REVUE DU DROIT DES AFFAIRES EN AFRIQUE (RDAA) Editée par
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- Antoinette Lépine
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1 CONDITIONS DE VALIDITE DU CUMUL D UN MANDAT SOCIAL ET D UN CONTRAT DE TRAVAIL SELON L ACTE UNIFORME SUR LE DROIT DES SOCIETES Par Momoya SYLLA, Juriste Consultant 1
2 Sommaire Résumé en français et en anglais Article Note biographique de l auteur 2
3 Résumé : Les dirigeants de société sont en principe des mandataires sociaux et non pas des salariés. A ce titre, ils ne sont pas soumis aux dispositions du Code du travail. Par dérogation à ce principe et sous certaines conditions, le mandat social du dirigeant peut être cumulé avec un contrat de travail pour l exercice de fonctions techniques. L auteur explique à quelles conditions le cumul des deux fonctions est autorisé dans l espace territorial OHADA, même si lesdites fonctions (sociales et salariées) sont régies par les dispositions différentes. Abstract: Executive directors are in principle corporate officers not employees. In this regard they are not subject to the provisions of the labor law. Notwithstanding this principle, under certain conditions Executive director s social mandate can be coupled with an employment contract on Technical functions. The author explains under which conditions, the plurality of these offices (corporate officer and employee) is authorized in Ohada Law, even though governed by different legal provisions Le mandat social est celui détenu par un dirigeant (Gérant, Président Directeur Général, Directeur Général) de sociétés. Il est donné par les actionnaires ou associés de la société, soit au cours de l assemblée générale constitutive, soit dans les statuts, soit au cours de l assemblée générale ordinaire. Il s agit d un mandat social en ce sens qu il est exercé exclusivement pour la défense des intérêts de la société. En vertu de ce mandat, le dirigeant est investi des pouvoirs les plus larges pour agir en toute circonstance au nom de la société, 3
4 sous réserves des pouvoirs que la loi confère expressément à la collectivité des actionnaires ou associés, selon le cas. Le contrat de travail est une convention par laquelle, une personne (salarié) s engage à mettre son activité professionnelle à la disposition d une autre (employeur) sous la subordination de laquelle elle se place moyennant une rémunération. Le salarié exerce son activité selon les instructions et sous l autorité de la direction générale de la société. Le contrat de travail lie le salarié à la société. La société est représentée par son représentant légal qui peut être le Gérant, le DG 1 ou encore le PDG 2, selon le type de société et le mode de direction prévu par les statuts de la société. Il peut être aussi lié à la société par un contrat de travail. Mais celui-ci obéit aux mêmes règles que le contrat conclu par un administrateur (art. 466 AUSCGIE 3 ). Il en est de même pour le directeur général adjoint (art. 473 AUSCGIE), le président du conseil d administration (art. 481 et le directeur général (art.489 AUSCGIE). Cette possibilité est soumise dans tous les cas ci-dessus au même régime, celui fixé par l article AUSCGIE. Il en résulte une réelle simplification. Ainsi, le cumul du mandat social et du contrat de travail est dans tous les cas fonction des dispositions de l article 426. Il en ressort qu il est valable à la seule condition que le contrat de travail corresponde à un emploi effectif. Toutefois, la mise en œuvre de cette solution appelle des précisions complémentaires selon le type de sociétés où le cumul est pratiqué. Nous examinerons donc les conditions générales de validité du cumul (I) avant d envisager les conditions complémentaires (II). 1 Directeur Général 2 Président Directeur Général 3 Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d intérêt économique 4 «Sauf clause contraire des statuts, un salarié de la société peut être nommé administrateur si son contrat de travail correspond à un emploi effectif. De même, un administrateur peut conclure un contrat de travail avec la société si ce contrat correspond à un emploi effectif. Dans ce cas, le contrat est soumis aux dispositions des articles 438» 4
