Item 308 (Item 158) Cancer du rein Jean-Philippe Couapel, Karim Bensalah Coordination et relecture : Morgan Rouprêt
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1 CHAPITRE Item 308 (Item 158) Cancer du rein Jean-Philippe Couapel, Karim Bensalah Coordination et relecture : Morgan Rouprêt I. Pour comprendre 4 II. Épidémiologie 5 III. Anatomopathologie 5 IV. Diagnostic 6 V. Classification TNM 111 VI. Facteurs pronostiques et histoire naturelle 112 VII. Prise en charge thérapeutique 112 VIII. Surveillance Objectifs pédagogiques Connaître les stratégies de prévention, de dépistage, de diagnostic et de traitement des tumeurs du rein. Participer à la décision thérapeutique multidisciplinaire et à la prise en charge du malade à tous les stades de sa maladie. Rappels des items ECN : 138 : Cancer : épidémiologie, cancérogénèse, développement tumoral, classification 139 : Facteurs de risque, prévention et dépistage des cancers 140 : Diagnostic des cancers : signes d'appel et investigations paracliniques ; stadification ; pronostic 141 : Traitement des cancers : chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, hormonothérapie. La décision thérapeutique multidisciplinaire et l'information du malade 158 : Tumeurs du rein I. Pour Comprendre La découverte d'une tumeur du rein doit toujours faire évoquer en premier lieu l'existence d'un carcinome à cellules rénales. Les tumeurs bénignes sont beaucoup plus rares et constituent un diagnostic d'élimination à évoquer secondairement. Le cancer du rein se caractérise par une évolution lente et longtemps non infiltrante. C'est une tumeur qui se manifeste rarement cliniquement et qui est le plus souvent de découverte fortuite. Le cancer du rein peut être multifocal (5 % des cas) et/ou bilatéral (2 3 % des cas). Son traitement de référence demeure la chirurgie. Urologie 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
2 Item 308 (Item 158) Cancer du rein II. Épidémiologie A. Quelques chiffres En France, le cancer du rein est le 9 e cancer de l'adulte. C'est le 3 e cancer urologique en termes d'incidence (après les cancers de la prostate et de la vessie), mais c'est le plus meurtrier. L'incidence du cancer du rein augmente constamment depuis 30 ans. Il touche plus l'homme que la femme (sex-ratio 1,5). Son pic d'incidence se situe entre 60 et 70 ans. B. Les facteurs de risque Le principal facteur de risque de cancer du rein est l'insuffisance rénale chronique (petits reins atrophiques et kystiques) qui multiplie par 7 le risque de tumeur papillaire (voir «III. Anatomopathologie»). Il y a trois autres facteurs de risque dont l'importance est plus limitée : le tabagisme, l'obésité et l'hypertension artérielle. Certaines maladies héréditaires familiales prédisposent aux tumeurs rénales : cellules claires multiples, précoces et récidivants qui font toute la gravité de la maladie ; Connaissances 5 III. Anatomopathologie La plupart des tumeurs rénales sont malignes. Cependant, les tumeurs bénignes sont fréquentes notamment pour les lésions < 4 cm où elles représentent 20 à 30 % des cas (tableau.1). A. Tumeurs malignes 1. Carcinome à cellules rénales Il représente 90 % des tumeurs rénales malignes et comprend 4 types histologiques principaux : constituée de cellules optiquement vides car riches en lipides et en glycogène ; serait de moins bon pronostic que le sous-type I ; Tableau.1. Types histologiques les plus fréquents. Tumeurs malignes Tumeurs bénignes Carcinome à cellules rénales 90 % Autres % Oncocytome 5 % Angiomyolipome Cellules claires 75 % Tubulo-papillaire 15 % Chromophobe < 5 % Carcinome de Bellini 1 %
