DON DU VIVANT SITUATION(E) AMBIGUE(S) Société Francophone de Dialyse Université d ÉTÉ BICHAT 19 juin 2015 Chantal RAIMBAULT Psychologue Transplantations Rénales Transplantations cardiaques CHRU de TOURS
Rappel des Confrontations psychiques à la maladie chronique rénale ELLE EST - peu ou pas visible, - silencieuse, - souffrance corporelle et psychique. ELLE évolue avec le temps, et ce jusqu au stade terminal marquant la défaillance de l organe confrontant ainsi le malade à sa finitude. ELLE lui rappelle alors qu en absence de traitement substitutif, ELLE aboutit à la mort.
Rappel des Confrontations psychiques à la maladie chronique rénale Cette perception/expérience renvoie le sujet à des confrontations à : Son corps insuffisant, Sa faillite, Son manque, sa passivité, Son impuissance corporelle avec une réelle menace sur l intégrité psychique La prise de conscience de l impact de la dialyse peut se faire qu au moment du retour au domicile (la dialyse assimilée à un soin corporel lors de l hospitalisation)
Répercussions psychiques du vécu en dialyse Le sujet se retrouve alors aux prises, à un moment de survie, à affronter le substitut de la maladie rénale chronique, souvent très fantasmé Implications psycho-affectives : des contraintes temporelles, collectives, diététiques (restrictions alimentaires, restriction hydrique, appartenance au groupe des dialysés) des contraintes physiques (fatigue post dialyse) des modifications corporelles : image corporelle dégradée renvoyant l impuissance du corps une activité professionnelle impactée (renvoyant encore à l impuissance, à l inutilité) des pertes d autonomie - dépendance à l équipe soit recherchée dans un aspect régressif, - dépendance mal tolérée (source de mutilations) des contraintes socio-familiales (redistribution des rôles dans la famille, dans le couple, difficultés pour les vacances), des vécus de maladie «honteuse» (ne pas impacter le quotidien du couple, de la famille)
Période pré et post-greffe rénale «Etre le même mais plus pareil» Selon histoire personnelle et familiale, la dynamique de la famille, Selon sa structure de personnalité et ses défenses, ses stratégies d adaptation, Selon le vécu de la maladie, le vécu de la dialyse. Le sujet est alors aux prises avec une période d intense travail psychique avec : Un processus de deuil Des mécanismes d «incorporation psychique» du greffon Une ambivalence à l égard du greffon Des sentiments de déception et de désillusion Des blessures et failles narcissiques Une confrontation à la mort, à sa propre mort, et à la mort éventuelle de la personne donneuse
Une Greffe réussie d un point vue psychologique???? Pour qu une greffe soit réussie, il faut que s accomplisse un travail psychique pour qu une représentation de soi suffisamment solide puisse se penser, se repenser ou se maintenir. L effraction de l enveloppe corporelle par la chirurgie et la mise en place de l organe du donneur dans le corps du receveur nécessite tout ce travail psychique afin que le personne puisse le vivre sans craindre d être transformé, ou d avoir perdu sa propre identité. «JE EST UN AUTRE» Il faut aussi que le sujet greffé puisse conserver des liens suffisamment bons avec la personne donneuse, avec les médecins et les équipes soignantes (Néphrologue et/ou de Dialyse), mais aussi avec son entourage familial et social.
Don du vivant Le Don Le don est porteur d une valeur symbolique. Chaque personne donneuse vient céder LIBREMENT et GRATUITEMENT un rein à son proche, dans l attente de la poursuite ou de l amélioration de ses liens avec le malade. Ces liens seront ou non améliorés, le don sera suivi ou non d un contre-don Le don est également un système de reconnaissance mutuelle (M. MAUSS P. BOURDIEU - D. LE BRETON) - DONNER - RECEVOIR DON et CONTRE-DON - RENDRE
Don du vivant Le Don La position difficile de la personne receveuse souvent mis en position de demandeur La personne receveuse se retrouve aux prises avec l incertitude propre du don ce qui la libère de l obligation de rendre MAIS qui est un intolérable l amenant à ne pas vouloir demander La personne receveuse est prise dans un mouvement paradoxal (le don est exigé mais le rendre est impossible) La procédure du don d'organes est relativement éprouvante pour les familles «fragiles» Retentissements sur le fonctionnement familial ou conjugal (réaménagement des rôles dans la famille, redistribution des positions dans le couple), Réactivations de situation œdipienne mal résolue, Emergence de fantasme de réparation de la personne receveuse
Don du vivant La personne Receveuse Certaines difficultés d'ordre psychologique ont pu être rencontrées : - l'ambivalence par rapport à la personne donneuse en raison de la dette ressentie visà-vis de ce dernier qui peut mettre en échec la réussite existentielle de la greffe. Le travail sur la valeur symbolique du corps peut aider le sujet à trouver le sens du don => Assumer des liens non prévus car inattendus venant construire ou reconstruire le champ de la relation. - un sentiment d'envahissement par l'organe de l'autre, - des troubles liés à la représentation symbolique du rein, pouvant affectant la sexualité, - un sentiment de culpabilité en cas d'échec de la greffe, lié à l'impression - de n'avoir pas su prendre soin de l'organe du donneur, - d avoir déposséder l Autre de sa bonne santé.
Don du vivant La personne Donneuse Certaines difficultés psychologiques ont pu être rencontrées : - des conséquences psychologiques : phases dépressives avec anhédonie, angoisses diverses voire majoration de l angoisse de mort, troubles du sommeil, des difficultés financières en cas de prolongement d arrêt de travail créant une situation paradoxale «payer au sens propre leur geste» (Ribet-Reinhart, 2009) - des difficultés relationnelles entre donneur et receveur en cas d'échec de la greffe ou du retour de la maladie initiale, pouvant aller parfois jusqu'au ressentiment voire à l'hostilité - des représentations symboliques inconscientes du rein, avec des répercussions sur la sexualité du donneur
Pour Conclure Le don d organes reste sans doute une des expériences humaines les plus troublantes et les difficiles à assumer malgré l amélioration de santé et de qualité de vie censés restaurer. Dans le don du vivant, la source du danger de Recevoir pour les malades semble demeurer : - dans la dette à rembourser, - dans la résolution du paradoxe (sens du don contre-don), - dans l impact sur la dynamique familiale, - dans le risque de perdre le sens de son identité. Il est donc important de penser ou repenser le rapport de confiance entre malade, famille et néphrologue (et, bien sûr les autres professionnel(le)s de santé).
MERCI, MERCI aux patients et à leur famille, aux équipes médicales et paramédicales avec lesquelles mon travail est quotidien, aux responsables des services de : - Néphrologie - Transplantations Rénales - Dialyse du CHRU de TOURS et également au Dr Béatrice Birmelé et à chacun (e) pour votre attention. Excellente fin de journée