Acquisition de sociétés de famille cotées en bourse



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Tirage à part : Fusions et acquisitions : questions actuelles Pierre Marty (éd.) Jacques Iffland Acquisition de sociétés de famille cotées en bourse Publication 81 Lausanne 2009

Acquisition de sociétés de famille cotées en bourse Jacques IFFLAND Docteur en droit, avocat I. Introduction A. Private company deal vs public company deal L acquisition d une société dont les actions sont cotées en bourse diffère à plusieurs égards de l acquisition d une société «privée» c est-à-dire une société dont les actions sont détenues par un petit nombre de personnes. Celui qui désire acquérir une société «privée» doit négocier avec un nombre limité d actionnaires, qui agissent en principe de façon coordonnée. L acquéreur potentiel se livre généralement à un examen approfondi de la société visée (due diligence). La transaction prend le plus souvent la forme d un contrat de vente d actions, dans lequel le ou les vendeurs garantissent certaines qualités de l entreprise transférée, comme par exemple la tenue régulière de ses comptes ou l absence de dettes occultes. La situation est très différente lorsque la société visée est cotée en bourse. Dans ce cas, l acquéreur potentiel n est en principe pas confronté à un cercle déterminé de contreparties, mais à un actionnariat «public», c est-à-dire à un grand nombre de personnes dont il ne connaît pas l identité. L acquéreur ne peut pas négocier les termes de la transaction avec les actionnaires de la société visée, car ces derniers sont trop nombreux et ne peuvent pas être identifiés. La transaction doit prendre la forme d une offre publique d acquisition (OPA), adressée à un nombre indéterminé de personnes. L acceptation d une telle offre ne donne pas naissance à un seul, mais à un faisceau de contrats de vente d actions distincts. Dans un tel contexte, il est en principe vain de chercher à obtenir que les vendeurs garantissent les qualités de l entreprise vendue, car leur nombre et leur caractère anonyme rendent une action en garantie illusoire. En outre, les impératifs de sauvegarde du secret des affaires et d égalité de traitement, ainsi que les règles boursières relatives à l information des investisseurs, peuvent empêcher le conseil d administration de la société visée d autoriser une due diligence aussi étendue que ce qui serait 1

Jacques Iffland le cas pour l acquisition d une société privée 1. Ces particularités sont souvent résumées en pratique au travers de l expression «public company transaction», qui désigne les transactions portant sur de grandes sociétés publiques, réalisées sur la base d informations essentiellement publiques, et sans que l acquéreur puisse obtenir de garantie de la part des vendeurs. B. L acquisition d une société de famille cotée en bourse comme forme hybride de transaction La particularité des transactions portant sur des sociétés de famille cotées en bourse est de réunir à la fois des aspects d acquisition privée et de transaction publique. L expression «société de famille cotée en bourse», telle qu elle est utilisée ici, vise les sociétés dominées ou contrôlées par un groupe restreint d actionnaires. Ces sociétés se caractérisent par la structure bicéphale de leur actionnariat : d un côté, un bloc de contrôle, souvent composé d actionnaires issus de la famille fondatrice ; de l autre, un nombre plus ou moins élevé d actionnaires minoritaires, sans liens particuliers les uns avec les autres, souvent qualifiés d actionnaires «publics». L acquisition d une société de famille cotée en bourse se caractérise par la combinaison de deux transactions : - L acquisition du bloc de contrôle. Ce bloc étant détenu par un nombre limité de personnes, cette acquisition prend généralement la forme d un contrat d achat d actions, c est-à-dire d une transaction privée ; - L acquisition des participations minoritaires. Les titres concernés étant disséminés dans le public et changeant de mains régulièrement du fait du négoce boursier, leur acquisition nécessite la publication d une OPA. La difficulté réside dans la nécessité de coordonner ces deux transactions. II. Changement de contrôle et obligation d offre A. Obligation d offre en cas de changement de contrôle L acquisition d un bloc de contrôle doit-il nécessairement être suivi d une OPA? En d autres termes, est-il possible d acquérir un bloc de contrôle sans devoir présenter une offre aux actionnaires minoritaires? 1 SCHENKER, p. 144 s. 2

