RÉPUBLIQUE ET CANTON DU JURA



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Transcription:

RÉPUBLIQUE ET CANTON DU JURA TRIBUNAL CANTONAL CHAMBRE ADMINISTRATIVE 69 / 04 Président a.h. : Pierre Theurillat Juges : Daniel Logos et Pierre Boinay Greffière : Françoise Stocker ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2004 dans la procédure liée entre A., domiciliée à K., - représentée par Me Vincent Willemin, avocat à Delémont, recourante, contre le Service de l action sociale, Fbg des Capucins 20, 2800 Delémont, intimé, relative à la décision sur opposition de l intimé du 28 mai 2004.

2 CONSIDÉRANT En fait : A. Par décision du 12 mars 2004 confirmée ensuite d opposition le 28 mai 2004 le Service de l action sociale a supprimé à partir du mois de novembre 2003 les prestations d aide sociale dont A. bénéficiait depuis novembre 2002. Dans ses motifs, le Service de l action sociale relève que A. était propriétaire avec son ex-mari d une maison sise au Portugal et estimée à 79'170 euros. Dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, A. est devenue seule propriétaire de cette maison, moyennant le versement de 40'901.45 euros à son ex-mari. Pour pouvoir payer ce montant, elle a contracté un emprunt hypothécaire de 50'000 euros en février 2003. Sur la base de ces faits, le Service de l action sociale estime que A. dispose d une fortune correspondant à la part qu elle a obtenue suite à la liquidation du régime matrimonial. Elle aurait pu réaliser sa fortune en vendant sa maison, ce qui lui aurait permis de subvenir à ses besoins sans requérir l aide sociale. Le Service de l action sociale retient en outre que A. n a pas fourni des renseignements complets et véridiques sur sa situation lorsqu elle a déposé sa demande d aide sociale. B. Par mémoire du 2 juillet 2004, A., agissant par son mandataire, a recouru contre cette décision auprès de la Chambre administrative en retenant les conclusions suivantes : 1. Annuler la décision sur opposition de l intimé du 28 mai 2004. 2. Renvoyer le dossier à l intimé pour calculer les prestations d aide sociale dues à la recourante depuis le mois de novembre 2003. 3. Sous suite des frais et dépens. A l appui de ses conclusions, la recourante précise qu elle vit à K. depuis le 15 septembre 2002 et qu elle a une petite fille, née en 1998. Elle travaille à l entreprise X. SA pour un salaire mensuel net de l ordre de Fr 2'800.-, auxquels

3 s ajoutent les Fr 350.- versés par son ex-mari pour l entretien de leur fille ainsi que les allocations familiales. Sur le fond, la recourante conteste tout d abord que la décision de suppression des prestations d aide sociale prise par l intimé le 12 mars 2004 puisse avoir un effet rétroactif au mois de novembre 2003. Si l intimé avait voulu suspendre le droit de la recourante à obtenir des prestations d aide sociale jusqu au terme de l instruction, elle aurait dû rendre une décision incidente avec indication des voies de droit, ce qui n a toutefois pas été fait. Dans ces conditions, la décision de suppression du 12 mars 2004 ne peut déployer ses effets qu à partir de cette date. S agissant de sa situation, la recourante invoque différents arguments qui doivent faire admettre, selon elle, qu elle ne dispose d aucune fortune disponible. En premier lieu, les enchères entre conjoints auxquels il a été procédé dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial sont montées jusqu à une valeur supérieure à celle de l immeuble, parce que la maison était située sur un terrain appartenant à la famille de la recourante et que celle-ci y tenait, ce que savait son mari. On ne doit dès lors pas se fonder sur la valeur vénale de 79'170 euros même si celle-ci correspond à l évaluation de l ingénieur mandaté par la banque mais on doit se tenir au montant de 49'000 euros qui correspond à l expertise effectuée en mai 2004 à la demande de la recourante. En second lieu, la recourante estime qu on ne saurait lui faire grief d avoir acheté la part de son mari sur l immeuble du Portugal, plutôt que de lui avoir vendu la sienne pour obtenir de l argent liquide. Il n est en effet pas possible de déterminer le montant qu aurait pu retirer la recourante de la vente de sa part sur l immeuble. De surcroît, il faut se fonder sur la situation telle qu elle se présente actuellement et non pas à l époque. Dans cette perspective, on ne saurait tenir compte d un état de fortune hypothétique tel qu il aurait pu se présenter pour la recourante si elle avait vendu sa part sur l immeuble à son époux. En troisième lieu, la recourante fait valoir que l immeuble dont elle est propriétaire ne constitue pas un actif disponible immédiatement ou à court terme. A cet égard, la recourante allègue qu elle a cherché à vendre son immeuble, mais sans succès jusqu à ce jour. C est la raison pour laquelle elle a proposé à l intimé de constituer un gage immobilier sur cet immeuble, comme le permet l article 38 de la loi sur