5 I CONDITIONS GENERALES DE VALIDITE DU CUMUL Le cumul du mandat social avec un contrat de travail par un dirigeant est admis, si ce contrat correspond à un emploi effectif (A), s il existe un lien de subordination entre ledit dirigeant et la société (B), si la rémunération salariale est distincte de la rémunération sociale (C) A L emploi doit correspondre à un travail technique et effectif Le dirigeant doit exercer des fonctions techniques effectives mettant en œuvre des compétences techniques particulières distinctes de ses responsabilités de représentant légal de la société. La technicité des fonctions exercées dans le cadre du contrat de travail facilite la distinction entre le contrat de travail et le mandat social, comme l atteste la jurisprudence 5. Ainsi, exerce un travail effectif, le Directeur Général qui a conservé ses fonctions de direction et des achats et qui supervisait le laboratoire de recherche, même après sa désignation comme dirigeant de la société (Cass.soc n 4463 : RJDA 4/02 n 386,). En revanche, n exerce pas un travail effectif, le Directeur Général qui n exerçait aucun autre emploi distinct des tâches qui lui étaient dévolues en sa qualité de dirigeant et ne percevait aucun salaire distinct de sa rémunération de Directeur Général de la société (CA Dakar, ch. soc. 2 n 472 du 06- novembre 2007, publié dans le répertoire quinquennal OHADA , Tome 2, page 754). B L existence du lien de subordination Le dirigeant doit être dans un état de subordination juridique vis-à-vis de la société, c'est-àdire qu en cumulant son mandat social à un contrat de travail, le dirigeant doit suivre les directives de la société et demeurer sous le contrôle de celle-ci. Ainsi, il doit, dans l exercice de ses fonctions salariées, demeurer dans un cadre de subordination caractéristique du contrat de travail, c'est-à-dire qu il doit être placé sous l autorité et le contrôle de la direction générale de la société. Il n est pas dans un état de subordination juridique vis-à-vis de la société, le salarié devenu Président Directeur Général et dont l étendue des pouvoirs de dirigeant est 5 Notamment la jurisprudence citée dans les développements tirée de l ouvrage Traité, Actes uniformes et règlements annotés par l Institut du doit d expression et d inspiration françaises (IDEF), Code Pratique OHADA, éditions Francis Lefebvre, Paris,
6 incompatible avec l exercice de ses fonctions de directeur commercial qu il assumait avant sa nomination à ces fonctions (CA Paris : RJDA 5/97 n 658). C Distinction entre rémunération et salaire Le dirigeant a le droit de cumuler sa rémunération en qualité de mandataire social et son salaire en tant qu employé, lorsqu il est démontré que ses fonctions salariées sont techniques et effectives. C est le cas d une vendeuse d une société à responsabilité limitée dont elle était gérante sans détenir aucune part sociale (Cass. Soc : Bull. civ. V n 252, publié dans le code pratique OHADA, éditions Francis Lefebvre 2014). II LES CONDITIONS COMPLEMENTAIRE DE VALIDITE En plus des conditions générales s ajoutent certaines conditions supplémentaires qui dépendent du type de mandat (Gérant, PDG, DG ou administrateur) à cumuler avec un contrat de travail. A Cumul des fonctions de gérant avec un contrat de travail Le gérant d une société à responsabilité limitée peut cumuler son mandat social avec un contrat de travail. Toutefois, au regard de la jurisprudence OHADA, dans le cadre du cumul, le gérant ne doit pas confondre sa rémunération avec le salaire qu il reçoit en tant que salarié, car les deux traitements sont versés au gérant pour des fonctions différentes. Le gérant ne doit pas prétendre à un salaire lorsque dans l exercice de ses fonctions de dirigeant, qui peuvent d ailleurs être gratuites (art. 325 AUSCGIE), il n est pas lié à la société par un contrat de travail impliquant l exécution de tâches