Acquisition de sociétés de famille cotées en bourse La réponse est, en général, négative. Le droit suisse prévoit un régime d offre obligatoire. La loi sur les bourses 2 oblige, en principe, quiconque acquiert le contrôle d une société suisse dont une partie au moins des titres de participation est cotée en Suisse à présenter une offre pour les titres de participation cotés de cette société qu il ne détient pas encore 3. L idée sous-jacente est qu un changement de contrôle implique des risques d abus pour les actionnaires minoritaires, et que ces derniers doivent pouvoir se séparer de leurs titres à des conditions équitables dans une telle situation 4. Le contrôle est présumé acquis si un actionnaire ou un groupe d actionnaires organisé acquiert plus du tiers des droits de vote 5. La société concernée peut cependant augmenter ce seuil de 33 % jusqu à 49 % des droits de vote dans ses statuts 6. On parle alors d «opting up». La loi sur les bourses permet aussi aux sociétés cotées de dispenser leurs actionnaires de toute obligation d offre en insérant dans leurs statuts des clauses dites d «opting out» Une 7. obligation d offre prend donc naissance si un investisseur acquiert une participation représentant plus du tiers des droits de vote 8. Cela signifie que, en règle générale, celui qui acquiert un bloc de contrôle dans une société suisse dont les actions sont cotées à une bourse en Suisse a l obligation de faire suivre cette acquisition d une offre aux actionnaires minoritaires. Dans le système de la loi sur les bourses, une telle offre doit être générale, c est-à-dire s étendre à l ensemble des titres de participation cotés de la société visée 9 et être faite à un prix minimum 10. Elle doit aussi, en principe, être inconditionnelle 11. 2 3 4 5 6 7 8 9 Loi fédérale du 24 mars 1995 sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (Loi sur les bourses, LBVM) (RS 954.1). Art. 32 LBVM. HOFSTETTER/HEUBERGER, BaK, N 4 ad art. 32 LBVM. Art. 32 al. 1, 1 re phrase, LBVM. Art. 32 al. 1, 2 e phrase, LBVM. Art. 22 al. 2 et 3 LBVM. Il peut sembler paradoxal qu une modification des statuts décidée par la majorité puisse faire échec à un mécanisme légal destiné à protéger les minoritaires. La CFB et la COPA ont cependant développé une pratique destinée à éviter les abus dans ce domaine. Ces autorités considèrent qu une clause d opting out est invalide si elle a été adoptée en vue d une transaction déterminée. Voir à ce sujet la décision Esec Holding AG de la CFB du 23 juin 2000. La COPA considère aussi suspectes les clauses d opting out adoptées moins de cinq ans avant un changement de contrôle. En présence de telles clauses, elle exige que les parties démontrent que le changement de contrôle n était pas déjà envisagé lors de leur adoption. La COPA peut aussi chercher à apporter la preuve qu une clause d opting out avait été adoptée en vue d une transaction particulière plus de cinq ans avant un changement de contrôle. Voir à ce sujet notamment la recommandation du 21 juin 2007 dans l affaire Golay- Buchel Holding SA, c. 1. Voir en général TSCHÄNI/IFFLAND/DIEM, N 45 ss. Une obligation d offre existe également si l actionnaire qui détenait déjà plus du tiers des droits de vote lors de l entrée en vigueur de la LBVM, le 1 er janvier 1998, acquiert plus de la moitié des droits de vote par la suite (art. 52 LBVM). En revanche, celui qui détient une participation de plus de 50 % des droits de vote peut augmenter cette participation jusqu à obtenir l intégralité des droits de vote sans avoir jamais l obligation de présenter une offre. ATF 130 II 530 (arrêt Quadrant), p. 541 c. 5.1.2. Cette situation se justifie par le fait qu il n y a alors pas de changement de contrôle. Art. 33 OBVM-FINMA. 3

