SIDA, limites et perspectives de la trithérapie.



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Transcription:

PSIR SEPA (2014) Projet Scientifique d Initiation à la Recherche (PSIR) SIDA, limites et perspectives de la trithérapie. E. Bouissière, A. Lesebos, A. Rouillé, M. Sanson, M. Collette* Groupe esaip 18 rue du 8 mai 1945, CS 80022 49180 St Barthélémy d Anjou Cedex ARTICLE INFO Article history: Received 9 January 2014 Available online 25 July 2014 Keywords: VIH Trithérapie Gp120 CCR5 ABSTRACT (200 words) HIV is the cause of the global AIDS pandemic. By abuse of language, HIV is considered unique while there are many subtypes. Their differences lie in their genome. Structures and modes of action are similar. Also the course of infection is the same. The last stage is the stage of AIDS, when the number of CD4 + T cells is less than 200 units per mm3, annihilating any immune défence. The only effective treatment to date is the triple therapy. It is based on anti - retroviral drugs and adapted from each patient. Although this treatment can live with HIV, it does not allow to heal. Furthermore, side effects are numerous and develop drug resistance. HAART has achieved these limites. Other types of treatment are studied, such as gp120. The purpose of this treatment is the fixing of HIV on these target cells, preventing the primary infection. Currently, all proposed treatments focus on the most common type of HIV, leaving the many other forms scattered throughout the world. 1. INTRODUCTION Le virus de l immunodéficience humaine (VIH), responsable du syndrome de l immunodéficience acquise (SIDA), a marqué la fin du XXe siècle, en France et dans le monde. Bien que découvert chez l Homme, les études (1) ont montré que c est un proche parent du VIS, virus de l immunodéficience simienne, qui est à l origine du VIH. Il est donc issu de passages interespèces du VIS. Le VIH est apparu en Amérique du Nord au cours des années 1970. Les autorités sanitaires ont remarqué que dans certains quartiers des États- Unis, des hommes homosexuels contractaient des maladies qui ne se manifestent que lorsque le système immunitaire est affaibli. C est en 1983 que les chercheurs Luc Montagnier, Robert Gallo et Françoise Barré- Sinoussi ont mis en évidence le responsable de la maladie, le VIH (2). Le VIH est un rétrovirus. L'infection est une interaction entre le VIH et le système immunitaire à travers les lymphocytes T- CD4. Cette maladie s expriment dans trois dimensions : une dimension virologique liée à l élévation de la charge virale par la multiplication du VIH, une dimension immunologique liée au déficit immunitaire causé par la chute du nombre des lymphocytes T- CD4 et une dimension clinique liée à la survenue d'infections opportunistes. Le SIDA constitue le stade avancé de la maladie au cours duquel, la personne infectée est sujette à des affections opportunistes 1 (3). Les premières tentatives de traitement, la monothérapie puis la bithérapie antirétrovirale, ont été sans succès. De nos jours, l infection par le VIH connaît un espoir dans sa prise en charge grâce à la thérapie antirétrovirale. Ce traitement consiste à associer trois médicaments antirétroviraux (ARV). Bien qu il ne permette pas d obtenir une guérison totale de la maladie, il entraîne une suppression presque complète de la réplication du virus (4). Ainsi, la trithérapie est à ce jour le seul traitement efficace contre le VIH. Cependant quels en sont le périmètre d action et les effets secondaires et quels seraient les traitements de demain qui permettraient une eradication totale de la maladie chez l Homme? 2. LES VIH ET LE SIDA 2.1. Carte d identité Les VIH(s) appartiennent à la famille des rétrovirus : virus à ARN (acides ribonucléiques), du sous- groupe des lentivirus (5). Leur particularité est d être doté d une enzyme structurale, la transcriptase inverse. Comme le montre la Fig.1, le génome du VIH composé de deux exemplaires d ARN simple brin est contenu dans une capside 2. Elle renferme aussi des enzymes dont deux essentielles pour la propagation du virus : la transcriptase inverse et l intégrase. Le cytoplasme du virus contient les protéases impliquées dans le phénomène de maturation des copies du VIH. L enveloppe est divisée en deux parties. Côté interne, une matrice protéique ; côté externe, une membrane bicouche lipidique où sont ancrées des glycoprotéines : la gp120 et la gp41. La fixation de la gp41 ne peut se * mcollette@esaip.org 1 Affections survenant chez des individus en déficit immunitaire. 2 Capside : coque virale constituée par l assemblage de capsomères, molécules protéiques existant chez tous les virus.

