Assurer l intégrité environnementale du système québécois de plafonnement et d échange pour les émissions de gaz à effet de serre



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Transcription:

Assurer l intégrité environnementale du système québécois de plafonnement et d échange pour les émissions de gaz à effet de serre Document soumis au gouvernement du Québec à propos de son projet de règlement concernant le système de plafonnement et d échange de droits d émission de gaz à effet de serre Préparé par Équiterre et la Fondation David Suzuki Le 9 septembre 2011

Nous vous prions de bien vouloir prendre connaissance des présents commentaires formulés par la Fondation David Suzuki et Équiterre quant au projet de règlement déposé le 7 juillet 2011visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) aux termes de la Loi sur la qualité de l environnement. L occasion Le Québec peut être un chef de file en matière de lutte aux changements climatiques et tirer profit d une économie verte S il est bien conçu et mis en application dès le 1 er janvier 2012, ce règlement comptera parmi les plus puissants outils que le gouvernement puisse avoir pour combattre les changements climatiques. Non seulement ce règlement influencera-t-il la réussite du Québec dans ses efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais de plus, avec l aide de puissants partenaires tels que l État de la Californie, il permettra certainement de jeter les bases de la stratégie nord-américaine de lutte aux changements climatiques. Nous nous réjouissons que le gouvernement du Québec continue, par le dépôt de ce règlement, à démontrer son rôle de chef de file en matière de lutte aux changements climatiques. Toutefois, certaines parties du projet de règlement proposé demeurent faibles et comportent potentiellement des failles. En conséquence, la Fondation David Suzuki et Équiterre proposent les modifications suivantes afin de s assurer que l intégrité et la performance environnementale de ce règlement en matière de plafonnement et de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec soit préservée et que le système demeure efficace. Si les aspects mentionnés ci-dessous sont renforcés dans le projet de règlement, nous croyons que le leadership du Québec dans le cadre de cette initiative pourrait alors contribuer à mener l Amérique du Nord et le monde vers une victoire sur ce qui ne peut être considéré que comme étant la plus grande menace planant sur notre avenir. En instaurant un signal de prix fort sur les émissions de carbone par l entremise d un système de plafonnement et d échange, le Québec pourrait se positionner au premier rang du leadership climatique en Amérique du Nord, et tirer profit de l économie des énergies renouvelables, soit l une des industries dont la croissance mondiale est la plus rapide. Cette tendance mondiale a engendré de remarquables débouchés économiques et possibilités d emplois pour un Québec novateur et créateur de solutions aux changements climatiques. Nos préoccupations La complexité du projet de règlement mine la performance et l intégrité environnementale et l efficacité du système De manière générale, notre principale préoccupation par rapport au règlement dans sa forme actuelle se rattache au fait qu il est rendu excessivement complexe par la Équiterre et la Fondation David Suzuki, 9 septembre 2011 2

