Fiche spécifique n 6 Les PPRT Les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) ont été introduits par la loi «Bachelot» du 30 juilllet 2003, relative aux risques technologiques et naturels majeurs, issue de la catastrophe d AZF. Ces plans de prévention visent à assurer la protection des populations vivant à proximité des sites industriels et à garantir une bonne coexistence des sites avec leur environnement, en particulier en s attaquant aux situations existantes dans lesquelles l urbanisation s est trop rapprochée des industriels. Les préfets sont chargés d animer leur réalisation autour des établissements soumis au régime administratif de l autorisation avec servitudes (AS), correspondant dans les grandes lignes aux établissements Seveso seuil haut au sens de la directive européenne Seveso. Lorsque plusieurs établissements sont implantés sur un même bassin industriel, un seul PPRT est réalisé sur ce bassin. Ainsi, alors que la France compte environ 630 établissements AS, ce sont de l ordre de 415 PPRT qui sont à réaliser. Les PPRT sont approuvés par arrêté préfectoral et peuvent inclure plusieurs types de mesures : des mesures «foncières» sur l urbanisation existante, composées d expropriations et de droits à délaissement volontaire des biens ; des mesures «supplémentaires» de réduction du risque à la source sur les sites industriels, allant au delà des exigences réglementaires, lorsque leur mise en œuvre est moins coûteuse que les mesures foncières qu elles permettent d éviter (par exemple : déménagement d un site, déménagement d un atelier au sein d une plateforme, refonte fondamentale du process ) ; des restrictions ou règles sur l urbanisme futur, sur l usage des bâtiments futurs, des voies de communication existantes ou futures, des équipements, ainsi que des restrictions d usage ou des règles de construction sur les futurs bâtiments édifiés à proximité du site industriel ; des travaux à mener sur les constructions existantes au voisinage du site industriel, pour en réduire la vulnérabilité, travaux dont le montant ne peut excéder 10% de la valeur vénale du bien. Unique et pionnier en Europe (même si des démarches comparables commencent à voir le jour aux Pays Bas, en Belgique et peut être à moyen terme au Royaume Uni suite à l accident de Buncefield), ce dispositif est par ailleurs très original dans son mode de financement : les mesures foncières et/ou les mesures supplémentaires de réduction du risque à la source font l objet d un financement tri partite entre exploitants à l origine du risque, collectivités locales touchant la contribution économique territoriale et l Etat ; les travaux obligatoires sur les constructions existantes dans le voisinage du site sont financés par les propriétaires ; les autres mesures (restrictions d urbanisme, contraintes de construction) n entraînent pas de coût immédiat et n ouvrent pas droit à indemnisation.
POINT D ÉTAPE Au 1er juillet 2011, 378 plans de prévention des risques technologiques ont été prescrits et 107 d entre eux sont approuvés. L évolution dans le temps des prescriptions permet de mieux replacer les dynamiques qui se sont mises en place : L objectif de la loi «Bachelot» d approuver tous les PPRT avant le 31 juillet 2008 n a pas été atteint. Fin 2007 seuls 37 PPRT étaient prescrits. L échéance initiale n était pas réaliste, plusieurs étapes clés devant être menées préalablement à la réalisation des plans : mise en place d une nouvelle méthodologie probabiliste voulue par la loi qui restait à découvrir et écrire en France. Ce point a nécessité des renforcements d expertise au sein de l INERIS, des concertations avec le monde industriel, les experts, les représentants des autres Etats européens employant déjà de telles méthodologies pour rester dans un cadre d analyse des risques cohérent au niveau européen ; une fois les grandes orientations méthodologiques arrêtées, diffusion des règles et formation des intervenants pour un traitement homogène des dossiers sur le territoire (650 exploitants et leurs équipes, 2000 personnes dans les bureaux d études, 500 inspecteurs des installations classées, 200 agents dans les DDE, etc.) ; établissement de règles sectorielles plus spécifiques lorsque le cadre général pouvait laisser place à plusieurs options assez différentes ou lorsque des précisions importantes étaient nécessaires (GPL, stockages d hydrocarbures, explosifs, raffineries, installations à proximité des aérodromes, ), représentant environ 400 pages d éléments de doctrine ; sensibilisation des collectivités et explicitation de la démarche en amont des débats opérationnels à proprement parler. Par ailleurs, les PPRT ne pouvaient être valablement élaborés que lorsque toutes les mesures possibles de réduction du risque relevant de la seule responsabilité des exploitants