faire qu après changement de conformation gp120. de la microgliales du cerveau ; mais la principale cible est le lymphocyte T- CD4. Ce lymphocyte est une cellule hématopoïétique dite auxilliaire, qui intervient dans la réponse immunitaire. Son rôle est la reconnaissance des antigènes, ce qui déclenche la réaction immunitaire aproppriée. Le VIH utilise le matériel réplicatif de la cellule cible hôte pour produire ses copies. Le tableau 1 décrit les 7 étapes permettant la réplication et donc la multiplication du virus dans l organisme. Le VIH peut se répliquer en permanence dans l organisme, tant qu il reste des cellules cibles. Fig. 1 : Structure générale d'un VIH (3). 2.2. Les différents types de VIH Les études phylogénétiques (1) (5) révèlent une origine commune entre les VIH et les SIV. Il existe deux types de VIH, avec des caractéristiques virologiques et cliniques différentes (2), appelés VIH- 1 et VIH- 2. Ses différences sont liées aux passages inter- espèces, le VIH- 1 étant le plus répandu. Origine InfecSons SIV Types VIH- 1 VIH- 2 Fig. 2 : La diversité génomique du VIH (2). Chaque type est décliné en groupes et/ou sous- types. Ils diffèrent par certaines séquences d ARN. Le VIH- 1 est composé de 4 groupes dont le principal est le groupe M. Ce dernier comporte 9 sous- types, comme le présente la Fig.2. En plus de ces sous- types, il existe de nombreuses formes circulantes recombinantes (CRF). Cette très grande diversité génétique influe sur le dépistage et le choix du traitement. 2.3. La propagation virale Groupes Les cellules cibles du VIH sont multiples : monocytes, cellules dendritiques, cellules de Langerhans, cellules M N O P A,B,C,D,E,F,G et H Sous- types A,B,C,D,F,G,H,J et K Tab. 1 Les étapes de la réplication du VIH dans l'organisme (2). N Etape Description 1 Fixation Il se fixe sur 2 récepteurs de surface de la cellule hôte : CD4 et CCR5, grâce à la gp120. 2 Fusion L enveloppe du virus fusionne avec la membrane cellulaire de la cellule hôte sous l action de la gp41. La capside est dégradée et son contenu libéré dans le cytoplasme de la cellule hôte. 3 Transcription inverse La transcriptase inverse est l enzyme virale qui rétrotranscrit l ARN viral en ADN double brin. Lors de cette étape de nombreuses erreurs de copie apparaissent dans l ADN viral nouvellement formé. 4 Insertion L intégrase : elle intégre l ADN viral dans l ADN de la cellule hôte. 5 Réplication Transcription de nouvel ARN viral à partir de l ADN implanté dans la cellule hôte dont une partie est traduite en protéines virales, telles que les protéases. 6 Bourgeonnement Création d un ou plusieurs virion(s) contenant l ADN et les protéines virales. 7 Nouveau virus Après maturation, le virion devient un virus prêt à infecter. La gp120 et gp41 sont indispensables au cycle de réplication. La première assure la fixation aux récepteurs des cellules hôte en se fixant par reconnaissance sur la protéine CD4 et le corécepteur CCR5. Son changement de conformation rend alors possible l accès de la gp41 à la membrane du lymphocyte T- CD4. La gp41 s insère dans la membrane du lymphocyte. La transcriptase inverse est directement impliquée dans la diversité génomique du virus. En effet, la

transcrition n est pas fidèle à 100%, elle induit des erreurs de copies qui donnent lieu à une diversité génomique au sein d un même individu et plus largement au différents types de VIH (2). 2.4. De la transmission au décès Le virus présent dans les liquides biologiques passe d un individu à l autre par le biais des muqueuses. Les trois modes principaux de transmission du VIH sont la voie sexuelle, la voie sanguine et la transmission verticale. La transmission verticale est la transmission mère/enfant au cours de la grossesse, de l accouchement et de l allaitement (2). L infection d un individu par le VIH peut être divisée en 3 étapes : la primo- infection, la phase asymptomatique, la phase SIDA. l organisme ne peut se défendre. En France, la définition du SIDA correspond à un taux de lymphocytes T- CD4 inférieur à 200/mm 3. Le taux chez un individu sain est au minimum de 500/mm 3. Le décès de l individu ne survient pas des suites du SIDA mais des maladies opportunistes et cancers qui apparaissent lors de cette dernière phase. 2.5. Répartition géographique/épidémiologique (7) En 2012, 35.6 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde. Le nombre nouvelles infections par le VIH est de 2,3 millions, pour la même année. 4.6 millions de personnes sont décédées des suites du SIDA. La répartition géographique est inégale. En premier lieu, on trouve l Afrique sub- saharienne, l Asie du sud et du sud- est, suivi par l Amérique Latine. Fig. 3 Evolution de l'infection par les VIH (2). La phase de primo- infection suit la transmission. Elle est aussi appelée syndrome rétroviral aigu (6). Sa durée moyenne est de 3 à 8 semaines. Le VIH se multiplie intensivement : la charge virale est croissante et le virus se diffuse dans l organisme. Les individus présentent souvent des symptômes similaires à la grippe ou à la mononucléose (2). La phase asymptotique est la phase de latence clinique. Le taux de réplication du virus se stabilise et le nombre de lymphocytes T- CD4 diminue progressivement même si le système immunitaire contient l infection notamment