techniques. Un gérant qui est dans une telle situation, doit pour la réclamation de sa rémunération, s adresser à la juridiction compétente pour l application de l AUSCGIE, qui est au Togo, le tribunal de première instance (TPI), même si ledit gérant qualifie ce traitement quelquefois de «salaire». Cette rémunération n étant pas un salaire, c est à tort que le TPI saisi s est déclaré incompétent (CA Togo, n 044/09, : Ohadata J ). En droit français, la jurisprudence n admet pas le cumul des fonctions du gérant avec un contrat de travail dans les sociétés de petite taille qui dissocient rarement les fonctions techniques des fonctions générales (CA Paris : JCP éd E 1990 l n 19410). 6
7 B Cumul des fonctions de PDG avec un contrat de travail Le président directeur général peut être lié à sa société par un contrat de travail dans les conditions prévues à l article 426 précité (art. 466 AUSCGIE). Ce contrat pour qu il soit valable, le PDG doit exercer un travail effectif dont la technicité particulière est évidente à tel point qu il n est pas possible de confondre ses attributions de dirigeant de ses fonctions salariées. Il est donc valable, le contrat de travail du directeur financier nommé quinze ans plus tard et qui a conservé ses fonctions techniques de financier de la société (CA Rouen n 5726 : RJDA 6/1 n 691). C Cumul des fonctions d administrateur avec un contrat de travail Le salarié d une société anonyme peut être nommé administrateur si son contrat de travail correspond à un emploi effectif, sauf clause contraire des statuts. Il en est de même pour un administrateur qui peut conclure un contrat de travail avec sa société si ce contrat correspond à un emploi technique et que celui-ci ait été préalablement soumis aux dispositions de l article 438 AUSCGIE 6 La jurisprudence OHADA consacre la nullité du contrat de travail dont le but est de faire obstacle au principe de la libre révocation dont bénéficient les actionnaires à l égard des dirigeants. C est pourquoi, un contrat de travail conclu dans le seul but de garantir à un administrateur la stabilité d un mandat et qui ne correspond à aucun emploi effectif, exercé cumulativement avec les fonctions du DG, n a aucune valeur juridique (CCJA, 3 ème chambre, n 013/2012, , publié dans le code pratique OHADA, éditions Francis Lefebvre 2014). La présente étude permet de comprendre que la condition indispensable pour la validité du cumul d un mandat social avec un contrat de travail dans l espace OHADA, est la technicité du contrat et son effectivité. Par ailleurs, en présence de plusieurs types de contrat entre le dirigeant et la société, la primauté est donnée à la législation du travail. C est pourquoi, il est important pour un dirigeant de savoir que son mandat social et son contrat de travail ne sont pas régis par une même législation dans l espace OHADA : le mandat social est réglementé par l AUSCGIE et le contrat de travail est régi par le code du travail du pays OHADA où ledit 6 «Doivent être soumises à l autorisation préalable du conseil d administration : - toute convention entre une société anonyme et l un de ses administrateurs, directeurs généraux ou directeurs généraux adjoints» (art 438) 7
8 contrat est exécuté. Selon la jurisprudence Sénégalaise, les «contrats d assistance technique» du 2 novembre 2001 et «contrat de prestation de services» du 15 mai 2002 signés avec le Directeur Général d une société anonyme sont devenus caducs, du fait de leur abrogation par le contrat de travail conclu postérieurement avec le même dirigeant le 28 juin 2002 (CA Dakar, ch. soc. 2 n 263 du 14 juin 2005). Note biographie de l auteur Momoya SYLLA est Juriste Consultant en droit OHADA. Il est Assistant à l Université Général Lansana Conté de Sonfonia (Conakry), Président de l Association des Juristes en Action pour le Droit (AJAD/Club OHADA Guinée) et Membre de l Association pour l Unification du Droit en Afrique (UNIDA). Il a travaillé parallèlement en entreprise et cabinet de Conseil. 8
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