Jacques Iffland B. Prix minimum de l offre obligatoire Une question importante en pratique est de savoir s il est nécessaire de payer le même prix à tous les actionnaires d une société visée, ou s il est possible de payer un prix différent pour le bloc de contrôle et pour les participations minoritaires. Si l acquéreur n est pas obligé de traiter tous les actionnaires de façon égale, son inclinaison sera sans doute de payer un prix plus élevé pour la participation de contrôle, car cette dernière aura pour lui une valeur supérieure. Toutefois, l acquéreur attribuant en principe une valeur globale à la société visée, la répartition du prix de vente entre les actionnaires vendeurs obéira souvent au principe des vases communicants : tout montant versé à l actionnaire de contrôle échappera aux actionnaires minoritaires. La prime payée à l actionnaire majoritaire se traduira donc par une moins-value pour les actionnaires minoritaires. Le droit suisse permet le paiement d un prix plus élevé à l actionnaire de contrôle qu aux actionnaires minoritaires 12. Cette situation qui est devenue une exception sur le plan international 13 est due au fait que, lorsque le régime suisse de l offre obligatoire a été adopté, cette institution était encore relativement peu répandue sur le plan international. La règle, en droit suisse, est que le prix minimum de l offre obligatoire ne peut pas être inférieur de plus de 25 % au prix le plus élevé payé par l offrant (ou par des personnes agissant de concert avec lui) pour les titres de participation de la société visée pendant les 12 mois précédant l offre 14 ou son annonce préalable 15. Le prix offert ne peut cependant pas être inférieur au cours de bourse des titres de participation de la société visée 16. 10 11 12 13 14 15 16 Art. 32 al. 4 LBVM et 40 ss OBVM-FINMA. Art. 36 OBVM-FINMA. Selon l art. 32 al. 4 LBVM, le prix offert peut être jusqu à 25 % inférieur au prix le plus élevé payé par l offrant pour des titres de la société visée dans les douze derniers mois, à condition d être au moins égal au cours de bourse. Voir p.ex. l art. 5 al. 4 de la Directive 2004/25/CE du Parlement Européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d acquisition (JO L 142 du 30 avril 2004, p. 12-23). Voir SCHÄRER/WALLER, p. 64 s, N 17, sur les incertitudes relatives à la portée de cette disposition. Voir supra, n. 12. Art. 7 al. 3 let. a OOPA. Art. 32 al. 4 LBVM. Le cours de bourse pertinent correspond à la moyenne pondérée par les volumes des cours payés en bourse pendant les 60 jours de bourse précédant la publication de l offre ou son annonce préalable (art. 40 al. 2 OBVM-FINMA). La valeur des titres visés doit être déterminée par un organe de contrôle (au sens de l art. 25 LBVM) si ces derniers sont illiquides, c est-à-dire, en principe, s ils ont été négociés pendant moins de 30 jours durant la période de 60 jours de bourse précédant la publication de l offre ou son annonce préalable. Voir à ce sujet la Communication n 2 de la COPA «sur la notion de liquidité». 4

Acquisition de sociétés de famille cotées en bourse C. Prix minimum et «best price rule» Le régime permettant de payer (proportionnellement) davantage pour un bloc de contrôle que pour une participation minoritaire tranche avec celui qui prévaut une fois l offre annoncée. Dès ce moment, le principe d égalité de traitement s applique dans toute sa rigueur. Selon la règle dite du «meilleur prix», aussi connue sous le nom de «best price rule», l offrant se voit interdire de payer à quiconque un prix supérieur à celui de l offre 17. Il existe donc deux périodes dans le processus d OPA : avant la publication d une offre ou de son annonce préalable, l acquéreur peut, en principe, payer proportionnellement davantage pour l acquisition d un bloc de contrôle que pour une participation minoritaire; il perd cette faculté après la publication de l offre ou de son annonce préalable, et doit alors offrir le même prix à tous. III. Relation entre le prix payé pour l acquisition d un bloc de contrôle et le prix offert aux actionnaires minoritaires Une difficulté particulière en cas d acquisition d un bloc de contrôle et d OPA subséquente tient au fait que l acquisition du bloc de contrôle ne sera souvent pas encore exécutée au moment de la publication de l offre ou de son annonce préalable. Cette situation est due au fait que l exécution de conventions permettant d obtenir le contrôle d entreprises importantes nécessite souvent l autorisation d autorités étatiques (en particulier des autorités en matière de concurrence) 18. Dans de telles circonstances, la convention portant sur l acquisition du bloc de contrôle doit être conclue sous