Sous l intitulé «Décrire des images : nouvelles promenades au musée du Petit Palais»

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1 Décrire des images nouvelles promenades au musée du Petit Palais 19 mars janvier 2009 Créé en 1976, le musée du Petit Palais rassemble deux ensembles uniques, d une part, la collection Campana de peintres italiens du XIIIe au XVIe siècles (dépôt du musée du Louvre), et d autre part, un ensemble de peintures et sculptures avignonnaises du XIIe au XVIe siècles (dépôt Calvet). Ces très riches collections ont une réputation internationale parmi les spécialistes et comptent de très nombreux amateurs fidèles. Dans le souci d accroître encore ce cercle, il a paru important de proposer des expositions-dossiers donnant à tous les publics les clés de lecture nécessaires à la compréhension de ces œuvres Tout au long de l année 2008, le musée du Petit Palais propose aux visiteurs une vision originale des collections en regroupant un certain nombre de pièces autour d un thème. Sous l intitulé «Décrire des images : nouvelles promenades au musée du Petit Palais» Dominique Vingtain, conservateur du musée présente quatre expositions-dossiers et trois parcours thématiques sur quelques grands thèmes religieux en les replaçant dans le calendrier des principales fêtes liturgiques de l année. Chacun de ces cycles, identifié par une couleur, accompagne ou suit les temps de célébration de Pâques, de l Annonciation, de l Ascension, de la Pentecôte et de l Assomption et pour finir de la Nativité du Christ. Chaque exposition, présentée en salle 10, regroupe une quinzaine d œuvres du musée. Sélectionnées en fonction de leur sujet elles sont décrites et expliquées grâce à un ensemble de petits panneaux de textes et de photographies. Afin que le public puisse profiter le plus longtemps possible de ces éléments, chaque exposition-dossier se transforme ensuite en un parcours thématique au sein du musée.

2 Ainsi, lorsque sera présentée, en fin de cycle, l exposition de La Nativité du Christ, les autres salles du musée accueilleront trois parcours thématiques : La Passion du Christ, L Annonciation et La Gloire du Christ et de la Vierge. Ce cycle d exposition-dossiers s est ouvert en mars 2008 avec une exposition consacrée à La Passion du Christ. Il se poursuit avec L Annonciation. Les prochains rendez-vous seront dédiés à La Gloire du Christ et de la Vierge (été) et La Nativité du Christ (automne). Parallèlement, le musée propose un ensemble d animations, ateliers d initiation à l histoire de l art et conférences, consacrées à ces grands thèmes liturgiques à travers Les lundis du Petit Palais et 1 heure, 1 œuvre. De plus, dans le cadre de son action pédagogique, en direction de la jeunesse, le musée invite, sur rendez-vous, les établissements scolaires à venir découvrir la peinture du Moyen Age et profiter de ces expositions-dossiers. Tous les jours, sauf le mardi, de 10h à 13h et de 14h à 18h Les lundis du Petit Palais, de 10h à 12h 28 avril : Annonciation 5 et 19 mai : Résurrection, Ascension 1 heure, 1 œuvre à 15h 26 avril : Mariotto di Nardo, Scènes de la vie du Christ 17 mai : Niccolo da Foligno, Ascension

3 II. L Annonciation «Ainsi, la fleur voulut naître d une fleur, dans une fleur et dans la saison des fleurs.» Saint Bernard (cité par Jacques de Voragine, p. 249) Pour les chrétiens, l annonce de l archange Gabriel à Marie, épisode appelé Annonciation ou Salutation angélique, coïncide avec l Incarnation du Christ et constitue le premier acte de l œuvre de Rédemption. L art chrétien a par conséquent accordé une place essentielle à l Annonciation puisqu il ne s agit pas seulement d un épisode de la légende de la Vierge mais de l origine même de la vie humaine du Christ. Jacques de Voragine souligne dans la Légende dorée (vers ) que «Dieu a annoncé à la femme l un et l autre mystère par le moyen d un ange, savoir : l incarnation à la Vierge Marie et la résurrection à Marie-Madeleine». Le culte L Annonciation fit l objet d un culte important. Fixée au 25 mars c est-à-dire exactement neuf mois avant la Nativité, elle est fêtée depuis le VIe siècle. Ce culte fut diffusé par les Servites (Serviteurs de la Vierge) dont les églises sont dédiées en Italie à l Annunziata, l ordre français de la Très-Sainte-Annonciation fondé à Bourges par sainte Jeanne de Valois (fille du roi Louis XI) ainsi que par des ordres de chevalerie comme l Ordre Savoyard puis l ordre italien de l Annonciade, fondé en Les sources Parmi les Évangiles, seuls ceux de Matthieu (Mt 1, 18-21) et de Luc (Lc ) racontent l épisode de l Annonce à Marie. Le récit de Luc est de beaucoup le plus détaillé.

