinfluence 113 4.4.4 La condition et la situation 114 4.4.5 Les besoins pratiques et intžr ts stratžgiques 116 4.4.6 Les niveaux de participation 118 4.4.7 Les possibilitžs de transformation 119 4.5 ModŽlisation Žmergente 122 5.0 Mod le de džveloppement axž sur le genre 123 5.1 PrŽsentation du mod le 124 5.2 Composantes du mod le 126 5.2.1 ProblŽmatique 126 5.2.2 Organisations partenaires 126 5.2.3 Intrants 126 5.2.4 ActivitŽs des partenaires 127 5.2.5 La coopžrative 128 5.2.6 Production et commercialisation de biens 129 5.2.7 Pleine participation associative 129 5.2.8 Acquisition, intžgration et džveloppement des diffžrents savoirs 130 5.2.9 Le processus dõžquitž 131 5.2.10 Le processus dõempowerment 131 5.3 Lieux dõamžlioration 132 5.4 RŽflexions et recommandations 134 Conclusion 136 Annexe 1Ê: Objectifs du guide dõentrevue 140 v

Annexe 2Ê: Guide dõentrevue 142 Annexe 3 : Grille dõanalyse stratžgique 146 Bibliographie 148 Entrevues 151 vi

INTRODUCTION GƒNƒRALE 1

Le džveloppement fait couler beaucoup dõencre. En effet, le džveloppement se retrouve bien souvent au cïur de discussions, de formations, de reportages, dõarticles, de nouvelles, de sommets et bien sur, de travaux de recherches. SÕil est un phžnom ne que lõon continue encore et encore dõžtudier pour mieux le comprendre, il est aussi la ržalitž de bien des populations qui vivent les applications que sõžvertuent ˆ en faire les intervenants ˆ lõžchelle locale et internationale. Les motifs quõentretiennent les intervenants et acteurs du džveloppement se rejoignent principalement autour de la notion ultime dõamžlioration des conditions de vie pour les populations. Les questions sur le džveloppement peuvent avoir diffžrentes pržoccupations et une de ces pržoccupations concerne la notion du genre dans le processus de džveloppement. CÕest cet aspect du džveloppement qui attire plus particuli rement mon attention et mon intžr t. En effet, ˆ travers mes courtes expžrience ˆ lõžtranger, jõai souvent ŽtŽ tžmoin de pratiques de džveloppement visant ˆ tout prix la participation des femmes. CÕest bien peu dire que de dire ˆ tout prix, car ces pratiques sõav rent souvent totalement inefficaces et nõont comme consžquence que de perpžtuer et renforcer des comportements discriminants et injustes ˆ lõžgard des femmes sans prendre en considžration leurs besoins ržels et leur situation. CÕest sur ce constat que sõest fondž mon intžr ts ˆ voir ce quõil pouvait en tre de projets mettant en Ïuvre le mod le coopžratif comme structure de džveloppement. Mon Žtude sõest džroulže au Maroc pour des raisons que jõexplique un peu plus loin dans ma problžmatique. Le pržsent ouvrage pržsente donc ma recherche de ma trise dan ses diffžrentes Žtapes. Je pržsenterai dõabord la problžmatique ˆ laquelle je me suis intžressž ainsi que lõobjet de la recherche. Dans un deuxi me temps, jõžlaborai sur la mžthodologie utilisže pour effectuer la 2

recherche et qui me permettra de ržpondre ˆ mon questionnement initial. Puis suivra la pržsentation et lõanalyse des ržsultats terrain et le mod le de džveloppement qui en Žmerge. Finalement, je conclurai et Žmettrai mon appržciation du travail effectuž. Encore une fois, le džveloppement fera couler beaucoup dõencreé 3

1.0 PROBLƒMATIQUE 4

1.1 ProblŽmatique gžnžraleê: la situation des femmes dans le monde De tout temps, les femmes ont assurž la reproduction et le maintien de la force de travail en mettant les enfants au monde, en les Žduquant et en entretenant les travailleurs par la prise en charge des t ches domestiques. Hors, le vingti me si cle aura ŽtŽ celui de remises en question profondes sur cet Žtat de fait. De nombreux constats sont venus questionner la division sexuelle du travail et ses consžquences sur la qualitž de vie des femmes. La qualitž de vie peut tre džfini comme Žtant composže ˆ la fois des conditions de vie matžrielles des femmes et de leur situation sociale dans leur appartenance au genre fžminin. Ces deux concepts sont fondamentaux dans lõapproche genre et džveloppement et seront džfinis plus loin dans la problžmatique spžcifique. Un premier constat majeur est la reconnaissance mondiale qui est faite de lõžtat de subordination dans lequel les femmes vivent. Un deuxi me constat est lõincapacitž des femmes ˆ ržpondre ˆ leurs besoins en tant que principales responsables de lõžducation et des soins aux enfants. Un troisi me constat est la quasiinvisibilitž du travail des femmes et la non-reconnaissance par lõžtat et la socižtž car ce travail nõest pas comptabilisž comme de la productivitž mais bien comme un devoir naturel. Ces constats sont reližs entre eux et nous m nent ˆ la consžquence gžnžrale de la pauvretž vžcue par les femmes ainsi que de lõžtat de džpendance Žconomique et sociale et de sousdžveloppement qui en džcoule. Il est reconnu que ÇÊles femmes et les personnes ˆ leur charge forment la majoritž des pauvres dans le mondeêè 1. Selon les donnžes du CRDI Canada, ÇÊplus 1 LƒVY, Mythes et ržalitžsê: au-delˆ du discours, ˆ la recherche dõun Žquilibre, Revue canadienne dõžtudes du džveloppement, UniversitŽ dõottawa, 1995, p.150. 5

