1 Plan de cours I - GENERALITES A - Fréquence -répartition B - Modalités de révélation C - Le diagnostic morphologique D - Diagnostic différentiel II - FORMES ANATOMO-CLINIQUES A - Carcinomes à point de départ vésiculaire a1) Formes différenciées a2) Formes indifférenciées ou anaplasiques B - Carcinomes des Cellules C ou Carcinome Médullaire C - Autres tumeurs D - Métastases
2 I Généralités A Fréquence et répartition Le Cancer de la thyroïde représente de 1 à 1,5 % des cancers humains. Aux USA, la prévalence est de 2 à 3 pour 1000 000. La plupart des cas sont observés chez l adulte, avec une forte prédominance féminine (6 à 7 pour 1), mais la tumeur est connue chez l enfant et l adolescent. Les formes familiales sont connues mais rares. L irradiation constitue le facteur de risque le plus important, en particulier pendant les deux premières décades de la vie ; irradiation à visée antiinflammatoire en pathologie ORL, augmentation de la fréquence de ce cancer chez les enfants des îles Marshall, après expériences atomiques et plus récemment, après le désastre de Tchernobyl, en 1986. Les cancers naissent de la vésicule thyroïdienne, (90 % des cas), plus rarement des cellules C, responsables de la sécrétion de Calcitonine (5 % environ). Les lymphomes ou les tumeurs du conjonctif inter-vésiculaire (sarcomes) représentent moins de 1 % des cas. B Modalités de révélation - Le nodule isolé reste la présentation habituelle. Ce nodule est dur, homogène, parfois fixé, habituellement «froid» à la scintigraphie. Le cancer thyroïdien peut se développer au sein d un goitre pluri-nodulaire, localisé ou diffus. L individualisation du nodule malin peut être très difficile. Les nodules bénins, très fréquents à partir de la quarantaine, sont la marque du vieillissement de la glande (adénomes ou hyperplasies nodulaires). Près de 40 à 50 % des sujets de plus de 60 ans sont porteurs d un ou plusieurs nodules. Seulement 5 % environ des nodule thyroïdiens explorés, sont cancéreux. - Le goitre homogène diffus est rare. Il correspond à des formes agressives, rapidement évolutives, de carcinomes indifférenciés ou de lymphomes malins. De ce fait, il est plus fréquent chez le sujet âgé. Cette variante peut poser un problème de diagnostic différentiel avec une thyroïdite. - Les métastases révélatrices sont fréquentes. Il peut s agir d un ganglion latéro cervical, qui pose le problème plus général d un cancer ORL méconnu, surtout en topographie sous-digastrique. Ces métastases sont volontiers kystiques et peuvent faire poser à tort un diagnostic de «kyste dysgénétique» qui s exprime plus volontiers chez l enfant. Le cancer peut être révélé par des métastases pulmonaires ou osseuses, mais leur fréquence diminue avec les progrès du dépistage précoce. - Enfin, un nombre non négligeable de cas sont découverts lors de l examen systématique des pièces opératoires de thyroïdectomie pour nodules bénins. Il s agit habituellement de «micro-carcinomes» de moins de 1 cm. C Diagnostic morphologique - La cytoponction est considérée à l heure actuelle, comme la meilleure méthode de diagnostic du cancer thyroïdien, mais cet examen a ses limites qu il faut bien connaître. Limites liées à l opérateur ; la ponction thyroïdienne est difficile, souvent hémorragique. Elle nécessite une longue pratique. Les ponctions occasionnelles sont rarement productives. Limites liées au nombre et à la taille des nodules ; le choix du nodule à ponctionner dans un goitre pluri nodulaire, la taille inférieure à un centimètre sont des facteurs limitants évidents. Limites liées au type histologique de la lésion. Les carcinomes papillaires, par leur cytologie très caractéristique (noyaux encochés, vacuoles ) sont accessibles au cytodiagnostic. La sensibilité est moins bonne pour les carcinomes à cellules C ou les lymphomes. Le diagnostic des carcinomes
vésiculaires est plus délicat, car ces tumeurs expriment peu leur malignité par les critères cytologiques habituels. Le diagnostic repose sur des critères architecturaux ; invasion vasculaire, franchissement capsulaire, qui ne peuvent être mis en évidence par la cytologie. Au total, le risque de faux négatifs n est pas négligeable. - La cervicotomie avec examen extemporané, a aussi ses limites, essentiellement liées à la technique des coupes à congélation, qui ne permet pas une analyse morphologique fine. Le diagnostic de carcinome papillaire est fait dans 68 à 75 % des cas. Il est différé jusqu à l analyse en technique standard dans 10 à 19 % des cas. Comme pour la cytologie, on retrouve ici les mêmes difficultés d identification des carcinomes vésiculaires (8 à 21 % des cas