L activité physique dans la Sclérose en Plaques Place du kinésithérapeute C. Hullin



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L activité physique dans la Sclérose en Plaques Place du kinésithérapeute C. Hullin Masseur kinésithérapeute CMPR la châtaigneraie Menucourt BP 30 95180 Menucourt La Sclérose en Plaques (SEP) est une pathologie inflammatoire, démyélinisante du système nerveux central (SNC). Outre l atteinte des centres encéphaliques, des centres médullaires et des voies de conduction, le système nerveux autonome est également atteint. Cette dysautonomie est à l origine de troubles visuels, digestifs, urogynécologiques mais aussi de troubles de l adaptation cardio-vasculaire. La SEP étant une maladie de l adulte jeune qui touche une population active socialement, familialement et professionnellement, l annonce du diagnostic apparaît donc souvent comme une «sidération», comme si la vie s écroulait ; du coup, les activités physiques sont arrêtées très tôt. Dans une étude sur 45 patients [1], Kerdoncuff a montré que 30 ne font plus d activité physique dont 15 à cause de la maladie. Et que l activité sportive était arrêtée précocement dans l évolution du handicap, en moyenne à un EDSS à 2.2. Par ailleurs, ils ont montré que les patients SEP étaient moins actifs que les patients hémiplégiques ou atteints de BPCO. De nombreuses idées reçues existent sur la SEP : «avec une SEP, je vais finir en fauteuil», «je suis fatigué et je suis malade, donc je dois me reposer», «avec une SEP, je ne dois pas faire d efforts physiques ou de sport de peur que la maladie n évolue». L activité physique (AP) est l ensemble des exercices physiques de la vie quotidienne (dont les activités à la maison, au travail comprenant aussi les déplacements et les transferts), les activités physiques de loisirs et les activités sportives (OMS). L activité physique se mesure, et ce de plus en plus avec des podomètres et autres objets connectés. Les effets de la sédentarité sont bien connus (ostéoporose, déconditionnement à l effort, anxiété, dépression ) et concernent la population générale mais aussi la population SEP. Les effets du déconditionnement à l effort dans la SEP ont été étudiés dès 1994 par Kent-Braun [2]. La littérature s est enrichie depuis une vingtaine d années sur les effets bénéfiques de l activité physique dans la SEP, à la fois sur le réentrainement à l effort (REE) et sur le renforcement musculaire (RM). Petajean [3], en 1996, a montré tout d abord l absence d effets délétères de l AP sur l évolution de la maladie, ce qui a été confirmé par Thompson [4] et Heesen [5] dans les années 2005-2006. Robineau [6] et Dalgas [7] ont montré l intérêt de l AP sur la force musculaire. D autres auteurs ont montré des intérêts sur la souplesse, l amélioration de la fonction, et en particulier du périmètre de marche [8]. Ponichtera [9] en 1997 a montré des effets sur le reconditionnement à l effort. D une façon plus générale, les mesures de la qualité de vie des patients s en trouvent amélioré [4] [5]. Sur la fatigue, les études ne sont pas si nettes.