de 70% des 1,3 milliards de personnes qui vivent dans la plus profonde pauvretž dans le monde sont des femmesêè 2. De plus, ÇÊLes femmes et ce m me si elles ne constituent pas un groupe homog ne, sont souvent parmi les personnes les plus vulnžrables. Il nõy a pas de socižtž o les femmes ont les m mes possibilitžs que les hommesêè 3 Ces faits nous m nent ˆ la poser une ržflexion sur le syst me patriarcal tel quõil est vžcu par la presque totalitž des socižtžs. Ce syst me produit et maintient des inžgalitžs entre les genres. Hors, il semble y avoir eu une premi re rupture dans le syst me au niveau des r les traditionnels attribužs aux femmes. La libžration fžminine, qui a eu son point culminant dans la deuxi me moitiž du vingti me si cle, marquže par lõentrže des femmes sur le marchž du travail productif, le met bien en Žvidence. Ces changements majeurs dans les socižtžs sont largement ponctužs des mouvements Žconomiques et politiques en place et ˆ bien des Žgards, ils ont eu pour effet dõaugmenter les inžgalitžs et dõempirer la qualitž de vie des femmes. Il est possible dõobserver des inžgalitžs marqužes dans presque tous les domaines. Toujours selon les donnžes du CDRI CanadaÊ: en Žducation, les deux tiers des 960 millions dõanalphab tes dans le monde sont des femmes et les deux tiers des 100 millions dõenfants qui abandonnent lõžcole au cours des quatre premi res annžes du primaire sont des filles. Les femmes occupent moins de la moitiž des emplois sur le marchž du travail et moins de 14% des postes dõadministration et de gestion dans le monde. Il nõy a aucun pays o le revenu moyen des femmes soit Žgal ˆ celui des hommes et aucun o les femmes soient sur le point de constituer la moitiž de lõassemblže lžgislative nationale 4. 2 CRDI. LÕanalyse Genre, un outil de recherche, 2000, http://www.idci.ca/gender/tool_f.html, p3. 3 Ibid 4 Ibid 6

La fin de ce si cle est marquže par une pržoccupation mondiale plus importante que jamais ˆ propos du r le des femmes dans les socižtžs et de leurs revendications juridiques, Žconomiques et sociales. Une Žnorme t che a ŽtŽ accomplie jusquõˆ maintenant et de nombreux progr s ont džjˆ ŽtŽ ržalisžs. Soulignons la džcennie des Nations-Unies pour les femmes de 1975 ˆ 1985, lõžtablissement dõun minist re de la condition fžminine dans plusieurs pays du monde et les forums internationaux des Nations-Unies servant de vžritables plates-formes de travail pour les revendications fžminines partout dans le monde (Labrecque, 1997). Cependant, nous pouvons affirmer que tant que les femmes continuent de vivre dans un Žtat de subordination et de sous-džveloppement, de survivre ˆ la pauvretž et ˆ ses consžquences et de se voir refuser des possibilitžs parce ce quõelles sont des femmes, la situation nõest pas acceptable et il est parfaitement pertinent de la considžrer comme problžmatique. 1.2 ProblŽmatique spžcifi queê: la participation des femmes au džveloppement Au džbut des annžes 1970, les politiques dõindustrialisation dans les pays dit en džveloppement ont entra nž la fžminisation des emplois et de la force productive de travail. Cela sõest traduit avec lõoccupation par les femmes dõemplois pržcaires, peu ržmunžržs avec de faibles possibilitžs dõavancement (LŽvy, 1991). M me si les femmes contribuaient bel et bien ˆ la croissance Žconomique de leur pays, cette situation nõa fait que maintenir et empirer la pauvretž vžcue par celles-ci. De plus, elle a considžrablement džgradž leur qualitž de vie et ce, en leur attribuant davantage de fonctions sans tenir compte de leurs besoins et des infrastructures nžcessaires pour y ržpondre. Rappelons ici queê: 7

la croissance Žconomique est lõaugmentation de lõactivitž Žconomique mais elle nõinforme pas sur la qualitž de vie des personnes. Le džveloppement a un sens plus qualitatifê: cõest lõamžlioration durable des conditions de vie de la population 5. Face ˆ ce constat, le besoin sõest fait sentir de džfinir de nouvelles approches de džveloppement qui sont plus justes et plus durables. Depuis les trente derni res annžes, la participation des femmes au džveloppement socio- Žconomique de leur pays, via la participation ˆ des activitžs productives, est devenue une pržoccupation majeure autant pour les acteurs locaux quõinternationaux. Nous pouvons certainement qualifier dõžnorme le travail qui sõest fait au sein des organisations dõappui au džveloppement pour inclure et favoriser la participation des femmes dans le džveloppement Žconomique et social de leur pays et ce, afin quõelles puissent sortir du cercle de la pauvretž. La plupart des organisations locales et internationales de džveloppement qui interviennent dans les projets de džveloppement, ont mis sur pied des programmes visant spžcifiquement les femmes et ce, par souci dõorienter leur support et leurs ressources vers les besoins particuliers de celles-ci ainsi que pour favoriser et permettre leur pleine participation au džveloppement de leur socižtž. La cržation de projets gžnžrateurs de revenus a ŽtŽ fortement ciblže et mise de lõavant comme stratžgie pour permettre aux femmes lõamžlioration de leur qualitž de vie dans un contexte dõžconomie nžo-libžrale mondialisž. En quelques sortes, cette stratžgie vise la cržation dõespace accessibles aux femmes, leur permettant dõacqužrir une autonomie financi re. Elle vise aussi ˆ mettre en 5 B. BRET, Le Tiers-Monde, Croissance, džveloppement, inžgalitž, Paris, Žditions Marketing, 1995. 8

