REPÈRES SUR LES VARIATIONS DU PRIX DU PÉTROLE NOVEMBRE 2015
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- Thomas St-Hilaire
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1 REPÈRES SUR LES VARIATIONS DU PRIX DU PÉTROLE NOVEMBRE 2015
2 ALI AL-NAIMI (MINISTRE SAOUDIEN DU PÉTROLE) EN 2015 : «NO ONE CAN SET THE PRICE OF OIL IT S UP TO ALLAH» novembre 1979 : 81 Prix du pétrole nominal et réel (en /baril) Dernier point : prix courant, septembre 2015 : 42 constants (2007) courants 10 Sources : FMI, Datastream, le prix du pétrole est déflaté par l'ipc France 0 janv.-70 janv.-74 janv.-78 janv.-82 janv.-86 janv.-90 janv.-94 janv.-98 janv.-02 janv.-06 janv.-10 janv.-14 2
3 TROIS COMPOSANTES POUR EXPLIQUER LES PRINCIPALES VARIATIONS DU PRIX DU BARIL (1/2) Littérature récente (Lutz Kilian). Principales variations du prix du baril reflètent : des chocs sur la disponibilité physique à court terme de pétrole (choc d offre) ; Les ruptures d approvisionnement effectives n ont cependant qu un effet le plus souvent transitoire et limité sur le cours du baril. Les effets sont souvent amortis car d autres producteurs relèvent rapidement leur production. des chocs sur la demande de pétrole brut liés à l économie mondiale (chocs de demande mondiale) ; Un choc non anticipé de demande globale a des effets importants, progressifs et persistants sur le prix du baril. Ex. : emballement de la croissance du sud-est asiatique dans lesannées des chocs liés à une demande de précaution pour le pétrole liée à des craintes de rupture d approvisionnement futur (chocs de demande deprécaution). Les effets sur le cours du baril de ce type de chocs sont importants, immédiats et surtout persistants (avec sur-ajustement à court terme). Ex. : Iran 1979 ; rupture du cartel OPEP en La littérature suggère que les grands changements de régime des cours du baril ont surtout reflété depuis 30 ans l effet des deux derniers facteurs. 3
4 TROIS COMPOSANTES POUR EXPLIQUER LES PRINCIPALES VARIATIONS DU PRIX DU BARIL (2/2) La demande globale : 2004 est l année d une explosion des besoins d énergie en Chine. Depuis 1993, la Chine était importatrice nette de pétrole. Mais la machine s emballe en 2004 : au lieu d une hausse annuelle standard de 7 %, les importations de pétrole chinoises décollent de +16 %. La production de charbon devient insuffisante pour couvrir la demande interne d électricité et la Chine commence à importer du fioul. La bande des 22 $-28 $ de la fin des années 1990 fait place à des cours entre 40 $ et 50 $ au milieu des années L emballement de , où le prix du baril atteint 148 $, reste bref : le ralentissement de la demande de pétrole et les effets dépressifs de la crise se cumulent pour ramener le baril à environ 50 $ en Des facteurs d offre ont ponctuellement pu jouer un rôle assez limité. Exemple des décisions de l OPEP parfois à contretemps de la conjoncture. Cf. Sommet de Jakarta en Année 2004 : sommet d Alger + grève au Venezuela + insurgés bloquant les exports au Nigéria + ouragan Katrina dans legolfe du Mexique. Consensus de la littérature pour estimer que l influence des phénomènes financiers sur le prix du baril est faible, même en
5 PRODUCTION DE PÉTROLE BRUT EN ARABIE SAOUDITE ET AUX ÉTATS-UNIS 5
6 LA STRUCTURE CONCURRENTIELLE DU MARCHÉ A ÉVOLUÉ AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES Le marché du pétrole est mondial (son coût de transport est très bas : 1,7 $ par bep sur km pour le pétrole vs 4,3 $ pour le charbon et env. 10 $ pour le gaz par pipeline). Les prix régionaux (WTI, Brent, panier OPEP, Dubaï) évoluent souvent de façon similaire. La structure du marché pétrolier jusqu aux années 2000 était caractérisée par : un producteur-pivot -l Arabie Saoudite- qui grâce à d importantes capacités de production inemployées (spare capacities) pouvait ajuster sa production et «piloter» plus ou moins directement le cours mondial du baril ; un oligopole non-coopératif (l OPEP) ; des producteurs non OPEP fonctionnant en mode concurrentiel. Depuis 5 à 10 ans, montée en puissance de la production russe et du pétrole non conventionnel aux États-Unis -> l Arabie Saoudite a aujourd hui perdu une bonne partie de son pouvoir de marché. Le marché du pétrole est plus concurrentiel. Il est abusif de dire «l Arabie Saoudite a fait baisser les prix pour laminer les producteurs nord-américains», même si elle se réjouit de la baisse des cours de ce point de vue. Face à la chute du prix du baril depuis mi-2014, l Arabie Saoudite n a pas ajusté sa production à la baisse car elle veut préserver sa part de marché. Il s agit d une constante de la politique pétrolière saoudienne. 6
7 UN CYCLE DU PRIX DU BARIL DE PÉTROLE DANS LES ANNÉES 2010? (1/2) Pourquoi la production de pétrole non conventionnel aux États-Unis n a pas diminué de mi-2014 à mi-2015 malgré une impressionnante chute du prix du baril? : Aux États-Unis, les puits déjà forés ont continué de produire car leur exploitation était couverte sur les marchés dérivés contre le risque de variation du baril. En revanche, le nombre de nouveaux puits forés depuis mi-2014 s est effondré (cf. plongeon du rig count). Le cycle de production dans le secteur du tight oil est court (souvent moins de deux ans) : son exploitation peut être couverte contre les variations du prix du baril par des contrats futures pour lesquels la liquidité est satisfaisante à cet horizon. Importants gains de productivité dans la production pétrolière US depuis 2/3 ans. Le prix des matériels a beaucoup diminué (plus d effet de goulot). Le niveau de rentabilité des puits de pétrole non conventionnel est en moyenne sans doute plus proche de 60 $/b aujourd hui que de 80 $/b au début de la décennie. Que les États-Unis puissent produire du pétrole à un coût de 60 $/b n implique pas que ce niveau constitue un plafond absolu pour les années à venir. Le prix du pétrole devrait rester lié en premier lieu aux grands chocs de demande et aux éventuels achats de précaution en cas de crainte de rupture d approvisionnement. 7
