KF/TAP REPUBLIQUE DECÔTE D IVOIRE --------------------- COUR D APPEL D ABIDJAN -------------------- TRIBUNAL DE COMMERCE D ABIDJAN -------------------- RG N 1657/2014 JUGEMENT CONTRADICTOIRE ------------------ du 03/07/2014 ------------------ Affaire : La Compagnie d Etudes et d Equipements Electriques dite (CODELEC) Contre Ministère Public ------------------------ DECISION : AUDIENCE NON PUBLIQUE DU 3 JUILLET 2014 Le Tribunal de Commerce d Abidjan, en son audience publique ordinaire du jeudi trois juillet de l an deux mil quatorze tenue au siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient : Docteur KOMOIN FRANCOIS, Président du Tribunal ; MADAME APPA Brigitte N guessan épouse LEPRY, Messieurs ALLAH-KOUAME Jean-Marie, WADJA Eugène et Lambert KOUAKOU, Assesseurs ; Avec l assistance de Maître DOUHO Themaubly Danielle, Greffier ; A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre : La Compagnie d Etude et d Equipement Electriques dite (CODELEC), sise à Abidjan-Marcory Zone 4; Demanderesse, représentée par son conseil, SCPA KONE- BOUABRE et Associés, Avocats près de la Cour d Appel d Abidjan, y demeurant, Cocody, Riviera Golf, Résidence les Elias II Immeuble BIXA 2 ème étage appt 3121, 25 BP 929 Abidjan 25, Tel : 22 47 01 31, Fax : 22 47 01 52; Reçoit la Société COMPAGNIE D ETUDES ET D EQUIPEMENTS ELECTRIQUES dite CODELEC en sa requête aux fins de règlement préventif ; L y dit cependant mal fondée ; Et LE MINISTERE PUBLIC ; D une part ; D autre part, Rejette sa demande de règlement préventif ; Constate la cessation des paiements de la société CODELEC ; Prononce le redressement judiciaire de cette société ; Fixe provisoirement la date de la cessation des paiements au 03 janvier 2013 ; Enrôlée pour l audience du 12 juin 2014, l affaire a été appelée puis renvoyée à l audience du 26 juin 2014 pour dépôt des conclusions du Ministère Public. A la date du 23 juin 2014, le dossier a été transmis au Ministère Public. Le 24 Juin 2014, le Ministère Public a fait parvenir ses conclusions. A l audience du 26 juin 2014, l affaire a été mise en délibéré pour décision être rendue le 03 juillet 2014. Advenue cette audience, le Tribunal a vidé son délibéré. 1
Nomme Madame APPA Brigitte N guessan épouse LEPRY, juge au Tribunal de Commerce d Abidjan, en qualité de jugecommissaire ; Désigne Monsieur DO REGO Serge Adolphe Marie Eustache, expert-comptable, en qualité de syndic ; Dit que le syndic établira un concordat de redressement et le soumettra au vote des créanciers ; Ordonne la publication du présent jugement dans un journal d annonces légales conformément aux articles 36 et 37 de l Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d apurement du passif ; Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure ; Vu les pièces du dossier ; LE TRIBUNAL Vu la requête du 24 février 2014 aux fins de règlement préventif de la société COMPAGNIE D ETUDES ET D EQUIPEMENTS ELECTRIQUES dite CODELEC ; Vu l ordonnance n 216/2014 du 28 mars 2014 de Monsieur le Président du Tribunal de Commerce d Abidjan ; Vu les conclusions écrites du ministère public du 24 juin 2014 ; Après en avoir délibéré conformément à la loi ; FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES Par requête du 24 février 2014, la Société COMPAGNIE D ETUDES ET D EQUIPEMENTS ELECTRIQUES dite CODELEC a saisi le Président du Tribunal de Commerce d Abidjan, d une demande aux fins d être admise au bénéfice du règlement préventif ; La société CODELEC expose, au soutien de sa demande, qu exerçant depuis plusieurs années dans le secteur de l électricité industrielle, électricité bâtiment, électricité rurale, le courant faible, le rembobinage et la maintenance, elle a toujours honoré son passif et n a jamais fait l objet d une procédure collective ; Cependant, fait-elle valoir, ses premières difficultés sont apparues à la suite de la crise postélectorale qu a traversé la Côte d Ivoire, lorsque la majeure partie de ses biens d équipements entreposés sur ses différents chantiers sur l étendue du territoire national ont été pillés et qu elle a dû, pour raison de sécurité, interrompre ses activités sur ses chantiers qui ont été épargnés ; Cette situation, poursuit-elle, a entraîné une baisse de ses activités et de son chiffre d affaires laissant apparaître des charges fixes importantes que sa trésorerie n arrive plus à couvrir ; d ailleurs à ce jour, ses dettes sont estimées à la somme totale de quatre cent quatre vingt quinze millions cinq cent quarante neuf mille quatre 2
