Pr Philippe Brunet, Président de la Société Francophone de Dialyse
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- Arnaud Tristan Delisle
- il y a 8 ans
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1 La recherche dans le domaine de la dialyse et de l insuffisance rénale terminale en 2014 : un point à partir des demandes de bourses de recherche Pr Philippe Brunet, Président de la Société Francophone de Dialyse Ce document a pour but de faire connaitre les sujets de recherche francophones dans le domaine de la dialyse et de l insuffisance rénale. Nous proposons de reprendre dans ce document les principaux projets qui ont fait l objet d une demande de bourse en 2014 auprès de la Société de Néphrologie et de la Société Francophone de Dialyse, en partenariat avec la Fondation du Rein et avec la Société Baxter. Ces projets permettent d avoir un bon aperçu des thèmes de recherche actuels. Nous présenterons ultérieurement les projets faisant l objet d une demande de PHRC (Programme Hospitalier de recherche clinique). Ce document sera mis en ligne sur les sites internet de la Société Francophone de Dialyse et de la Société de Néphrologie. Il sera également transmis à l association de patients «Ligue Rein et Santé» qui nous en a fait la demande et qui souhaite le publier dans sa revue. Le document que nous présentons est très riche et il regroupe 14 projets de très haute qualité. 1. Dialyse péritonéale : comment prévenir la péritonite sclérosante encapsulante (Bruxelles) 2. Dialyse péritonéale : quelle est l influence de la dialyse péritonéale sur le tissu graisseux des patients avec insuffisance rénale (Lyon) 3. Dialyse péritonéale : comment contrôler l infection péritonéale, plus fréquente chez les patients diabétiques (Caen) 4. Hémodialyse : comment diminuer la récidive des sténoses sur les fistules (Rennes) 5. Insuffisance rénale chronique : mise en évidence d une toxine responsable des thromboses artérielles (Marseille) 6. Insuffisance rénale chronique : mise en évidence des mécanismes d action du FGF23, une hormone toxique pour le cœur (Paris- Necker) 7. Insuffisance rénale chronique : mise en évidence d anomalies musculaires pouvant expliquer la baisse de la capacité d effort des patients (Montpellier) 8. Insuffisance rénale chronique : identification des anomalies immunologiques responsables de l augmentation du risque d infections (Besançon) 9. Insuffisance rénale chronique : analyse des modifications des bactéries intestinales susceptibles de produire certaines toxines urémiques (Paris- Tenon) 10. Ralentir l insuffisance rénale chronique : recherche sur les calpaïnes, des enzymes capables d aggraver les lésions rénales : comment contrer leur action? (Paris- Tenon) 11. Ralentir l insuffisance rénale chronique : analyse des lésions cellulaires induites par une insuffisance rénale aigue qui peut fragiliser les reins et conduire ultérieurement à l insuffisance rénale chronique (Paris- Tenon)
2 12. Ralentir l insuffisance rénale chronique : savoir détecter les cellules qui vont régénérer le tissu rénal après une insuffisance rénale aigue (Lille) 13. Ralentir l insuffisance rénale chronique : identifier les lésions cellulaires induites dans les reins par la protéinurie et essayer d inhiber ces lésions à l aide d un nouveau composé chimique (Paris- Necker) 14. Ralentir l insuffisance rénale chronique : évaluer si certains récepteurs cellulaires présents dans les reins, les récepteurs cannabinoides, responsables de la fibrose rénale, peuvent être inhibés par certains médicaments (Paris- Bicêtre) Nous présentons ci- dessous un court résumé pour chaque projet. 1 L équipe des Cliniques Universitaires Saint- Luc à Bruxelles s intéresse à la péritonite sclérosante encapsulante, la complication la plus sévère de la dialyse péritonéale (DP). La péritonite sclérosante encapsulante consiste en une fibrose excessive du péritoine, qui va engainer l intestin, entrainant des phénomènes d occlusion répétés. Dans une cohorte de plus de 250 patients ayant initié la DP au cours des 20 dernières années, ce travail de recherche translationnelle aura pour objectifs de mieux comprendre les mécanismes responsables de cette réponse fibrotique excessive, et de développer des tests permettant d identifier les patients à risque, afin de prévenir cette complication de la DP. (Dr Johann Morelle, Pr Olivier Devuyst, Pr Eric Goffin, Bruxelles) 2) L équipe du Laboratoire CARMEN à Lyon travaille sur le tissu adipeux des patients insuffisants rénaux. On sait que ce tissu adipeux joue un rôle important car il est capable de produire des hormones pouvant avoir un rôle dans l hypertension artérielle, l inflammation et le diabète. Lorsque l insuffisance rénale est traitée par dialyse péritonéale, on injecte dans la cavité abdominale un liquide très riche en sucre. Ce sucre est très important car en permettant d attirer l eau du corps qui va ensuite être éliminée, il permet au patient d éliminer sa surcharge en eau et en sel. Cependant ce sucre risque également d avoir une influence sur le fonctionnement du tissu adipeux. Cette influence est mal connue et le but de cette recherche est de mieux comprendre les effets de ce sucre sur le tissu adipeux péritonéal et l impact possible pour les patients (Dr Charlotte Brunelle, Grenoble, Dr Fitsum Guebre- Egziabher et Dr Christophe Soulage, Lyon). 