grâce aux anticorps anti- VIH. La durée moyenne de ce stade est de 8 à 10 ans. Elle est plus longue dans le cas du VIH- 2 car l infection est mieux contrôlée. Lorsque la déplétion lymphocytaire augmente significativement, la phase de SIDA est atteinte. Le système immunitaire répond en synthétisant de nouveaux lymphocytes T- CD4. Cette compensation n est rapidement plus suffisante par rapport à la multiplication virale. Le système immunitaire est dans un état d insuffisance grave. Apparaissent alors des pathologies, dites opportunistes, contre lesquelles Toute la population est une population cible potentielle. Cependant certaines populations sont considérées comme «à risque» : les personnes ayant des relations homosexuelles, les travailleurs du sexe et les consommateurs de drogues injectables. 3. QUELLE REPONSE POSSIBLE DE LA RECHERCHE MEDICALE? Nous avons établis que le VIH est un virus constamment en évolution et s adapte relativement rapidement à son environnement. Ce sont sur ces caractéristiques inhérentes au virus que repose la possibilité de guérir du VIH : réussir à palier cette instabilité. Néanmoins subsiste un repère stable qui nous permet de détecter sa présence dans le corps humain : la baisse significative du nombre de lymphocytes T- CD4. Les dépistages sont les seuls moyens actuels afin de déterminer le stade de l infection. Ce dernier, en accord avec la médecine générale et l avancement psychologique du patient, sont déterminant dans le choix du traitement trithérapie adéquat. Si aujourd hui le traitement à mettre en place en cas d infection reste le même : la trithérapie. Permettant de

vivre décemment tout en étant infecté, ce traitement n en reste pas moins à vie et à ce jour rien ne permet d éradiquer complétement le VIH. Les quatre types de voies thérapeutiques envisagées sont schématisées à la fig.4. Les actions sont présentées selon les étapes de réplication du virus : fixation sur la cellule cible ; insertion du d ADN viral dans l ADN cellulaire ; transcription du génôme viral ; traduction en protéines virales. monothérapie (8). Le Ritonavir 3, ingéré à petite dose, a un effet potentialisateur sur la biodisponibilité 4 des inhbiteurs de protéase. Cela engendre deux effets : une augmentation de l efficacité du traitement et un hausse de la tolérance du patient à ce médicament. Suite aux avancées des années 1994-1995, le nombre de décès causés par le virus commence à diminuer pour la première fois depuis la découverte du virus. Cependant, vers la fin des années 90, la toxicité, la Fig. 4 Voies thérapeutiques contre le VIH (2). 4. LA TRITHERAPIE 4.1. Origine de la recherche sur la trithérapie Après la découverte du VIH en 1983, la recherche s est orientée vers l élaboration d un premier vaccin, mais sans succès. En 1985, un premier traitement, l AZT (3 - AZIDO- 3 - DEOXYTHYMIDINE) a été élaboré par le chercheur Jerome P. Horwitz du Barbara Ann Karmanos Cancer Institute et du Wayne State University School of Medicine (8). Son objectif: permettre aux patients de vivre plus longtemps avec le virus et diminuer le risque de transmission de la mère à l enfant. Par la suite, le virus est devenu plus résistant. Ainsi en 1994 la monothérapie avait atteint ses limites en termes de prise en charge de la maladie. L idée de la mise en place d une polythérapie a vu le jour en 1995 suite à l essai Delta qui étudiait la réponse du virus face à la combinaison de l AZT et à la ddi (didanosine) (8). L année suivante, un inhibiteur de la protéase a été mis sur le marché: la notion de trithérapie apparaît dès lors. En effet, des essais ont prouvé qu en cumulant deux inhibiteurs nucléosidiques/nucléotidiques de la transcriptase Inverse (INTI) et l inhibiteur de la protéase, la durée de vie des patients augmentait considérablement et de façon plus importante que sous monothérapie car la puissance antivirale est supérieure à celle de la complexité des traitements et l efficacité de ces derniers sont encore jugés insuffisants. En effet, l accès à la trithérapie est interdit pour les patients ayant un taux de lymphocytes T- CD4 inférieur à 200/mm3. Hors, à l époque, le nombre de personnes concernées était relativement élevé. C est pourquoi, en 2000, un nouveau traitement, a été développé. 4.2. Cibles cellulaires des ARV La trithérapie consiste à combiner trois antirétroviraux afin d agir à plusieurs niveaux du cycle du VIH et de limiter l échappement du virus aux antirétroviraux. De plus, pour éviter les dommages cellulaires, ces médicaments ciblent différentes protéines du virus. Il en existe différents groupes, classés en fonction de la phase du cycle viral qu ils inhibent : - les inhibiteurs nucléosidiques/nucléotidiques de la transcriptase inverse (INTI) : ces molécules bloquent l activité de l enzyme essentielle au VIH pour se répliquer ; il s agit de la transcriptase inverse. Ces inhibiteurs intègrent le brin d ADN viral synthétisé par l enzyme afin de transformer le génome du VIH et de l empêcher de se répliquer normalement dans les cellules. (Fig.5) 3 Ritonavir : médicament antirétroviral, inhibiteur de la protéase, utilisé pour le traitement de l'infection par le VIH. 4 Biodisponibilité : la proportion d une substance qui va effectivement agir dans l organisme par rapport à la quantité absorbée.