condition suspensive d autorisation par les autorités. Plusieurs semaines, voire plusieurs mois peuvent être nécessaires pour obtenir de telles autorisations. En outre, les règles boursières ne permettent généralement pas de garder confidentielle la vente d un bloc de contrôle une fois que celle-ci a été conclue. Les règles sur la publicité événementielle 19, sur l annonce des participations importantes 20 et le cas échéant sur les transactions du management 21, requièrent une annonce rapide de la transaction après sa conclusion 22. Compte tenu de cette situation, l acquéreur souhaitera souvent annoncer l offre faite aux actionnaires minoritaires immédiatement après la conclusion de la convention portant 17 18 19 20 21 22 Art. 10 OOPA. Voir p.ex. les art. 9 et 34 LCart. Voir en général SCHÄRER/WALLER, p. 78 SS. Art. 72 RC. Art. 20 LBVM. Art. 74a RC. Voir notamment à ce sujet TSCHÄNI/IFFLAND/DIEM, N 149 et N 365 ; SCHÄRER/WALLER, p. 66 ss. 5

Jacques Iffland sur le bloc de contrôle, alors même que cette transaction n aura pas encore été exécutée. L annonce préalable d une offre permet en effet de «geler» le prix minimum de l offre, et évite à l offrant de devoir offrir un prix supérieur si le cours de bourse moyen déterminant augmente après la publication de l offre 23. L acquisition du bloc de contrôle se trouve donc le plus souvent «à cheval» sur l annonce préalable de l offre : elle est conclue avant, mais exécutée après la publication de cette annonce. Le point délicat est donc de définir le moment déterminant pour l application de la règle du meilleur prix. S agit-il du moment de la conclusion de la convention (acte générateur d obligations) ou, au contraire, de celui de son exécution (acte de disposition)? A. Application de la best price rule lorsque l acquisition préalable est conditionnée par le succès de l offre subséquente La COPA s est prononcée très tôt en faveur de la première solution : elle considère que la règle du meilleur prix ne s applique pas si l acquisition du bloc de contrôle a été convenue avant l annonce préalable de l offre, et cela même si cette transaction est exécutée après cette annonce 24. Un prix supérieur au prix offert aux minoritaires peut donc être payé pour le bloc de contrôle. Ce principe connaît cependant une exception importante si l acquisition du bloc de contrôle intervient après l annonce de l offre. Dans ce cas, la règle du meilleur prix s applique si l acquisition du bloc de contrôle est «liée» à l offre subséquente 25. Ce régime se justifie par le fait que l acquisition inconditionnelle d un bloc de contrôle implique une prise de risque particulière aussi bien de la part du vendeur que de celle de l acquéreur. Dans une telle transaction, l acquéreur court le risque de devoir composer avec des participations minoritaires importantes en cas d échec de l OPA subséquente. En s engageant de façon inconditionnelle, le vendeur renonce quant à lui à la possibilité d obtenir un prix supérieur dans le cadre d une éventuelle offre concurrente. Ces risques particuliers justifient un traitement différencié de l actionnaire majoritaire et des minoritaires. En revanche, un traitement différencié ne se justifie pas si l exécution de l acquisition préalable est conditionnée par le succès de l OPA subséquente. Dans ce cas, l acquéreur ne court pas le risque de devoir conserver le bloc majoritaire en 23 24 25 Art. 7 al. 3 let. a OOPA. L offre annoncée avant l exécution de la transaction portant sur le bloc de contrôle n est pas à proprement parler obligatoire, car le seuil de 33 % des droits de vote n a pas encore été franchi. Une conséquence de cette situation est qu une telle offre peut être subordonnée à la réalisation de certaines conditions. Voir toutefois la recommandation du 28 avril 2005 dans l affaire Swiss International Airlines AG, c. 3 et 4.3, dans laquelle la COPA a considéré qu une OPA pour des participations minoritaires doit être soumise aux règles sur l offre obligatoire même avant l exécution de la transaction portant sur l acquisition du bloc de contrôle. Recommandation du 6 juillet 2004 dans l affaire Aare-Tessin AG für Elektrizität, c. 2.2. Recommandation du 9 mars 2005 dans l affaire Büro-Furrer AG, c. 2.3. 6