4 l action sociale dont rien n indique que son application serait limitée aux résidences principales, comme l a retenu l intimé. Du reste, l immeuble en cause ne peut pas être considéré comme maison de vacances, dès lors que la recourante et son mari ont entrepris de le construire pour y vivre. Pour démontrer qu elle ne dispose pas d éléments de fortune réalisables immédiatement ou à court terme, la recourante relève encore qu elle a voulu augmenter son hypothèque, mais que la banque a refusé cette proposition, ce qui doit faire admettre que la valeur de l immeuble ne dépasse pas le montant des dettes qui représentent environ 49'000 euros actuellement. En ce qui concerne le reproche que lui a fait l intimé de ne pas avoir fourni des renseignements complets et véridiques sur sa situation lors du dépôt de sa demande d aide sociale, la recourante admet qu elle n a pas annoncé spontanément l existence de la maison du Portugal. Elle n a toutefois pas cherché à tromper l intimé, puisque, pour elle, cet immeuble ne représente pas un élément de fortune, étant donné qu il est grevé à hauteur de sa valeur. L omission de la recourante ne doit dès lors pas conduire à lui refuser l aide sociale, dès lors qu elle a présenté entre temps une situation exhaustive. C. Dans son mémoire de réponse du 18 août 2004, le Service de l action sociale conclut au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, sous suite des frais et dépens. Dans ses motifs, l intimé reprend en la développant son argumentation antérieure. Il explique notamment qu il a appris l existence de la maison du Portugal à la lecture du procès-verbal de l audience du 23 septembre 2003 tenue dans la procédure de modification du jugement de divorce de la recourante. C est l assistante sociale en charge du dossier qui avait requis cette pièce pour vérifier le montant des pensions alimentaires dues par l ex-époux. Sur ce point, l intimé ajoute que la recourante n a pas non plus informé le Service des avances et recouvrement des pensions alimentaires que son mari lui versait des prestations sur un compte au Portugal. Il est donc légitime de se poser des questions quant à la transparence des informations transmises par l intéressée. L intimé réitère par ailleurs qu il se justifie de supprimer l aide sociale accordée à la recourante, dès lors que celle-ci dispose d une fortune immobilière qu elle pourrait

