REPUBLIQUE DE COTE D IVOIRE ----------------- COUR D APPEL D ABIDJAN ---------------- TRIBUNAL DE COMMERCE D ABIDJAN --------------- RG N 1886/2013 ------------- ORDONNANCE DU JUGE DE L URGENCE -------------- Affaire : -Monsieur EBAH EHIVET MAITRE BEIRA-EBIELE et ASSOCIES Contre -LA SOCIETE VERSUS BANK MAITRE JEAN LUC VARLET -MAITRE DIODAN KOUTOUAN JOSEPHINE -------------- DECISION : Contradictoire ; Recevons monsieur EBAH EHIVET en son action ; L y disons bien fondé ; Ordonnons la mainlevée de la saisie conservatoire de biens meubles corporels pratiquée le 06 novembre 2013, par la société VERSUS BANK, au préjudice de monsieur EBAH EHIVET ; Mettons les dépens de l instance à la charge de la société VERSUS BANK ; AUDIENCE PUBLIQUE DU 12 Décembre 2013 L an deux mil treize Et le douze décembre Nous, TOURE AMINATA, Juge délégué dans les fonctions du Président du Tribunal de commerce d Abidjan, statuant en matière d urgence ; Assisté de Maître FALOLA ESTELLE SANDRINE, Greffier ; Avons rendu l ordonnance dont la teneur suit : Par exploit en date du 19 Novembre 2013, de maître DADI KABA Huissier de justice à Abidjan, monsieur EBAH EHIVET a fait servir assignation à la société VERSUS BANK et à maître DIODAN KOUTOUAN JOSEPHINE d avoir à comparaître devant la juridiction présidentielle de ce siège aux fins d entendre : -déclarer nul le procès verbal de saisie conservatoire de biens meubles corporels en date du 06 novembre 2013, pour violation des dispositions impératives de l article 64 paragraphe 1 et 5, et de l article 65 alinéa 3 de l acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d exécution ; -Constater que la saisie conservatoire de biens meubles corporels pratiquée à son préjudice le 06 novembre 2013, a été faite en violation des dispositions impératives de l article 54 de l acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d exécution, d une part parce que le recouvrement de la créance objet de la saisie querellée n est nullement en péril, et d autre part, parce que monsieur EBAH EHIVET ne saurait en l état être poursuivi comme débiteur de la société VERSUS BANK ; -déclarer en conséquence la nullité de la saisie conservatoire querellée et en ordonner mainlevée ; Monsieur EBAH EHIVET expose au soutien de son action, que le 06 novembre 2013, la société VERSUS BANK a fait pratiquer une saisie conservatoire de ses biens meubles corporels, en sa qualité de gérant et de caution de la société K2R ENERGY, conformément aux dispositions des articles 54 et suivants de l acte OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d exécution ; Le demandeur ajoute qu en application de l article 64 alinéa 1 de l acte uniforme précité, le titre en vertu duquel la saisie conservatoire est pratiquée, doit être annexé au procès verbal de saisie en original ou en copie certifiée conforme ; Il précise que l ordonnance N 002872 rendue le 22 octobre 2013 par la vice présidente du Tribunal de Commerce d Abidjan, n a pas été annexée au procès verbal, contrairement à la mention faite en ce sens sur le procès verbal de saisie ; En outre dit-il, alors même que la saisie conservatoire n a pas été 1
pratiquée en sa présence, une copie du procès verbal de saisie conservatoire du 06 novembre 2013 devrait lui être signifiée, en lui impartissant un délai de huit jours pour porter toute information relative à l existence d une éventuelle saisie antérieure et en communiquer le procès verbal, conformément à l article 65 de l acte uniforme sus indiqué ; Toutefois explique-t-il, ces diligences n ont pas été faites ; Il estime que ces irrégularités entachent la validité du procès verbal de saisie conservatoire, qui doit être déclaré nul, ce qui entrainera la mainlevée de ladite saisie ; Poursuivant, le demandeur affirme que dans le cadre du Programme Présidentiel d urgence (PPU), la société K2R ENERGY est adjudicataire d un marché de fourniture et d installation de groupes électrogènes dans les centres hospitaliers de Divo, Lakota, Bouaflé, Zuénoula, Vavoua et Tabou ; Il avance, qu il s agit d un marché de 115.640.000 FCFA, pour l exécution duquel, la société K2R ENERGY a sollicité et obtenu de la société VERSUS BANK, un financement ; Il fait noter, que l article 3 de l acte de soumission relatif au règlement, stipule que les paiements seront faits par l autorité contractante, par virement sur le compte N A011201002 012201010001 52, ouvert au nom de la société K2R ENERGY à la banque VERSUS BANK située aux 2 Plateaux ; Selon le demandeur, si l Etat n a pas encore réglé la société K2R ENERGY de sorte que celle-ci a dû accuser un retard dans le remboursement des fonds empruntés, il n en demeure pas moins que les fonds devant servir au remboursement de la créance de VERSUS BANK sont disponibles ; En outre, dit-il, ce remboursement ne saurait échapper à la société VERSUS BANK, puisque les sommes dues par l autorité contractantes, seront irrévocablement virées dans son compte domicilié dans ladite banque ; Il en