E. Bouissière et al / SEPA / 2015 - les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI) : ces antirétroviraux ont pour cible la poche hydrophobe proche du site actif de l enzyme. (Fig.5) - les antagonistes du CCR5 (anti- CCR5) : ces éléments ciblent la liaison du VIH au corécepteur CCR5. (Fig.8) Fig. 5 Schéma de l inibition de la transcriptase inverse (9) Fig. 8 Schéma de l inhibition de la fusion et des antagonistes du CCR5. 4.3. Le mode d action de la trithérapie - les inhibiteurs de la protéase (IP) : ces molécules ciblent une autre enzyme cible du VIH, la protéase, inhibant la maturation de la polyprotéine du virus, indispensable à l assemblage. (Fig.6) La mise en place d une trithérapie est l aboutissement d un travail de collaboration entre le patient et l équipe médicale, et plus particulièrement le médecin traitant prenant en charge la personne infectée. Ainsi le praticien doit élaborer, suite aux analyses sanguines, les médicaments adéquats au traitement. De son côté, le patient est pris en charge psychologiquement afin d aboutir à trois facteurs : - le patient doit accepter la prise du traitement : la motivation et la prise régulière de médicaments conditionnent encore aujourd hui le succès du traitement, - le patient doit pouvoir prendre son traitement en fonction de sa vie privée et professionnelle, - le patient doit avoir les connaissances minimales indispensables, transmises par le corps médical, pour prendre le traitement (2). Fig. 6 Schéma de l inhibition de la protéase (9) - les inhibiteurs de l intégrase (INI) : L intégrase est une enzyme primordiale dans le cycle de réplication cellulaire du VIH. Ces molécules ciblent l ADN viral dans l ADN chromosomique de la cellule. (Fig.7) Ces trois facteurs font partis de ce que l on appelle 5 l observance : suivi psychologique, traitement et motivation à continuer le traitement (être sûr que le patient veuille continuer le traitement, faire attention aux effets secondaires et trouver une alternative si les effets secondaires sont trop importants). Le traitement antirétroviral ou traitement trithérapique, a pour objectif de maintenir ou restaurer un nombre de lymphocyte T- CD4 supérieur à 500/mm3, d empêcher l évolution de la maladie vers le SIDA, la transmission du VIH, d améliorer la qualité de vie. A ce jour, il est recommandé de mettre en place un traitement par la trithérapie pour tous les patients infectés par le VIH, même si le nombre de lymphocytes T- CD4 est supérieur à 500/mm3. La recherche a déterminé six groupes de médicaments susceptibles d être administrés au patient : Fig. 7 Schéma de l inhibition de l intégrase (9) - les inhibiteurs de la fusion (IF) : ces éléments ciblent l enveloppe du VIH et la membrane cellulaire. (Fig.8) - les inhibiteurs nucléosidiques/nucléotidiques de la transcriptase inverse (INTI) : Ces éléments rentrent en compétition avec les substrats naturels de la transcriptase inverse en inhibant son action. Le résultat en est le blacoge de la fabrication de l ADN pro- viral. Deux associations médicamenteuses sont préférées du 5 Observance : Degré de respect des modalités de prise d'un traitement par un patient.

fait de leur efficacité : association ténofovir disoproxil fumarate/emtricitabine et abacavir/lamivudine (6). - les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI) : Ces éléments permettent une inhibition directe de la réverse transcriptase non compétitive par la fixation à une poche hydrophobe proche du site actif de l enzyme. Une mutation à ce niveau peut entrainer une résistance de haut niveau à l inhibiteur. Le taux de résistance primaire aux INNTI impose la connaissance du résultat du test génotypique avant d entreprendre un tel schéma thérapeutique. Néanmoins ces éléments sont inactifs sur le VIH2 et le VIH 1 du groupe O. - les inhibiteurs de la protéase (IP) : Ces éléments inhibent la protéase virale qui permet le clivage et l assemblage des protéines virales dans le but de créer les virions capables d infecter de nouvelles cellules. Il est à noter que le VIH leur est plus résistant. - les inhibiteurs de l intégrase (INI) : Les INI bloquent la réplication virale au stade d intégration de l ADN viral dans l ADN chromosomique de la cellule. Pour ce faire, ces éléments inhibent le transfert de brin ADN et interagissent avec le complexe de pré- intégration de l ADN viral dans l ADN génomique. - les inhibiteurs de la fusion (IF) : Ils empêchent le repliement de la gp41 indispensable pour la fusion de la gp 120 avec la membrane cellulaire, et de ce fait, la fusion des membranes. Ils ont une action directe sur la membrane de la cellule cible et sur la gp 120. Ces éléments ont pour avantages d avoir une action sur les souches du virus résistantes aux autres traitements anti rétro viraux. Ils sont donc très peu utilisés à ce jour, sauf chez les patients en échec de traitement. - les antagonistes du CCR5 (anti- CCR5) : Ces éléments inhibent l entrée du VIH dans la cellule par effet allostérique après liaison au corécepteur CCR5 : la CCR5 subie une modification conformationnelle. En 2013, un traitement trithérapique a été proposé comportant 2 INTI associés à un des autres agents cités ci- dessus. Ce dernier est fonction du diagnostic établi par le corps médical. L instauration d un traitement Anti Rétro Viral est prise lorsque le pourcentage de lymphocytes CD4 présent est inférieur à 15% des lymphocytes totaux. L objectif du premier traitement antirétroviral qui conditionne l évolution thérapeutique ultérieur, est de rendre indétectable la charge virale plasmatique en six mois, c est- à- dire inférieure à 50 copies d ARN VIH/mL. Si cette cible n est pas atteinte, le corps médical doit rechercher systématiquement la cause de cet échec et se tourner vers un changement des composants du traitement. 