présence d un certain nombre de mécanismes de flexibilité ou d échappatoires tels que des crédits pour réduction hâtive, un compte de réserve agissant à titre de plafond pour le prix des permis, ce qui laisse un très grand nombre de permis disponibles pour d atteindre les objectifs de réduction des émissions. Le projet de règlement est également complexifié par la décision de ne pas vendre aux enchères l ensemble des permis pour plutôt distribuer la plupart de ceux-ci gratuitement selon un système d intensité des émissions. Cette complexité demeure problématique pour plusieurs raisons. Premièrement, les différents mécanismes de flexibilité amenuisent l intégrité et la performance environnementale du système en réduisant la certitude que les réductions d émission rapportées sur papier reflèteront fidèlement les réductions d émission réellement accomplies. Deuxièmement, un système réglementaire d une telle complexité est plus difficile à comprendre par la population et les intervenants défendant l intérêt public. Un tel système devient ainsi moins transparent et moins tenu de rendre des comptes à la population; il est de surcroît plus susceptible d être manipulé par des intérêts particuliers (industrie, commerce, etc.). Un système de plafonnement et d échange simple, transparent et rigoureux sur le plan environnemental serait préférable à celui qui est actuellement proposé. Un tel système procéderait par la vente aux enchères de la totalité des quotas ou des permis d émission, et ne considérerait pas la compensation des émissions à titre de mécanisme de conformité. En lieu et place, le règlement proposé offre trop de souplesse, alors qu il inclut diverses échappatoires inutiles en ce qui concerne la conformité, compromettant de la sorte son efficacité environnementale. Ces différents aspects sont développés plus en détail ci-dessous. Recommandation 1 Champ d application s attaquer aux émissions du secteur du transport (soit la plus importante source d émissions de gaz à effet de serre au Québec) dès maintenant, sans attendre. Le champ d application du système soit les secteurs et les sources d émissions de gaz à effet de serre concernés par le règlement proposé est suffisamment vaste, touchant l ensemble des émissions autres que celles générées par les secteurs de la foresterie, de l agriculture et des déchets solides. Cependant, il est préoccupant de constater que les émissions reliées aux transports ne seront pas prises en compte par le système avant 2015. Au Québec, le secteur des transports représente la plus importante source d émissions de gaz à effet de serre. Il est d ailleurs intéressant de noter que les émissions associées aux transports ont augmenté au cours des deux dernières décennies, ce secteur constituant en outre l un de ceux où il est le plus difficile de réduire les émissions. Retarder l inclusion des émissions associées au transport ne fait que compliquer l atteinte de la cible de réduction des émissions adoptée par voie législative par le Québec pour 2020, et fait par conséquent courir l important risque que le Québec ne parvienne pas à atteindre l objectif de réduction d émissions qu il s est fixé. L une des manières de contrer cela consiste à augmenter dès maintenant la redevance sur les hydrocarbures. L augmentation des revenus générés pourraient servir à soutenir des projets comme un réseau de transport durable provincial qui comprendrait des trains Équiterre et la Fondation David Suzuki, 9 septembre 2011 3

rapides, des autobus, ainsi que des infrastructures piétonnières et cyclables. Cette stratégie permettrait non seulement de s attaquer à la plus importante source d émissions de gaz à effet de serre de la province, mais elle permettrait également d offrir aux citoyens des choix en matière de transport qui soient plus respectueux de l environnement, réduisant de plus la congestion routière et le smog.. Cette approche a été récemment instaurée en Australie. Recommandation 2 Champ d application faire de l industrie un chef de file en matière d efficacité énergétique et de technologies propres de pointe en s attaquant aux émissions associées aux procédés industriels L ensemble des émissions de gaz à effet de serre émanant des secteurs concernés par le système de plafonnement et d échange devrait être sujet aux cibles de réduction d émission adoptées par voie législative par le Québec. Selon nous, il n y a aucune raison valable pour que les émissions de gaz à effet de serre associées aux procédés industriels par exemple les émissions provenant des procédés chimiques inhérents à la fabrication de l aluminium ou du ciment jouissent d un traitement qui diffère de celui applicable aux émissions provenant de la combustion de carburants fossiles à des fins énergétiques. Tout comme c est le cas pour ces dernières, imposer à l industrie de payer pour ses émissions reliées aux procédés industriels et l obliger à réduire celles-ci l incitera à diminuer ces émissions par l entremise d innovations ou d investissements. Cela ferait des industries québécoises des chefs de file en matière d efficacité, de savoir et de technologie énergétiques propres. Le règlement proposé pourrait ainsi être renforcé en demandant que le plafond de réduction s applique à l ensemble des émissions de gaz à effet de serre, y compris celles générées par les procédés industriels. Recommandation 3 Faire en sorte que le règlement soutienne les cibles d émissions de gaz à effet de serre légalement contraignantes que le Québec s est fixées pour 2020 L objectif du Québec visant à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 20 % sous le niveau de 1990 d ici 2020 demeure la cible la plus ambitieuse en Amérique du Nord. Bien que cette cible ait été établie par voie législative, aucune allusion n est faite à celle-ci dans le règlement et ce dernier ne l appuie pas. D ici 2020, le plafond d émissions doit être au moins de 20 % sous du niveau de 1990 afin de s assurer que l industrie, les commerces et les ménages québécois travaillent de concert et accomplissent leur juste part pour faire partie de la solution et atteindre les cibles convenues par voie législative par le Québec. Jouer la carte de la transparence en harmonisant les cibles d émissions du Québec avec le règlement envoie également un signal important aux citoyens québécois selon lequel son objectif consiste à atteindre la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Équiterre et la Fondation David Suzuki, 9 septembre 2011 4