cent soixante dix (495.549.470) FCFA se décomposant comme suit : - Fournisseurs : 59.284.325 FCFA - Transit : 26.577.406 FCFA - Etablissements financiers : 268.988.148 FCFA - Impôts : 117.741.141 FCFA - Dettes sociales : 22.958.450 FCFA Elle estime, toutefois, que malgré l importance de sa dette, elle est parfaitement en mesure de redresser sa situation économique et financière et a déjà, dans cette optique, amorcé des efforts de redressement en procédant : - Au niveau budgétaire : à la restructuration de sa ligne budgétaire au moyen de contrôles sur les charges fixes telles que les frais de communication, de fournitures bureautique, d entretien des véhicules notamment par l institution de forfaits de gasoil pour chaque service, à une réduction substantielle de la masse salariale etc. - Au niveau financier : par le développement d une nouvelle politique qui lui permettra de recouvrir une santé financière en négociant d une part, avec ses créanciers de nouvelles modalités de paiement et d autre part, avec les banques des découverts et engagements bancaires ; en outre, elle a créé un service de recouvrement plus efficace pouvant lui permettre de recouvrer ses nombreuses créances impayées ; Toujours sur ce plan, elle a réduit voire supprimer les délais de paiement accordés à ses créanciers pour le règlement de leurs dettes et a établi des échéanciers de paiement de la créance des fournisseurs ; - Au niveau organisationnel : elle entend mettre en place non seulement une synergie de groupe avec l entrée d un groupe éminemment important de Côte d Ivoire, lequel, par le biais de WELCRONE Holding Limited, a déjà une part dans son capital social, une gestion plus rigoureuse de son unité de production en optimisant ses revenus par la maîtrise des coûts de production, mais aussi une nouvelle politique commerciale par le recentrage sur d autres activités et certains produits plus attrayants sur le marché intérieur avec un coût de production moins élevé ; 3
Cependant, révèle-t-elle, cette restructuration, qui ne peut se faire que sur une certaine période, nécessite que le règlement de ses engagements vis-à-vis de ses créanciers soit revu à la baisse et différé et que des accords interviennent en vue de la suppression des intérêts bancaires et des frais financiers à compter du prononcé de l ordonnance de suspension des poursuites individuelles prévue par l article 8 de l Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d apurement du passif et ce jusqu à l issue de la période du concordat homologué par le jugement de règlement préventif ; C est pourquoi, elle sollicite son admission au bénéfice du règlement préventif avec décision de suspension des poursuites individuelles et la désignation d un expert chargé d établir un rapport sur la situation économique et financière de l entreprise au vu des propositions concordataires suivantes : - Dans un premier temps, la réduction de sa dette de 50 % soit un montant de deux cent quarante sept millions sept cent soixante quatorze mille sept cent trente cinq (247.774.735) FCFA ; - Dans un second temps, la réduction des charges fixes et variables ; Par ordonnance N 216 du 28 mars 2014, le président du Tribunal de Commerce a ordonné la suspension des poursuites individuelles tendant à obtenir le paiement des créances désignées par la Société COMPAGNIE D ETUDES ET D EQUIPEMENTS ELECTRIQUES dite CODELEC dans sa requête et nées antérieurement à la date de cette ordonnance et a désigné Monsieur PALENFO MOHAMED, expert-comptable, pour faire un rapport sur la situation économique et financière de ladite société, ses perspectives de redressement compte tenu des délais et remises consentis ou susceptibles de l être par les créanciers et toutes les autres mesures contenues dans les propositions du concordat préventif ; L expert a déposé son rapport duquel il résulte les conclusions ciaprès : DIAGNOSTIC : 4
Fonds de roulement (F CFA) 2011 2012 2013 Capitaux permanents(1) 172.782.676 125.877.273-21.294.197 Immobilisations nettes(2) 191.656.290 348.366.120 248467022 Fonds de roulement (1-2) -18873.614-222.488.847-269761219 Le fonds de roulement est structurellement déficitaire sur les trois dernières années de notre analyse. 2011 2012 2013 Trésorerie actif (1) 5.290.918 612123 26.135.349 Trésorerie passif(1) 33.320.816 337.302.530 375.110.701 Trésorerie nette (1-2) -28.029.898-336.390.398-348.975.352 Résultat net (F CFA) 2011 2012 2013-127.829.684-48.668.737-324.501.042 Les difficultés de la société prennent source dans : - La dégradation régulière du chiffre d affaires entraînant celle du résultat net, - La trésorerie de façon conséquente subit les mêmes tendances baissières ne permettant plus à la société de faire face à ses charges d exploitation courante et aux règlements de ses dettes fournisseurs, sociales et fiscales MODALITE DE REMBOURSEMENT DE LA DETTE CONCORDATAIRE Les remboursements se feront de la façon suivante : -2015 : 2 règlements en fin de semestre -2016 : 4 règlements en fin de trimestre -2017 : 4 règlements en fin de trimestre 5