4.4. Périmètre d action de la trithérapie Le traitement antirétroviral ne cible pas les cellules infectées de façon latente : les réservoirs à virus. Les ARV ne peuvent pas atteindre le génome viral des cellules infectées au repos. De ce fait, les cellules en dormance restent des sources potentielles de prolifération du virus. Même si tous les virus actifs étaient détruits par ce traitement, l infection pourrait malgré tout se développer de nouveau à partir des réservoirs à virus, épargnés par les ARV. A ce périmètre biologique viennent s ajouter des contraintes psychologiques et physiologiques. Un patient détecté positif au VIH sera suivi et conseillé tout au long de la phase de diagnostic, mais aussi lors de la phase de traitement. La thérapie qui permet de diminuer les impacts du virus reste à vie. Il est impossible de guérir du VIH même si les patients peuvent vivre avec la maladie. C est pourquoi l observance est un outil incontournable du suivi du VIH. Tout patient est aujourd hui en capacité de décider d arrêter le traitement qu il a débuté : cela entraine systématiquement une recrudescence du virus dû aux «réservoirs» à VIH, même après plusieurs années de traitement. Les lymphocytes T mémoire, à durée de vie longue sont les cellules immunitaires dans lesquelles le VIH à la capacité de se dissimuler sous forme latente (monocytes, macrophages, progéniteurs hématopoïétiques, thymocytes et astrocytes sont les autres cellules de dormance du VIH). Au sein de ces «réservoirs», la phase de création d ADN et de compaction, entraine une immunité totale du virus qui ne peut plus y être attaqué. En effet, les ARV n ont pas été créés afin de s attaquer à cette partie de l infection. A ce jour, une personne non traité en primo- infection et qui a donc laissé le temps au virus de créer ses «réservoirs», aura de fait plus de difficultés à éliminer le VIH. Le périmètre d action temporel de la trithérapie s étend de la primo- infection au stade du SIDA. Cependant, la phase d infection au commencement du traitement aura un effet primordial sur l efficacité des ARV : de nombreuses études (10) mettent en avant le fait qu une thérapie initiée au stade primo- infection aura des effets très positifs. Ainsi certains patients ayant débuté leur traitement antirétroviral en primo- infection et l ayant stoppé au bout de sept ans et demi, réussissent aujourd hui à contrôler leur infection tel que le font les patients contrôleurs. En primo- infection les «réservoirs» à virus sont en phase de création donc une prise en charge thérapeutique à ce stade diminuera leur création. Il a été observé que le contrôle de l infection se réalise pour un niveau très bas des «réservoirs» (8). Une contrainte physiologique importante est le développement chez certains individus, d une résistance aux ARV. Le patient ne supportera pas les effets secondaires des médicaments pour différentes raisons dues à son organisme. Le temps d observer ces effets permettra au virus de se développer car les ARV n auront pas effectués correctement leur tâche. De plus, le patient peut aussi développer des mutations des différents éléments ciblés par les ARV qui rendent inactifs les médicaments utilisés. Parmi les différentes limites évoquées ci- dessus, les effets secondaires restent l obstacle le plus important. Au commencement de la trithérapie, beaucoup de patients ne pouvaient pas supporter la dégradation physique engendrée par le traitement et qui ne serait

apparue que plus tard si aucun traitement n avait été débuté. 4.5. Effets secondaires Les trithérapies antirétrovirales ont entraîné une diminution de la mortalité liée à l infection par le VIH. Cependant l administration à long terme de ces médicaments provoque encore de nombreux effets secondaires dont les principaux ont été répertoriés au tableau 2 (11). La lutte contre les effets secondaires fréquents de la trithérapie reste l un des défis majeurs pour une efficacité thérapeutique durable. Il peut arriver que malgré l arrêt d un médicament, des effets secondaires usuels persistent, comme par exemple, les neuropathies qui se caractérisent par des douleurs extrêmement sévères (2). La prévalence de ces effets secondaires a été estimée entre 30 et 62 % selon les complications et selon les études (12). En effet, un patient âgé est davantage assujetti à des effets secondaires liés aux antirétroviraux (6). Ces effets secondaires indésirables sont la première cause d abandon du traitement par les personnes, c est pourquoi il est nécessaire de les minimiser. Ainsi, l efficacité de la thérapie antirétrovirale est assurée par l observance du traitement à vie et par le dépistage et le contrôle des effets secondaires, de la toxicité des médicaments et de leurs interactions. Tab. 2 Les effets secondaires à couts, moyens et longs termes. Temps Atteintes Effets Nausées, vomissements, diarrhée, douleurs Digestives abdominales, hépatite Court médicamenteuse. terme Vertiges, cauchemars, (11) ; Neurologiques troubles du sommeil, (2) hallucinations. Néphro- urologiques Coliques néphrétiques. Toxicité mitochondriale Moyen Mitochondriales dans le foie et les nerfs. terme Diarrhée, hépatite (11) Digestives médicamenteuse. Sécheresse de la peau et Cutanéo- des muqueuses, syndrome muqueuses d hypersensibilité, allergies. Peuvent entraîner Neurologiques l invalidité, vertiges, Moyen / Long terme (11) ; (2) Hématologiques Néphro- urologiques Métaboliques cauchemars. Tous les éléments figurés du sang peuvent être atteints : anémie, leucineutropénie, trombopénie, hémolyse. Lithiase urinaire, néphrite interstitielle. Lipodystrophie (modifications morphologiques), troubles glucidiques (intolérance au Temps Atteintes Effets glucose, hyperinsulinisme, diabète, cholestérol), troubles lipidiques, acidose lactiques, hépatite médicamenteuse. Infarctus du myocarde, Cardio- accident vasculaire vasculaires cérébral. Osseuses Ostéoporose, ostéonécrose. 