3 Urologie < 5 %) : type histologique rare mais de bon pronostic ; 2. Autres types histologiques Ils sont nombreux (une quarantaine) et rares. Il s'agit des tumeurs métanéphriques, néphroblastiques, mésenchymateuses, neuroendocriniennes 3. Le grade de Fuhrman C'est un facteur pronostic majeur du cancer du rein. En fonction de la morphologie nucléaire (aspect du noyau, taille des nucléoles), on distingue les tumeurs de bas grade (Fuhrman 1 et 2) et de haut grade dont le pronostic est plus péjoratif (Fuhrman 3 et 4). B. Tumeurs bénignes 6 Il s'agit principalement de l'oncocytome et de l'angiomyolipome. oncocytome ou adénome oncocytaire : c'est une tumeur bénigne d'origine épithéliale représentant 5 % des tumeurs rénales. On peut parfois le confondre avec le carcinome chromophobe. angiomyolipome : tumeur mésenchymateuse constituée en proportion variable de tissus adipeux, de fibres musculaires lisses et de vaisseaux sanguins. Il touche surtout la femme. On peut en faire le diagnostic sur les clichés de scanner non injecté (densité négative qui signe la présence de graisse intratumorale). Son principal risque évolutif est le saignement (hémorragie dans le rétropéritoine ou dans la voie excrétrice) lorsque son diamètre dépasse mineux angiomyolipomes bilatéraux. C. Lésions kystiques Les lésions kystiques du rein sont classées selon des critères d'imagerie (scanner) d'après la tableau.2). Les kystes de type I et II sont considérés comme bénins et ne nécessitent pas de surveillance. Les kystes de type III et IV sont à haut risque de malignité (45 % pour les types III et 95 % dans les types IV), et il est recommandé d'en faire l'exérèse chirurgicale. IV. Diagnostic A. Présentation clinique 1. Formes asymptomatiques La grande majorité des tumeurs du rein (65 %) est diagnostiquée de façon fortuite (on parle de tumeurs incidentales) le plus souvent du fait d'examens d'imagerie abdominale (échographie, scanner) faits pour l'exploration de symptômes non urologiques. Ces tumeurs incidentales sont en général de petite taille et localisées au rein (fig..1).
4 Item 308 (Item 158) Cancer du rein Tableau.2. Classification de Bosniak. Type I : kyste simple Type II : kyste atypique Type IIF Type III : kyste suspect Densité hydrique Homogène Limites régulières sans paroi visible Pas de rehaussement après injection de PDC* Cloisons fines Fines calcifications pariétales Kystes hyperdenses Pas de rehaussement après injection de PDC* Cloisons nombreuses et fines Paroi légèrement épaissie Calcifications pariétales et cloisons régulières Kyste hyperdense Cloisons nombreuses et épaisses Paroi épaisse Limites irrégulières Calcifications épaisses et irrégulières Contenu dense Rehaussement de la paroi ou des cloisons après injection de PDC* Type IV : cancer à forme kystique Paroi épaisse et irrégulière Végétations ou nodule mural Rehaussement de la paroi ou des végétations après injection de PDC* * PDC : produit de contraste Source : CC AFU REIN [Recommendations Onco-Urology 20 : Kidney cancer]. Patard JJ, Baumert H, Corréas JM, Escudier B, Lang H, Long JA, Neuzillet Y, Paparel P, Poissonnier L, Rioux-Leclercq N, Soulié M ; Oncology Committee of the French Association of Urology (CCAFU). Prog Urol. 20 Nov ; 20 Suppl 4 : S Connaissances 7 Fig..1. Petite tumeur rénale droite. 2. Formes symptomatiques Symptômes locaux : c'est la triade classique : fig..2).