place des lieux dõapprentissage politique et social pour celles-ci. Cependant, il faut considžrer que puisque la plupart des projets sõinscrivent dans une idžologie de džveloppement capitaliste o la domination masculine est fortement ancrže, soit les femmes tendent ˆ reproduire des sch mes de comportements masculins, soit leurs actions sont compl tement dissimulžes dans la dominance patriarcale qui englobe le capitalisme. Ë travers les nombreuses variables qui entrent en jeu, il devient difficile dõy voir clair et de maintenir le cap sur les objectifs et buts ultimes reližs au fžminisme. CÕest pourquoi, il est important de džfinir des param tres de džveloppement pour tre en mesure dõžtablir des balises claires dans les projets contenant des objectifs spžcifiques en regard des buts ultimes visžs. Le Canada sõest dotž dõune politique en cette mati re. Cette politique a ŽvoluŽ dans le temps passant dõune approche dõçêintžgration des femmes au džveloppementêè, ˆ une approche ÇÊgenre et džveloppementêè. Ces approches Žmettent toutes deux une pržoccupation pour la participation des femmes au džveloppement mais il faut voir que les buts et objectifs quõelles proposent diff rent considžrablement. La premi re, soit lõapproche IFD, avait pour but de relever le statut des femmes et de favoriser le džveloppement dans son ensemble. Plusieurs projets en venaient ˆ percevoir les femmes comme une force de travail majeure et essentielle au džveloppement socio-žconomique dõun pays. Le but de cette intžgration est rapidement devenu le renforcement du džveloppement par lõexploitation de la force de travail fžminine. Cette approche a suscitž de nombreux questionnements quant ˆ sa cohžrence et son opportunitž. Selon Maria Mies, ÇÊlÕintŽgration des femmes au džveloppement sõest 9

transformže dans le tiers-monde en une fa on de manipuler la force de travail des femmes pauvres pour occuper les t ches les moins payžes du processus de production capitalisteêè 6 De la remise en question de cette approche et des changements qui lui ont ŽtŽ apportžs est nže a deuxi me approche, soit lõapproche GED. Celle-ci a pour but dõaider les femmes ˆ se prendre en charge et de faire partager les bžnžfices du džveloppement ˆ lõensemble des hommes et des femmes. Elle tente donc dõamžliorer la qualitž de vie des femmes en leur permettant de participer au džveloppement socio-žconomique de leur pays et ainsi avoir un certain pouvoir et un certain contr le sur la fa on la plus adžquate de ržponde ˆ leurs besoins. Cette approche ˆ comme point de džpart historique la reconnaissance de la subordination des femmes. Elle vise ultimement ˆ Žliminer la subordination du genre fžminin au genre masculin. CÕest cette approche qui est actuellement la plus ržpandue chez les organisations non gouvernementales de solidaritž internationale dans leurs pratiques de džveloppement avec les femmes. Il sera davantage question des principes de cette approche et de ses objectifs un peu plus loin. 1.2.1 ExclusivitŽ fžminine dans les projets de džveloppement Les projets de džveloppement visant la participation des femmes peuvent prendre deux tangentesê: soit ils sont mixtes et incluent femmes et hommes dans un m me projet, soit ils sont non-mixtes et donc exclusivement ržservžs aux femmes. Dans les džfauts de lõun se 6 M. MIES, Patriarchy and accumulation on a world scale: Women in the international Division of Labour, London, Zed Books, 1986, p.49. 10

trouvent les avantages de lõautre et vice-versa. Les projets exclusivement ržservžs aux femmes pržsentent un certain danger en ce quõils peuvent contribuer ˆ maintenir et perpžtuer la division sexuelle du travail, tout particuli rement lorsquõils sont constitužs dõactivitžs traditionnellement effectužes par les femmes (Labrecque, 1997). DÕailleurs, selon LabrecqueÊ: nombreuses sont les chercheuses qui sont sceptiques ˆ propos de la capacitž de ces projets ˆ contribuer ˆ lõžlimination de la subordination des femmesê mais il faut aussi prendre en considžration le fait quõil est souvent difficile dõintžgrer des objectifs fžminins dans les plus gros projets. Bien souvent, les objectifs spžcifiques concernant les femmes sont dilužs parmi les objectifs des projets jusquõˆ tre oubližs compl tement. 7 CÕest dans cette perspective quõil est important de considžrer la non-mixitž dans les projets comme pouvant tre un atout considžrable pour atteindre des objectifs particuliers aux femmes et ržpondre ˆ leurs besoins spžcifiques et ržels. 1.2.2 Le mod le coopžratifê: un outil de džveloppement durable DiffŽrentes formules sõoffrent aux femmes afin de participer au džveloppement socio- Žconomique de leur pays via des activitžs gžnžratrices de revenus. Parmi ces outils, nommons le micro-crždit avec Žducation destinž ˆ la cržation de micro-entreprises et le džveloppement coopžratif. Ces deux moyens sont ržguli rement promus par les organisations dans leurs stratžgies pour favoriser lõinsertion des femmes au džveloppement. CÕest le mod le coopžratif qui sera retenu pour la pržsente recherche. Tout dõabord, parce que jõy vois un projet global de socižtž qui va au-delˆ du džveloppement Žconomique et parce que ce 11

mod le joue un r le considžrable dans le džveloppement de la socižtž civile de par les fondements et les valeurs quõil vžhicule. Comme le souligne Ghazali et Diebold, ÇÊle syst me coopžratif est profondžment humaniste, lõensemble des valeurs qui le constituent refl tent une constante valorisation de lõhumain, qui est mis au centre de ses constructions sociales et ŽconomiquesÊÈ 8. Le mod le coopžratif est certainement pertinent comme moyen dõintžgration des femmes dans le džveloppement, dans la lutte contre la pauvretž et lõamžlioration de leur qualitž de vie de fa on durable. LÕapplication de ce mod le permet aux femmes de sõassocier pour džmarrer une entreprise qui ržpondra ˆ leurs besoins, qui gžnžrera localement lõactivitž Žconomique et sociale et dans laquelle il est supposž quõelles pourront participer pleinement. JusquÕˆ pržsent, peu dõžtudes Žvaluent les retombžes de ce processus de džveloppement sur les conditions de vie des femmes qui sõy impliquent et le r le spžcifique du mod le coopžratif dans ces retombžes. Il est pourtant essentiel dõžvaluer cette dimension du phžnom ne pour tre en mesure de bien le comprendre, de voir dans quelle mesure il ržpond aux objectifs et besoins des participantes. Il devient ainsi possible dõen faire un outil efficace dans les projets de džveloppement socio-žconomique ayant la transformation des genres comme pržoccupation majeure. 7 M-F. LABRECQUE, Sortir du labyrinthe, Les Presses de lõuniversitž dõottawa,1997, p.38. 8 A. GHAZALI et C. DIEBOLD, Les coopžratives au Maroc, Rabat, Fondation Friedrich Ebert, 1993, p.109. 12