opérés), correctement identifiés dans 0 à 50 % des cas, selon les séries publiées. Leur diagnostic est différé dans 10 à 100 % des cas. Les carcinomes à cellules C sont identifiés dans 88 à 100 % des cas. La biopsie ganglionnaire cervicale entre dans la stratégie diagnostique. Il convient de réaliser une biopsie exérèse et de ne pas se limiter à une simple cytoponction du ganglion II Formes anatomo-cliniques A - Carcinomes à point de départ vésiculaire Il convient d opposer les cancers différenciés, de loin les plus fréquents et en règle générale de bon pronostic, et les cancers anaplasiques, plus rares et de haute malignité. a1- Les cancers différenciés de la thyroïde Le Carcinome Papillaire (CP) Contexte clinique : Cette forme correspond à plus de 80 % des cancers thyroïdiens. Le carcinome papillaire peut survenir à tout âge, aussi bien chez l enfant que chez l adulte âgé où il peut être particulièrement agressif. L âge moyen de diagnostic se situe entre 30 et 50 ans. Ce cancer est environ 4 fois plus fréquent chez la femme que chez l homme. Microscopie L architecture papillaire, avec souvent des micro calcifications axiales, est caractéristique mais non spécifique, car certaines tumeurs renferment aussi des vésicules. Le diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence de modifications nucléaires particulières : chevauchements, aspect en verre dépoli de la chromatine, inclusions vacuolaires, incisures membranaires. Ces anomalies reproductibles et spécifiques, rendent le CP accessible au cytodiagnostic. Les cellules néoplasiques expriment la thyroglobuline. Ce marqueur est surtout utilisé pour rechercher l origine thyroïdienne d une métastase. Variantes morphologiques : - Le terme de micro-carcinome désigne les tumeurs de moins de 1 cm. Ce groupe représente actuellement 30 % des CP. Le diagnostic pré-opératoire en est difficile, ces lésions étant le plus souvent découvertes à l examen systématique des pièces de thyroïdectomies «tout-venant» (5 à 9 % des pièces). La prévalence autopsique des micro-carcinomes varie selon les séries de 4 à 30 % des cas. Environ 60 % des micro carcinomes compris entre 0,5 cm et 1 cm développent des métastases. Le chiffre tombe à 13 % pour les tumeurs de moins de 0,5 cm (minute carcinoma). - Les CP encapsulés se caractérisent par la présence en périphérie d une capsule fibro-collagène épaisse. Cette variante représente 10 % environ des CP. Le pronostic en est excellent avec un taux de survie à 10 ans de 100 %. - La multifocalité, uni ou bilatérale, est estimée à plus de 20 % des cas. Elle justifie la thyroïdectomie totale d emblée. 3
Modalités évolutives Le CP est une tumeur lymphophile, agressive localement, mais essaimant peu à distance. Localement, la tumeur dépasse la capsule thyroïdienne, puis envahit les ganglions loco-régionaux. Les métastases surviennent dans 6 à 14 % des cas. Poumon et squelette constituent les sites préférentiels. Le pronostic du CP est excellent, puisque 5 à 10 % seulement auront une évolution mortelle à 10 ans. L âge est un facteur de pronostic important, avec un risque accru après 50 ans chez la femme et 40 ans chez l homme. La taille de la tumeur est un facteur aggravant. Le risque augmente nettement au-delà de 4 à 5 cm. Le franchissement de la capsule thyroïdienne et les métastases au moment du diagnostic, ont une valeur péjorative, influençant le pronostic vital et les récidives locales. Le Carcinome Vésiculaire (CV) Contexte clinique Le CV est la deuxième variante la plus commune des cancers thyroïdiens, dont il représente 10 à 20% des cas. On l observe en règle chez la femme plus âgée, avec un pic de fréquence autour de 40 à 50 ans. L incidence serait plus élevée en zones de carence iodée, mais il est impossible, pour l instant, d affirmer que le CV se développe sur un goitre bénin pré-existant. Particularités microscopiques Ce carcinome reproduit l architecture vésiculaire de la thyroïde normale et ne comporte pas d atypies cytonucléaires. Le diagnostic de malignité est porté sur des critères architecturaux ; invasion microscopique de la capsule du nodule et/ou de la thyroïde et surtout invasion vasculaire. De ce fait, le diagnostic cytologique est difficile ou même impossible. Particularités évolutives Cette tumeur est moins lymphophile que le CP. L extension vasculaire préférentielle est responsable de métastases osseuses, pulmonaires ou hépatiques. Les critères de pronostic sont les mêmes que pour les CP. Le CV est plus agressif, avec un taux de métastases et de franchissement capsulaire au moment du diagnostic, plus élevé que pour les CP. a2- Le carcinome anaplasique Cette variante