avaient été préalablement identifiées et prescrites. Ce sont ainsi plus de 1 600 études de dangers qui sont instruites et les investissements réalisés pour la réduction du risque à la source se sont élevés à des montants annuels de 200 M à 300 M pour ces établissements soumis à PPRT ces dernières années. Après la phase d instruction des études de dangers, qui ont permis de mettre en œuvre des mesures de réduction des risques à la source par les industriels, la démarche de prescription, qui lance la phase de concertation et d élaboration du PPRT sur la base des risques identifiés, s est accélérée à compter de fin 2008 sous l impulsion des préfets. PERSPECTIVES PRÉVISIBLES Une enquête menée auprès des services déconcentrés de l Etat basée sur des projections à la lumière des études techniques disponibles a permis d identifier les ordres de grandeur suivants : les mesures foncières (ou mesures supplémentaires) se concentreront sur un peu moins de 180 sites (172 sites au moment de l enquête) ; le coût de ces mesures est estimé à plus de 2,2 milliards d euros (hors travaux sur les grandes infrastructures de transport) et s étalera sur plusieurs années après l approbation des PPRT, sur la base des conventions et en fonction de la mise en œuvre des expropriations et des délaissements. Mais cette projection pourrait être revue à la baisse si des mesures complémentaires de réduction du risque à la source chez les exploitants sont identifiées, si le contexte économique conduit à la disparition ou restructuration de certains sites ou si au delà des règles techniques, des choix politiques différents sont faits dans certains bassins industriels ; 80% des mesures foncières sont liées à des effets thermiques ; 4 5 bassins industriels ont des mesures foncières potentielles de l ordre de 100 millions d euros ou bien plus, 5 à 6 autres bassins industriels ont des mesures foncières potentielles entre 50 et 100 millions d euros ; des questions complexes peuvent émerger, s agissant d infrastructures de transport à proximité de sites industriels ; 900 communes environ verront tout ou partie de leur territoire dans le périmètre d un (ou plusieurs) PPRT. Une répartition du coût des mesures foncières / supplémentaires et des bassins industriels est présentée dans le graphique ci dessous :
Nombre de sites 200 100 0 DES POINTS POSITIFS La démarche des PPRT a permis des avancées positives notables : Une nouvelle forte réduction des risques à la source. La nouvelle méthodologie des études de dangers a remis à plat, de façon très approfondie et organisée, l ensemble des risques générés sur les sites Seveso seuil haut ainsi que les mesures prises pour les réduire et les maîtriser. Au delà des outils méthodologiques mis à disposition des exploitants et des inspecteurs des installations classées, la prise de conscience des impacts potentiels des risques résiduels sur les territoires avoisinants et la transparence / concertation accrue voulues par la démarche PPRT ont remis en perspective les atouts d une démarche approfondie de réduction des risques à la source. Ces efforts ont porté leurs fruits puisqu ils ont permis en trois ans de réduire d environ 350 km2 (soit l équivalent de 1,5 fois la superficie du département du Val de Marne) l emprise des mesures foncières potentielles des PPRT (expropriations et délaissements). D ores et déjà le dispositif a permis une forte réduction des risques, alors même que l élaboration des plans est encore en cours. Une volonté partagée et constructive de tous les acteurs d entrer dans la démarche et de prendre des décisions collectivement. Les PPRT sont abordés avec un a priori positif par l ensemble des acteurs et nombre d entre eux cherchent à se ménager le temps nécessaire pour participer sérieusement à la démarche. La volonté de dialogue et de choix collectif est partagée par tous. Il s agit ici d une véritable volonté d ouverture par rapport au binôme classique exploitant Etat qui était souvent plutôt la règle précédemment s agissant de la maîtrise du risque technologique. Une occasion de «voir en face» le risque technologique sous tous ses volets au niveau territorial. Les PPRT ont été créés avec de puissants leviers d action (sur les sites, sur les constructions avoisinantes, sur les voies de communication ) permettant un traitement global du sujet, ce qui n était pas possible précédemment. Ils conduisent à reposer toutes les bonnes questions, y compris parfois épineuses, au travers d une démarche large, transversale et publique.