5. LA RECHERCHE SUR LA GP 120 ET LE CCR5 5.1. Etude d une autre voie thérapeutique Tout comme la trithérapie, les recherches exposées ci- dessous visent à limiter la réplication du virus dans l hôte. Cependant, ces dernières n agissent pas sur la phase de réplication du virus mais s attaque à deux types de de protéines, la gp120 du virus et le- corecepteur CCR5 du patient, qui jouent un rôle dans l ancrage du virus sur les lymphocytes T- CD4. 5.2. Fixation du VIH via la gp120 5.2.1. La gp120 La gp120 (Fig.9) est une protéine de surface. Elle agit comme un ligand d attachement pour rapprocher le virus de la cellule cible. Elle permet l interaction avec les récepteurs spécifiques de la cellule. La gp120 est constituée d un domaine interne et d un domaine externe reliés par un pont de liaison. Le premier est composé de cinq régions qui Fig. 9 Représentation permettent l intéraction graphique de structure de la avec la gp41 (Fig 10). Le gp120. (15) domaine interne, quant à lui, est formé de boucles qui jouent un rôle important dans l intéraction avec les co- récepteurs (le CCR5 en majorité et CXCR4 en minorité). Après comparaison des structures entre la gp120 et le T- CD4, un site de liaison a été mis en évidence. Cette expérience a aussi permis de mettre en évidence le changement de conformation du domaine interne après la liaison de la gp120 au CD4, notamment au niveau du site de liaison à la gp41, ainsi qu un changement de conformation du site de liaison au corécepteur. En effet, le site de liaison au corécepteur localisé principalement au niveau de la boucle V3 et au niveau du pont de liaison n est exposé qu après ce changement de conformation. 5.2.2 La gp41 La gp41 est une protéine transmembranaire localisée à la surface du virus et qui interagit de manière non covalente avec la gp120. Cette protéine possède trois domaines : un domaine interne situé à l intérieur du virus, un domaine transmembranaire qui permet son ancrage à l enveloppe virale et un domaine situé à la

Fig. 10 Représentation graphique de structure de la gp41. (15) surface du virus nommé ectodomaine. Elle est constituée d un complexe en hélice α qui permet le rapprochement des membranes virale et cellulaire. Ces membranes vont fusionner pour former un pore de fusion à travers lequel le matériel viral est injecté. 5.2.3. Le CCR5 Le récepteur CCR5 (Fig. 11) est un des corécepteurs du VIH- 1. C est un récepteur aux chimiokines impliqué dans le chimiotactisme 6 des cellules du système immunitaire vers les sites inflammatoires au sein des tissus. Le récepteur CCR5 interagit avec la gp120 du VIH- 1 après son interaction avec CD4 et permet le changement de conformation de gp120, dévoilant ainsi la gp41 qui peut alors initier la fusion. Il existe plusieurs polymorphismes du gène CCR5, notamment le polymorphisme delta 32 qui se caractérise par la délétion de 32 paires de bases. La synthèse n est alors plus possible et n apparaît donc pas Fig. 11 Schéma du CCR5 (15) à la surface des cellules. Ce polymorphisme, se retrouve chez 1% de la population caucasienne. Les personnes delta32 sont naturellement protégées contre l infection par le VIH- 1 de tropisme R5 mais pas contre le VIH- 1 de tropisme 7 X4. 5.2.4 La protéine CD4, site de fixation de la gp120. La protéine CD4 appartient à la famille des immunoglobulines. Elle contient plusieurs domaines : un domaine cytoplasmique, un domaine membranaire et 4 domaines extracellulaires distincts stabilisés par des ponts disulfures. Le CD4 est le récepteur cellulaire principal du VIH- 1. Il est exprimé à la surface de nombreuses cellules. La liaison du virus avec le récepteur se fait par le domaine D1 (Fig.12). Les personnes hétérozygotes delta32, plus nombreuses, quant à elles, ne sont pas protégées contre l infection par les virus. Néanmoins, la majorité de ces patients ne développent pas rapidement la maladie démontrant un rôle important de CCR5 dans l infection et la pathogenèse du VIH- 1. Des niveaux Fig. 12 Représentation graphique de structure de la protéine CD4. (15) d expression différents de CCR5 ont été rapportés d une population à l autre. 5.2.4. Etape de fixation du virus sur la cellule hôte L entrée du VIH- 1 est la première étape du cycle viral. C est une étape clef : en effet, tout blocage de celle- ci conduit à une inhibition du cycle viral. L entrée débute par l adsorption des particules virales à la surface des cellules (Fig.13). Cette adsorption se fait via des récepteurs qui interagissent avec la gp120. Une fois le VIH- 1 adsorbé sur la cellule, la protéine gp120 peut alors interagir avec le récepteur : la protéine CD4 de la cellule hôte. La deuxième étape de l entrée est l interaction de gp120 avec le récepteur CD4. La protéine gp120 interagit avec un des domaines du CD4. Cette interaction induit un changement de conformation de la gp120 et a pour conséquence le déploiement de la boucle V3 (9). La troisième étape de l entrée est l interaction de la gp120 avec son corécepteur : le CCR5. Le CCR5 a donc la capacité de bloquer la réplication des VIH- 1 libres, en empêchant leur fixation sur les cellules cibles. L exposition du domaine V3 de la gp120 permet l interaction avec le CCR5. Les sites d interactions avec les corécepteurs sont localisés principalement au niveau de la boucle V3. Cette interaction est nécessaire d une part pour induire un nouveau changement de conformation conduisant au dévoilement des domaines externes de la gp41 et d autre part pour poursuivre le processus de fusion. 6 Chimiotactisme : Effet d'attraction ou de répulsion exercé par certaines substances sur une cellule vivante capable de nager ou de ramper pour se rapprocher ou s'éloigner du point d'où diffuse cette substance. 7 Tropisme : utilisation par le virus du corécepteur CCR5 (tropisme R5), du corécepteur CXCR4 (tropisme X4) ou des deux corécepteurs (tropisme dual). (6). Fig. 13 Etapes de l'ancrage du VIH sur la cellule hôte.