5 réaliser, que cette opération ne la mettrait pas dans une situation de rigueur excessive et que les prestations d aide sociale doivent permettre à la bénéficiaire de couvrir son entretien et non pas de se procurer un bénéfice sur une future vente d une maison. En droit : 1. Selon l article 73 de la loi sur l action sociale, les décisions prises en application de celle-ci sont sujettes à opposition et à recours conformément aux dispositions du code de procédure administrative en la matière. La compétence de la Chambre administrative est donnée par l article 160 litt. d Cpa. Déposé au surplus dans les forme et délai légaux par une personne ayant manifestement la qualité pour recourir, le recours est recevable, de sorte qu il y a lieu d entrer en matière. 2. 2.1 Selon l article 12 Cst., quiconque est dans une situation de détresse et n est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. Cette disposition ne fait que consacrer, sans en étendre la portée, le droit constitutionnel non écrit à des conditions minimales d existence, qui avait été reconnu par la jurisprudence et la doctrine ; cette jurisprudence conserve donc son entière valeur sous l empire de la nouvelle Constitution fédérale (ATF 121 I 357, consid. 2c). Le droit constitutionnel fédéral ne garantit toutefois que le principe du droit à des conditions minimales d existence et laisse au législateur fédéral, cantonal ou communal, le soin d'en fixer la nature et les modalités (ATF 2P. 196/2002, du 3 décembre 2002, consid. 4.1 ; Jean-François AUBERT / Pascal MAHON, Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, n. 4 ad art. 12). 2.2 Dans le canton du Jura, l action sociale comprend l ensemble des mesures (information et prévention, aide personnelle ou matérielle, insertion, soutien à des

6 institutions publiques ou privées) dispensées par l Etat, les communes et d autres institutions publiques ou privées pour venir en aide aux personnes en proie à des difficultés sociales ou dépourvues des moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins essentiels (art. 3 de la loi sur l action sociale, RSJU 850.1). Une personne est dans le besoin lorsqu elle éprouve des difficultés sociales ou ne peut, par ses propres moyens, subvenir d une manière suffisante ou à temps à son entretien ou à celui des personnes dont elle a la charge (art. 5 al. 2 de la loi sur l action sociale). L aide sociale est subsidiaire aux prestations découlant du droit de la famille ainsi qu aux prestations des assurances sociales et autres prestations sociales fédérales, cantonales et communales. Elle est accordée à titre de complément en cas d insuffisance des autres catégories de prestations (art. 7 de la loi sur l action sociale). L article 5 de l ordonnance sur l action sociale (RSJU 850.111) précise que le bénéficiaire de prestations sociales doit entreprendre tout ce qui est possible en vue d améliorer son autonomie financière et sociale et de réduire son besoin d aide. Les directives de la Conférence suisse des institutions d action sociale (CSIAS) vont dans le même sens. L aide sociale reste subsidiaire par rapport aux autres sources de revenus provenant de l effort personnel consenti par la personne dans le besoin, à savoir l utilisation de son revenu et de sa fortune disponibles, des prétentions de droit public ou privé, soit assurances sociales, contributions d entretien, demandes de dommages et intérêts ou bourse, ainsi que des prestations volontaires de tiers (ATF 2P. 59/2001, du 11 septembre 2001, consid. 2b). Le principe de la subsidiarité implique que l aide sociale représente le seul moyen d éliminer une situation d indigence dont le bénéficiaire n est pas responsable (ATF cité ; Félix WOLFFERS, Fondement du droit de l aide sociale, Berne 1995, p. 141). 2.3 S agissant de la propriété immobilière, les normes de la CSIAS précisent qu il n existe fondamentalement aucun droit à la conservation d un bien immobilier. Les biens immobiliers (en particulier les immeubles et les parts de copropriété) que possèdent les bénéficiaires sont considérés comme étant des ressources propres. Les propriétaires immobiliers ne doivent pas être traités autrement que ceux qui détiennent des avoirs sous forme d épargne ou de titres. En ce qui concerne les immeubles occupés par la personne soutenue, il convient de renoncer à exiger la vente de l immeuble si les conditions de maintien dans ce logement sont équivalentes ou plus favorables que celles du marché ou si le bien