conclut, qu il n y a aucune circonstance de nature à menacer le recouvrement de la créance de la VERSUS BANK ; Aux dires du demandeur, en application de l article 23 de l acte uniforme OHADA portant organisation des sûretés, la caution n est tenue de payer qu en cas de non paiement du débiteur principal et le créancier ne peut entreprendre de poursuites contre la caution, qu après une mise en demeure de payer adressée au débiteur principal et restée sans effet ; Il fait observer que non seulement aucune mise en demeure n a été adressée à la société K2R ENERGY, mais en plus l incapacité de celle-ci de payer sa dette, n est pas démontrée ; Il relève qu il y a eu violation des dispositions de l article 54, et que la saisie doit être déclarée nulle, et mainlevée doit en être ordonnée par la juridiction de céans ; La société VERSUS BANK fait valoir qu elle attend le paiement de sa créance ; DES MOTIFS En la forme Sur le caractère de la décision 2
Les défendeurs ayant eu connaissance de la présente procédure, il sied de statuer par décision contradictoire ; Sur la recevabilité de l action La présente action ayant été initiée dans le respect des exigences légales de forme et de délai, il sied de la déclarer recevable ; Au fond Sur la demande en mainlevée de la saisie conservatoire de créances fondée sur la violation des dispositions de l article 64 de l acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d exécution Estimant que la saisie conservatoire de biens meubles corporels du 06 novembre 2013, viole les dispositions de l article 64 alinéas 1 et 5 de l acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d exécution, la demanderesse sollicite la nullité du procès verbal de saisie et la mainlevée de ladite saisie ; L article 64 de l acte uniforme sus indiqué dispose : «Après avoir rappelé au débiteur qu il est tenu de lui indiquer les biens qui auraient fait l objet d une saisie antérieure et de lui en communiquer le procès verbal, l huissier ou l agent d exécution dresse un procès verbal de saisie qui contient, à peine de nullité : 1) La mention de l autorisation de la juridiction compétente ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ; ces documents sont annexés à l acte en original ou en copie certifiée conforme. 5) Si le débiteur est présent, sa déclaration au sujet d une éventuelle saisie antérieure sur les mêmes biens» ; En l espèce, il ressort clairement des pièces produites, notamment des mentions sur le procès verbal de saisie conservatoire de biens meubles corporels en date du 06 novembre 2013, que contrairement aux allégations de la débitrice, les pièces en vertu desquelles la saisie querellée a été pratiquée, en l occurrence l ordonnance N 002872/2013 et la requête ayant donné lieu à cette ordonnance, ont été annexées audit procès verbal et délaissées à la personne trouvé au lieu de la saisie ; En outre il est constant d une part, qu en application de l article 8 de la loi N 97-514 du 04 septembre 1997, les actes dressés par les huissiers de justice, font foi jusqu à inscription de faux ; D autre part, au moment de la saisie, aucune réserve n a été émise relativement à ces pièces, que le demandeur prétend ne pas avoir reçues ; Il en résulte que le procès verbal de saisie conservatoire ayant mentionné que les pièces susdites ont été remises lors de la saisie, il y a lieu de rejeter ce moyen de nullité dudit procès verbal ; S agissant de la violation de l article 64 alinéa 5 de l acte 3
uniforme sus indiqué, il est établi comme ressortant du procès verbal de saisie conservatoire, que ladite saisie n ayant pas eu lieu en présence de la personne du débiteur, monsieur EBAH EHIVET, il n était pas nécessaire de recueillir sa déclaration relativement à une saisie antérieure sur les mêmes biens, comme l exige à peine de nullité l article 64 alinéa 5 sus visé ; Il y a donc lieu de rejeter ce moyen de nullité du procès verbal de saisie ; Sur la demande en mainlevée de la saisie conservatoire de biens meubles corporels, fondée sur la violation des dispositions de l article 65 alinéa 3 de l acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d exécution Le demandeur prétendant que les dispositions de l article 65 alinéa 3 auraient été violées, sollicite la nullité du procès verbal de saisie et la mainlevée de la saisie conservatoire ; L article 65 dudit acte uniforme dispose : «Si le débiteur est présent aux opérations de saisie, l huissier ou l agent d exécution lui rappelle verbalement le contenu des mentions du 6 et 7 de l article 64 ci-dessus. Une copie du procès verbal portant les mêmes signatures que l original lui est immédiatement remise ; cette remise vaut signification. Lorsque le débiteur n a pas assisté aux opérations de saisie, une copie du procès verbal lui est signifiée, en lui impartissant un délai de huit jours pour qu il porte à la connaissance de l huissier ou de l agent d exécution, toute information relative à l existence d une éventuelle saisie antérieure