Les études concernant le réentrainement à l effort ont étudié différents paramètres. Le paramètre «durée» est variable selon les auteurs, de 15 semaines pour Petajean [3] à 4 semaines pour Dettmers [10]; l idéal semble se situer entre 6 et 8 semaines à un rythme de 3 fois par semaine. Concernant le paramètre «intensité», notre pratique et des études montrent que l on a tendance à être en sous-maximal au niveau de l intensité. Rogers [11], en 1999, a fait une étude sur l effet du REE sur cycloergomètre : à 55% de la capacité aérobie, il n avait pas montré de gain à 6 mois. Concernant le paramètre «EDSS», presque toutes les études concernent des patients ambulatoires avec un EDSS < 6.5. Pour les patients en fauteuil roulant (EDSS>7), peu d études ont été réalisées. Sur le renforcement musculaire, le paramètre «intensité» est là aussi important. Il s agit d un renforcement progressif qui démarre à 50% de la RM (6 à 10 répétitions, 1 série), pour progressivement monter au-delà de 70% de la RM ; 15 répétitions réalisées semblent le critère pour monter l intensité [8] [12]. Dalgas, en 2009 [7], est allé plus loin encore sur l intensité en démarrant à 65% de la RM pour aller vers 85% de la RM, comme pour les populations saines. Il a proposé un protocole sur 12 semaines comprenant un échauffement vélo de 5 minutes puis 5 ateliers de renforcement musculaire : des quadriceps, des psoas, des grand-fessiers et des ischio-jambiers et à la presse. Le mode de travail proposé est concentrique rapide puis excentrique lent pour se rapprocher de la physiologie musculaire ; et le temps de repos est de 2 à 3 minutes entre les séries. Des précautions sont tout de même à prendre dans cette population SEP qui, du fait, entre autre de la dysautonomie, présente des troubles spécifiques : troubles de l adaptation cardio-vasculaire à l effort, troubles neuro-musculaires, altération de la fonction respiratoire, adaptation à la température variable et une fatigue souvent précoce et importante. Concernant les troubles de l adaptation cardio-vasculaire, on retrouve des problèmes d adaptation de la tension artérielle à l effort : rare (14.8%) quand l EDSS est < 4 mais fréquent (50%) quand EDSS> 4 [10][13][14]. Par ailleurs, du fait de la faiblesse musculaire et de la fatigue, on a une diminution de la capacité aérobie [9] même à un EDSS faible [15]. Concernant les troubles neuro-musculaires, on retrouve un déconditionnement musculaire avec une atrophie des fibres 2, les fibres phasiques des mouvements rapides. On retrouve aussi une démyélinisation des axones qui va ralentir la vitesse de conduction des influx nerveux. Du fait de l âge, la sarcopénie va rajouter une amyotrophie et une dénervation progressive des fibres phasiques (2). Ces trois éléments combinés expliquent la lenteur généralisée souvent retrouvés chez ces patients. L altération respiratoire est liée à l altération de la commande motrice et touche en priorité des muscles expirateurs [14]. La thermosensiblité bien que connue chez les personnes SEP, est en fait assez variable. Petrilli dans une étude de 2004 [16] sur 191 patients a montré que 77% d entre eux étaient thermosensibles, 10 % améliorés par le chaud et 43% par le froid ; 54% aggravés par le chaud et 10% par le froid. L usage des techniques de cryothérapie ou de balnéothérapie chaude est donc possible mais à tester au cas par cas. Néanmoins, l activité physique augmentant la température corporelle, Schauf en 1974 [17] avait montré que chez les patients SEP, un bloc de conduction peut apparaitre à des températures moins importantes. Il est donc important de bien appréhender ce paramètre en faisant des exercices à des températures modérées et à intensité progressive.