La loi de finances 2012 a prévu des autorisations d engagement largement supérieures à 100 M contre 100 M en 2011 et 56 M en 2010. Ces sommes constituent la part Etat dans le financement des mesures foncières. Malgré un contexte budgétaire difficile, le ministère du développement durable dispose donc des ressources budgétaires pour assumer la part Etat du financement des PPRT. DES DIFFICULTÉS DANS LA MISE EN OEUVRE Le très grand nombre et la complexité des documents techniques (pour lesquels les industriels et les bureaux d études ont parfois eu du mal également à trouver et mobiliser suffisamment de compétences rapidement) ne permettent pas de les instruire rapidement et répondre correctement à toutes les questions légitimes soulevées par les élus et par les différents représentants de la société civile dans les échanges publics. Pour fixer un ordre de grandeur, une raffinerie va par exemple générer un peu plus de 2 000 phénomènes dangereux dont les effets sortent des limites du site. Pour chacun d eux, l exploitant puis l Etat dans son contrôle devront analyser l ensemble des mesures de maîtrise des risques mises en place, évaluer leur efficacité, valider une probabilité du risque résiduel et modéliser les distances d effets. S agissant des règlements PPRT eux mêmes, une règle claire pour chaque parcelle devra être définie (mesure foncière, mesure constructive, règle d urbanisme futur, restriction d usage, ). Entre temps, diagnostics et réunions publiques devront avoir été menés. Les agents dans les services déconcentrés de l Etat sont à ce jour totalement mobilisés sur cette priorité, mais aussi en nombre insuffisant pour mener rapidement toutes ces démarches attendues. Certains sites très spécifiques nécessitent des expertises approfondies sur les choix de réduction des risques supplémentaires et les options d urbanisme. Ainsi, plusieurs dizaines de PPRT font l objet d un suivi conjoint entre les préfets, le ministère, les élus et les industriels concernés. La concertation est approfondie sur ces sites sensibles. Le dispositif de prescription de travaux sur les constructions environnantes fait l objet d une très faible acceptabilité sociale. La loi de 2003 a prévu que ces travaux sur le bâti existant soient réalisés à la charge des propriétaires (publics ou privés). Les premières expériences et les éléments techniques rassemblés montrent que le plafond prévu par la loi (10% de la valeur vénale du bien) est atteint dans un nombre significatif de cas, alors que les populations résidant à proximité des sites industriels appartiennent rarement aux couches sociales les plus favorisées. Un crédit d impôts (15% du montant des travaux mais avec un plafond de 750 pour un célibataire et 1 500 pour un couple) a été prévu par le législateur, usuellement très inférieur au coût de ces travaux. Conformément aux recommandations de la table ronde sur les risques industriels, la loi portant engagement national pour l environnement du 12 juillet 2010 a augmenté ce crédit d impôt le portant à 40% du coût des travaux pour les résidences principales. Néanmoins, compte tenu du contexte budgétaire peu propice à la création d aides fiscales, ce dispositif a été revu par le Parlement pour trouver le meilleur compromis permettant de progresser dans la démarche PPRT tout en tenant compte des contraintes liées aux finances publiques. C est pourquoi le crédit d impôt finalement retenu par la loi de finances 2011 s élève à 30% du montant des travaux, avec la même assiette éligible que ce que prévoyait la loi initialement. En revanche, le dispositif a été étendu aux propriétaires bailleurs, permettant ainsi une meilleure prise en compte des logements locatifs. Ce dispositif de travaux reste difficilement accepté, alimente une tentation de rejet du site industriel voisin et retarde considérablement la démarche PPRT. Les riverains estiment que les coûts restant à
leur charge restent trop élevés alors même qu ils considèrent ne pas être à l origine du risque. Plusieurs pistes ont été esquissées lors de réunions publiques, d assises nationales ou d intervention d élus (par exemple à l Assemblée nationale). Le dialogue engagé avec les collectivités et les industriels qui avaient notifié leur engagement à participer à ces dépenses au travers d un dispositif complémentaire permettant de couvrir tout ou partie de la part encore à la charge du propriétaire, reste ouvert. La crise économique que la France a traversé a considérablement réduit la visibilité des acteurs économiques et accru la pression qu ils subissent de la part des organes de direction des groupes pour assurer la viabilité et la pérennité des sites industriels. Même