Acquisition de sociétés de famille cotées en bourse cas d échec de l OPA subséquente. L aliénateur peut quant à lui compter sur le fait qu en cas de succès d une offre concurrente, il pourra profiter des termes plus favorables de la nouvelle transaction. Le point important dans ce contexte est donc de déterminer les circonstances dans lesquelles une acquisition préalable peut être considérée comme étant «liée» à l offre subséquente. La pratique de la COPA a évolué et varié dans ce domaine. Dans un premier temps, la COPA a considéré qu acquisition préalable et offre subséquente sont liées si l exécution de l acquisition préalable est conditionnée par le succès de l offre subséquente 26. Par la suite, la COPA a étendu cette pratique aux situations dans lesquelles l acquisition préalable n est pas formellement conditionnée par le succès de l offre subséquente, mais où les conditions posées à l acquisition du bloc de contrôle sont essentiellement les mêmes que celles posées au succès de l OPA subséquente, si bien que l une et l autre sont matériellement si ce n est formellement liées 27. B. Application de la règle du meilleur prix lorsque le succès de l OPA est conditionné par l exécution de l acquisition préalable La COPA ne s en est cependant pas tenue à cette pratique. Au fil du temps, elle en est venue à considérer que le paiement d un prix différencié est exclu non seulement lorsque l acquisition préalable est conditionnée par le succès de l offre subséquente, mais aussi lorsque l offre est elle-même conditionnée par le succès de l acquisition préalable 28. En d autres termes, la règle du meilleur prix s applique si une offre est faite à la condition que l acquisition du bloc de contrôle soit exécutée. Un parallélisme de conditions entre acquisition préalable et OPA subséquente n est permise que si les conditions concernées sont telles que leur non-réalisation rendrait l exécution impossible ou excessivement difficile («wenn es sich bei den Bedingungen [ ] um solche handelt, ohne deren Eintritt die Anbieterin den Aktienkauf gar nicht (oder nur mit nicht zumutbaren Auflagen oder Bedingungen) vollziehen darf») 29. Ce développement de la pratique est particulièrement contestable. Il suppose que, pour pouvoir payer une prime au vendeur d un bloc de contrôle, il ne suffit pas que l offrant prenne le risque de devoir conserver le bloc en cas d échec de l OPA subséquente. La COPA exige que l offrant prenne aussi le risque inverse, c est-àdire de devoir acquérir les participations minoritaires sans pouvoir acquérir le bloc de contrôle 30. 26 27 28 29 30 Recommandation du 6 juillet 2004 dans l affaire Aare-Tessin AG für Elektrizität, c. 2.2. Recommandation du 8 janvier 2007 dans l affaire Bank Sarasin & Cie AG, c. 3.3 ; recommandation du 22 août 2007 dans l affaire Unilabs SA I, c. 2.5. Recommandation du 22 août 2007 dans l affaire Unilabs SA I, c. 2.8. ; recommandation du 6 juin 2008 dans l affaire Hiestand Holding AG I, c. 2.2. Recommandation du 22 août 2007 dans l affaire Unilabs SA I, c. 2.8 ; recommandation du 8 janvier 2007 dans l affaire Bank Sarasin & Cie AG, c. 3.3. Recommandation du 22 août 2007 dans l affaire Unilabs SA I, c. 2.8. 7

Jacques Iffland Une telle pratique est injustifiable. Exiger qu un offrant acquiert des participations minoritaires alors qu il n a pas pu obtenir le bloc de contrôle ne fait aucun sens. En l absence de changement de contrôle, une protection particulière des minoritaires ne s impose pas. La pratique de la COPA ne s explique que par une hostilité de principe au paiement de primes pour des participations de contrôle. Or le paiement de telles primes est expressément autorisé par la loi. La COPA assume son rôle lorsqu elle cherche à protéger les intérêts des actionnaires minoritaires. Elle outrepasse en revanche ses prérogatives lorsqu elle cherche à corriger le régime légal en y substituant sa propre appréciation de ce qui constitue une transaction «équitable» 31. La situation est d autant plus problématique que la COPA s est attachée à exclure les échappatoires auxquelles les offrants auraient pu recourir pour limiter le risque de devoir acquérir des participations minoritaires alors que le bloc de contrôle leur échapperait. Dans une affaire Serono de 2007, la COPA a ainsi laissé entendre qu elle pourrait requalifier l annonce de l acquisition de bloc de contrôle susceptible de donner lieu à une