Instantie. Onderwerp. Datum



Documents pareils
Instantie. Onderwerp. Datum

Instantie. Onderwerp. Datum

Instantie. Onderwerp. Datum

Instelling. Onderwerp. Datum

Instantie. Onderwerp. Datum

Instelling. Onderwerp. Datum

Instelling. Onderwerp. Datum

Auteur. Onderwerp. Datum

Auteur. Onderwerp. Datum

Cour de cassation de Belgique

Cour de cassation de Belgique

Cour de cassation de Belgique

Loi du 20 décembre 2002 portant protection des conseillers en prévention (MB )

Cour de cassation de Belgique

M. Lacabarats (président), président SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE. Contentieux n A et A

COUR DU TRAVAIL DE BRUXELLES DU 28 MAI 2013

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS N , , , , M. Olivier Yeznikian Rapporteur

comparante par Maître MILLIARD, avocat au barreau de NOUMÉA,

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, premier décembre deux mille onze.

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LILLE N Mme Dejana R M. Dzibrail R RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

dans la poursuite pénale dirigée contre

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DENICE

LETTRE CIRCULAIRE N

Numéro du rôle : Arrêt n 48/2009 du 11 mars 2009 A R R E T

COUR DE CASSATION R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E. Audience publique du 21 septembre 2011 Rejet M. LACABARATS, président. Arrêt n o 1054 FS-P+B

Numéros du rôle : 4381, 4425 et Arrêt n 137/2008 du 21 octobre 2008 A R R E T

REPUBL QUE FRANCA SE

Loi N 1/018 du 19 décembre 2002 portant ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE AINSI QUE LA PROCEDURE APPLICABLE DEVANT ELLE

N 25/ 07. du Numéro 2394 du registre.

COUR DE CASSATION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

Cour de cassation de Belgique

I ) ENTRE : appelant aux termes d'un exploit de l'huissier de justice Georges NICKTS de Luxembourg en date du 30 octobre 2000,

E n t r e : appelante aux termes d un exploit de l huissier de justice Jean-Lou THILL de Luxembourg du 14 août 2009,


Cour de cassation. Chambre sociale

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l arrêt suivant :

30 AVRIL Loi relative à l'occupation des travailleurs étrangers (M.B. 21 mai 1999) - coordination officieuse au 1 er juillet 2011

L employeur peut-il mettre un salarié en congés payés forcés?

Droit social R È G L E M E N T A T I O N. Fraude au détachement de travailleurs et travail illégal Décret du 30 mars 2015

CONVENTION ENTRE LA REPUBLIQUE FRANCAISE ET LE ROYAUME DU MAROC RELATIVE AU STATUT DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE ET A LA COOPERATION JUDICIAIRE

A LA UNE. L indemnisation due en cas de licenciement nul pour violation du statut protecteur est plafonnée à trente mois

Cour de cassation Chambre commerciale Cassation partielle 30 mars 2010 N

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

FICHE N 8 - LES ACTIONS EN RECOUVREMENT DES CHARGES DE COPROPRIETE

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE CAEN F D

Les Cahiers du Conseil constitutionnel Cahier n 24

Articles-CODE DES ASSURANCES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANçAIS

Responsabilité civile des administrateurs et des réviseurs d une société anonyme : questions choisies

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

CIRCULAIRE CDG90 COMITE TECHNIQUE COMITE D HYGIENE, DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL COMMISSION ADMINISTRATIVE PARITAIRE

-d- DU T~~~Ut~Al Oil~~STA,~C! Di. RliiNES. D'p~mment rj~~ll! i.t WLA9Nf.