et qu il lui en communique le procès verbal.» ; En l espèce, il est certes établi que la saisie conservatoire de biens meubles corporels du 06 novembre 2013, a été pratiquée en l absence du débiteur monsieur EBAH EHIVET et qu une copie du procès verbal ne lui a pas été signifiée, signification au cours de laquelle, un délai de huit jours devait lui être imparti pour qu il porte à la connaissance de l huissier l existence d une éventuelle saisie antérieure ; Toutefois, les dispositions de l article 65 sus indiquées n ayant pas été prévues à peine de nullité du procès verbal de saisie, comme c est le cas pour la plupart des dispositions de l acte uniforme sus indiqué, leur inobservation ne saurait emporter la nullité du procès verbal de saisie querellée et la nullité conséquente de ladite saisie, et ce, d autant plus qu il n existe pas de nullité sans texte ; Il y a donc lieu de rejeter cet autre moyen tendant à la nullité du procès verbal de saisie et à la mainlevée de la saisie querellée ; Sur la mainlevée de la saisie conservatoire fondée sur l absence des conditions de l article 54 de l acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d exécution 4
Se fondant sur les dispositions de l article 54 de l acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d exécution, le demandeur sollicite la mainlevée de la saisie conservatoire de biens meubles corporels du 06 novembre 2013 ; Aux termes de cet article, «Toute personne dont la créance parait fondée en son principe peut, sur requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, l autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement.» ; Il ressort de ce texte, que deux conditions cumulatives sont exigées pour être autorisé à pratiquer une saisie conservatoire, à savoir : - l existence d une créance paraissant fondée en son principe qui suppose qu il y ait un créancier et un débiteur ; - le péril dans le recouvrement de ladite créance ; En l espèce, s agissant de la condition tenant à l existence d un principe de créance, il est constant que monsieur EBAH EHIVET est poursuivi en sa qualité de caution de la société K2R ENERGY débitrice principale de la société VERSUS BANK ; L article 23 de l acte uniforme OHADA portant organisation des sûretés, dispose : «la caution n est tenue de payer la dette, qu en cas de non paiement du débiteur principal. Le créancier ne peut entreprendre de poursuites contre la caution qu après une mise en demeure de payer adressée au débiteur principal et restée sans effet.» ; Il en résulte que les poursuites contre la caution doivent être postérieures à la mise en demeure du débiteur restée sans suite et que la caution ne paie qu en cas de défaillance du débiteur, l engagement de la caution étant accessoire ; La poursuite s entend de toute voie de droit exercée, en vue du recouvrement d une créance ; En l espèce, il n existe aucune mise en demeure adressée à la société K2R ENERGY et qui serait revenue infructueuse, de sorte qu en l état monsieur EBAH EHIVET ne peut être poursuivi pour le paiement ; En outre, en ce qui concerne la condition relative au péril dans le recouvrement, elle s entend de la menace dans le recouvrement résultant de la volonté du débiteur d organiser son insolvabilité ou de son impossibilité avérée de payer sa dette, ou encore de sa volonté manifeste de ne pas la payer ; En l espèce, la société VERSUS BANK n a à aucun moment caractérisé le péril dans le recouvrement de sa créance ; Elle n a même pas adressé de mise en demeure au débiteur principal ; Au surplus le règlement de la créance de la société K2R ENERGY envers l Etat dans le cadre du marché du Programme Présidentiel d Urgence, doit s effectuer dans le compte de ladite société domicilié à la VERSUS BANK ; Il ne saurait donc y avoir péril dans le recouvrement de la créance ; Il résulte de tout ce qui précède que les conditions cumulatives exigées par l article 54 sus indiqué pour pratiquer une saisie 5
conservatoire, ne sont pas réunies ; Il y a donc lieu d ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire de biens meubles corporels du 06 novembre 2013 pratiquée par la société VERSUS BANK, au préjudice du demandeur, conformément à l article 62 de l acte uniforme précité, en vertu duquel la mainlevée de la saisie conservatoire peut être ordonnée, lorsque les conditions de l article 54 sus indiqué ne sont pas réunies ; Sur les dépens La société VERSUS BANK succombant, il sied de mettre les dépens de l instance à sa charge ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, en matière d urgence et en premier ressort ; Recevons monsieur EBAH EHIVET en son action ; L y disons bien fondé ; Ordonnons la mainlevée de la saisie conservatoire de biens meubles corporels pratiquée le 06 novembre 2013, par la société VERSUS BANK, au préjudice de monsieur EBAH EHIVET ; Mettons les dépens de l instance à la charge de la société VERSUS BANK ; ET AVONS SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER. / 6