La fatigue est le facteur le plus connu dans cette maladie et elle incite souvent à arrêter l activité physique. Cette fatigue est très fréquente, entre 70% à 90% des cas, elle peut être précoce et impacte rapidement la qualité de vie. Elle prend différentes formes : elle peut être physique et/ou mentale (psychique et cognitive), elle peut être aigue (moins de six semaines) ou chronique (+ de 50% du temps). Elle est multifactorielle, primaire ou secondaire à des troubles du sommeil, des troubles psychiques, des traitements médicamenteux ou à du déconditionnement à l effort. C est ce dernier élément que nous intéresse car il peut être amélioré par l activité physique. Le bilan kinésithérapique d un patient SEP est à la fois classique en neurologie mais aussi très spécifique à la SEP avec l évaluation de la fatigue (EVA, FSS, FIS ), de la douleur très fréquente aussi et souvent sous-estimée (DN4, ENS ), des capacités respiratoires (ampliation thoracique, dyspnée ), des troubles associés (troubles urinaires, cognitifs, psychiques et /ou psychiatriques, de déglutition, visuels ). Ce bilan kinésithérapique est aussi une évaluation des activités du patient. La Société canadienne de la SEP [18] [i1] a mis au point un Journal d activités quotidiennes avec des indicateurs spécifiques évalués de 1 à 10 concernant la fatigue (F), la valeur accordée à l activité (A) et la satisfaction ressentie par le patient (S). A la Châtaigneraie, nous avons choisi d utiliser des marqueurs physiologiques tels que la fréquence cardiaque et la saturation, indicateurs pris en fin d activité grâce à un saturomètre prêté au patient pendant une journée. D autres manifestations diverses peuvent être colligées comme la dyspnée, la tension artérielle, la douleur ou toutes autres difficultés que le patient choisi de mentionner sur la fiche (voir tableau 1). Cette évaluation présente des avantages pour le patient et pour les kinésithérapeutes. Pour le patient, cela permet d évaluer ses activités et leur coût énergétique, de hiérarchiser ses activités en fonction de la satisfaction (S), et de la valeur (V) accordées à l activité, de mettre en place des aides humaines si l activité est trop coûteuse en énergie et peu gratifiante et de prendre conscience de l importance des temps de repos. C est aussi une source de soutien et de motivation mais aussi un outil pour améliorer sa qualité de vie. Pour les masseurs-kinésithérapeutes, cela permet d évaluer l adaptation à l effort (variation ou non de Fréquence Cardiaque, de la Fréquence Respiratoire, de la saturation, de la Tension Artérielle), d estimer l intensité et le coût énergétique de chaque activité grâce à l analyse de la fréquence cardiaque. Pour se faire nous avons choisi d utiliser la formule de Karvonen car elle permet de mieux adapter le seuil aérobique du patient en prenant en compte la fréquence cardiaque de repos : FcT = (Fcmax th Fc repos) x % travail + Fc repos avec une Fcmaxth = 220- âge. On peut alors déterminer trois niveaux d intensité de travail : L intensité faible (le repos ) quand la FcT < 35 % L intensité moyenne quand la FcT est entre 35 et 64 % L intensité cible du travail aérobie quand la FcT est entre 65% et 75 % Ce journal d activités permet aussi d évaluer le temps d activité en dissociant l activité quotidienne et l activité physique et de proposer un programme de rééducation adapté. C est aussi un point de référence à un moment donné. Le programme de rééducation pour développer l activité physique va s articuler autour du réentrainement à l effort (RAE) et du renforcement musculaire (RM), en plus du travail classique d étirements, du travail proprioceptif, de gestion des douleurs

L aspect éducatif est aussi très important pour rendre les patients SEP acteurs de la gestion de leurs activités, en les aidant à intégrer l ensemble des données leur permettant d optimiser leur énergie (en utilisant le concept de conservation d énergie) [18]. En centre de rééducation, la prise en charge des patients SEP est adaptée à chacun et peut se faire sur le mode de l externat, de l hospitalisation de jour ou de l hospitalisation complète. Le Réentrainement à l effort (REE) se fait principalement en mode aérobie. Il a pour objectif la diminution du coût énergétique à l effort en optimisant la pompe cardiaque et/ou le muscle. Il est effectué sur diverses machines du centre (tapis roulant, ergomètres, wave, vélo elliptique, stepper, Motomed ) selon trois modalités correspondant à trois populations de patients. Pour les patients autonomes, peu déconditionnés ayant un EDSS faible (<3,5), le REE se fait en mode aérobie en continu. Pour les patients qui se déplacent avec une aide technique, qui sont plus déconditionnés avec un EDSS moyen (entre 3,5 à 6,5), le REE se fait en mode aérobie en interval training. Pour les patients en fauteuil roulant, ayant des anomalies adaptation cardiaque avec un EDSS fort (>7), le REE se fait sur le mode aérobie à base de renforcement musculaire périphérique utilisant 60% de la RM. En pratique et pour être efficace, le REE doit atteindre l intensité cible (FcT entre 65% et 75 %) durant un minimum de 30 minutes et, et ce, répété au moins 3 fois dans une semaine durant 6 à 8 semaines. Le renforcement musculaire (RM) se fait en analytique et en global, manuellement et sur machines, en utilisant les modes statique, concentrique et excentrique. Ce RM tient compte du testing (voir tableau 2) Pour les muscles < 3 au testing, le RM se fait de 60 à 65% de la résistance maximale, 15 à 20 répétitions sur 3 à 5 séries. Le temps de repos est double par rapport au temps de travail. Pour les muscles > 3 au testing, le RM se fait avec une résistance progressive allant de 50% pour atteindre 80 à 90% de la RM, 5 à 10 répétitions sur 3 à 5 séries. Le temps de repos entre les séries est de 3 minutes minimum avec 2 jours de repos entre les entrainements soit 2 séances par semaine. Le suivi de la fréquence cardiaque théorique permet aussi d adapter l intensité de l effort. L exemple de trois patientes permet d illustrer la construction d un programme de rééducation et de REE. Cas de Mme V, 35 ans, EDSS à 1. C est une femme sportive qui pratique des sports de type aérobie tels que la course, le basket, le handball ou encore la plongée. Elle n est pas thermosensible et vient en centre pour un séjour de bilan et de relance. Sa fréquence cardiaque de repos est de 60. Si on reprend la formule de Karvonen, sa fréquence cardiaque théorique sera de 135 à 155 bpm pour être dans l intensité cible de travail. En analysant son journal quotidien d activités en centre, on se rend compte que :