TABLE DES MATIERES. Section 1 : Retrait Section 2 : Renonciation Section 3 : Nullité

L'an deux mil quatorze Et le vingt un octobre

SENTENCE ARBITRALE DU COLLEGE ARBITRAL DE LA COMMISSION DE LITIGES VOYAGES

Contrat Type DroitBelge.Net. Contrat de travail AVERTISSEMENT

Article L52-4 Article L52-5 Article L52-6

AUDIENCE PUBLI~UE ORDINAIRE DU 11 DECEMBRE Madame FlAN A. ROSINE MOTCHIAN Président; Messieurs BAGROU B. Isidore" Assesseurs,

M. Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président), président

PARTIE I : LES RELATIONS INDIVIDUELLES DE TRAVAIL

Cadre réservé à l administration : Demande reçue le. Collège communal du :

Obs. : Automaticité de la pénalité de l article L C. ass. : la victime n a aucune demande à formuler

Président : M. Blin, conseiller le plus ancien faisant fonction., président REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR DE CASSATION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E. Audience publique du 16 janvier 2014 Cassation Mme FLISE, président. Arrêt n o 47 F-P+B

SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Concours d assurances (RC-TRC)

Loi organique relative à la Haute Cour

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-neuf mai deux mille onze.

La délégation de pouvoirs

Décrets, arrêtés, circulaires

Règlement des prêts (Adopté par le Conseil d administration par la Résolution 1562, le 14 novembre 2013)

Cour de cassation de Belgique

Numéro du rôle : Arrêt n 151/2012 du 13 décembre 2012 A R R E T

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT. QUORUM: Professeur Yadh BEN ACHOUR Président

Conditions générales de prestations de services

I. Dénomination, siege social et objectifs. Article 1 (Dénomination et cadre légal)

La prise illégale d intérêts

TROISIÈME SECTION. AFFAIRE MATTEONI c. ITALIE. (Requête n o 42053/02)

AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 27 MARS 2015

Jurisprudence. République française. Au nom du peuple français LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS. LA COUR DES COMPTES a rendu l arrêt suivant :

COMMENT PREPARER AU MIEUX SON CONTRÔLE TVA?

TIEN DES DROITS DES TRAVAILLEURS EN CAS DE CHANGEMENT D'EMPLOYEUR DU FAIT D'UN TRANSFERT CONVENTIONNEL D'ENTREPRISE ET REGLANT LES

Théâtre de l'escalier des Doms en Avignon Adresse du siège social : rue de Flandre, 46 à 1000 Bruxelles N d'entreprise :

Jurisprudence. COUR D'APPEL Lyon CH mai 2014 n 13/01422 Sommaire : Texte intégral :

TITRE IER DISPOSITIONS GENERALES

Rôle n A - Exercices d imposition 2001 et Intérêts sur un compte courant créditeur et requalification en dividendes

TRAITÉ SUR L'UNION EUROPÉENNE (VERSION CONSOLIDÉE)

Conclusions de Madame l'avocat général Béatrice De Beaupuis

Numéro du rôle : Arrêt n 36/2006 du 1er mars 2006 A R R E T

LOI N du 14 janvier (JO n 2966 du , p.3450) CHAPITRE PREMIER DE LA PREVENTION DES INFRACTIONS

Protocole n 15 portant amendement à la Convention de sauvegarde des Droits de l'homme et des Libertés fondamentales (STCE n 213) Rapport explicatif

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. b) a annulé ce jugement rendu le 7 avril 2006 par le tribunal administratif de Nice (article 1er) ;

Numéro du rôle : Arrêt n 121/2002 du 3 juillet 2002 A R R E T

Numéro du rôle : 4767 et Arrêt n 53/2010 du 6 mai 2010 A R R E T

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Docteur François KOMOIN, Président du Tribunal ;

Transcription:

Instantie Hof van Cassatie Onderwerp Bedrijfsorganisatie. Ontslagbescherming personeelsafgevaardigden Datum 26 januari 2009 Copyright and disclaimer Gelieve er nota van te nemen dat de inhoud van dit document onderworpen kan zijn aan rechten van intellectuele eigendom, die toebehoren aan bepaalde betrokkenen, en dat er u geen recht wordt verleend op die desbetreffende rechten. M&D Seminars wil u met dit document de nodige informatie verstrekken, zonder dat de in dit document vervatte informatie bedoeld kan worden als een advies. Bijgevolg geeft M&D Seminars geen garanties dat de informatie die dit document bevat, foutloos is, zodat u dit document en de inhoud ervan op eigen risico gebruikt. M&D Seminars, noch enige van haar directieleden, aandeelhouders of bedienden zijn aansprakelijk voor bijzondere, indirecte, bijkomstige, afgeleide of bestraffende schade, noch voor enig ander nadeel van welke aard ook betreffende het gebruik van dit document en van haar inhoud. M&D Seminars - 2009 M&D CONSULT BVBA Eikelstraat 38-9840 DE PINTE Tel. 09/224.31.46 - Fax 09/225.32.17 info@mdseminars.be - www.mdseminars.be