5.3. Les différentes pistes de traitements 5.3.1. Les molécules inhibitrices de l intéraction gp120- CD4 Ce sont des molécules qui inhibent la fixation de la gp120 à son récepteur CD4. Ces inhibiteurs vont se fixer à la gp120 en inhibant sa fixation à la CD4, inhibant donc l entre du virus dans la cellule cible. Elles sont actives sur la gp120 aussi bien de tropisme R5 que X4 tropique. Cette molécule à l avantage de n engendrer que peu d effets secondaires. D autres molécules capables de se fixer sur le CD4 empêchant ainsi sa fixation à la glycoprotéine sont en développement. 5.3.2. De nouveaux antagonistes du CCR5 Ce sont aujourd hui les molécules les plus étudiées. Cette recherche est basée sur la capacité des personnes delta32 à résister à l infection par le VIH- 1 R5 tropique afin d inhiber la fixation de la gp120 au corécepteur CCR5. Un traitement basé sur cette technologie est actuellement utilisé en thérapie chez les patients en échec thérapeutique. 5.3.3. Les anticorps neutralisants dirigés contre le gp120 Ces anticorps reconnaissent les épitopes 8 de nature peptidique ou glycanique et sont peu nombreux lors de l infection par le VIH- 1. Ces anticorps n ont pas la capacité d être bloquant mais ont été idnetifioés chez des patients séropositifs non progresseurs. Néamoins, ils ont la spécificité de reconnaitre des épitopes, ce qui leur permet d action sur un large spectre. Ces anticorps sont capables de neutraliser un large spectre d isolats viraux en se fixant sur la gp120 en inhibant sa fixation au CD4. Il sont aussi dirigés contre le site de liaison au CD4. En effet, ils sont capables de neutraliser environ 90% des virus testés et présentent une grande avancée dans l identification des anticpors neutralisants à large spectre. L intérêt est double : il peut être utilisé en immunisation passive et peut aussi aider à déterminer et modéliser les épitopes reconnus dans le but de générer un vaccin candidat induisant des anticorps anti- VIH- 1 neutralisants. 5.3.4. Les inhibiteurs de la fixation Ils existe plusieurs types d inhibteurs de fixation : les premiers sont des molécules inhibitrices de la fixation gp120- CD4. Ces molécules mîment les séquences des protéines virales et agit donc comme un leurre par rapport au CD4 en se fixant sur la gp120. Le deuxième type peptides inhibitrices sont celles qui agissent sur l inhibition de CCR5 et CXCR4. Cette deuxième approche est basée sur la modification des ligands des corécepteurs. Le mécanisme est le suivant : modifier une partie de la peptines afin d obtenir des analogues biologiquement inactifs gardant néanmoins la capacité à intéragir avec le corécepteur. 6. QUEL TRAITEMENT A L AVENIR? A ce jour la recherche sur la gp120 n en est qu au stade in vitro. Les tests in vivo ne verront le jour que dans quelques années. De ce fait, les données scientifiques ne sont pas encore complètes et la thérapie envisagée n en est qu à ses balbutiements. Les obstacles rencontrés à ce jour, afin de créer un traitement capable à terme de détruire le VIH, sont dus à la rande diversité génétique du virus. Sa capacité à muter au sein d un même organisme et à trouver d autres points d ancrage afin d infecter les cellules cibles viennent renforcer la difficulté à créer un traitement pérenne et universel. Même si cet espoir d empêcher la fixation du VIH sur les cellules cibles par inhibition de la gp120 est réel, cette technique n a pas encore fait ces preuves. La trithérapie, malgré ses effets secondaires, reste pour le moment le seul traitement en application. Actuellement, le mode d action thérapeutique mis en place, est déterminé à l aide du dépistage. La méthode actuelle de dépistage TROD (13) devrait évoluer d ici les prochaines années afin d assurer une prise en charge plus rapide des patients. Cet avancement devrait répondre au besoin de dépister les différents types de VIH existants. Ceux- ci sont moins répandus à travers le monde et plus orientaux, mais tout aussi destructeurs. Le traitement des formes minoritaires, de même que celui des VIH- 1 et 2, est un enjeu potentiel en passe de devenir fortement problématique d ici quelques décennies. Leurs prises en charge en amont est une perspective qui à ce jour n a pas encore été développée. Ce sont principalement les types de VIH les plus répandus qui sont pris en compte dans les recherches de traitements. Un élargissement du procédé de gestion des risques face à une pandémie, devrait permettre de ne plus se focaliser sur certains types de virus. Les virus du VIH possèdent une capacité de mutation importante. Les mutations pourraient aussi augmenter la résistance des virus et