si les coûts effectifs liés aux PPRT s étaleront dans le temps (les expropriations mettent plusieurs mois à plusieurs années pour être totalement réalisées, les délaissements peuvent s étaler sur une génération selon les choix des populations), il est parfois difficile pour les entreprises de se projeter dans le futur et d aborder avec sérénité les débats relatifs aux PPRT. DES DÉFIS Des situations complexes vont devoir être gérées, en particulier pour la douzaine de PPRT dont les mesures foncières que les analyses techniques pourraient suggérer sont importantes. Les montants importants qu il s agira de financer, les impacts importants sur les territoires et sur les populations amèneront à des dossiers lourds. De grandes infrastructures de transport peuvent longer (ou parfois traverser) des sites industriels (autoroutes et route nationales à fort trafic mais aussi forte proportion d embouteillages, voies empruntées par les TGV par exemple). Aborder les PPRT et l exposition des populations avoisinantes amène inévitablement à s interroger sur ces coexistences qui peuvent être regrettables. Or les montants nécessaires pour protéger ces infrastructures (couvrir une autoroute, détourner une voie TGV ou une autoroute) sont très importants et la loi Bachelot n a pas prévu de dispositif pour ces travaux (dont les montants n ont donc pas été intégrés aux estimations financières citées ci dessus). Des choix lourds et des solutions de financement créatives seront donc à considérer. Au niveau local, la prise de conscience du risque industriel sur le territoire n est pas toujours complète et par ailleurs des projets forts de développement peuvent être prévus et potentiellement difficilement compatibles avec le risque industriel et la démarche du PPRT. Par ailleurs, la pression démographique et foncière ainsi que le souhait de développer des territoires peuvent amener les élus à souhaiter, lors des débats préalables aux PPRT, que les PPRT puissent dégeler les contraintes d urbanisme posées sur leurs territoires. Ce sera parfois possible, notamment lorsque les actions continues de réduction du risque à la source permettent une politique de maîtrise de l urbanisation plus restreinte, mais ce sera parfois impossible. Il sera même plutôt opportun de mener des mesures foncières pour réduire le nombre de personnes ou d entreprises exposées. La bonne préparation de tous les acteurs locaux à ces enjeux majeurs dépendra la sérénité des débats jusqu à la fin de l élaboration des PPRT. Certains secteurs industriels sont particulièrement vulnérables à la démarche PPRT. Il en va ainsi des activités de stockage simple sans process (par exemple GPL ou hydrocarbures type carburants) pour lesquels les zones d effets en cas d accident sont comparables aux usines de process (les quantités présentes sur site sont les mêmes), ce qui génère des contraintes sur des parts importantes des territoires, alors que les emplois et la contribution économique territoriale générés sont très faibles (souvent de 2 à 5 emplois). La complexité est parfois accrue par une urbanisation plutôt rapprochée de ces sites, notamment au sein de zones d activités économiques.
Au bilan, ces sites industriels totalement indispensables au titre de l aménagement du territoire (service public d énergie et de chauffage dans les zones plus rurales pour les dépôts de GPL, sécurité d approvisionnement en hydrocarbures) et de la politique de développement durable (leur disparition met sur la route de nombreux camions, transportant des matières dangereuses par ailleurs) amènent à des PPRT complexes soit par les mesures foncières induites soit par les faibles possibilités de développement des communes à leur proximité. Des difficultés apparaissent pour ces cas. * * * Après une phase d appropriation du dispositif par les partenaires, et grâce aux dispositions nouvelles, l expansion actuelle des plans de prévention des risques technologiques devrait s accélérer, permettant d envisager l approbation de la très grande majorité d entre eux pour la fin 2012. D ores et déjà, les études de dangers entreprises ont permis d engager des mesures efficaces de réduction du risque à la source et donc de protection des populations et de l environnement. L enjeu est maintenant de parvenir à un accord sur les choix d investissements de réduction de risques supplémentaires et les mesures foncières et de protection du bâti. La mise en œuvre des plans de prévention des risques technologiques garantira la coexistence des sites industriels avec leur environnement ; de ce point de vue, ils peuvent être l occasion de contribuer à la pérennité de l activité industrielle en France.