2015 TOTAL 1 er T 2éme T 3éme T 4éme T 110.000-55 000-55.000 2016 225 000 56 250 56 250 56 250 56 250 2017 161 000 80 500 80 500 - - 496 000 164 250 164 250 83 750 83 750 CONCLUSION A l issue de l application des mesures de redressement traduites dans les états financiers portés à votre connaissance, la société CODELEC est en mesure de faire face à la fois sur la durée de 3 ans : - au remboursement de sa dette concordataire, - à la prise en charge de ses dépenses d exploitation courante et d investissement. Le Ministère public à qui la procédure a été communiquée conclut qu il plaise au Tribunal, faire droit à la demande en homologuant le projet de concordat, l expert ayant estimé que l application des mesures de redressement proposées peut permettre à la requérante de faire face sur trois ans au remboursement de sa dette concordataire et de prendre en charge ses dépenses d exploitation courante et d investissement ; EN LA FORME SUR CE Sur le caractère de la décision Le Ministère public a eu connaissance de la présente procédure ; il y a lieu de statuer par décision contradictoire. Sur la recevabilité de la requête La requête aux fins de règlement préventif de la Société COMPAGNIE D ETUDES ET D EQUIPEMENTS ELECTRIQUES dite CODELEC a été introduite conformément aux prescriptions légales, il échet de la recevoir ; 6
AU FOND Sur le règlement préventif sollicité Selon l article 2 de l Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d apurement du passif, le règlement préventif est une procédure applicable à toute personne physique ou morale commerçante ou non qui connaît une situation économique et financière difficile mais non irrémédiablement compromise, elle est destinée à éviter la cessation des paiements ou la cessation d activité de l entreprise et à permettre l apurement du passif au moyen d un concordat préventif ; Ce qui suppose qu une entreprise en difficulté ne peut bénéficier de la procédure de règlement préventif qu à la condition qu elle ne soit pas en cessation des paiements et qu elle justifie d un concordat préventif remplissant les conditions légales pour être homologué prévues par l article 15 de l Acte Uniforme précité ; Or, en l espèce, il se révèle tant des propres déclarations de la société CODELEC que des conclusions de l expert rapporteur, l évidence de l état de cessation des paiements de cette société ; En effet, la société CODELEC affirme dans sa requête aux fins de règlement préventif que du fait de ses difficultés provoquées par le pillage de la quasi-totalité de son matériel d équipements lors de la crise postélectorale, «son activité et son chiffre d affaires n ont cessé de décroître, laissant apparaître des charges fixes importantes que sa trésorerie à des difficultés à surmonter» ; Cette assertion est confirmée par le diagnostic établi par l expert rapporteur qui indique que «Les difficultés de la société prennent source dans : - la dégradation régulière du chiffre d affaires entraînant celle du résultat net, - la trésorerie de façon subséquente subit les mêmes tendances baissières ne permettant plus à la société de faire face à ses charges d exploitation courante et aux règlements de ses dettes fournisseurs, sociales et fiscales.». Il en découle que la société CODELEC est, selon l article 25 de l Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d apurement du passif, dans l impossibilité de faire face à son passif exigible de 495.549.470 FCFA avec son actif disponible, 7
puisqu elle ne peut immédiatement faire face à cette dette ; Par ailleurs, la proposition concordataire de 50% de remise sur sa dette faite par la société CODELEC à l appui de sa demande de règlement préventif, qui aurait dû être négociée, par l entremise de l expert, avec les créanciers pour parvenir à un accord sur les délais et remises pouvant être consentis par eux, ne l a pas été, puisque l expert, n a présenté que les modalités de remboursement de la dette sur trois ans à savoir : 2015 : deux (2) règlements en fin de semestre, 2016 : 4 règlements en fin de trimestre et 2017 : quatre (4) règlements en fin de trimestre ; Dans ces conditions, le concordat préventif proposé ne satisfaisant pas aux conditions légales pour être homologué, la société CODELEC ne peut qu être déboutée de sa demande aux fins de règlement préventif ; Sur le redressement judiciaire L article 15 alinéa 1 p1 de l Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d apurement du passif, dispose que : «La juridiction compétente statue en audience non publique. 