donc accroître celle du patient face aux différents traitements. Un autre frein contre l éradication du virus repose sur les réservoirs du VIH. Ces réservoirs présents chez tous les patients infectés, ne sont pas ciblés et impactés par la trithérapie. Ils représentent une charge virale dormante, supprimant l éventualité d une guérison totale. Des laboratoires travaillent actuellement sur ces réserves et tentent de développer un traitement. Au- delà de la technique et des traitements, une autre variable primordiale face à la lutte contre le virus, reste problématique : le facteur humain. La population, ayant connaissance d un traitement à vie, ne prend plus réellement au sérieux le risque de mort lié au VIH. A cela s ajoute la capacité accrue d un séropositif nouvellement infecté de transmettre le virus. Enfin, l accès au soin difficile et le coût élevé de ces traitements, augmentent considérablement le risque de pandémie du SIDA au niveau mondial (13). 8 Un épitope est une molécule qui peut être reconnue par un paratope (partie variable d'un anticorps ou d'un récepteur membranaire ) pour déterminer si elle appartient au domaine du soi ou au domaine du non-soi. 7. CONCLUSION GENERALE Les recherches ne s axent actuellement pas sur l origine première des VIH que sont les VIS. En effet, la trithérapie cible principalement la version la plus

répandue, au niveau mondial, le VIH- 1 de groupe M. Le traitement basé sur la gp120 propose, quant à lui, une action thérapeutique plus globale valable pour tous les types de VIH. Ce dernier traitement apparaît comme plus prometteur que la trithérapie car il agit plus tôt dans le cycle de réplication du VIH et n est pas restreint par le type de VIH. Malgré cela, les effets secondaires de ce traitement sont inconnus car les essais sur l Homme n ont pas encore été réalisé. L éradication totale du VIH semble donc difficile à court terme. Cependant, endiguer l épidémie mondiale et permettre aux séropositifs de vivre, sans atteindre la phase SIDA, ni être vecteur de contamination apparaît comme un objectif plus réalisable dans les prochaines années. 13. André, Elisabeth. Cours ARVS - CHU de Nantes. [interv.] Axelle Lesebos. Nantes, Novembre 2013. 14. France Lert, Pr. Gilles Pialoux. Prévention et réduction des risques dans les groupes à haut risque vis_à_vis du VIH et des IST. p. 124, Rapport mission RDRs. 15. Mzoughi, Olfa. Développement d'inhibiteurs de l'entrée du VIH- 1. Toulouse : s.n., 2013. Thèse de doctorat. 8. REFERENCES 1. Martine Peeters, Marie- Laure Chaix. Origine et diversité génétique du virus de l'immunodéficience humaine : d'où vient- il, où va- t- il? Virologie. Mai- Juin 2013, Vol. 17, 3, pp. 119-128. 2. Hidreau, Pierre. L'épidémie du VIH/SIDA et sa situation dans un pays en voie de développement : le Bénin. Nantes : s.n., 2006. pp. 21-29, 35-36, 41,49, Thèse de doctorat. Soutenue publiquement le 29/03/2006. 3. Ezin Jocelyn, Côme Alex Akakpo. Les déterminants de l'observance à la trithérapie antirétrovirale chez les patients infectés par le VIH à cotonou au Bénin. Faculté des études de l'université de Laval. Laval : s.n., 2009. Mémoire de maîtrise en épidémiologie. 4. Fatoumata, Maïga. Efficacité, tolérance et observances des régimes de trithérapie (ARV) chez des patients VIH positifs dans trois sites du District de Bamako. 2008. Thèse de doctorat. Soutenue publiquement le 27/06/2008. 5. Sagnier, Sophie. L'autophagie, un mécanisme impliqué dans la physiopathologie de l'infection par le VIH- 1. Montpellier : s.n., 2011. pp. 10,12,18, Thèse de doctorat. 6. Morlat, Pr. Philippe. Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH. Ministère des affaires sociales et de la Santé. 2013. pp. 362, 380-381. ISBN : 978-2- 11-009563- 3. 7. ONUSIDA. Rapport mondial ONUSIDA sur l'épidémie mondiale de SIDA 2013. 2013. ISBN 978-92- 92503-033- 4. 8. Claude- Bernard, Groupe hospitalier Bichat. Traitements anti- rétroviraux en 2013: progrès et perspectives. Université Paris- Diderot. Paris : s.n., 2013. 9. Yéni, Pr. Patrick. Prise en charge des personnes infectées par le VIH. Ministère de la santé et des Sports. 2010. p. 254. ISBN : 978-2- 11-008038- 7. 10. Study, ANRS VISCONTI. Post- Treatment HIV- 1 Controllers with a Long- Term Virological Remission after the Interruption of Early Initiated Antiretroviral Therapy. Plos Pathogens. Mars 2013. 11. Samaké, Farima. Les effets secondaires de la trithérapie antirétrovirale au cours de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine de l'adulte. 2005. Thèse de doctorat. 12. Delfraissy, JF. Prise en charge des personnes infectées par le VIH. Paris : Flammarion, 2004. p. 364.