3) L équipe du CHU de Caen s intéresse aux infections du péritoine (péritonites) chez les patients diabétiques traités par dialyse péritonéale (DP). On sait que les péritonites sont plus fréquentes chez les patients en DP diabétiques. En effet les patients diabétiques ont souvent des troubles de la vue et une mauvaise sensibilité des doigts. Ces deux handicaps pourraient être à l origine de mauvaises manipulations des poches de DP et entrainer des infections plus fréquentes. Le but de la recherche est d analyser si l assistance à domicile par un infirmier permet de diminuer le risque de péritonite chez ces patients. L assistance à domicile pour la DP est prise en charge en France par l Assurance Maladie. Cette étude permettrait de savoir si un recours plus large à l assistance serait bénéfique chez les patients diabétiques (Dr Anais Benabed, Pr Thierry Lobbedez, Pr Guy Launoy). 4) Un projet du CHU de Rennes concerne les fistules artério- veineuses pour hémodialyse. On sait qu une complication très importante des fistules pour hémodialyse est due aux rétrécissements ou sténoses qui peuvent aboutir à l occlusion complète (ou thrombose) de la fistule. La sténose peut
3 être dilatée par un radiologue à l aide d une sonde munie d un ballonnet gonflable. Malheureusement après dilatation, la sténose récidive souvent à la suite d une multiplication des cellules vasculaires et une nouvelle dilatation est nécessaire. Certains patients ont besoin de plusieurs dilatations chaque année. Ces dilatations sont douloureuses. L objectif de cette recherche est de tester un ballonnet revêtu d un produit capable d inhiber la multiplication des cellules vasculaires. Ce type de ballonnet a montré son efficacité dans d autres lésions vasculaires (artères du cœur, artères de jambe) mais on ne sait pas encore s il serait efficace pour les fistules artério- veineuses (Pr Cécile Vigneau, Dr Heautot). 5) L équipe du Pr Burtey au CHU de Marseille s intéresse au problème du risque cardio- vasculaire des patients atteints d insuffisance rénale. On sait que le risque d accident cardio- vasculaire est multiplié par 10 ou par 20 chez ces patients. Récemment plusieurs toxines responsables de lésions vasculaires ont été découvertes par différents laboratoires français (Marseille, Amiens, Montpellier) et européens. L équipe de Marseille a montré en plus qu une de ces toxines est capable de faire produire par des cellules vasculaires une substance qui provoque la coagulation du sang. Les projets de recherche de cette équipe sont maintenant de voir si l augmentation de cette substance est présente chez les patients et si elle est réellement associée à des accidents d obstruction (ou thrombose) des vaisseaux (par exemple des infarctus du myocarde ou des accidents vasculaires cérébraux). Si ces résultats se confirment il pourra être envisagé de mettre en place des traitements préventifs chez les patients ayant les taux les plus élevés de cette toxine (Dr Marion Pelletier, Pr Stéphane Burtey, Pr Françoise Dignat- George). 6) L équipe du Pr Dominique Prié et du Pr Gérard Friedlander à Paris- Necker s intéresse aux complications osseuses de l insuffisance rénale. On sait depuis quelques années que les complications osseuses sont liées aux complications cardiaques et vasculaires. Une nouvelle hormone synthétisée par l os, le FGF23, a été découverte il y a quelques années. Cette hormone protège l organisme de l hyperphosphorémie. On sait que la production de cette hormone est très augmentée chez les patients atteints d insuffisance rénale chronique au stade de la dialyse. Malheureusement cette hormone est toxique pour le cœur. Le but du projet de recherche est de définir par quels mécanismes le FGF23 est toxique pour le cœur. L identification de ces mécanismes permettrait de définir une stratégie visant à contrer les effets néfastes sur le cœur, tout en conservant les effets bénéfiques sur le phosphore (Dr Camille Petit- Hoang, Pr Dominique Prié). 