26 JANVIER 2009 S.08.0069.F/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N S.08.0069.F 1. P. F. 2. S. K-H. 3. B. D. 4. C. A., dom 5. J. M. 6. J. J. 7. L. B. 8. M. P. demandeurs en cassation, représentés par Maître Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,

26 JANVIER 2009 S.08.0069.F/2 contre CONTINENTAL BENELUX, société anonyme dont le siège social est établi à Herstal, Parc industriel des Hauts-Sarts, 1 ère Avenue, 44, défenderesse en cassation, représentée par Maître Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Gand, Driekoningenstraat, 3, où il est fait élection de domicile. I. La procédure devant la Cour Le pourvoi en cassation est dirigé contre l arrêt rendu le 25 juin 2007 par la cour du travail de Liège. Le président Christian Storck a fait rapport. L avocat général Jean-Marie Genicot a conclu. II. Le moyen de cassation Les demandeurs présentent un moyen libellé dans les termes suivants : Dispositions légales violées - articles 2, 3, 1 er, 14, 16 et 17 de la loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel ; - article 6 du Code civil ; - articles 61, 64, plus spécialement 2, 178, 519, 521 et 522 du Code des sociétés (loi du 7 mai 1999).

26 JANVIER 2009 S.08.0069.F/3 Décisions et motifs critiqués L arrêt déboute les demandeurs de leur action en paiement de l'indemnité prévue par la loi du 19 mars 1991 en cas de non-respect des conditions et procédures de licenciement d'un travailleur protégé visées aux articles 2 et 11 de ladite loi, savoir, en l'espèce, une décision de licenciement prise par un conseil d'administration irrégulièrement composé et, corollairement, une absence de saisine valable de la commission paritaire compétente, aux motifs suivants : «Selon l'article 3, 1 er, de la loi du 19 mars 1991, 'l'employeur qui envisage de licencier un délégué du personnel ou un candidat délégué du personnel pour des raisons d'ordre économique ou technique doit saisir préalablement la commission paritaire compétente par lettre recommandée à la poste'. La loi ne définit pas davantage les conditions et les modalités de cette saisine ; En la présente cause, l'employeur visé par cette disposition légale, la [défenderesse], est [ ] une société anonyme. Pour identifier l'organe de représentation de cette dernière, habilité à procéder à la saisine requise, il n'y a pas d'autre solution que de se référer au Code des sociétés, ce qui est au demeurant admis par toutes les parties litigantes et aussi par les premiers juges ; Ce code, en son article 522, attribue au conseil d'administration d'une société anonyme des pouvoirs tels qu'il échet en l'espèce de constater que ce fut dans le cadre et le respect de ces pouvoirs que le conseil d'administration de la [défenderesse] a décidé, le 31 mai 2001, de saisir la commission paritaire compétente ; [...] Le tribunal de commerce a clairement décidé que le conseil d'administration de la [défenderesse], en sa séance du 31 mai 2001, était irrégulièrement composé et qu'il s'agissait d'une violation des règles statutaires de la société fixant les modalités de fonctionnement de cet organe. L'autorité de la chose jugée découlant de cette décision s'impose dans le présent litige, ce qui est du reste reconnu par toutes les parties ;