4 L Évangile de Luc (1, 26-38) 26 «Or au sixième mois, l ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, qui (avait) nom Nazareth, 27 à une vierge fiancée à un homme qui (avait) nom Joseph, de la maison de David, et le nom de la vierge (était) Marie. 28 Et, étant entré, il lui dit : «Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur (est) avec toi.» 29 A cette parole, elle fut fort troublée, et elle se demandait ce que pouvait être cette salutation. 30 Et l ange lui dit : «N aie pas peur, Marie, car tu as trouvé grâce devant Dieu. 31 Et voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils, et tu appelleras son nom : Jésus. 32 Celui-ci sera grand et sera appelé fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père, 33 et il règnera sur la maison de Jacob pour les siècles et son règne n aura pas de fin.» 34 Mais Marie dit à l ange : «Comment cela sera t il, puisque je ne connais pas d homme?» 35 Et répondant l ange lui dit : «L Esprit Saint surviendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c est pourquoi l (être) saint qui va naître sera appelé Fils de Dieu. 36 Et voici qu ñlisabeth, ta parente, a conçu elle aussi un fils en sa vieillesse, et ce moisci est le sixième pour elle que l on appelait stérile ; 37 car rien n est impossible à Dieu.» 38 Or Marie dit : «Voici la servante du Seigneur, qu il m arrive selon ta parole!» Et l ange la quitta. L annonce de l Ange se compose de plusieurs salutations successives, qui sont autant de réponses aux questions posées par la Vierge. Ce récit ne décrit ni le lieu, ni le moment de la rencontre. L Évangile de Luc établit un parallèle entre l annonce de l Incarnation (précédant la venue du Sauveur) et la conception d Élisabeth (précédant celle du Précurseur, Jean- Baptiste).

5 L iconographie Les origines du thème iconographique Les plus anciennes représentations de l Annonciation apparaissent à Rome dans les peintures des catacombes au IVe siècle : l archange y est figuré sous les traits d un jeune homme se tenant debout devant la Vierge agenouillée. La figure de l ange est ensuite rapidement pourvue d ailes et d un bâton de messager. Du VIIIe au XIe siècles, la Vierge est soit assise sur un trône, soit écoute debout l archange qui vient le plus souvent de la gauche. Le développement du culte marial entraîna quelques changements dans l iconographie à compter de la fin du XIIe siècle : l ange s agenouille devant Marie qui d humble servante de Dieu devient souveraine acceptant un hommage. A partir du XIIIe siècle, se généralisa la présence d une colombe se dirigeant vers Marie. Dans l art byzantin, Marie est occupée à des tâches matérielles (puiser de l eau, filer avec une quenouille). En Occident, elle est représentée en train de lire un livre identifié comme étant la prophétie d Isaïe par les Pères de l ñglise (Isaïe, 7, 13-14). «13 [Isaïe] dit : «Ecoutez donc, Maison de David! Est-ce trop peu pour vous de lasser les hommes que vous lassiez encore mon Dieu? 14 C est pourquoi le Seigneur luimême vous donnera un signe. Voici que la jeune femme est enceinte et va enfanter un fils, et elle l appellera du nom d Emmanuel.» L attention accrue des peintres à la lecture de Marie peut être mise en parallèle avec le développement de la piété individuelle et de l oraison silencieuse à la fin du XIVe et au XVe siècles.