- Sa fréquence cardiaque évolue bien en fonction des activités mais qu elle ne dépasse pas 134 bpm y compris dans les activités physiques de rééducation telles que le vélo, la marche ou le renforcement musculaire. - Qu elle a 3h30 d activités physiques de rééducation par jour mais 1h50 en intensité faible (<103 bpm) et 1h14 à intensité moyenne (pouls entre 135 et 155 bpm). Pour elle, le réajustement du programme de kinésithérapie va consister à : - Diminuer le temps de travail pour que les 1h40 d activité à intensité moyenne passent à 45 min en intensité cible. - Augmenter le temps de repos dans une même journée voire au cours de la semaine avec une journée plus «légère» en intensité et plus axée sur les étirements et la récupération active. - Augmenter la puissance de travail des ateliers et en particulier du cycloergomètre sur lequel elle travaillait à 80 W pour monter progressivement aux alentours de 125 W. - De rajouter d autres ateliers de type marche rapide sur tapis roulant, wave, stepper ou vélo elliptique de façon à obtenir 45 minutes de travail effectif dans l intensité cible (voir photos ). Les symptômes cliniques de type fatigue, douleurs ou autres manifestations sont bien sûr observés pour travailler en toute sécurité et de façon progressive. Cas de Mme A., 50 ans qui a une SEP évoluant depuis 10 ans, avec un EDSS à 5.5. C est une femme active, douloureuse et hypertonique qui voit son périmètre de marche diminuer. Elle marche avec une canne simple et elle vient en HDJ trois fois par semaine pour un séjour de relance, alors qu elle est habituellement suivie en externe. En analysant son journal quotidien d activités en centre, on se rend compte que : - Sa fréquence cardiaque évolue de 80 bpm au repos à 111 bpm en activité. Sa fréquence cardiaque monte peu à l effort, ce qui signe un début de désadaptation à l effort, hors prise de bétabloquants. - Sa saturation évolue de 96% à 98% à l effort, ce qui est bon signe. - Elle a 3h de rééducation par jour (kinésithérapie + ergothérapie) dont du travail passif, du froid pulsé, du travail d équilibre et de marche et une séance de balnéothérapie, car elle n est pas thermosensible et qu elle peut travailler tantôt aidée tantôt résistée. - Elle ne travaille qu en intensité faible puisque qu elle ne dépasse a aucun moment les 111 bpm qui lui permettrait d atteindre l intensité moyenne ou encore les 138 bpm qui lui permettrait d atteindre l intensité cible. - Elle présente une fatigue importante : à la fois lors des AVQ (fatigue à 5/10 sur l ENS lors de la douche et l habillage) et lors des activités physiques (13/10 sur l échelle de Borg lors du travail assisdebout et de l équilibre et 15/20 lors de la marche).