7 immobilier (notamment pour les indépendants sans prévoyance professionnelle) a valeur de capital de prévoyance vieillesse. Les organismes d aide sociale peuvent également renoncer à exiger la réalisation du bien immobilier s il est vraisemblable que le bénéficiaire aura besoin d une aide peu importante, pour un intervalle court ou moyen ou si le produit de la vente serait trop peu élevé en raison des conditions du marché. Les biens immobiliers situés à l étranger sont à traiter selon les mêmes principes que ceux situés sur sol suisse. Si l autorité compétente juge opportune la conservation de l immeuble, il est recommandé de convenir d une obligation de remboursement de l aide assortie d une garantie immobilière, exigible au moment de l aliénation de l immeuble ou du décès du bénéficiaire (CSIAS 12/00 E.2.2). Wolffers relève de son côté que l aide matérielle peut également être accordée à des propriétaires d immeubles, bien que ceux-ci disposent habituellement d une fortune considérable. L autorité sociale doit examiner cas par cas si des raisons de prévoyance parlent en faveur du maintien de la propriété foncière. On renoncera en particulier à la vente du bien-fonds si la personne bénéficiaire de l aide sociale peut habiter dans un immeuble propre de taille appropriée aux conditions du marché, voire moins cher, ou si d autres raisons importantes s opposent à la vente. Selon cet auteur, on ne peut exclure de la vente que les logements en propriété, les maisons individuelles et les maisons familiales qui sont habitées par la personne bénéficiaire de l aide sociale seule ou avec des parents. En revanche, on vendra en principe les immeubles qui ne sont pas habités par la personne bénéficiaire de l aide sociale et qui servent exclusivement de placement (op. cit., p. 175/176). Il y a lieu de relever encore que l arrêté fixant les normes applicables en matière d aide sociale (RSJU 850.111.1) prévoit expressément à l article 31 que, sauf motifs dûment justifiés, l aide matérielle n est accordée qu après que le bénéficiaire a épuisé sa fortune. L alinéa 2 précise qu il est toutefois laissé à la libre disposition du bénéficiaire un montant de Fr 4'000.- pour une personne seule et un montant de Fr 2'000.- pour chaque enfant à charge, mais au maximum Fr 10'000.- par unité d assistance.

8 3. En l espèce, il convient d examiner si c est à juste titre que l intimé a considéré que la recourante disposait d une fortune qu elle pourrait réaliser. Il est établi et non contesté que la recourante est seule propriétaire d un immeuble au Portugal. Elle allègue que la valeur de sa propriété est de 49'000 euros et non pas de 79'170 euros comme l a admis le Tribunal qui a prononcé son divorce. Ce dernier montant correspond, selon elle, a une surestimation due au fait que les époux ont procédé à des enchères entre eux. Cette argumentation est toutefois contredite par une pièce produite par la recourante elle-même. Il ressort en effet de la lettre du 15 octobre 2003 de la Banque Espirito Santo que celle-ci s est fondée sur une valeur de 79'170 euros estimée par un ingénieur pour accorder un crédit de 50'000 euros à la recourante. Or, on voit mal un établissement bancaire accorder un prêt garanti par une hypothèque sans s assurer que la valeur alléguée de l immeuble mis en gage correspond bien à sa valeur effective. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient la recourante, le fait que la banque ait refusé d allouer un crédit supplémentaire ne permet pas d admettre sans autre que la valeur de l immeuble ne dépasse pas Fr 50'000.-. Dans sa lettre de refus du 2 décembre 2003, la Banque Espirito Santo n allègue du reste pas ce motif. Il est vrai que la recourante a produit une déclaration datée du 17 mai 2004 par laquelle un expert évaluateur attribue une valeur de 49'000 euros à l immeuble en cause. L auteur de ce document n explique toutefois pas pourquoi il arrive à un montant inférieur de 1/3 à l estimation retenue par la Banque Espirito Santo. Si vraiment l immeuble ne valait que 49'000 euros, on voit mal pourquoi la recourante aurait accepté de payer la part de son mari plus de 40'000 euros, même si le terrain provient de sa famille et qu elle tient à cette propriété. Sur ce dernier point, on note une contradiction dans les déclarations de la recourante qui affirme dans son recours avoir vainement cherché à vendre son immeuble. Un examen attentif des pièces produites par la recourante fait apparaître un autre élément qui ne concorde pas avec ses explications. Selon les déclarations de la recourante, en effet, la part revenant à son mari dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial a été payée par le crédit hypothécaire de 50'000 euros. Or, c est le 18 octobre 2002 que la recourante a déposé la somme de 40'901.43 euros destinée à son mari à la Caisse générale de dépôt (PJ 8/2 de la recourante), alors que c est le 7 janvier 2003 seulement que la Banque Espirito Santo l a informée de