1.3 Mon terrain de rechercheê: le Maroc Cette recherche pourrait tre ržalisže dans nõimporte quel pays, mais jõai du arr ter mon choix sur un pays plut t quõun autre. JÕai choisi le Maroc pour plusieurs raisons dõordre personnel, contextuel et pratique. 1.3.1 Motivations personnelles Au cours de ma formation de premier cycle en anthropologie, je me suis davantage spžcialisže sur le Maghreb et la condition fžminine. Un premier sžjour au Maroc mõa ouvert les portes sur un pays riche en diversitžs, o les questions dõidentitž culturelle, de pouvoir et de traditions sont en pleine Žbullition. Un aper u gžnžral de la socižtž marocaine, du mouvement associatif du pays et plus particuli rement du mouvement associatif fžminin, mõa permis de mieux comprendre les enjeux de ce pays, de džvelopper une certaine compržhension de ses ržalitžs ainsi que dõorienter spžcifiquement mon intžr t pour les pratiques de džveloppement avec les femmes. Dans la perspective dõy effectuer une collecte de donnžes pour mon projet de recherche de ma trise, ce premier sžjour dans le pays faisait en sorte de faciliter mon intžgration et mon adaptation ˆ la vie quotidienne ainsi que ma capacitž ˆ effectuer cette recherche. Il me permettait aussi dõobtenir la collaboration dõun ržseau džjˆ Žtabli de personnes, ce qui ne pouvait que me rendre la t che plus ržaliste et agržable. Je pense quõil ne fait pas de doutes que le choix du Maroc comme terrain pour ma collecte de donnžes empiriques sõappuyait largement sur la connaissance džveloppže lors de mes expžriences pržcždentes. 13

1.3.2 Contexte marocain Pays o traditions et modernitž se c toient quotidiennement, le Maroc a amorcž un processus de džmocratisation et de modernisation mais semble vivre une certaine stagnation aux dires de sa jeunesse, aux prises avec des probl mes de ch mage chronique. Le rythme auquel les choses changent dans le pays est certes lent mais nul doute que des bases solides se construisent graduellement au niveau du džveloppement Žconomique et social du pays. Le r le quõy joue la socižtž civile est majeurê: celle-ci tend de plus en plus ˆ se džvelopper et ˆ se prendre en charge pour combler des besoins auxquels lõžtat est incapable de ržpondre. Dans toute cette mouvance vers la modernitž, accompagnže de ržformes socio-žconomiques mises en place par lõžtat, les femmes constituent un ŽlŽment majeur, mais comme le rappelle Anissa Benzakour-Chami, Çcomme partout ailleurs, elles sont un enjeu essentiel en temps de criseè 9. La socižtž marocaine Žtant fortement patriarcale dans ses structures, les femmes vivent ŽnormŽment de discriminations et ce dans pratiquement toutes les sph res de la socižtžê: au niveau de lõžducation, de la politique, de la lžgislation, des relations sociales, des traditions culturelles et des traditions religieuses. DÕapr s Anissa Benzakour-Chami, ÇÊles r gles de gestion et de comportements sociaux sont le ržsultat dõune production culturelle misogyne abusivement attribuže ˆ lõislamêè 10. Cette situation est directement liže au vžcu des femmes et se ržpercute directement sur leurs conditions de vie et les difficultžs quõelles rencontrent ˆ sõinsžrer dans le džveloppement socio-žconomique du pays en tant que personne responsable. 9 A. BENZAKOUR-CHAMI, Femmes et institutions, Žditions CNRS, Paris, 1996, p.169. 10 Ibid 14

Colette Dowling souligne clairement cette discrimination en montrant comment elle devient un handicap pour les femmesê: lõžducation dispensže aux jeunes filles ne leur apprend pas ˆ se jeter ˆ lõeau ou ˆ entrer en compžtition avec les hommes. Le besoin de džpendance est enfoui dans lõenfance. Vivre de fa on moderne, cõest-ˆ-dire se prendre en charge, signifie lõisolement, voir la rupture avec lõentourage, ce pourquoi la femme marocaine nõa pas ŽtŽ pržparž psychologiquement. 11 Ce nõest que ržcemment que les femmes ont commencž ˆ occuper lõespace public traditionnellement ržservž aux hommes. Ce phžnom ne est parfaitement visible dans les centres urbains mais lõest beaucoup moins lorsque lõon se džplace en ržgion rurale o la construction du pouvoir continue de se faire sur cette configuration sociale des espaces sžparžs. Comme le mentionne Kanouni-Bennis, ÇÊCÕest ainsi que le pouvoir repose sur le maintien et la sžparation croissante de lõespace public ržservž aux hommes et de lõespace privž ržservž aux femmesêè 12. Cette situation permet de comprendre ˆ quel point il peut tre difficile, voir contraignant et repoussant pour une femme de tenter de sõapproprier du pouvoir. De plus, il appara t essentiel dõen tenir compte dans lõanalyse de toute džmarche visant lõinsertion des femmes dans le džveloppement. Bien que nous puissions affirmer sans probl me que les femmes du Maroc constituent actuellement une composante active importante du processus Žconomique de par leur entrže sur le marchž du travail salariž, il faut toutefois nuancer le propos quant au processus social qui est sensž lõaccompagner. Il est vrai quõune part considžrable des femmes disposant dõun 11 C. DOWLING, Le complexe de cendrillon, Paris, Žditions Grasset, 1981. 12 F. KAKOUNI-BENNIS, Le statut de la femme marocaine face ˆ la crise, Žditions CNRS, annuaire de lõafrique du Nord, tome XXVI, 1987, p.321. 15