représente moins de 5 % des carcinomes thyroïdiens. La moyenne d âge est de 65 ans. La moitié des patients ont des antécédents de goitre et 20 % des antécédents de carcinome différencié. Le CA se présente comme une masse cervicale d évolution très rapide, avec effraction capsulaire et métastases précoces. La tumeur est d un très grand polymorphisme histologique; petites cellules, cellules géantes, cellules fusiformes Le taux de mortalité approche 100 %. B - Les Carcinomes à Cellules C ou Carcinomes médullaires (CC) Contexte de survenue Il convient d opposer les formes sporadiques ( 80 à 85 % des cas ) et les formes familiales (10 à 15 % des cas). Ces formes peuvent être dépistées précocement. En effet, on connaît l importance de la mutation du proto-oncogène RET dans le développement de ce carcinome. Cette mutation que l on sait maintenant détecter, est retrouvée dans les formes familiales et quelques cas de formes sporadiques. D autre part, le test à la pentagastrine, déclenche une hypercalcitoninémie chez les sujets porteurs d une hyperplasie pré-néoplasique des cellules C ou d un micro carcinome. Cette tumeur peut également sécréter divers peptides hormonaux ; somatostatine, sérotonine, vasointestinal peptide (VIP). Le CC sporadique est observé chez l adulte, avec un pic de fréquence entre 40 et 50 ans, les formes familiales surviennent en général plus précocement, parfois chez l enfant. Ces tumeurs familiales sont volontiers bilatérales. Elles peuvent entrer dans le cadre des néoplasies endocriniennes multiples de type II (NEM II). Dans le syndrome de NEM IIa, le CC est associé à une hyperplasie ou un adénome parathyroïdien, et au phéochromocytome. 4
Dans le syndrome NEM IIb, il est associé au phéochromocytome et à des névromes des muqueuses, chez des sujets de phénotype marfanoïde. Forme microscopique type Ces tumeurs sont d un très grand polymorphisme qui permet déjà de suspecter le diagnostic; cellules rondes, polygonales, fusiformes La confirmation est apportée par l identification immunohistochimique des sécrétions ; calcitonine et ACE. Dans plus de 80 % des cas, le stroma tumoral renferme des dépôts amyloïdes qui fixent l anticorps anti-calcitonine. Variantes morphologiques - L importance des dépôts amyloïdes dépend étroitement du potentiel sécrétoire de la tumeur. De ce fait, l amylose peut manquer dans les tumeurs peu actives. - L examen du tissu thyroïdien péri-tumoral permet, en principe, de distinguer les formes sporadiques et familiales du CC. Dans ces dernières, on observe une hyperplasie des cellules C bilatérale qui prédomine aux pôles supérieurs des lobes thyroïdiens. Ces lésions sont de plus en plus considérées comme des micro-carcinomes. Modalités évolutives Les probabilités de métastases ganglionnaires latéro-cervicales, puis à distance, augmentent avec la taille de la tumeur. Les métastases viscérales au foie, au poumon et à l os sont fréquentes. Le taux moyen de survie à 5 ans est de 50 % environ. Ce taux est significativement plus élevé chez la femme (85.3 % ) que chez l homme (56.3 %). C - Autres tumeurs primitives - Les lymphomes malins primitifs représentent moins de 8 % des tumeurs malignes primitives et doivent être différenciés des localisations thyroïdiennes des lymphomes systémiques en phase de dissémination. Dans plus de 80 % des cas, ces tumeurs surviennent sur une thyroïdite lymphocytaire auto-immune pré-existante. Il s agit, dans la plupart des cas, de lymphomes non hodgkiniens de phénotype B, à grandes cellules. L évolution est marquée par la diffusion à toute la glande, puis l extension aux ganglions lymphatiques régionaux. Les co-localisations gastro-intestinales sont possibles. - Les sarcomes primitifs de la thyroïde (fibrosarcomes, angiosarcomes) sont exceptionnels et posent des problèmes de diagnostic différentiel avec le carcinome anaplasique, dont ils ont d ailleurs l agressivité. D - Métastases thyroïdiennes Ces lésions sont loin d être rares. Elles peuvent être silencieuses ou se traduire par une augmentation de volume de la glande avec parfois une hyperthyroïdie, vraisemblablement en rapport avec la destruction de la glande et la libération d hormones thyroïdiennes. Tous les carcinomes et les mélanomes malins peuvent donner des métastases thyroïdiennes. Il convient de faire une mention spéciale pour les carcinomes «à cellules claires» d origine rénale. La métastase est souvent précessive et détermine l apparition d un goitre dont la coloration macroscopique «jaune-safran» est caractéristique. Microscopiquement, le diagnostic se pose avec une forme «à cellules claires» de carcinome primitif de la thyroïde. 5