26 JANVIER 2009 S.08.0069.F/4 S'ensuit-il que la décision de saisir la commission paritaire, adoptée dans ces conditions le 31 mai 2001, serait nulle d'office ou inopposable aux travailleurs? A défaut de réponse perceptible à ce sujet dans la loi du 19 mars 1991, il faut chercher la solution dans le Code des sociétés, ce que soutient [la défenderesse] mais que n'admettent plus les [demandeurs] ; Or, il ressort de l'article 64, 2, de ce code que la décision concernée, telle qu'elle a été prise, ne pourrait être frappée de nullité que pour autant qu'il y eût intention frauduleuse. Il résulte aussi de son article 178 que cette nullité devrait être prononcée par le tribunal de commerce à la requête de tout intéressé ; En l'occurrence, les travailleurs n'ont ni obtenu, ni même demandé, l'annulation de la décision de saisir la commission paritaire. [La défenderesse] en déduit avec raison, s'appuyant sur la jurisprudence et la doctrine qu'elle cite, que cette décision, aussi longtemps qu'elle n'est pas annulée, sortit tous ses effets ; De plus, le jugement du tribunal de commerce conduit à considérer que les travailleurs n'auraient pas l'intérêt requis pour faire annuler cette décision ; Attention, il ne faut pas ici confondre : cet intérêt n'est pas celui qui justifie la recevabilité de la présente action des [demandeurs] et qui consiste dans la recherche de l'avantage matériel constitué par les indemnités spéciales de protection réclamées ; en revanche, l'intérêt dont les [demandeurs] ne pourraient justifier devant la juridiction consulaire serait celui de faire annuler, pour violation des règles de fonctionnement du conseil d'administration, une décision qui visait précisément à mettre en œuvre la loi de 1991 et à garantir les intérêts mêmes des travailleurs protégés en permettant à la commission paritaire de vérifier préalablement la réalité des raisons d'ordre économique ou technique invoquées pour les licencier ; Il convient encore de souligner que la décision litigieuse ne serait pas non plus annulable, en vertu de l'article 64, 2, du Code des sociétés, dès lors qu'il n'est pas prouvé qu'une intention frauduleuse aurait inspiré la composition irrégulière du conseil d'administration le 31 mai 2001. Quelle

26 JANVIER 2009 S.08.0069.F/5 volonté de fraude pourrait au demeurant commander la décision de se conformer à la loi du 19 mars 1991? En conclusion, non seulement cette décision n'a pas été annulée, mais elle n'apparaît pas non plus comme annulable. Il s ensuit que la juridiction du travail, qui n'est naturellement pas compétente pour prononcer sa nullité, n'a pas non plus de raison juridique valable de la déclarer, in casu, inopposable aux [demandeurs] ; Partant, cette décision du conseil d'administration de la [défenderesse] fut efficace. Il s'impose dès lors de constater que la commission paritaire a été effectivement saisie par l'employeur, comme l'exige l'article 3, 1 er, de la loi du 19 mars 1991. Il est en outre avéré que la formalité de la recommandation postale, seule requise par cette disposition, a été respectée. Observons enfin que les [demandeurs] ne soulèvent pas la question si la demande a été introduite auprès de la commission paritaire au moment où l'employeur en était encore à envisager le licenciement des [demandeurs] ; Par ailleurs, ceux-ci mettent en doute la régularité de la décision même de la commission paritaire, rendue le 13 juin 2001, au motif que celle-ci déclare, dans le dispositif de cette décision, qu'elle 'reconnaît l'existence de raisons économiques justifiant [...] le licenciement de certains délégués du personnel et candidats délégués du personnel', sans désigner expressément les personnes visées. Pareille critique est sans objet tant il est évident que ces personnes étaient les travailleurs, parmi lesquels tous les [demandeurs], dont la liste était annexée à la demande de l'employeur. De surcroît, les [demandeurs] n'indiquent pas les conséquences juridiques qu'ils prétendent tirer de l'irrégularité dont ils voudraient se prévaloir. Apparemment, ils ne vont pas jusqu'à soutenir que la décision de la commission paritaire serait, pour ce seul motif, nulle et non avenue ; Enfin, pour ce qui est du fond, c'est-à-dire l'essentiel, l'existence des raisons d'ordre économique ou technique, telle qu elle a été reconnue par la commission paritaire, n'est pas contestée par les [demandeurs]. Il s'agit en effet de la fermeture, malheureusement bien réelle, de la division d'entreprise au sein de laquelle ils étaient occupés».

