Écrir e un film de fiction 1. Le sy no ps is Résumé de l histoir e à g rands traits. Disons une page dactylog raphiée par heur e. Le pitch (sujet, idée) tient, lui, en une ou deux phrases. 2. Le sc én ar io Il peut aussi porter le nom de «contin uité dialoguée». a. Mise en for me g raphique Le film est découpé en scènes n umér otées. À c haque déb ut de scène, figur e en lettr es CAPI- T ALES (et év entuellement en GRAS ), bien identifiab les, - le n umér o de la scène, afin de sa v oir à quel moment du récit on se situe. - les indica tions de décor ou le lieu et le moment de la jour née où la scène se dér oule (précisément indiqué)s : - E X T., signifie que le lieu de tour nage sera en e xtérieur. - I N T., qu il s agira d un intérieur. Puis : J O U R ou N U I T, A U B E... Et enfin, év entuellement, le lieu précis : P A R V I S D E L É G L I S E, C H A M B R E D E P I E R R E, H A L L D E L A É R O P O R T, etc. P ar e x emple: 1 5. E X T. N U I T - D E V A N T L A B R A S S E R I E D E P A U L A près ces pr emièr es indica tions, quelques lignes peuv ent présenter la scène, en indiquant ce qui se passe à l écran. Ensuite nous r entr ons dans le cor ps, à pr opr ement par ler du scénario, en indiquant le nom du per sonnage qui v a s e xprimer et la teneur de son dialogue. Quelques indica tions de r ythme, de ton, en cour s de dialogue peuv ent êtr e notées, en c hangeant de typog raphie (entr e par enthèses). ou P I E R R E, s o u d a i n t r è s e n c o l è r e P I E R R E ( s o u d a i n t r è s e n c o l è r e ) Les dialogues doiv ent êtr e clair ement identifiés, ainsi que les noms des per sonnages qui s e x- priment. Une page écrite en cor ps 14, à un inter ligne et demi, cor r espond à une min ute du film. Un long métrage d une durée d une heur e tr ente compr end donc à peu près 90 pages. Un outil inf or ma tique g ra tuit, Celtx, per met de gér er ces questions, et bien d autr es. b. Style/écritur e Le lang age doit êtr e simple, dir ect. Rien de littérair e : le scénario est un simple outil, un instrument de tra v ail ; il n a pas d e xistence artistique en soi. Le récit est entièr ement au présent de l indicatif. c. Ne figur ent généralement pas dans le scénario : - les cadr es/mouv ements de caméra (tra v elling, g r os plan, plan ser ré, etc.) - les indica tions tec hniques en général - les indica tions du type : ellipse, une min ute plus tar d... - le découpage plan par plan (v oir «Découpage tec hnique»).
Lor sque l on décrit un per sonnage ce n est pas la peine de donner tr op de détails v estimentair es ou sur ses déplacements. Les seules indica tions qui ser ont nécessair es sont celles qui nous r enseignent sur ce per sonnage. Les éléments pur ement descriptifs sur son ph ysique ou sur le décor qui l entour e ne fer ont que diluer l enjeu de la scène. Les descriptions doiv ent êtr e signifiantes en ter mes d image. d. Histoir e Elle est rég lée de la même manièr e que dans tous les autr es types de récit (r oman, bande dessinée, conte, etc.) On part d une Situation Initiale stab le, r ompue par un Événement P erturbateur, qui amène le hér os à entr e pr endr e des Actions, lesquelles r eçoiv ent des Sanctions, pour finalement débouc her sur une Situation Finale stab le de nouv eau (mais pas la même stabilité en général). Ces étapes peuv ent s enc haîner, se r edoub ler, s emboîter, etc. On peut classer les per sonnages/f or ces agissantes/éléments interv enant dans l histoir e en six ca tégories : - le Sujet, qui agit - l Objet, qui est le b ut qu il c her c he à a tteindr e - l Adjuvant, qui l aide dans sa quête - l Opposant, qui c her c he à l empêc her - le Destinateur, qui confèr e la mission - le Destinatair e, à qui est destiné l objet de la quête Chacun de ces éléments peut êtr e pluriel. A utr ement dit, un per sonna ge a un désir. Il r encontr e des obstac les, mais aussi des aides, se r e- tr ouv e au cœur de conf lits, qu il résout (ou non) et a tteint son b ut (ou non). e. Récit/Narration L histoir e (ce qui est raconté, la fiction) est moins importante que la manièr e dont v ous la traitez (le récit, la nar ra tion). Un typhon est un typhon ; mais vu par Buster K ea ton ( Steamboat Bill J unior ) ou par J an de Bont ( T wister, scénario de Mic hael Cric hton), il ne donne pas le même film. Il faut toujour s se placer du point de vue du specta teur, qui est, selon le mot de J ean R enoir, celui qui «finit le film» : - Il faut c her c her ce qui peut fa v oriser son identification ; le r ecour s à des événements sur pr enants non préparés (le hér os g agne à la loterie, le méc hant se fait écraser par hasar d, etc.) ou mélodrama tiques (maladie g ra v e de l hér oïne bien méritante, etc.) n est pas crédib le et lasse. P ensez aussi que l identifica tion v ariee, elle peut très bien passer, dans le cour s du film, d un per sonnage à l autr e. - Que quelque c hose soit vrai n a aucune importance. Ce qui compte est que le specta teur pense que ça peut l êtr e ; ce que v ous racontez doit êtr e vr aisemb lab le. «Le vrai peut quelquef ois n êtr e pas vraisemb lab le.» (Boileau) - Ce que le réalisa teur souhaite (r egistr e, émotions, etc.), c est en définitiv e le spectateur qui en décide ; si v ous réalisez un film d hor r eur où les gens hur lent, mais de rir e, c est v ous qui a v ez tort. - le r ythme est essentiel (a ttention, ce mot n est pas synon yme de «vitesse», un r ythme peut êtr e lent) ; c est cet élément qui fait que le specta teur r este a ttentif. Là encor e, c est la manièr e de raconter qui prime : un film ne v a pas vite par ce que ses per sonnages cour ent. Un der nier conseil : c her c her à êtr e original est souv ent le meilleur moy en de ne pas y par v enir. Êtr e soimême est le bon moy en.