9 l octroi du prêt de 50'000 euros. Cet argent a dû lui être versé en février 2003, puisque le prêt s étend sur 336 mois pour s achever le 28 février 2031 (PJ 9 de la recourante). On ne trouve aucun élément au dossier permettant d éclaircir ce point. Il y a lieu de noter encore que la recourante a obtenu des prestations de l aide sociale dès le mois qui a suivi le dépôt effectué par son mari. Au vu de ce qui précède, on doit admettre que l intimé était fondé à considérer que la recourante disposait d une fortune qui lui aurait permis d assurer son entretien sans devoir recourir à l aide sociale. S agissant des possibilités de réaliser cette fortune immobilière, la recourante allègue qu elle a vainement cherché à vendre sa maison, mais elle ne fournit aucune preuve pour étayer ses dires. Les déclarations qu elle a faites dans le cadre de la modification du jugement de divorce font du reste apparaître que si elle ne vend pas son immeuble, ce n est pas parce qu elle ne trouve pas d acheteur, mais plutôt parce qu elle entend le garder. A l audience du 23 septembre 2003 de la juge civile, elle a en effet précisé : «mon frère est intéressé à racheter la maison, mais moi, je réfléchis car il n est pas exclu que je rentre dans mon pays». (PV de l audience précitée, p. 5, i.f.). On doit ainsi constater que l on se trouve dans le cas visé par l article 31 al. 1 de l arrêté fixant les normes applicables en matière d aide sociale, de sorte que la recourante ne peut pas prétendre à une aide matérielle avant d avoir épuisé sa fortune. 4. La recourante fait encore grief à l intimé d avoir supprimé l octroi des prestations d aide sociale avec effet rétroactif au mois de novembre 2003. Il est vrai, comme le relève la recourante, que l article 32 de la loi sur l action sociale prévoit que le Service de l action sociale doit rendre une décision motivée, indiquant les voies de recours, lorsqu il statue sur l octroi de l aide sociale. En cas de modification de la situation, il doit rendre une nouvelle décision répondant aux mêmes exigences (art. 34 al. 1 de la loi sur l action sociale). Au cas d espèce, le Service de l action sociale n a pas suivi cette procédure, puisqu il s est limité à ne plus allouer de prestations à la recourante à partir de novembre 2003, après avoir appris qu elle possédait une maison au Portugal. Or, si la recourante, qui était déjà assistée d un avocat à cette époque-là, n était pas d accord de ne plus recevoir de prestations de

10 l aide sociale, elle aurait dû réagir immédiatement en demandant par exemple qu une décision formelle soit rendue. En ne le faisant pas, elle a accepté une situation qu elle ne peut plus contester aujourd hui. 5. Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. 6. L article 73 al. 2 de la loi sur l action sociale prévoit que la procédure de recours est gratuite, sauf dans les cas où le recours est téméraire. Le présent recours, bien qu infondé, ne saurait être qualifié de téméraire, de sorte qu il ne se justifie pas de mettre des frais à la charge de la recourante. Conformément à l article 230 al. 1 Cpa, il n y a pas lieu d allouer des dépens à l intimé. PAR CES MOTIFS LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE rejette le recours ; partant, confirme la décision attaquée ;

11 dit qu il n est pas prononcé de frais de procédure ni alloué de dépens. Porrentruy, le 29 novembre 2004 / FS / mr / si AU NOM DE LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE Le président a.h. : La greffière : Pierre Theurillat Françoise Stocker A notifier : - à la recourante, par son mandataire; - au Service de l action sociale.