26 JANVIER 2009 S.08.0069.F/6 Griefs La loi du 19 mars 1991 a prévu une procédure très stricte pour le licenciement d'un travailleur protégé pour raisons d'ordre économique ou technique. Les dispositions applicables dans cette hypothèse sont les suivantes : - Article 2 : «1 er. Les délégués du personnel et les candidats délégués du personnel ne peuvent être licenciés que pour un motif grave préalablement admis par la juridiction du travail ou pour des raisons d'ordre économique ou technique préalablement reconnues par l'organe paritaire compétent» ; - Article 3 : «1 er. L'employeur qui envisage de licencier un délégué du personnel ou un candidat délégué du personnel pour des raisons d'ordre économique ou technique doit saisir préalablement la commission paritaire compétente par lettre recommandée à la poste [...]. La commission paritaire [...] est tenue de se prononcer au sujet de l'existence ou de l'absence de raisons d'ordre économique ou technique dans les deux mois à compter de la date de la demande qui en est faite par l'employeur. A défaut de décision de l'organe paritaire dans le délai fixé à l'alinéa précédent, l'employeur ne peut licencier le délégué du personnel ou le candidat délégué du personnel qu'en cas de fermeture de l'entreprise ou d'une division de l'entreprise ou en cas de licenciement d'une catégorie déterminée du personnel [...]. 2. [...]. 3. La charge de la preuve des raisons d'ordre économique ou technique invoquées pour justifier le licenciement, et du fait que le licenciement ne va pas à l'encontre des dispositions du paragraphe 2, incombe à l'employeur» ; - L'article 14 de la même loi prévoit en outre que, «lorsque l'employeur met fin au contrat de travail sans respecter les conditions et les procédures visées aux articles 2 à 11, le travailleur ou l'organisation qui a

26 JANVIER 2009 S.08.0069.F/7 présenté sa candidature peut demander sa réintégration dans l'entreprise aux mêmes conditions que celles dont il bénéficiait avant la rupture du contrat, à condition d'en faire la demande, par lettre recommandée à la poste, dans les trente jours qui suivent» ; - Article 16 : «Lorsque le travailleur ou l'organisation qui a présenté sa candidature n'a pas demandé sa réintégration dans les délais fixés à l'article 14, l'employeur est tenu de lui payer, sauf dans le cas où la rupture a eu lieu avant le dépôt des candidatures, sans préjudice du droit à une indemnité plus élevée due en vertu du contrat individuel, d'une convention collective de travail ou des usages et à tous les autres dommages et intérêts pour préjudice matériel ou moral, une indemnité égale à la rémunération en cours correspondant à la durée de : - deux ans lorsqu'il compte moins de dix années de service dans l'entreprise ; - trois ans lorsqu'il compte de dix à moins de vingt années de service dans l'entreprise ; - quatre ans lorsqu'il compte vingt années de service ou plus dans l'entreprise» ; - Article 17 : «1 er. Lorsque le travailleur ou l'organisme qui a présenté sa candidature a demandé sa réintégration et que celle-ci n'a pas été acceptée par l'employeur dans les trente jours qui suivent le jour où la demande lui a été envoyée par lettre recommandée à la poste, cet employeur est tenu de payer au travailleur l'indemnité prévue à l'article 16 ainsi que la rémunération pour la période restant à courir jusqu'à la fin du mandat des membres représentant le personnel à l'élection desquels il a été candidat. 2. En cas de contestation, l'employeur doit apporter la preuve qu'il a accepté la réintégration qui lui a été demandée». En l'espèce, la question n'est pas de savoir quelle est, en droit des sociétés, la valeur d'une décision prise par un conseil d'administration irrégulièrement composé et dans quelles conditions une telle décision est nulle ou peut être annulée mais si la défenderesse a saisi régulièrement la commission paritaire de sa demande de licencier les demandeurs alors que,