f. Les g randes par ties du récit - Exposition Intr oduction d un certain nombr e d inf or ma tions nécessair e à la compréhension du récit.. L e xposition ne doit pas donner l impr ession d en êtr e une. Accr oc he : a ttiser l a ttention du specta teur. Naissance du désir c hez le(s) per sonnage(s). Le désir peut êtr e : - pr emier (le hér os doit sauv er le monde) - secondair e (sa sa tisfaction est nécessair e, mais pas suf fisante pour que le désir pr emier soit sa tisfait -> le hér os a ttac hé c her c he à se libér er de ses liens pour ar rêter le méc hant et ainsi sauv er le monde). - Nœud Le désir r encontr e un obstacle. Il s ensuit un conf lit. Ce der nier peut êtr e : - e xter ne - réactionnel (les intérêts du per sonnage s opposent à ceux de quelqu un d autr e) - moral/d idées - inter ne - d intérêts per sonnels - moral/d idées (un prêtr e per d la f oi) L opposition monte jusqu à un «climax». Dans un film claqssique, ce der nier doit se situer le plus près possib le de la fin. - Dénouement Il doit naîtr e des données de l histoir e et non d une interv ention e xtérieur e ( deus e x mac hina ). Il peut êtr e : - fer mé (tous les pr ob lèmes ont tr ouvé leur solution) - ouv ert (tout n est pas résolu) - cy clique (la fin boucle a v ec le déb ut). g. La g estion de l infor mation Un film est une succession d inf or ma tions, du déb ut à la fin. Les inf or ma tions en question sont - sues (données une f ois dans le cour s du film, en passant), ou - r etenues (données a v ec insistance, de sorte que le specta teur sait qu il sait. Il est nécessair e de répéter au moins qua tr e f ois, dit-on au théâtr e). - Implants («plants») C est une inf or ma tion donnée en amont pour justifier un élément en a v al. P ar e x emple, dans Psy c hose, Hitc hcock nous présente tout de suite Nor man Ba tes comme taxider miste. Plus besoin de longue e xplica tion à la fin. Il est nécessair e que les implants soient r emar qués, mais il faut éviter qu ils soient «téléphonés» : le specta teur doit enr egistr er l inf or ma tion, mais pas de viner où elle mène). L implant d intérêt vise à év eiller l a ttention du specta teur sur un élément qui v a jouer un rôle par la suite. Le f aux implant (ég alement nommé r ed her ring/f ausse piste ) consiste à a ttir er l a ttention sur un élément qui, finalement, ne servira à rien (le b us sur la r oute où a ttend Car y Grant dans La mort aux tr ousses d Hitc hcok). Dif ficile à réussir et désastr eux si l ef fet est ra té.