certain niveau dõinstruction ont acc s ˆ un travail salariž dans le secteur formel et vivent un processus dõžmancipation et dõhabilitation considžrable. DÕailleurs, Benzakour-Chami nous informe que, ÇÊplus que lõinstruction, cõest le travail salariž qui a entra nž le mouvement social le plus important dans le pays. LÕacc s de la femme au travail et ˆ un salaire lui offre la possibilitž de disposer dõelle-m me, chose inconcevable autrefoisêè 13. Il faudrait peut- tre voir ces deux phžnom nes comme indissociables car le niveau dõinstruction permet certainement de meilleures conditions de travail et assure en quelque sorte une plus grande capacitž dõhabilitation et de responsabilisation des femmes. Cependant, pour les femmes, lõacc s au travail salariž nõžquivaut absolument pas ˆ lõacc s ˆ un niveau de vie meilleur et ˆ lõždification de leur ŽquitŽ avec les hommes. La grande majoritž des femmes qui ont un travail salariž dans le secteur formel ou informel ne jouissent pas de conditions de travail Žquitables et sont confinžes ˆ des emplois pržcaires qui les maintiennent dans le sousdžveloppement. Selon Kanouni-BennisÊ: les secteurs qui jouent un r le central dans lõžconomie marocaine (79% des exportations du pays) ont le taux dõactivitž fžminin le plus ŽlevŽ mais dans lõžchelle la plus basse (les ouvri res). Cette main-dõïuvre est la plus demandže car pleine de qualitžsê: sous-payže, non-syndiquže, peu prise en charge par la sžcuritž sociale, facilement renouvelable, peu concurrente pour les hommes. 14 Le Maroc rural est composž de femmes ayant peu ou pas dõinstruction. Cette situation nõest pas exclusive aux ržgions rurales mais elle y est fortement gžnžralisže. Les ržgions rurales vivent dõžnormes problžmatiques de pauvretž reližes ˆ lõanalphabžtisme de la population, la 13 A. BENZAKOUR-CHAMI, Femmes et institutions, Žditions CNRS, Paris, 1996, p.175. 14 F. KAKOUNI-BENNIS, Le statut de la femme marocaine face ˆ la crise, Žditions CNRS, annuaire de lõafrique du Nord, tome XXVI, 1987, p.321. 16

sžcheresse, lõisolement et lõžloignement des grands centres urbains. Cette pauvretž se ržpercute principalement et directement sur les femmes car elles ont ˆ leur charge de nourrir les familles et dõžduquer les enfants. Nombreuses sont celles qui se retrouvent chef de mžnage avec plusieurs enfants ˆ leur charge parce quõelles ont ŽtŽ ržpudižes ou parce quõelles sont veuves. Le travail devient alors une nžcessitž pour ržpondre aux besoins fondamentaux de leur famille mais comme le rappelle Benzakour-Chami ÇÊlÕŽventail des solutions est plut t restreint, elles peuvent vivre de charitž, faire des mžnages ou se prostituerêè 15. M me pour les femmes marižes, la situation financi re de la famille est souvent pržcaire si bien quõelles doivent envisager dõaccžder ˆ un emploi ržmunžrž et elles font alors face aux m me difficultžs. 1.3.3 Mouvement coopžratif marocainê: discours et ržalitžs a) Gen se du džveloppement et Žtat des lieux CÕest dans les džbuts du protectorat fran ais que les premi res coopžratives ont vu le jour au Maroc. Les autoritžs fran aises les utilisaient ˆ titre de moyen pour favoriser la colonisation rurale. Vers la fin des annžes 1930, la lžgislation coopžrative fran aise a ŽtŽ transposže dans le cadre marocain et cõest ˆ ce moment quõont ŽtŽ cržžes les premi res coopžratives en milieu marocain. MalgrŽ tout, le phžnom ne demeurait tr s peu ržpandu. Suite ˆ lõindžpendance, la coopžration est devenue fortement liže aux programmes Žtatiques de džveloppement dans certains secteurs Žconomiques. DÕapr s Ghazali et Diebold, Ç Au Maroc, on a recours ˆ la 15 A. BENZAKOUR-CHAMI, Femmes et institutions, Žditions CNRS, Paris, 1996, p.172. 17

coopžration, en tant quõžlžment plus ou moins important, dans les options de ržformes Žconomiques et sociales envisagžes au lendemain de lõindžpendanceêè 16. Le mouvement coopžratif nõest pas nž des mouvements sociaux associatifs mais de diffžrentes organisations des sph res politiques, Žtatiques et syndicales qui y voyaient une solution aux probl mes agricoles. CÕŽtait une stratžgie entrevue par lõžtat pour ržpondre aux probl mes Žconomiques. Ghazali et Diebold soul vent que ÇÊce nõest que tr s rarement que les coopžratives ont ŽtŽ une ržaction des intžressžs contre leurs difficultžs Žconomiques et socialesêè 17. Cette ržalitž donne en quelque sorte le ton au mouvement. M me si elle a ŽtŽ greffže en quelque sorte ˆ un mod le de džveloppement Žconomique, la formule coopžrative trouvait des antžcždents dans lõhistoire du pays. DÕune part, le droit coutumier berb re offre deux exemples dõinstitutions communautaires traditionnelles desquelles il est possible dõžtablir des points de convergence avec le mod le coopžratif tel que džveloppž en Europe au 19 e si cle. Le džveloppement de lõesprit dõentraide et dõune manifestation dõune certaine solidaritž y sont des ržfžrences majeures. Il sõagit premi rement de ÇÊlÕIgguidarÊÈ qui constitue un vžritable grenier collectif des biens dõune communautž. Cette forme de coopžration Žtait bien connue de la plupart des pays dõafrique avant la colonisation europženne. Deuxi mement, il est question de la ÇÊtiwiziÊÈ, il sõagit de corvžes collectives dont le but est de ržaliser certains travaux pržcis au profit dõun membre de la communautž ˆ la fois ou bien de toute la communautž en m me temps. Aux dires de Ghazali 16 A. GHAZALI et C. DIEBOLD, Les coopžratives au Maroc, Rabat, Fondation Friedrich Ebert, 1993 p.88 17 Ibid p.121 18