8 UN CYCLE DU PRIX DU BARIL DE PÉTROLE DANS LES ANNÉES 2010? (2/2) La chute du prix du baril depuis un an touche durement l exploration/production (EP) des gisements de pétrole conventionnel, activité caractérisée par un cycle de production très long (env. 30 ans), trop long pour que le risque puisse être pris en charge par des marchés futures. L actuel déficit d investissements dans l EP conventionnel pourrait se traduire d ici 2 à 3 ans par des tensions sur le marché où environ 5 % des capacités de production doivent chaque année être remplacées (épuisement progressif des puits). Il est peu probable que cette baisse soit compensée intégralement par un surcroît de production de pétroles non conventionnels. L adage «la solution contre les prix bas est les prix bas!» pourrait donc trouver une nouvelle fois à s appliquer (i.e., des prix bas dépriment l offre, stimulent la demande et favorisent à terme un rebond du cours du baril). Mais attention, le rebond du prix du baril pourrait rester assez limité si la croissance mondiale n accélère pas significativement. 8
9 LE RETOURNEMENT MI-2015 DE LA PRODUCTION AMÉRICAINE DE PÉTROLE NON CONVENTIONNEL 9
10 LE RALENTISSEMENT DE LA DEMANDE CHINOISE A CHANGÉ L ANALYSE DU MARCHÉ ET DU PRIX FUTUR Au début des années 2010, l analyse dominante était plutôt la suivante : «Dans les années 2000, l essor de la production russe a contribué à couvrir l envolée de la demande asiatique. Mais le maintien de l offre à son niveau actuel requiert déjà d énormes investissements, uniquement pour compenser l épuisement de nombreux champs.» «Donc à moyen terme, le marché mondial du pétrole devrait rester caractérisé par une offre physiquement contrainte et une demande pas encore très contrainte par les prix». «Par conséquent, les prix devraient rester aux alentours de 100 $/b». Le ralentissement économique chinois -dont le rythme n était pas anticipé et qui pourrait être plus important qu indiqué par les statistiques officielles- a invalidé cette analyse. Utiliser alors les analyses de L. Kilian sur la dominance des effets de demande globale sur le marché du pétrole (cf. transparent 2). 10
11 LE RALENTISSEMENT RAPIDE DE LA CROISSANCE CHINOISE SUR CETTE DÉCENNIE N ÉTAIT PAS ANTICIPÉ 11
12 LA QUESTION DE L EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE DANS LES MONARCHIES DU GOLFE Les monarchies du Golfe, massivement exportatrices, ne craignent pas la raréfaction du pétrole pouvant être produit. Arabie Saoudite : officiellement 240 milliards de barils de réserves, en réalité plus de 300 milliards soit un siècle de production au rythme actuel Mais elles craignent deux choses pour le marché du pétrole à court-moyen terme, que leur consommation nationale d énergie demeure hors de contrôle, absorbe une part croissante de laproduction nationale de brut, donc pèse sur les exports de pétrole qui sont au cœur de leur modèle de développement et du fonctionnement de leurs finances publiques. à long terme, qu un jour la demande mondiale de pétrole ne fléchisse vraiment en lien avec les énergies renouvelables et l efficacité énergétique dans les pays développés. Peur du jour où «plus personne n achèterait du pétrole». D où une certaine sympathie pour le repli du prix du pétrole qui soutient la demande et bride la transition énergétique. 12
13 LES PAYS DU GOLFE ET LE MOYEN-ORIENT, SEULES ZONES OÙ L EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE BAISSE DEPUIS 15 ANS 1,04 1,03 1,02 Taux de croissance annuel moyen de l efficacité énergétique (%) 1,01 1,00 0,99 0,98 0, ,96 0,95 13
14 CONCLUSION 1. Le niveau actuel du cours du baril n est pas très bas au regard des niveaux réels observés depuis 40 ans. 2. Ce sont probablement les facteurs de demande (soit mondiaux, soit sectoriels via le stockage de précaution) qui pèsent le plus lourd dans les grands changements de régimes de prix du baril de pétrole. 3. Le pétrole demeurera une ressource énergétique abondante pendant encore plusieurs décennies. 4. La production de pétroles non conventionnels en Amérique du Nord a rendu le marché mondial plus concurrentiel. Le pouvoir de marché de l Arabie Saoudite a diminué. 5. La chute actuelle des investissements dans l exploration/production peut constituer un facteur de rééquilibrage du marché à moyen terme. 6. L évolution future de l efficacité énergétique des économies -en particulier chez les pays producteurs- est un paramètre structurant du prix futur du pétrole. 14
15 Sources des graphiques : Datastream BP EIA Drilling Productivity Report International Monetary Fund King Abdullah Petroleum Study AND Research Center 15
16
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