Recommandation 4 Récompenser les dirigeants qui ont entrepris des mesures d action précoce et éviter, par la vente aux enchères de la totalité des quotas (permis) d émissions, les erreurs commises par d autres gouvernements Le règlement proposé permettra d allouer gratuitement au moins 75 % des quotas (permis) d émissions aux industriels au cours de la période où le règlement sera en vigueur, soit de 2012 à 2020, et certains secteurs en recevront un pourcentage considérablement plus élevé. Il n y a aucune justification à distribuer gratuitement une quantité aussi élevée de quotas. Un vrai système fondé sur le principe du pollueurpayeur vendrait aux enchères la totalité des quotas d émissions puisque ceux-ci possèdent une valeur au même titre qu une marchandise au sein du système de plafonnement et d échange des droits d émission de carbone. Si l industrie ou d autres pollueurs ne paient pas pour l obtention de quotas d émissions pour plutôt se les faire offrir gratuitement par le gouvernement, cela équivaut à débourser de l argent à partir des fonds publics pour la donner aux grands émetteurs industriels ou de toute autre entité privée. À l opposé, au sein d une vente aux enchères de quotas d émissions, les grands émetteurs industriels demeurent responsables de l ensemble de leurs émissions et doivent les réduire ou payer pour celles-ci. Un système où tous les quotas d émission sont vendus aux enchères serait plus équitable puisqu il permettrait d assurer que l industrie assume pleinement la responsabilité de ses émissions de gaz à effet de serre, en plus de récompenser les industries et les entreprises qui ont déjà amorcé des mesures d action précoce responsables afin de réduire leurs émissions. Ce système permettrait également d éviter les erreurs commises durant la phase initiale du système de plafonnement et d échange de l Union européenne, où les quotas d émission furent distribués gratuitement à l industrie, ce qui a occasionné des profits mirobolants pour les grands pollueurs industriels aux frais des contribuables. La vente aux enchères de la totalité des permis d émission simplifierait également le système de plusieurs manières. Cela éliminerait la nécessité de déterminer la quantité de permis devant être alloués gratuitement à chaque émetteur industriel. Cela supprimerait également la nécessité d évaluer la nécessité d accorder des crédits pour les mesures d action précoce et de les distribuer. En effet, au sein d un système où les émetteurs industriels payent pour la totalité des émissions qu ils génèrent, tous les acteurs ayant agi rapidement seraient récompensés alors que leurs émissions seraient réduites en conséquence des mesures d action qu ils ont posées précédemment. Recommandation 5 Relier les quotas d émission et les crédits pour réduction hâtive à un plafond absolu Si le gouvernement du Québec décide d aller de l avant avec un régime d allocation de permis gratuits qui se base sur l intensité des émissions industrielles c.-à-d. en fonction des émissions pondérées par unités de production, le règlement devrait faire Équiterre et la Fondation David Suzuki, 9 septembre 2011 5