et Diebold, ÇÊcÕest la manifestation la plus saillante de lõentraide dont peuvent faire preuve les membres des communautžs rurales marocaines les uns ˆ lõžgard des autresêè 18. DÕautre part, il existe plusieurs points de convergence entre les traditions islamiques qui gouvernent la vie en communautž et les valeurs coopžratives. En effet, la religion musulmane entretient un idžal o les actions Žconomiques et sociales dõune socižtž doivent tre au service des individus la composant dans son ensemble. Toujours selon Ghazali et Diebold, ÇÊla socižtž de droit musulman nõa pas uniquement un but lucratif, elle englobe le concept dõassociation pour lõentraide et lõassistance mutuelleêè 19. Malheureusement, les activitžs traditionnelles solidaires ont ŽnormŽment perdu de leur importance au Maroc avec la džsagržgation du tissu socio-žconomique traditionnel de la socižtž rurale. Cependant, il reste tout de m me lžgitime dõaffirmer que la coopžration repržsente une caractžristique sociale dans la culture et la socižtž marocaine. Comme dans bien des pays en džveloppement, le mouvement coopžratif marocain sõest construit avec lõintervention de lõžtat, ce qui a eu de multiples effets nžgatifs. Comme le soulignent Ghazali et DieboldÊ: la coopžration tend ˆ perdre sa spžcificitž originelle au contact des ržalitžs du Tiers-Monde. La plupart des analyses consacržes au phžnom ne coopžratif dans les pays en džveloppement mettent en cause lõintervention de lõžtat dans les coopžratives et les effets gžnžralement nžgatifs pour la promotion dõune coopžration authentique qui en džcoule. 20 18 A. GHAZALI et C. DIEBOLD, Les coopžratives au Maroc, Rabat, Fondation Friedrich Ebert, 1993 p.123. 19 Ibid p.121 20 A. GHAZALI et C. DIEBOLD, Les coopžratives au Maroc, Rabat, Fondation Friedrich Ebert, 1993 p.124. 19

De multiples politiques pour promouvoir la coopžration ont ŽtŽ mise en branle et les consžquences en sont le reflet. LÕŽtat a maintenu un rapport dõassistanat avec les coopžrateurs, cet assistanat se traduisant par des politiques financi res et dõappui technique appliquant un favoritisme excessif envers les coopžratives. Tout ceci a immobilisž les coopžratives dans un Žtat de džpendance ne leur permettant pas de devenir autonome et indžpendante de lõžtat dans leur fonctionnement tout en maintenant une mentalitž dõassistžs chez les membres coopžrateurs. DÕailleurs, comme lõadministration marocaine voyait le džveloppement coopžratif comme une ržponse aux besoins Žconomiques du pays, tout lõaspect associatif Žtait une formalitž plut t quõune stratžgie pour favoriser le džveloppement de la socižtž civile et la responsabilisation des citoyens. Il nõest donc pas Žtonnant de constater quõapr s soixante ans dõexistence, le mouvement coopžratif marocain nõest toujours pas solide et quõil est principalement composž dõentreprises fragiles et džpendantes de lõžtat au plan financier et technique. Les coopžrateurs ont plus ou moins dõappartenance ˆ leur coopžrative et ont džveloppž une passivitž face ˆ celle-ci. De plus, les infrastructures coopžratives de 2 e et de 3 e niveau visant ˆ solidifier et consolider le mouvement sont toujours inexistantes. Il semble donc que le secteur coopžratif au Maroc est tel que, sans la pržsence de lõžtat, qui le contr le et lõoriente, il risque de sõeffondrer. Dans un tel contexte de subordination, il devient extr mement complexe pour des coopžrateurs, souvent analphab tes et sans connaissances techniques sur le fonctionnement associatif et entrepreneurial, de mettre en pratique les principes coopžratifs et dõen faire un vžritable outil de džveloppement humain. Ainsi, les coopžrateurs et coopžratrices restent bien souvent ouvrier dans leurs actions comme dans leur discours. La 20

perception quõils et elles ont de leur coopžrative džnote bien souvent une absence dõappropriation et džmontre clairement quõils ne sõy identifient pas. Dans une perspective de participation des femmes au džveloppement, il est pertinent de sõinterroger sur la capacitž dõhabilitation de la coopžrative sur les femmes impliqužes. b) La coopžration au fžminin Lors de lõatelier National sur les coopžratives de femmes au Maroc tenu ˆ Mehdia en 1999, la formule coopžrative a ŽtŽ clairement identifiže comme Žtant favorable ˆ lõintžgration des femmes au džveloppement ainsi quõžtant une vžritable Žcole au džveloppement de la socižtž civile par la responsabilisation, lõexpžrience de la džmocratie et la solidaritž. Selon les intervenants impliqužs dans cet atelier, la formule coopžrative voit sa diffžrence dans son pouvoir de renforcer les capacitžs des femmes ˆ jouer un r le Žquitable dans le džveloppement gr ce entre autre au potentiel dõapprentissage quõil conf re et ce, en mati re lžgislative, financi re, quant aux droits et devoirs, lõexpression, la džmocratie, la solidaritž, le contr le et la gestion des ressources, la commercialisation, lõinnovation, etc. Mais dans la pratique, cette diffžrence est-elle vžritablement vžcue par les femmes? Les premi res coopžratives exclusivement fžminines ont vu le jour en 1950. Cependant, leur croissance en terme de nombre devait tre lente jusquõen 1990 o il y a eu une Žmergence importante. En effet, de 1990 ˆ nos jours, il y a eu une hausse de 46% des coopžratives de femmes. Il y a actuellement 136 coopžratives fžminines, ce qui constitue 3,26% du tissu coopžratif national et qui inclut la participation de 4800 femmes. Cette multiplication a eu 21