offre obligatoire en annonce préalable d OPA 32. Une telle mesure pourrait intervenir même si l auteur de l offre avait explicitement manifesté sa volonté de ne pas publier d annonce préalable 33. La COPA empêcherait ainsi l acquéreur d une participation de contrôle de différer l annonce d une offre jusqu à l exécution du contrat de vente portant sur le bloc de contrôle, et d éviter ainsi de courir le risque de devoir acquérir les participations minoritaires sans avoir pu acquérir le bloc de contrôle. IV. Conséquences indirectes de la pratique de la COPA La pratique de la COPA en matière de prix minimum d offre peut avoir des conséquences indirectes sur d'autres aspects des transactions de changement de contrôle. Tel est notamment le cas en ce qui concerne les garanties que l'acquéreur peut exiger du vendeur du bloc de contrôle, d'une part, et du degré de protection que peut obtenir l'acquéreur contre d'éventuelles offres concurrentes, d'autre part. A. Garantie en matière d acquisition d une participation de contrôle dans une société cotée en bourse Souvent, l acquéreur d une société de famille souhaite obtenir des garanties du vendeur du bloc de contrôle. Toutefois, le vendeur sera généralement peu enclin à accommoder un tel souhait s il ne peut pas, en retour, obtenir un prix plus important pour sa participation. L octroi de garanties sans supplément de prix créerait 31 32 33 Dans ce sens, SCHÄRER/WALLER, p. 80 S. Recommandation du 8 janvier 2007 dans l affaire Serono SA, c. 1.2. Ibid. 8

Acquisition de sociétés de famille cotées en bourse une situation paradoxale dans laquelle le vendeur du bloc de contrôle serait en fait plus mal traité que les actionnaires minoritaires 34. Cette situation s est traduite en pratique par le fait que certaines sociétés de famille cotées en bourse ont, au cours des dernières années, été transférées sans que le vendeur du bloc de contrôle obtienne un prix supérieur à celui offert aux actionnaires minoritaires, et sans qu il fournisse de garantie importante quant à la substance de l entreprise transférée 35. Les règles déterminant le prix minimum de l offre obligatoire ainsi que la faculté de payer un supplément de prix pour le bloc de contrôle peuvent donc affecter profondément l économie des transactions de changement de contrôle. B. Acquisition préalable et protection contre d éventuelles offres concurrentes La pratique de la COPA relative à l articulation entre acquisition préalable et offre subséquente peut aussi influencer les circonstances dans lesquelles la vente d un bloc de contrôle peut être remise en cause en cas d offre concurrente. En matière d acquisition de sociétés cotées en bourse, l acquéreur cherche généralement à se prémunir contre d éventuelles offres concurrentes. Ce souci est particulièrement important en matière d acquisition de sociétés de familles, où le contrôle est détenu par un nombre limité de personnes et peut, par conséquent, être facilement transféré. Pour les motifs évoqués plus haut 36, l offre aux actionnaires minoritaires doit généralement être rendue publique avant que l acquisition du bloc de contrôle ait pu être finalisée. L offrant souhaite donc s assurer que le vendeur du bloc de contrôle ne pourra pas se défaire du contrat de vente en cas d offre concurrente. 34 35 36 L art. 41 al. 4 OBVM-FINMA permet en principe d ajuster le prix minimum de l offre obligatoire, pour tenir compte «d autres prestations importantes telles l octroi de garanties». Un supplément de prix payé au vendeur d un bloc de contrôle pour ce motif ne violerait pas la règle du meilleur prix, car il serait justifié par des prestations particulières et ne contreviendrait donc pas au principe d égalité de traitement. Cette disposition est toutefois difficile à mettre en œuvre en pratique. Le bien-fondé de l ajustement de prix doit être confirmé par un organe de contrôle (au sens de l art. 25 LBVM voir l art. 41 al. 5 OBVM-FINMA). La valeur pouvant être donnée à l octroi de garanties étant difficile à déterminer de façon précise, ce type de confirmation est généralement difficile à obtenir. Exemples : acquisition de Serono SA par la Société allemande Merck (recommandation de la COPA du 8 janvier 2007) ; acquisition de Gétaz Romang Holding par CRH Europe Holding BV (recommandation de la COPA du 14 mars 2007). Contre-exemples : acquisition de Disetronic Holding SA par Roche Holding SA (recommandation de la COPA du 19 mars 2003) ; acquisition d Unilabs SA par Capio Springfield (recommandation de la COPA du 12 septembre 2007). Voir également l acquisition de la société Sources Minérales Henniez SA par Nestlé Suisse SA (recommandation de la COPA du 12 octobre 2007). Dans ce dernier cas, l actionnaire de contrôle a obtenu un prix inférieur à celui offert aux actionnaires minoritaires. Voir les notes 19 à 22 et le texte qui les accompagne. 9