26 JANVIER 2009 S.08.0069.F/8 selon l'article 3, 1 er, de la loi du 19 mars 1991, c'est l'employeur qui prend la décision de licencier le ou les travailleurs protégés et qui doit ensuite faire part à la commission paritaire de son intention de les licencier : «l'employeur qui envisage de licencier un délégué du personnel ou un candidat délégué du personnel pour des raisons d'ordre économique ou technique doit saisir préalablement la commission paritaire compétente par lettre recommandée» (article 3, 1 er ). Autrement dit, peut-on dire, lorsque la décision de licenciement est adoptée par un conseil d'administration non régulièrement composé, que c'est «l'employeur» qui a bien pris la décision et que celle-ci a ensuite été valablement notifiée par lui à la commission paritaire compétente? Si la décision de licencier un travailleur protégé n'est pas prise par l'organe compétent pour la prendre, peut-on encore dire que la commission paritaire a été saisie valablement par l'employeur de sa décision de licencier? Ces questions appellent une réponse négative. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 19 mars 1991 que les règles concernant le licenciement d'un travailleur protégé sont d'ordre public car elles visent à encadrer la protection accrue du délégué du personnel, tout en permettant à l'employeur de le licencier si des raisons d'ordre économique ou technique l'imposent. Le fait de réserver la décision de licencier le travailleur protégé à l'employeur lui-même, à l'exclusion de toute autre personne, est une condition essentielle de la protection du travailleur. La décision de fermer une entreprise affecte gravement les intérêts des travailleurs. A fortiori, une telle décision ne peut être prise par un conseil d'administration irrégulièrement composé lorsque sont concernés des travailleurs protégés. C'est le sens même des mesures de protection que la loi du 19 mars 1991 a instituées en faveur des travailleurs protégés. A cet égard, et contrairement à ce qu'allègue l'arrêt, le droit des sociétés soutient la prescription de l'article 3, 1 er, de la loi du 19 mars 1991 et confirme l'interprétation stricte de cette disposition :

26 JANVIER 2009 S.08.0069.F/9 «Les sociétés agissent par leurs organes dont les pouvoirs sont déterminés par le présent code, l'objet social et les clauses statutaires» (article 61 du Code des sociétés) ; «En cas de vacance d'une place d'administrateur et sauf disposition contraire dans les statuts, les administrateurs restants ont le droit d'y pourvoir provisoirement. Dans ce cas, l'assemblée générale, lors de la première réunion, procède à l'élection définitive» (article 519) ; «Les administrateurs forment un collège. Dans les cas exceptionnels dûment justifiés par l'urgence et l'intérêt social, les décisions du conseil d'administration peuvent être prises, si les statuts l'autorisent, par consentement unanime des administrateurs, exprimé par écrit» (article 521) ; «Le conseil d'administration a le pouvoir d'accomplir tous les actes nécessaires ou utiles à la réalisation de l'objet social de la société, à l'exception de ceux que la loi réserve à l'assemblée générale» (article 522, 1 er ) ; «Le conseil d'administration représente la société à l'égard des tiers et en justice, soit en demandant, soit en défendant. Toutefois, les statuts peuvent donner qualité à un ou plusieurs administrateurs pour représenter la société, soit seuls, soit conjointement. Cette clause est opposable aux tiers. Les statuts peuvent apporter des restrictions à ce pouvoir, mais ces restrictions, de même que la répartition éventuelle des tâches dont les administrateurs auraient convenus, ne sont pas opposables aux tiers, même si elles sont publiées» (article 522, 2). Il découle de ces dispositions qu'une décision d'un conseil d'administration irrégulièrement composé n'engage pas la société. Par conséquent, elle ne peut, au regard de la loi d'ordre public du 19 mars 1991, être opposée au travailleur que la décision concerne, tandis que la commission paritaire ne peut être valablement saisie d'une telle décision, celle-ci devant être considérée comme inexistante même en l'absence de toute action tendant à la faire déclarer nulle. A cet égard, c'est vainement que l'arrêt oppose qu'en vertu de l'article 178 du Code des sociétés, la nullité de la décision du conseil d'administration