5 Urologie Fig..2. Volumineuse tumeur rénale droite. Signes généraux : 8 3. Examen clinique Il n'y a aucun signe spécifique du cancer du rein. Il peut y avoir une pâleur en présence d'une anémie. Classiquement, l'apparition récente d'une varicocèle, notamment du côté droit, doit faire suspecter un thrombus tumoral dans la veine rénale ou dans la veine cave. B. Examens complémentaires 1. Examens d'imagerie a. Échographie abdominale C'est un examen de dépistage qui est peu précis pour analyser une tumeur du rein. Classiquement les tumeurs du rein sont hyperéchogènes. Elle est utile pour le suivi des patients après traitement. b. Scanner abdominal Il doit être fait en l'absence d'insuffisance rénale. C'est l'examen de référence pour l'évaluation des tumeurs rénales : après injection) et temps excrétoire tardif ; nécrose centrales, qui se rehausse après injection de produit de contraste ; envahissement de la surrénale ; fig..3) ou dans la veine cave (qui peut remonter jusqu'à l'oreillette gauche) (fig..4) ; le cancer du rein est une des rares tumeurs solides capable d'envahir le système veineux ;
6 Item 308 (Item 158) Cancer du rein Fig..3. Tumeur rénale droite avec thrombus de la veine rénale. Connaissances 9 Fig..4. Tumeur rénale droite avec thrombus de la veine cave inférieure. fig..5), métastases hépatiques ; fig..6), trophicité. Le scanner thoracique est systématiquement réalisé à la recherche de métastases pulmonaires. c. IRM Elle n'est pas systématique. Elle peut être demandée dans les cas suivants : sont de plus en plus performants) ; < 4 cm) ;
7 Urologie Fig..5. Tumeur rénale droite avec adénopathies au niveau du pédicule rénal. 1 Fig..6. Tumeurs rénales bilatérales. 2. Examens biologiques rénale altérée et les traitements des tumeurs du rein peuvent retentir sur la fonction rénale. bulie (qui est alors considérée comme un syndrome paranéoplasique). contexte des facteurs pronostiques).
8 Item 308 (Item 158) Cancer du rein 3. Place de la biopsie tumorale La biopsie d'une tumeur du rein peut être faite sous anesthésie locale avec un guidage échographique ou scannographique. Son intérêt est discuté car il y a environ % de faux négatifs. Globalement, elle peut être faite dans les cas suivants : de carcinome (diagnostic différentiel avec un lymphome ou un sarcome) ; rénale du cancer primitif) ; gique avant de débuter un traitement anti-angiogénique. V. Classification TNM tableau.3). Tableau.3. Classification TNM 2009 des carcinomes rénaux. T Tumeur primitive 7 cm de grand axe 4 cm de grand axe > 4 cm mais 7 cm de grand axe > 7 cm de grand axe > 7 cm mais cm de grand axe > cm de grand axe du fascia de Gérota mais n'atteignant pas la surrénale et ne dépassant pas le fascia de Gérota N Envahissement des ganglions régionaux M Métastase à distance Connaissances 111
9 Urologie VI. Facteurs pronostiques et histoire naturelle A. Trois facteurs pronostiques reconnus pour le cancer du rein - invasion microvasculaire) sont mis en avant par certaines études et sont repris dans des systèmes pronostiques prédictifs (nomogrammes) mais ne sont pas utilisés dans la pratique de tous les jours. B. Histoire naturelle La majorité des cancers du rein sont localisés au moment du diagnostic, mais 30 % d'entre eux deviendront métastatiques au cours du suivi. Les petites tumeurs (< 4 cm) ont un très bon pronostic (95 % de survie spécifique à 5 ans). Les tumeurs métastatiques ont un pronostic très péjoratif (5 % de survie spécifique à 5 ans). VII. Prise en charge thérapeutique 112 A. Moyens thérapeutiques 1. La chirurgie C'est le traitement de référence des cancers du rein. Selon la taille, le stade et la localisation de la tumeur, on peut proposer : ment la tumeur en épargnant le maximum de parenchyme rénal sain, de façon à préserver la fonction rénale ; tuellement la surrénale. Toutes ces chirurgies peuvent se faire par voie ouverte ou par laparoscopie avec éventuelle assistance robotique. En cas de thrombus cave, celui-ci est retiré (cavotomie pour thrombectomie) en même temps que siter un abord thoracique et une circulation extracorporelle quand le thrombus est intracardiaque. 2. Traitements ablatifs Le principe est de détruire la tumeur avec une énergie thermique. Il y a deux techniques principales : -