7) L UMR INSERM 1046 de Montpellier travaille sur le métabolisme musculaire. Il existe chez les patients insuffisants rénaux une diminution de la masse musculaire, une altération de la fonction musculaire qui conduit à la diminution de la capacité à réaliser un effort. Ces altérations pourraient résulter de la production de substances inflammatoires au niveau des muscles. Une des causes pourrait être un excès de production de ces substances par des éléments cellulaires appelés mitochondries qui sont responsables de la production d énergie dans les cellules. En réaction à ces anomalies, il est possible que l organisme réagisse en diminuant le nombre de mitochondries dans les cellules musculaires. L objectif de cette recherche est de mieux comprendre le mécanisme des anomalies musculaires de l insuffisance rénale en analysant le nombre de mitochondries dans des fragments musculaires de patients insuffisants rénaux et en les comparant avec des fragments musculaires de sujets sains. Il s agit d une étude très complète qui utilisera des biopsies faites à des sujets volontaires sous anesthésie générale pour des interventions chirurgicales (Dr Jean- Sébastien Souweine, Pr Jean- Paul Cristol, Pr Jacques Mercier).
4 8) L équipe du Dr Bamoulid et du Pr Saas à Besançon étudie les anomalies du système immunitaire au cours de l insuffisance rénale chronique (IRC). Il a été montré en 2008 que les anomalies de l immunité observées dans l IRC ressemblaient à celles qui sont observées au cours du vieillissement. Ceci augmente le risque d infections cutanées, pulmonaires, urinaires et également d infections virales. Ces modifications touchent particulièrement certaines cellules de défense de l organisme, les lymphocytes T. L objectif principal de l équipe de Besançon est d étudier le pourcentage de lymphocytes T anormaux chez un grand nombre de patients avec IRC. Cette étude permettra de voir l influence du degré d IRC et également de voir l influence des différentes techniques de dialyse (Dr Jamal Bamoulid, Pr Philippe Saas) 9) L équipe du Dr Cartery et du Pr Ronco à l hôpital Tenon a pour projet d approfondir une approche très nouvelle dans la compréhension des complications de l insuffisance rénale chronique (IRC) : la flore microbienne intestinale. On sait actuellement que des changements de la flore microbienne intestinale peuvent contribuer à aggraver certaines maladies comme le diabète, les maladies cardio- vasculaires et les cancers. Les bactéries intestinales sont capables de produire des substances toxiques impliquées dans les complications de l IRC. L objectif de cette étude est d identifier la composition de la flore microbienne intestinale à différents stades d IRC et d analyser les relations entre la composition de la flore et les taux de certaines toxines présentes dans l IRC (Dr Claire Cartery, Pr Pierre Ronco). 10) L équipe du Dr Letavernier et du Pr Ronco à l hôpital Tenon se situe dans la perspective du ralentissement de l évolution de l insuffisance rénale chronique (IRC). Cette équipe a découvert que certaines enzymes, les calpaïnes, sont capables de provoquer une inflammation rénale et des lésions cellulaires rénales. Il est particulièrement intéressant de voir que l angiotensine II est capable d activer ces enzymes. Or l angiotensine II est augmentée au cours de l IRC. Il a été montré aussi une influence de Khloto, une enzyme qui protège contre le vieillissement. Il semble qu en l absence de l enzyme Khloto, les calpaïnes sont plus actives et provoquent davantage de lésions. L objectif de cette recherche est d identifier de façon précise les mécanismes qui déclenchent l activation des calpaïnes et d identifier les mécanismes d action des calpaïnes. L objectif à long terme est bien entendu de développer de nouveaux traitements pour limiter la progression de l IRC (Dr Guillaume Hanouna, Dr Emmanuel Letavernier, Pr Pierre Ronco). 11) L équipe du Pr Hertig et du Pr Ronco à l hôpital Tenon analyse les modifications rénales induite par une insuffisance rénale aigue (IRA). Il a été montré récemment qu après une IRA, contrairement à ce qu on pensait jusqu ici, la récupération rénale n est pas complète et que le risque de développer une insuffisance rénale terminale dans les 10 ans qui suivent est multiplié par 3. L hypothèse est qu une insuffisance rénale transitoire peut laisser une «empreinte» dans certaines cellules rénales, et en particulier dans les protéines et les substances qui entourent l ADN. Si ces cellules «marquées» subissent une deuxième agression comme une hypertension, un diabète, ou même tout simplement l effet de l âge, elles risquent de favoriser la fibrose, et un vieillissement accéléré du rein. Cette recherche est réalisée sur un modèle animal d insuffisance rénale aigue induite soit par l angiotensine 2, soit par la ciclosporine. Ces expériences permettront de voir quels gènes restent modifiés après un épisode d IRA et de voir si ces modifications peuvent être empêchées par certains médicaments (Pr Alexandre Hertig, Pr Pierre Ronco).