lieu en partie gr ce ˆ lõappui des organismes gouvernementaux et non-gouvernementaux autant locaux quõinternationaux. Ces coopžratives sont ržparties dans le secteur de lõartisanat (61%), de lõagriculture (38%) et de lõhabitat (1%). Toutefois, un constat gžnžral est Žtabli sur le manque dõefficacitž chez ces coopžratives, ce qui les place souvent dans une situation problžmatique. Ce manque dõefficacitž est gžnžralement attribuable ˆ trois facteurs, soit la faiblesse au niveau de la gestion et de lõadministration, la difficultž de commercialisation des produits coopžratifs et la non-performance dans lõaccompagnement et lõappui aux coopžratrices et coopžrateurs. Il est clair que ce manque doit se ržpercuter sur la capacitž de la coopžrative ˆ amžliorer la qualitž de vie des femmes et il est lžgitime de se demander dans quelle mesure les femmes peuvent participer de fa on effective au džveloppement ˆ travers ces structures? 1.4 Question de recherche Par quel processus le džveloppement coopžratif fžminin au Maroc peut-il permettre aux femmes de sõhabiliter pour participer au džveloppement socio-žconomique du pays et ainsi contribuer ˆ amžliorer leur qualitž de vie? 1.4.1 Sous-questions Quelles sont les effets des projets coopžratifs sur la qualitž de vie des femmes impliqužes? 22

Dans quelle mesure le džveloppement coopžratif fžminin ržpond aux objectifs de lõapproche genre et džveloppement? Quelles sont les habiletžs džveloppžes et celles ˆ tre džveloppžes pour que le džveloppement de coopžratives fžminines ait un impact positif sur la qualitž de vie des femmes? Quelle est la pžrennitž des projets coopžratifs fžminins non initižs par leur membres? 1.4.2 DŽfinition des concepts ProcessusÊ: ÇÊSŽrie de phžnom nes successifs formant un tout et aboutissant ˆ un ržsultat džterminžêè 21. EffetsÊ: ÇÊSe rapportent directement aux ržsultats ˆ moyen terme du projet. Dans le cas pržsent, elles sont ŽvaluŽes lorsque la participation du donateur a pris finêè 22. SocialÊ: Ce qui a trait aux dynamiques entre les humains qui constituent un groupe et les relations entre les groupes et les diffžrentes institutions au sein dõune socižtž. ÇÊQui concerne la socižtž comme telle (us et coutumes, mïurs, institutions, lois, etc.), qui concerne les rapports entre les classes dõune socižtž et les probl mes posžs principalement par les inžgalitžs de richesses ou de moyens matžriels entre les individus dõune socižtž donnžeêè 23. 21 L-M. MORFAUX, Vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines, Žditions Armand Colin, Paris, 1980, p.288. 22 ACDI, Guide des indicateurs tenant compte des Žcarts entre les hommes et les femmes, 1996, p.21. 23

ƒconomiqueê: A trait ˆ la gestion des biens et services et aux syst mes qui ržgissent les Žchanges de biens et services dans une socižtž. Çʃtude ou science de la production, de la redistribution et de la consommation des richesses, en entendant par richesses tout ce qui poss de une valeur dõžchange. LÕŽconomique džsigne plus particuli rement les conditions matžrielles de la vie en socižtž comme manger, boire, se v tir, se logerêè 24 CoopŽrative : Selon le cadre juridique des coopžratives au Maroc, chapitre 1 er, article 1 erê : ÇÊLa coopžrative est un groupement de personnes physique, qui conviennent de se ržunir pour cržer une entreprise chargže de fournir, pour leur satisfaction exclusive, le produit ou le service dont elles ont besoin et pour la faire fonctionner et la gžrer en appliquant les principes fondamentaux džfinis ˆ lõarticle 2 ci-apr s et en cherchant ˆ atteindre les buts džterminžs ˆ lõarticle 3 de la pržsente loiêè. DŽveloppement coopžratifê: ActivitŽs visant le džmarrage et la consolidation de coopžratives comme moyen collectif de ržpondre ˆ un besoin commun. QualitŽ de vieê: La qualitž de vie est ici composže des conditions de vie quotidiennes jugžes satisfaisantes et de la situation sociale liže au genre. Ce sont deux concepts inclus dans lõapproche genre et džveloppementê: La condition touche lõžtat matžriel des femmes, leur champs dõexpžrience immždiate. Si vous demandez ˆ une femme de džcrire sa vie, elle džcrira 23 L-M. MORFAUX, Vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines, Žditions Armand Colin, Paris, 1980, p.333. 24Ibid p.95 24