26 JANVIER 2009 S.08.0069.F/10 de licencier les demandeurs et de saisir à cet effet la commission paritaire eût dû être demandée au tribunal de commerce et que celui-ci n'aurait pu prononcer la nullité que pour autant qu'il y eût intention frauduleuse (article 64, 2, du Code des sociétés). Les articles 64, 2, et 178 du Code des sociétés concernent la décision prise par une assemblée générale mais sont étrangers à la décision prise par un conseil d'administration irrégulièrement composé. Le fait que la décision du conseil d'administration de la défenderesse ne sortait pas du cadre des pouvoirs dudit conseil est sans pertinence dès lors qu'elle a été prise par un conseil d'administration irrégulièrement composé et, partant, par un organe dépourvu de collégialité. C'est tout aussi vainement que l'arrêt objecte que les demandeurs n'ont pas intérêt à se prévaloir de la nullité de la décision prise par le conseil d'administration de la défenderesse et découlant de l'irrégularité de la composition du conseil dès lors que la décision litigieuse visait précisément à mettre en oeuvre la loi de 1991. La décision du conseil d'administration de la défenderesse est contraire aux intérêts des demandeurs, et plus spécialement aux intérêts d'ordre public que la loi du 19 mars 1991 a entendu protéger, dans la mesure où, comme il a été dit plus haut, elle a été prise par un conseil d'administration non régulièrement composé où siégeaient deux cadres de la société en lieu et place de deux administrateurs absents. Pareille décision ne peut être considérée comme ayant été prise par l'employeur, seul habilité en vertu de la loi du 19 mars 1991 à licencier un travailleur protégé. La circonstance que les deux administrateurs absents auraient chargé deux employés du cadre de les remplacer et que ce remplacement n'aurait pas été contesté n'est pas de nature à lever la nullité de la décision du conseil d'administration de la défenderesse. Conformément à l'article 6 du Code civil, on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l'ordre public.

26 JANVIER 2009 S.08.0069.F/11 Il s'ensuit que l'arrêt n'est pas légalement justifié en tant qu'il décide, par les motifs ci-avant reproduits, que la décision du conseil d'administration de la défenderesse de licencier les demandeurs fut «efficace» et que, «dès lors», la commission paritaire a été valablement saisie par l'employeur, comme l'exige l'article 3, 1 er, de la loi du 19 mars 1991, en manière telle que les demandeurs doivent être déboutés de leur action en paiement de l'indemnité de protection prévue par cette loi (violation de l'ensemble des dispositions légales citées en tête du moyen et plus spécialement des articles 3, 1 er, 14, 16 et 17 de la loi du 19 mars 1991). III. La décision de la Cour L arrêt constate que le conseil d administration de la défenderesse, société anonyme employant les demandeurs, a, le 31 mai 2001, alors qu il était irrégulièrement composé, décidé, en application de l article 3, 1 er, alinéa 1 er, de la loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d entreprise et aux comités de sécurité, d hygiène et d embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel, de saisir la commission paritaire compétente des raisons d ordre économique ou technique pour lesquelles le licenciement de ces travailleurs était envisagé. En vertu de l article 61 du Code des sociétés, dans sa rédaction applicable aux faits, les sociétés agissent par leurs organes, dont les pouvoirs sont déterminés par ce code, l objet social et les clauses statutaires. Le caractère d ordre public de l article 3, 1 er, alinéa 1 er, de la loi du 19 mars 1991 n affecte pas cette règle relative à la représentation de la personne morale. La circonstance qu une décision soit arrêtée par le conseil d administration d une société anonyme alors qu il n est pas régulièrement composé n a pas pour effet que cette décision, fût-elle de nature à être annulée, n engagerait pas la société que représente ce collège.

26 JANVIER 2009 S.08.0069.F/12 La seule considération de l arrêt que la décision litigieuse «n a pas été annulée» et que, dès lors, elle «sortit tous ses effets» suffit à justifier légalement sa décision que la commission paritaire compétente a été saisie par l employeur des demandeurs au sens de l article 3, 1 er, précité. Les autres considérations de l arrêt que critique le moyen sont, partant, surabondantes. Le moyen ne peut être accueilli. Par ces motifs, La Cour Rejette le pourvoi ; Condamne les demandeurs aux dépens. Les dépens taxés à la somme de cent cinquante et un euros septante-quatre centimes envers la partie demanderesse et à la somme de septante-neuf euros trente-six centimes envers la partie défenderesse. Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Christian Storck, les conseillers Daniel Plas, Christine Matray, Sylviane Velu et Alain Simon, et prononcé en audience publique du vingt-six janvier deux mille neuf par le président Christian Storck, en présence de l avocat général Jean-Marie Genicot, avec l assistance du greffier Jacqueline Pigeolet.