10 Item 308 (Item 158) Cancer du rein Il est nécessaire d'avoir fait une biopsie auparavant pour confirmer que la tumeur est maligne. Ce sont des traitements qui sont réservés aux petites tumeurs (< Ce sont des techniques moins invasives que la chirurgie. 3. Surveillance active (< 4 cm) car la plupart d'entre elles évoluent lentement (3 mm/an). La surveillance se fait par échographie ou scanner tous les six mois. 4. Traitement anti-angiogénique (ou thérapies ciblées) C'est le traitement des patients avec un cancer du rein métastatique. Le principe est de bloquer de façon ciblée les médiateurs ou récepteurs de l'angiogenèse. ) ; Ces traitements augmentent la survie sans progression et la survie globale pour certains d'entre eux. Leur administration séquentielle permet d'obtenir des réponses prolongées. Ils ont de nombreux effets indésirables (asthénie, diarrhée, syndrome main-pied, rashs, hypertension) et coûtent très cher. Connaissances 113 B. Indications 1. Tumeurs localisées au rein = T1-2, NX-N0, M0 Le traitement est chirurgical : néphrectomie partielle si techniquement possible, néphrectomie élargie sinon. En cas de risque chirurgical élevé (âge > 70 ans, comorbidités, altération de la fonction rénale, surveillance active ou la thermoablation. 2. Tumeurs du rein localement avancées = T3-4, N0, M0 (surrénalectomie, curage ganglionnaire, thrombectomie cave). L'intérêt des traitements anti-angiogéniques en néoadjuvant ou adjuvant est en cours d'évaluation. 3. Tumeurs du rein métastatiques = M+ Traitement médical recommandé par les anti-angiogéniques. débattue et en cours d'évaluation.
11 Urologie VIII. Surveillance La surveillance a deux objectifs : Il n'existe pas de véritable consensus sur les modalités de suivi après traitement des cancers du rein. Modalités de surveillance pelvienne, créatininémie. Références logie (AFU)-CCAFU ( urofrance.org/fileadmin/medias/afu/communiques/ _cancer-prostate.pdf. urofrance.org/outils-et recommandations/recommandations/recommandations-afu/classees-par-annee. html). Site de l'inca ( 114
12 Item 308 (Item 158) Cancer du rein Ré sum é Épidémiologie : 3 e cancer urologique mais le plus meurtrier ; facteurs de risque : insuffisance rénale chronique, tabac/obésité/hta/maladies héréditaires familiales. Anatomopathologie : tumeurs malignes : carcinome à cellules rénales (cellules claires/papillaire/ chromophobe) ; tumeurs bénignes : oncocytome et angiomyolipome ; lésions kystiques : simple, atypique, suspect ou cancer à forme kystique (classification de Bosniak). Diagnostic : clinique : asymptomatique de découverte fortuite le plus souvent, sinon triade hématurie/lombalgie/masse du flanc ; examens complémentaires : scanner abdominal+++/fonction rénale/biopsie tumorale dans certaines situations. Classification TNM 2009 Facteurs pronostiques : stade tumoral/grade de Furhman/altération de l'état général. Histoire naturelle : 30 % d'évolution métastatique pour les tumeurs localisées. Prise en charge thérapeutique : après réunion de concertation multidisciplinaire : tumeurs localisées au rein (T1-2) : néphrectomie partielle si techniquement possible, sinon néphrectomie élargie. Traitements ablatifs ou surveillance active si haut risque chirurgical et petite tumeur ; tumeurs du rein localement avancées (T3-4) : néphrectomie totale élargie ; tumeurs du rein métastatiques : traitement médical par anti-angiogéniques. Surveillance : récidive et fonction rénale par examen clinique, imagerie et créatininémie. Connaissances 115
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