6 Les Annonciations du musée du Petit Palais Les œuvres présentées ici proviennent toutes des collections du musée et constituent un ensemble homogène du point de vue chronologique (XIVe et XVe siècles) et géographique (la majeure partie sont des?uvres florentines et siennoises). L Annonciation italienne C est à Sienne au début du XIVe siècle que s établit pour la première fois une relation particulière entre le thème de l Annonciation et la construction géométrique de l espace pictural. De nouvelles propositions apparurent avec Duccio, Giotto, Simone Martini, Ambrogio et Pietro Lorenzetti, à partir desquelles les peintres proposèrent des variations plus ou moins réussies. Cette tendance à la répétition caractérisa l école siennoise pour longtemps. L impact de l Annonciation de Simone Martini de 1333 fut très important, comme le montrent certaines œuvres présentées ici. La seconde moitié du XIVe siècle correspond à un déclin de la créativité en Toscane. On distingue deux grands types d Annonciation. Dans le premier type, l Ange est à l extérieur sur un fond d or tandis que la Vierge est à l intérieur dans un lieu construit (trône imposant, édicule avec colonne d angle). Ce type renouvelle la tradition byzantine en orientant vers l Ange l architecture de l édifice où se trouve Marie, ce qui entraîne le rapprochement des deux personnages. Dans le second type, ces derniers sont placés dans une même architecture, mais en deux lieux distincts.

7 Le XVe siècle italien a produit une multitude d Annonciations. Dans les années 1450, un dispositif centré de perspective s était diffusé en Toscane et en Italie centrale (jusque chez des peintres qui l adoptèrent sans en reprendre la rigueur géométrique et conceptuelle initiale) : c était alors la marque du traitement pictural moderne du thème de l Annonciation. On considère que c est le peintre Masaccio qui mit au point, dans le premier quart du XVe siècle, le principe général d une «nouvelle Annonciation» : l Ange et la Vierge sont placés de part et d autre d une percée centrale vers la profondeur mais sont insérés dans un champ figuratif unique. La puissance organisatrice de la perspective conféra un sens neuf aux éléments traditionnels de l Annonciation. En mettant à distance la Vierge et l Ange et en mettant en valeur le centre de l image, Masaccio créa un «entre-deux» (selon l expression de Daniel Arasse). C est cet «entre-deux», espace du dialogue entre l Ange et la Vierge, qui fait voir ce qui n est pas visible dans le récit de l Annonciation : le mystère de l Incarnation. Certains peintres traditionnalistes reprirent eux-aussi cette innovation mais sans en comprendre vraiment la portée : ils procédaient au dédoublement de l obliquité des bâtiments vers le centre, tout en maintenant la structure bipartite de l image (au lieu de la structure tripartite de Masaccio). Cet intérêt pour la perspective est loin d être uniquement formel : la «perspective artificielle» des peintres trouva son origine dans la science optique médiévale dite perspectiva. Partant de l idée que la création divine est fondée sur la perfection des rapports géométriques et des proportions, on considérait alors que la perspective révélait le processus de la grâce divine opérant sur la terre et contribuait à prêcher le message chrétien. Elle fondait «à la fois, la beauté proportionnée de l œuvre, sa vérité géométrique et sa capacité de révélation théologique» (D. Arasse, p. 55).

8 Les métaphores de Marie Au sein de ces constructions géométriques rigoureuses, la Vierge Marie est souvent désignée par des métaphores empruntées aux textes bibliques et aux auteurs du Moyen Âge. Ainsi, Marie est-elle une porte à la fois ouverte et fermée, une fenêtre, un trône (sedes sapientiae, le trône de la sagesse). Elle est aussi un temple, le tabernacle où a pris corps le Dieu incarné, etc. La présence de certains de ces éléments au sein d une œuvre (notamment celle récurrente de la porte) vient souligner le message chrétien, de même que le fait la perspective en créant une image parfaite du lieu habité par Marie, en tant que «lieu» humain de l Incarnation divine. Le sens de ces métaphores savantes était connu des contemporains car elles étaient utilisées par les prédicateurs sur la place publique. Ouvrages cités Jacques de Voragine, La Légende dorée, traduction de J.-B. M. Roze, Flammarion, Daniel Arasse, L Annonciation italienne, Hazan, 1999.