Jacques Iffland La pratique de la COPA et de la CFB joue un rôle important dans ce domaine. Dans une affaire Centerpulse de 2003, la COPA et la CFB ont considéré que l engagement d un actionnaire d accepter une offre est invalide en cas d offre concurrente 37. Ces autorités sont parvenues à cette conclusion par une interprétation large des règles sur les OPA qui requièrent que les actionnaires d une société cotée puissent se déterminer librement en cas d offre concurrente 38 et, le cas échéant, revenir sur leur acceptation de l offre initiale 39. La «doctrine Centerpulse» vise en principe les engagements d accepter une future OPA (qualifiés en pratique d «irrevocable undertakings»). Elle ne devrait pas s appliquer aux contrats de vente d actions conclus indépendamment d une OPA 40. Une incertitude existe cependant dans les cas où le contrat de vente d actions est conditionné par le succès de l offre subséquente. Même si une telle transaction ne constitue pas à strictement parler un irrevocable undertaking car il s agit d un engagement de vendre des titres et non d accepter une offre à venir elle s en rapproche néanmoins sur le plan économique. L effet des deux types de contrat est en effet le même : la vente du bloc de contrôle en cas de succès de l offre subséquente. On peut donc se demander si la «doctrine Centerpulse» ne pourrait pas être également applicable en cas de vente conditionnelle 41. Cette situation a des implications pratiques profondes pour l acquisition de sociétés de famille cotées en bourse. Pour être sûr d éviter le risque d offre concurrente, l acquéreur doit renoncer à conditionner l acquisition du bloc de contrôle par le succès de l offre subséquente 42. L acquéreur doit donc prendre le risque 37 38 39 40 41 42 Décision de la CFB du 23 juillet 2003 dans la cause Centerpulse AG, c. 3.3.2 et 3.3.3. Art. 30 LBVM. Art. 51 al. 2 OOPA. Ceci tient au fait que l art. 51 al. 2 OOPA ne permet de révoquer que l «acceptation de l offre initiale». Même si on admet que ce droit est inaliénable et qu il ne peut donc pas y être renoncé par convention on ne peut cependant pas en tirer la conclusion qu un contrat bilatéral de vente d actions peut être invalidé au seul motif qu une offre publique d acquisition a été présentée par la suite aux actionnaires de la société visée. La rédaction relativement large de la décision Centerpulse par la CFB laisse la porte ouverte à une telle interprétation. Selon la CFB : «Das oben erwähnte Gleichgewicht wird durch den Abschluss eines Lock-up Agreement beeinträchtigt, indem sich der Erstanbieter die Andienung einer Prozentzahl der Aktien der Zielgesellschaft sichert. Damit schützt er sich gegen konkurrierende Angebote, indem er den Eintritt weiterer Anbieter im Übernahmekampf erschwert (Marktzutritts-schranke). Sollte ein Zweitanbieter nun ungeachtet der Marktzutrittsschranke dennoch ein konkurrierendes Angebot unterbreiten, so wird dieses unter Umständen nicht zustande kommen können, da die Grossaktionäre aufgrund des Lock-up Agreement an das erste Angebot gebunden sind. Die Interessen der Minderheitsaktionäre der Zielgesellschaft sind somit verletzt, da sie von einem zweiten, besseren Angebot aller Voraussicht nach nicht oder nur beschränkt profitieren können. Der Erstanbieter kann mit einem Lock-up Agreement das Gleichgewicht zu seinen Gunsten beeinflussen, wobei die Prinzipien der Gleichbehandlung und der Lauterkeit verletzt werden.» (décision Centerpulse AG précitée, c. 3.3.3) TSCHÄNI/IFFLAND/DIEM, N 137 s. 10