en sorte d établir un lien entre l allocation des quotas d émissions, les crédits pour réductions hâtives et le plafond absolu des émissions de la province. Dans la forme proposée, en raison du fait que le régime d allocation se base sur l intensité des émissions de gaz à effet de serre, les industries qui augmentent leur production obtiennent un plus grand nombre de permis. Les nouvelles installations recevront également des permis gratuitement. L ajout des crédits pour réduction hâtive renforce encore plus la possibilité que le nombre total de permis et de crédits d émission excède le plafond de GES. Il est attendu que les forces du marché fassent contrepoids et réduisent le niveau total des émissions, mais rien ne garantit que cela se produira. En lieu et place, le système a besoin d être fortement lié au plafond absolu, de manière à éviter que les allocations de permis, incluant tout crédit additionnel, n excèdent le plafond de GES pour l année en cours. Cela peut se faire en révisant à la baisse le nombre total de permis alloués de manière à ce que chaque installation reçoive la même proportion de permis d émission, le nombre total de permis et de crédits correspondant strictement au plafond fixé. Par ailleurs, permettre à l industrie de recourir à l une des nombreuses méthodes de calcul pour déterminer leurs réductions hâtives induit la possibilité que certains acteurs industriels puissent manipuler le système en se servant de la méthode qui leur accorde le plus grand nombre de crédits. Le règlement doit se protéger de cette éventualité en normalisant, autant que faire se peut, ces méthodes de calcul, particulièrement entre les secteurs industriels. Recommandation 6 Restreindre de manière stricte ou éliminer complètement les échappatoires telles que les crédits compensatoires, afin que les entreprises se concentrent sur la réduction de leurs propres émissions Selon le règlement proposé, les crédits compensatoires peuvent représenter 8 % des émissions totales de gaz à effet de serre d un émetteur. Puisque ce pourcentage s applique aux émissions plutôt qu à la cible de réduction des émissions, la possibilité demeure que la conformité d une entreprise provienne en grande partie de l achat de compensations (c.-à-d. des crédits obtenus pour une réduction des émissions de gaz à effet de serre réalisée par une autre entité située en dehors des secteurs ciblés par le règlement et qui peuvent être employés pour compenser les émissions de l émetteur). Par exemple, les représentants de la Californie ont confirmé que l application de la règle des 8 % au sein de leur système permettrait aux compensations de représenter jusqu à 85 % de leurs efforts pour se conformer au règlement 1. Puisque le Québec vise une cible d émissions différente de celle de la Californie, le degré de fiabilité des crédits compensatoires risque également d être différent. Néanmoins, et selon des considérations environnementales, tout système permettant l achat de crédits compensatoires afin de constituer une portion importante de l effort de réduction des émissions restera faible et inefficace. 1 Mulkem, Anne. 2011. «Offsets could make up 85 % of Calif. s cap-and-trade program». Greenwire. Disponible en ligne au http://www.nytimes.com/gwire/2011/08/08/08greenwireoffsets-could-make-up-85-of-califs-cap-and-tra-29081.html?partner=rss&emc=rss (en anglais ; dernière visite effectuée le 8 septembre 2011). Équiterre et la Fondation David Suzuki, 9 septembre 2011 6

Il existe de multiples causes à cela. Premièrement, plus une entreprise, une industrie ou une province se sert de compensations pour étoffer ses efforts de réduction d émission, moins elle investit dans la transformation de ses opérations ou de l économie pour produire de l énergie plus propre et réduire les émissions. Investir directement dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre mène souvent à des réductions permanentes des émissions, alors que l achat de crédits compensatoires doit se faire sur une base annuelle. Deuxièmement, l utilisation de crédits compensatoires constitue un jeu à somme nulle dans le meilleur des cas; dans le pire des cas, elle admet des émissions significativement plus élevées dans la réalité. La raison à ceci est la suivante : tous les crédits compensatoires accordés ne proviennent pas d investissements additionnels dans la réduction des émissions. De manière quasi inévitable, dans l ensemble des projets de réduction, certains projets conserveront les même pratiques (business-asusual), mais se verront malgré cela accorder des crédits compensatoires. Dans cette situation, les réductions d émission rapportées sur papier ne reflètent donc pas fidèlement les réductions réellement effectuées. Si le but consiste à assurer la meilleure performance environnementale possible, alors il importe de ne permettre aucun mécanisme compensatoire, quelle qu en soit la forme. L élimination complète des compensations simplifierait le système de plafonnement et d échange, en plus d assurer que les réductions d émission sont réelles et supplémentaires. Si le Québec choisit néanmoins de permettre l accès à des crédits compensatoires, ces dernier devraient alors demeurer restreints quant à leur nombre et être assortis de sévères normes de qualité. Selon nous, des politiques complémentaires devraient être mises en place afin de régler la question des émissions de gaz à effet de serre générées par les secteurs de la foresterie, de l agriculture et des déchets solides, plutôt que d inclure ces derniers au sein d un système de crédits compensatoires. Par exemple, des règlements imposant le plafonnement des émissions provenant de l ensemble des sites d enfouissement d importance seraient plus simples et démontreraient une plus grande efficacité à réduire ces émissions, en comparaison de l octroi de crédits compensatoires pour un investissement similaire. Les émissions en provenance des secteurs de la foresterie et de l agriculture pourraient être prises en charge à l aide d autres politiques, incluant des règlements. Équiterre et la Fondation David Suzuki, 9 septembre 2011 7