- P ar ta g e de l inf or ma tion Le scénariste peut partager les inf or ma tions de manièr e inég ale entr e le per sonnage et le specta teur. Le specta teur sait ne sait pas Le per sonnage sait ne sait pas - [ qui est l assassin dans Columbo. ] Supériorité Suspense F rustra tion du specta teur (séquence du plan dit à v oix basse par un per sonnage à l or eille d un autr e) Ignorance absolue/ Désinf or ma tion ( Usual Suspects ) h. Comment entr er dans un scénario Ce peut êtr e une bonne c hose d a v oir toujour s sur soi un car net et un cra y on, v oir e un dictaphone (certains lecteur s MP3 of fr ent cette f onction). V ous pouv ez v ous en servir pour noter une idée, une réf le xion entendue, un action vue. Sans êtr e f or cément le point de départ d un scénario, ce que v ous observ ez (il faut êtr e toujour s aux aguets, ouv ert à l autr e) peut enric hir une histoir e. De quoi peut-on partir? - d un car actèr e e x. : indécis -> bonne idée (déclenc he des situa tions) e x. : menteur -> fausse bonne idée (comment le montr er?) - d une f or me e x. : des actions en parallèle e x. : un objet qui cir cule e x. : un film de science fiction (genr e) - d un conce pt e x. : conce pt de point de vue (un per sonnage vu par plusieur s témoins) e x : conce pt d écritur e (le plan-séquence) - d un lieu e x. : le train e x. : une maison - d un messa ge qu on v eut fair e passer a v antage : la situa tion est conten ue dans le message, il suf fit de l en fair e sortir. danger : si le film se réduit au message, il sera enn uy eux. Ne pas non plus fair e d un des per - sonnages son porte-par ole. C est l action qui porte le message. e x. : On a toujour s besoin d un plus petit que soi. Le point de départ est moins important que le questionnement auquel on le soumet. C est par ce questionnement que l on parvient à construir e une ébauc he d histoir e. Ex. : à pr opos de la maison - Où sommes-nous? Dedans ou de hor s? - Dedans. Dans quelle pièce? - Une c hambr e. D adulte ou d enfant? - D adulte. À quoi r essemb le le lit? Lar ge? Étr oit? - P eut-on v oir des vêtements? Sont-ils rangés? Épar s? - D homme et/ou de femme? - À combien de per sonnages semb lent-ils appartenir? Il s agit de laisser aller son imagina tion, mais toujour s dans l idée de construir e. Dans l e x emple précédent, on finira par tr ouv er des per sonnages, et l ébauc he d une situa tion.
i. Le per sonna g e
j. Les g enr es Il est nécessair e de définir dans quel genr e v a s inscrir e le film que l on écrit. V oici quelques genr es cinéma tog raphiques majeur s (la liste n est pas complète).
k. Les r e gistr es Encor e quelque c hose dont on doit êtr e conscient. Il s agit de l ef fet que l on c her c he à pr oduir e sur le specta teur.
3. Le s di al o gu es a. Dif fér ence a v ec les dialo gues de théâtr e A u théâtr e toute l inf or ma tion passe par les dialogues, puisque c est tout ce que le spectateur et le lecteur ont (en dehor s de quelques didascalies, mais elles sont plutôt destinées à l acteur et au metteur en scène). A u cinéma c est l image qui prime, le dialogue n est qu un mo y en d inf or ma tion par mi d autr es. «Quand on r eg ar de un film en langue étrangèr e sans traduction et que l on ne compr end rien, cela n a rien à v oir a v ec notr e métier.» (Otar Iosseliani) T outef ois, bien sûr, un certain nombr e d inf or lma tions passent na tur element par les dialogues, les noms des per sonnages par e x emple. b. Construction d un dialo gue - les tr ois temps I. Ouv ertur e F or m ules de politesse, «Bonjour», «comment ça v a?», etc. Il s agit de rituels de confir ma tion des r ela tions sociales entr e les per sonnages. P our des questions de r ythme et d intérêt, cette partie est très souv ent supprimée ou très réduite dans les dialogues fictifs (cinéma, théâtr e, r oman, etc.). II. T r ansaction C est évidemment la partie la plus importante, là où se joue la r ela tion entr e les per sonnages. Il faut le considér er comme un comba t. Les deux (ou plus) inter locuteur s peuv ent désir er des c hoses dif fér entes, opposées, ou identiques ( l enjeu ). Leurs paroles doivent caractériser les interlocuteurs. Chacun doit s exprimer avec le ton qui convient à son identité, à son être social, à la thèse qu il défend. Le statut des interlocuteurs dans le dialogue doit être défini. Sont-ils à égalité? L un domine-t-il? L un d eux aura-t-il le dernier mot? Le dialogue suit un itinérair e, c est-à-dir e qu il part d un point (position du pr ob lème) pour aboutir à un autr e ( accord, désaccord renouvelé, nouveau désaccord, compromis, statu quo, victoire de l un, ) Les répliques s enchaînent toujours selon trois modes : question-réponse, opposition [affirmation-objection], reprise [d un mot, d une expression, d une idée]. Le rythme de l échange. Répliques brèves ou longues, travailler sur la variation. III. F er metur e Mêmes r emar ques qu en ce qui concer ne l ouv ertur e. On n écrit ces deux temps que s ils ont une raison d êtr e, qu ils mar quent une év olution des rapports entr e les per sonnages («Bonjour, madame/a u r e v oir, ma c hérie»). Sinon on les passe. c. La question du natur el La tendance majoritair e est d écrir e des dialogues qui paraissent na tur els. Mais ce n est pas ob lig a toir e. On peut très bien, comme par e x emple les auteur s de la «Nouv elle V ague» (Éric R ohmer entr e autr es), c hoisir un mode d e xpr ession appar emment antina tur el, si l on r ec her - c he un ef fet particulier. D une manière générale, au niveau de l écriture, on ne doit jamais essayer d imiter le parler de la vie quotidienne, en croyant ainsi être naturel ; on doit essayer de «se mettre mentalement les mots en bouche», afin que le lecteur puisse en faire autant. L impr o visa tion, totale ou sur cane v as, est ég alement une option.