Acquisition de sociétés de famille cotées en bourse d acquérir le bloc de contrôle sans avoir la certitude de pouvoir racheter les participations minoritaires. Compte tenu de la pratique développée dans l affaire Unilabs 43, on peut se demander si la COPA ne risque pas de considérer qu une acquisition préalable peut être invalidée non seulement si elle est conditionnée par le succès d une offre subséquente, mais aussi si l offre subséquente est conditionnée par l exécution de l acquisition préalable. Un tel développement de la pratique serait contestable. Il semble en effet difficile de considérer que la règle qui permet à un actionnaire de révoquer l acceptation d une OPA en cas d offre concurrente permet d invalider un contrat inconditionnel de vente d actions conclu indépendamment de toute OPA. La pratique de la COPA crée cependant un doute fâcheux dans ce domaine, et crée une incertitude juridique regrettable. V. Conclusion En matière d acquisition de sociétés de famille cotées en bourse, les règles sur les OPA n affectent pas seulement les termes des offres faites aux actionnaires minoritaires. Elles influencent le processus de changement de contrôle dans son ensemble, en particulier la façon dont le prix d acquisition de la société visée doit être réparti entre actionnaires majoritaires et minoritaires, les garanties que l acquéreur peut espérer obtenir du vendeur, ainsi que le degré de protection que l acquéreur peut espérer obtenir contre d éventuelles offres concurrentes. Les autorités de marché assument donc une lourde responsabilité dans ce domaine. Il leur appartient de veiller à ce que l interprétation qu elles donnent des règles sur les OPA ne rende pas l acquisition de sociétés cotées indûment risquée, prive l actionnaire de contrôle de la valeur de sa participation, ou nuise injustement aux intérêts des actionnaires minoritaires. Dans ce contexte, la COPA a le plus souvent réussi à arbitrer les intérêts en présence de façon rationnelle. Par exemple, elle s est opposée avec raison au paiement de primes aux vendeurs de blocs de contrôle lorsque les transactions sont conditionnées par le succès de l OPA présentée aux actionnaires minoritaires. En revanche, il est injustifiable d exiger comme le fait la COPA que l offrant prenne le risque de devoir acquérir des participations minoritaires sans avoir la certitude de pouvoir acquérir le bloc de contrôle. Par cette pratique, la COPA excède les prérogatives que lui confère la loi sur les bourses. Elle ne cherche pas à protéger les actionnaires minoritaires de sociétés cotées, mais à imposer sa propre conception de ce que sont des termes équitables de transaction. 43 Voir supra, n. 30. 11

Jacques Iffland Une telle démarche n est pas dépourvue de dangers. Obliger un acquéreur à prendre des risques, contraindre un vendeur à renoncer à une prime de contrôle, toutes ces mesures ne posent pas de problème si les parties concernées sont prêtes à traiter aux conditions qui leur sont imposées. La situation est en revanche plus délicate si les termes imposés sont tels qu ils empêchent la conclusion de transactions économiquement sensées. Un tel résultat peut être préjudiciable aux intérêts de l offrant, de la société visée, de ses actionnaires et de l économie dans son ensemble. Il serait donc souhaitable que la COPA revienne sur sa pratique antérieure à la recommandation Unilabs et permette la publication ou l annonce préalable d OPA conditionnées par l exécution de l acquisition d un bloc de contrôle. Bibliographie Sauf indication contraire, les publications sont mentionnées par le nom de leur(s) auteur(s). HOFSTETTER Karl/HEUBERGER Evelyn, ad art. 32, 52 et 53 LBVM, in : WATTER Rolf/VOGT Nedim Peter (édit.), Basler Kommentar zum schweizerichen Privatrecht, Börsengesetz, Bâle/Francfort-sur-le-Main 2007 ; SCHÄRER Heinz/WAL- LER Stefan, Vorerwerb und Pflichtangebot, in : TSCHÄNI Rudolf (édit.), Mergers & Acquisitions X, Zurich 2008, p. 59 ss ; SCHENKER Urs, Due Diligence bei feindlichen Übernahmen und Konkurrenzangeboten, in : TSCHÄNI Rudolf (édit.), Mergers & Acquisitions X, Zurich 2008, p. 129 ss ; TSCHÄNI Rudolf/DIEM Hans-Jakob, Die Pflichten des Verwaltungsrates der Zielgsellschaft bei Übernahmeangeboten, in : TSCHÄNI Rudolf (édit.), Mergers & Acquisitions VII, Zurich 2005, p. 51 ss ; TSCHÄNI Rudolf/IFFLAND Jacques/DIEM Hans-Jakob, Öffentliche Kaufangebote, Zurich 2007 ; WATTER Rolf, Pflichten und Handlungsmöglichkeiten des Verwaltungsrates in Übernahmesituationen, in : TSCHÄNI Rudolf (édit.), Mergers & Acquisitions IV, Zurich 2002, p. 1 ss. 12