1. Si elle constate la cessation des paiements, elle prononce, d office, et à tout moment, le redressement judiciaire ou la liquidation des biens sans préjudice des dispositions de l article 29 ci-dessous.». Et selon l article 33 du même Acte Uniforme, «La juridiction compétente qui constate la cessation des paiements doit prononcer le redressement judiciaire ou la liquidation des biens. Elle prononce le redressement judiciaire s il lui apparaît que le débiteur a proposé un concordat sérieux. Dans le cas contraire, elle prononce la liquidation des biens.». De la lecture combinée de ces dispositions, il ressort que le redressement judiciaire est prononcé toutes les fois que le tribunal constate la cessation des paiements à condition que le débiteur propose un concordat sérieux ; celui-ci pouvant s entendre comme un accord destiné à faciliter le paiement des créanciers et l assainissement de l entreprise ; En l espèce, le concordat préventif offert n a pas été homologué parce qu il ne remplissait pas toutes les conditions légales exigées pour l être, en l occurrence, aucun accord n étant intervenu sur des délais et remises pouvant être consentis par les créanciers et non 8
du fait qu il n était pas sérieux ; Dès lors, l expert ayant conclu que : «A l issue de l application des mesures de redressement traduites dans les états financiers, la société CODELEC est en mesure de faire face à la fois sur la durée de trois ans au remboursement de sa dette concordataire et à la prise en charge de ses dépenses d exploitation courante et d investissement.», il convient de dire qu il s agit d un concordat sérieux au sens de l Acte Uniforme précité et par conséquent, prononcer le redressement judiciaire de la société CODELEC, étant précisé qu aux termes de l article 119 du même Acte Uniforme, le vote du concordat de redressement qui est un concordat judiciaire intervient après le jugement prononçant le redressement judiciaire selon une procédure minutieusement décrite par les articles 120 et suivants de cet Acte ; Sur la date de la cessation des paiements Il ressort de l article 34 de l Acte Uniforme susvisé que la juridiction compétente doit fixer provisoirement la date de cessation des paiements, laquelle ne peut être antérieure de plus de dix-huit (18) mois à la date du prononcé de la décision d ouverture ; Il sied, en l espèce, de la fixer provisoirement au 03 janvier 2013 ; Sur les organes de la procédure Aux termes de l article 35 de l Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d apurement du passif, la décision d ouverture nomme un juge-commissaire et désigne le ou les syndics de la procédure ; Il y a lieu de nommer Madame APPA Brigitte N guessan épouse LEPRY, juge de ce Tribunal, en qualité de juge-commissaire et Monsieur DO REGO Serge Adolphe Marie Eustache, expert comptable : tel : 20-21-81-31 / cel : 07-08-45-70 /01-44-50-08, en qualité de syndic avec pour mission, entre autres, de faire voter un concordat de redressement conformément aux articles 119 et suivants de l Acte Uniforme susvisé ; Sur les dépens Le redressement judiciaire de la société CODELEC ayant été prononcé, les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure ; 9
PAR CES MOTIFS Statuant en audience non publique, contradictoirement et en premier ressort ; Reçoit la Société COMPAGNIE D ETUDES ET D EQUIPEMENTS ELECTRIQUES dite CODELEC en sa requête aux fins de règlement préventif ; L y dit cependant mal fondée ; Rejette sa demande de règlement préventif ; Constate la cessation des paiements de la société CODELEC ; Prononce le redressement judiciaire de cette société ; Fixe provisoirement la date de la cessation des paiements au 03 janvier 2013 ; Nomme Madame APPA Brigitte N guessan épouse LEPRY, juge au Tribunal de Commerce d Abidjan, en qualité de jugecommissaire ; Désigne Monsieur DO REGO Serge Adolphe Marie Eustache, expert-comptable, en qualité de syndic ; Dit que le syndic établira un concordat de redressement et le soumettra au vote des créanciers ; Ordonne la publication du présent jugement dans un journal d annonces légales conformément aux articles 36 et 37 de l Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d apurement du passif ; Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure ; Ainsi fait, jugé et prononcé en audience non publique les jour, mois et an que dessus. ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER. /. 10