probablement sa conditionê: le type de travail quõelle accomplit, ses besoins et ceux de ses enfants (eau potable, alimentation, Žducation), o elle vit, etc. 25 La situation renvoie ˆ la position sociale et Žconomique des femmes comparativement ˆ celle des hommes en mesurant par exemple lõžcart des salaires, les chances dõacc s ˆ un emploi, la participation aux instances lžgislatives, la vulnžrabilitž face ˆ la pauvretž et la violence, etc. 26 Parall lement, le concept de qualitž de vie tiendra compte des crit res que les femmes en donne. Ces crit res seront exposž dans suite aux Žtudes de cas. HabilitationÊ: Selon lõacdi, ÇÊLÕhabilitation, cõest la prise en charge de leur propre vie par les individus: ils Žtablissent leurs propres objectifs, acqui rent les compžtences dont ils ont besoin, ont davantage confiance en eux, r glent leurs probl mes et apprennent lõautonomie. CÕest ˆ la fois un processus et un ržsultat.êè 27 ParticipationÊ: DÕapr s lõacdi, elle rev t deux sensê: ÇÊLa participation ˆ un projet formulž de lõextžrieur, qui fournit habituellement du travail sous une forme quelconque, notamment lorsquõil sõagit dõun projet comportant des travaux ržmunžržs en argent comptant ou des activitžs ržmunžratrices.êè 28 ÇÊLa participation ˆ la prise de džcision et au contr le du projet pendant tout le cycle de ce dernier, et qui comprend probablement lõexžcution de certains travaux.êè 29 25 CCCI et al. Un autre genre de džveloppement, Ottawa, 1991, p.35 26 Ibid 27 ACDI, Guide des indicateurs tenant compte des Žcarts entre les hommes et les femmes, 1996, p.47. 28 ACDI, Guide des indicateurs tenant compte des Žcarts entre les hommes et les femmes, 1996, p.41. 29 Ibid 25

1.4.3 PartenaireÊ: Oxfam-QuŽbec Nombreuses sont les organisations locales et internationales qui travaillent ˆ diffžrents niveaux pour favoriser la participation des femmes au processus de džveloppement. Parmi ces organisations se trouve Oxfam-QuŽbec, une association de džveloppement international sans but lucratif. LÕassociation est active au Maroc depuis 1994. Elle a pour mission de travailler avec la population et les associations locales en vue dõun džveloppement durable. Elle exerce son support de trois fa onsê: soit par lõenvoi de coopžrants volontaires, par le financement de petits projets et par la gestion de grands projets de džveloppement communautaire. Ses prioritžs dõintervention au Maroc sont en deux voletsê: dõune part, lõinsertion socio-žconomique des femmes par la promotion et lõappui au džmarrage de coopžratives fžminines, la formation professionnel, le micro-crždit pour les femmes et dõautre part, lõaccompagnement social dans le secteur de lõeau. Oxfam-QuŽbec a pour philosophie ÇÊquÕune des meilleures fa ons dõassurer un vžritable džveloppement, cõest de laisser ˆ la femme toute la place qui lui permettra, ˆ lõžgal de lõhomme, de produire le džveloppementêè 30. Parmi les projets auxquels lõassociation a participž, on compte la mise sur pied de trois coopžratives fžminines dõextraction et de commercialisation dõhuile dõarganier. Impliquant au total plus de 90 femmes et se trouvant ˆ diffžrents stades de džveloppement, ces trois coopžratives pržsentaient une belle opportunitž afin dõobtenir des donnžes empiriques me permettant dõžlaborer quelques ŽlŽments de ržponse dans mon questionnement de recherche. 30 OXFAM-QUƒBEC, ODCO, GTZ, Atelier National sur les coopžratives de femmes, 2000, Rabat, p.11. 26

Tout en me permettant dõatteindre mes fins, cette conjoncture devenait une occasion intžressante pour Oxfam-QuŽbec dõobtenir une Žtude pržsentant les principaux effets de ces coopžratives sur la qualitž de vie des femmes impliqužes. Cela pouvait certainement avoir plusieurs utilitžs telles queê: leur donner un aper u du chemin parcouru par les femmes dans les projets quõils appuient; leur fournir un outil pour mesurer les efforts consentis par lõassociation dans lõappui au džveloppement du pays et valider la pertinence de leur axe dõaction; appuyer sõil y a lieu la mise sur pieds de nouveaux projets en justifiant leur nžcessitž par des ržsultats concrets. Les coopžratives impliqužes peuvent Žgalement bžnžficier de la recherche car elles y trouvent des recommandations quant ˆ leur fonctionnement ainsi quõune image claire du chemin quõelles ont parcouru ˆ titre dõorganisation mais aussi ˆ travers les femmes qui y travaillent. Une telle recherche vient documenter et questionner le džveloppement du mouvement coopžratif marocain et, plus spžcifiquement, la contribution que les femmes peuvent y faire. DÕun autre c tž, cette recherche permet dõžvaluer la contribution que le džveloppement coopžratif effectue dans lõamžlioration de la situation socio-žconomique des femmes du pays. Elle peut donc tre dõun grand intžr t pour lõoffice de džveloppement des coopžrative du Maroc tout comme pour les organisations de promotion fžminine et ce, dans lõorientation de leurs luttes pour les droits et la place des femmes dans la socižtž. 27

2.0 CADRE DE TRAVAIL 28

Le cadre de travail ržf re ˆ un ensemble dõoutils et de concepts thžoriques dõapr s lesquels les donnžes observžes sur le terrain sont ŽvaluŽes. Dans cette recherche, il se compose de 3 principaux axes, soit le džveloppement durable, le mod le coopžratif et lõapproche genre et džveloppement. 2.1 Le mod le du džveloppement durable ÇÊLe džveloppement durable a comme principale caractžristique de permettre aux populations pržsentes de ržpondre ˆ leurs besoins sans compromettre la capacitž des gžnžrations futures de ržpondre aux leursêè 31. ÇÊIl se compose de trois volets, soit le džveloppement Žconomique, le džveloppement de la communautž ainsi que le džveloppement ŽcologiqueÊÈ 32. Par le džveloppement Žconomique est entenduê: la croissance Žconomique lõexpansion des marchžs la hausse des profits collectifs Le džveloppement de la communautž se traduit parê: lõautonomie locale la satisfaction des besoins humains 31 Rapport Brundtland (Commission mondiale sur lõenvironnement et le džveloppement), Notre avenir ˆ tous, Žditions du fleuve, MontrŽal, 1998, 113-139 29