Comprendre l expérience néozélandaise : leçons à tirer pour la production laitière de demain. Professeur Hugh Campbell Université d Otago, Nouvelle-Zélande
La politique agricole avant la Deuxième guerre mondiale Avant la Deuxième Guerre mondiale, les puissances industrialisées comme le Royaume-Uni vivent aux dépens de leurs colonies. L agriculture dans le premier monde se dirigeait probablement vers la disparition. Cela a radicalement changé après la Deuxième Guerre mondiale. Différents modèles politiques sur la façon de protéger l agriculture dans les pays industrialisés. Le défi : assurer aux producteurs du premier monde des revenus dignes du premier monde
Régimes politiques d après-guerre : assurer les revenus Le modèle européen n 1 subventions directes des prix, protection tarifaire. Le modèle européen n 2 transition aux subventions de la «catégorie verte» (GATT), paiements indirects, appui aux résultats environnementaux. Le modèle américain subventions directes à l exportation, expansion commerciale stimulée par l aide accordée aux marchés destinataires. Le modèle asiatique réserves stratégiques de marchandises essentielles clés pour soutenir les prix.
L arrivée du modèle néolibéral Les négociations de longue haleine pour la libéralisation du commerce ont exclu l agriculture jusqu en 1985. À la fin du cycle d Uruguay (GATT), les pays qui avaient précédemment soutenu les revenus agricoles ont convenu de libéraliser l agriculture. Différents modèles nationaux ont fait leur apparition (par ex., celui du Canada). Au niveau du discours politique, la libéralisation fournissait un autre «modèle» pour assurer des revenus du premier monde aux producteurs du premier monde.
La preuve en Nouvelle-Zélande? Ferme coloniale du Pacifique Sud. Exporte plus de 90 % des aliments produits. Crise des revenus agricoles après la perte de l accès privilégié au marché du Royaume-Uni en 1973. Forte adoption nationale d une politique néolibérale en 1984. Retrait des subventions à l agriculture. Crise considérable des sources de revenus agricoles durant la période de restructuration (1985-1992). Un ensemble de conséquences déconcertantes.
Pourquoi déconcertantes? Différentes industries ont emprunté des trajectoires très différentes. Les industries qui ont suivi la théorie néoclassique de plus près et qui ont adopté une déréglementation intégrale n ont pas obtenu des résultats particulièrement satisfaisants. Les industries qui ont lutté pour conserver des structures coopératives, des ententes d accès aux marchés et des stratégies industrielles coordonnées se sont beaucoup mieux tirées d affaires.
Cas n 1 : Fonterra À l origine, l office néo-zélandais de mise en marché du lait fortes répercussions négatives résultant de la perte de l accès au marché du Royaume-Uni en 1973. Restructuration à partir d un office de producteurs ayant le monopole de l exportation durant les années 1980 et 1990. Processus fortement contesté. Les producteurs laitiers ont lutté contre la déréglementation et ont entrepris des manœuvres politiques afin de créer une méga-coopérative. Fonterra est l aboutissement d un compromis historique entre les forces de la déréglementation et la politique de coopération. L entreprise a un succès spectaculaire.
Cas n 1 : pourquoi Fonterra a-t-elle autant de succès? Quasi-élimination de toute concurrence dans l offre de produits laitiers crus en N.-Z. Une stratégie d internationalisation très réussie. Épousez les enfants de vos ennemis. Filiales communes avec toutes les plus grandes entreprises laitières au monde. Énorme succès de l innovation dans la chaîne d approvisionnement et les procédés de fabrication. Grâce à sa taille, acquiert un savoir-faire dans la chaîne d approvisionnement, les entreprises communes, la distribution dans les réseaux clés (sans avoir à s inquiéter de la concurrence pour l obtention de lait cru) afin de contrôler 32 % des échanges transfrontaliers de produits laitiers.
Cas n 2 : le kiwi Zespri D une industrie divisée, déréglementée à un office de producteurs en 1988. D un office de producteurs à un monopole d exportation appartenant aux producteurs en 1997. La valeur du kiwi a augmenté de 400 % de 1992 à 2007. Stratégie de création de «valeurs» et de «qualités» du kiwi. Le virage vert, nouvelles variétés. Vente par le biais de contrats d approvisionnement exclusif à destination des marchés mondiaux les plus lucratifs. Représente maintenant 33 % des échanges transfrontaliers de kiwi.
Cas n 3 : la viande et la laine Déréglementation des offices de producteurs en de multiples sociétés exportatrices concurrentes. Absence extrême de coopération ou de coordination à l échelle de l industrie. Grave chute des prix dans les marchés clés. Dépendance sur les gains de rendement pour soutenir la rentabilité. Grande victoire pour les consommateurs à travers le monde. L agneau de N.-Z. n a jamais été aussi bon marché dans les marchés d alimentation du Royaume-Uni. Crise des revenus agricoles, démoralisation et explosion de la dette dans l élevage pastoral.
Pourquoi les «mauvais» secteurs ont-ils prospéré? La collaboration et des coopératives solides ont changé la donne. Élimination de la concurrence du côté de l offre. Stratégie coordonnée dans l ensemble de l industrie visant à soutenir les habiletés, des capacités et les allégations des produits. Taille suffisante pour collaborer avec d autres joueurs mondiaux. Vendre des qualités plutôt que des quantités.
Les trois voies pour «gagner» dans des conditions de libéralisation du commerce 1. Devenir «l intermédiaire», éliminer la concurrence, vendre de multiples produits : par ex., du lait et des usines et des systèmes de chaîne d approvisionnement. Exemple : Fonterra. 2. Accroître la valeur de votre produit, éliminer les concurrents, investir dans les qualités de votre produit, cibler des contrats d approvisionnement direct à des détaillants d élite, une discipline serrée quant aux stratégies appliquées à l ensemble de l industrie. Exemple : le kiwi Zespri. 3. Réduire les coûts, accroître l efficacité, accroître la quantité, miner les qualités des uns et des autres, accroître le débit de production, perdre face à des concurrents qui ne sont pas dans les pays du premier monde. Exemple : le secteur néo-zélandais de la viande et de la laine.
Conclusion : assurer aux producteurs du premier monde des revenus dignes du premier monde Le néolibéralisme en agriculture ne propose pas un modèle unique convenant à toutes les situations sur la façon d assurer le succès d une industrie. La production agricole est différente, et nous voulons qu elle demeure dans les pays du premier monde. Le cas le plus classique de déréglementation en N.-Z. le secteur de la viande et de la laine s est avéré une catastrophe économique. Les réussites ont été l objet de luttes politiques, de compromis (ou d hybrides) durement acquis entre la libéralisation et la coopération et la coordination d une industrie. Il y a des modèles couronnés de succès où producteurs et consommateurs y trouvent leur compte. Il ne faut pas se laisser avaler par le modèle à taille unique où le seul gagnant est le consommateur mondial.