Pour elle, le réajustement du programme de kinésithérapie va consister à : - Mettre en place un travail de REE sur le mode de l interval training car le REE en continu est impossible, de façon à améliorer les capacités oxydatives de ses muscles. - Alterner le travail en sous-maximal et le travail à 50% de ce seuil (interval training), selon le tableau joint. Chez elle, ce travail s effectue sur Motomed (voir photo ) et il est couplé au travail de marche, de montées d escaliers et d équilibre pour améliorer son périmètre de marche. - Le cyclo-ergomètre à jambes ou à bras peut aussi être proposé. Pour les populations ayant un EDDSS de 0 à 6.5, nous proposons aussi du renforcement musculaire qui se fait sur chaise à quadriceps et / ou ischio-jambiers, sur presse allongée (voir tableau) et en manuel ; ainsi que la participation à un atelier de groupe en neurologie appelé «l atelier neuro». «L atelier neuro» est un atelier collectif regroupant des patients marchant ayant une maladie neurologique (hémiplégie, SEP, Parkinson ). Il a pour objectifs de stimuler la neuro-plasticité et les capacités aérobies par un travail intense, répété et basé sur des exercices fonctionnels. Trois exercices de type montée d une marche, marche fessière, assis-debout, équilibre bi ou unipodal, transfert de poids ou relever du sol, sont mis en place. Chacun dure 5 minutes avec un temps de repos de 5 minutes, 2 à 3 fois par semaines pendant 4 à 6 semaines. Cet atelier est précédé d un bilan type comprenant 7 tests chronométrés : test des 10 mètres, des 6 minutes, temps pour se lever d une chaise, d une position allongée, temps tenu en équilibre debout et temps mis à monter et descendre 13 marches d escaliers. Ce bilan est refait en fin de programme pour évaluer les progrès. Cas de Mme B., 75 ans, qui a une SEP évoluant depuis 40 ans, avec un EDSS à 7.5. Cette femme a subi deux fractures d un membre inférieur avec 7 mois d alitement cumulés. Elle vient en centre pour une relance musculaire et fonctionnelle et pour une réadaptation de son environnement. En analysant son journal quotidien d activités en centre (voir tableau joint), on se rend compte que : - Elle est désadaptée à l effort car se fréquence cardiaque oscille entre 82 et 90 bpm. - Sa saturation est faible au repos (92%) mais elle monte à l effort (98%) d où l intérêt d un REE adapté. - Elle est en forme le matin (F=0) mais commence à être fatiguée dès 16h (F=4) d où l intérêt de mettre en place les activités les plus actives le matin et le travail moins actif l après-midi. - Elle a 3h d activités de rééducation à intensité faible. Pour elle, le réajustement du programme de kinésithérapie va consister à :

- Privilégier le travail fonctionnel par une verticalisation allant du passif (plan incliné) vers le verticalisateur, pour aller vers une verticalisation active de type assis-debout devant l espalier. - Faire du renforcement musculaire analytique (travail manuel des ischio-jambiers, des érecteurs du rachis, des psoas) et global (presse, Motomed ). - Bien gérer la fatigue en respectant des temps de repos dans la journée (travail plus léger l après-midi) et dans la semaine avec trois jours forts et deux jours faibles. Conclusion : Le journal d activités couplé à l analyse de la fréquence cardiaque et de la saturation est un outil très intéressant pour les kinésithérapeutes car il permet d optimiser la prise en charge en intensité et en qualité. Pour les patients, c est aussi un outil de gestion de l activité physique et d optimisation de leur énergie. Les études [7] [8][14] montrent que les bénéfices d un programme de REE et de renforcement musculaire durent de trois à quatre mois et qu il est important de maintenir une activité physique régulière, adaptée et suffisamment intense deux à trois fois par semaine. La prise en charge en centre de rééducation en internat ou en HDJ, ainsi que les consultations de suivi aident les patients SEP à refaire le point et à relancer une dynamique pour maintenir une qualité de vie la meilleure possible et le plus longtemps possible.

Tableau 1 : Exemple d un Journal d activité quotidienne (Madame B. 75 ans) Illustrations activité physique et SEP ; H. Cullin

Tableau 2 : Renforcement musculaire en fonction du testing Cotation musculaire Charge / répétitions Posologie, Suivi Muscles < 3 Muscles > 3 60% à 65% de RM 15 à 20 répétitions 3 à 5 séries Résistance progressive De 50% jusqu à 80% voire 90% de RM 5 à 10 répétitions 3 à 5 séries Temps de repos = 2 x temps de travail Temps repos long entre les séries (3 min mini) 2 jours de repos, 2 fois/semaine Suivi de la FcT pour adapter

Chaise à ischio-jambiers : Presse allongée :

Wave : Vélo elliptique : cyclo-ergomètre : Travail de la marche avec une canne simple : Marche dans barres parallèles avec suspension

Travail dans les escaliers : Travail sur Motomed : Tableau 3 : Interval training sur motomed

Travail de l assis-debout : Verticalisateur :

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