5 12) L équipe du Dr Viviane Gnemmi et du Dr Isabelle Van Seuningen à Lille travaille sur les mécanismes de réparation tissulaire mis en jeu après une insuffisance rénale aigue. Ces études devraient permettre d identifier des marqueurs prédictifs d évolution défavorable après un accident aigu afin de guider la thérapeutique avant la constitution de lésions irréversibles de fibrose. Après une insuffisance rénale aigue, les cellules des tubules rénaux sont détruites. On suppose actuellement que la régénération se fait à partir des cellules tubulaires survivantes. Ces cellules pourraient acquérir des capacités de transformation et de migration. La transformation de ces cellules entraine l apparition à leur surface de certaines protéines (MUC1) qui permettent de les identifier. L objectif de ce travail est de confirmer cette hypothèse en identifiant ces cellules transformées dans des cultures de cellules tubulaires rénales soumises à des conditions de régénération rénale (Dr Jean- Baptiste Gibier, Dr Viviane Gnemmi, Dr Isabelle Van Seuningen). 13) L équipe du Dr Terzi à Paris- Necker s intéresse aux voies de signalisation induites par la protéinurie. Chez l homme, la protéinurie est un facteur pronostic défavorable essentiel de toute maladie rénale chronique. En effet, elle favoriserait le développement de lésions tubulo- interstielles chroniques. Plusieurs résultats suggèrent que l exposition des cellules tubulaires à une protéinurie importante entraine un véritable stress de ces cellules. Le but de ce travail est de préciser le stress cellulaire induit par la protéinurie à la fois in vitro et chez l animal, et surtout, d évaluer l inhibition de ce stress par différents composés chimiques. Certains de ces traitements, efficaces chez l animal, ayant déjà été utilisés chez l homme dans d autres indications, les résultats obtenus pourraient avoir des retombées rapides sur le traitement des patients protéinuriques (Dr Khalil El Karoui, Dr Fabiola Terzi) 14) Les travaux du Pr Hélène François, dans le laboratoire du Dr Vasquez à l hôpital Paul Brousse de Villejuif portent sur la fibrose rénale. Ce laboratoire a découvert récemment des récepteurs présents à la surface de certaines cellules et impliqués dans la fibrose rénale, les récepteurs cannabinoïdes. Ces récepteurs sont présents au cours de différents types de maladie rénale et même au cours de la dysfonction chronique de greffe rénale. Le but de la recherche est de connaitre avec plus de précision la chronologie d apparition de ces récepteurs péjoratifs au cours de la maladie rénale et d évaluer si certains médicaments peuvent retarder la progression de l IRC (Dr Myriam Dao, Pr Hélène François). En conclusion, cette présentation donne une idée de la grande diversité et de la qualité des projets de recherche dans le domaine de l insuffisance rénale chronique et de la dialyse. Certains projets visent à améliorer la tolérance et les capacités physiques des patients ou à diminuer leur risque de complications. D autres projets visent à trouver des moyens pour ralentir l insuffisance rénale chronique. Ces projets montrent le dynamisme de la néphrologie au service des patients atteints d IRC. Il est fondamental maintenant que le financement de ces projets soit mieux assuré. En effet, il faut savoir que seuls trois ou quatre de ces projets vont pouvoir être financés cette année.
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