L Officiel en Bref Sébastien Ferrari Docteur en droit Maître de conférences à l Université Paris-Descartes Centre Maurice-Hauriou pour la recherche en droit public (EA 1515) Réponses ministérielles LOIS ET RÈGLES GÉNÉRALES D URBANISME Loi du 3 janvier 1986 sur le littoral Article L. 146-4-III Bande littorale de cent mètres Réalisation d aménagements paysagers Conditions. Les aménagements paysagers peuvent-ils être autorisés dans la bande littorale de 100 mètres? L article L. 146-4 III dispose qu en dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale des cent mètres. Cette interdiction s applique, à l exception des constructions et installations nécessaires à des services publics ou à des activités nécessitant la proximité immédiate de l eau, à toutes les constructions et installations, qu elles nécessitent ou non une autorisation d urbanisme. L article L. 421-8 du code de l urbanisme prévoit en effet que même les aménagements dispensés de toute formalité au titre de ce code doivent respecter les règles d urbanisme applicables. Les aménagements paysagers peuvent être autorisés dans la bande littorale des cent mètres, en particulier lorsqu ils s insèrent dans une démarche d entretien et de mise en valeur de ces espaces littoraux et dans la mesure où les règles du document d urbanisme sont respectées. (Réponse à Marie-Jo Zimmermann, JO AN, 23 avril 2013, p. 4507, n 17399) PLANS D OCCUPATION DES SOLS / PLANS LOCAUX D URBANISME Procédure d élaboration Approbation du PLU Notion de conseiller intéressé Conseiller propriétaire de parcelles dont le classement a été modifié Appréciation Conseiller ayant pris part au vote par l intermédiaire d un mandataire Existence, en l espèce. Un conseiller propriétaire de parcelles dont le classement a été modifié lors de l approbation du PLU peut-il être regardé comme intéressé à l affaire s il a pris part au vote par l intermédiaire d un mandataire? Le délit de prise illégale d intérêts est défini par l article 432-12 du code pénal comme le fait, «par une personne dépositaire de l autorité publique ou chargée d une mission de service public ou par une personne investie d un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l acte, en tout ou partie, la charge d assurer la surveillance, l administration, la liquidation ou le paiement». Il est puni de cinq ans d emprisonnement et de 75 000 d amende. Afin de prendre en considération les spécificités des petites communes, souvent rurales, des dispositions dérogatoires (art. 432-12 alinéas 2 à 5) existent pour les communes de moins de 3 500 habitants. L infraction de prise illégale d intérêts vise à s assurer de la probité des personnes chargées de fonctions publiques et à écarter tout soupçon que l administré pourrait avoir sur la prise en compte, dans la gestion des affaires publiques, du seul intérêt général. L intérêt quelconque peut être «de nature matériel ou moral, direct ou indirect, et se consomme par le seul abus de la fonction indépendamment de la recherche d un gain ou de tout autre avantage personnel» (Cass. crim. 21 juin 2000, pourvoi n 99-86.871) et il n a pas à être nécessairement en contradiction avec l intérêt général (Cass. crim. 19 mars 2008, pourvoi n 07-84.288). Il convient de noter bulletin de jurisprudence de droit de l urbanisme 4/2013 315
que la prise illégale d intérêts peut également être caractérisée malgré l absence d enrichissement personnel des élus, notamment en cas de subventions accordées par des élus à des associations qu ils président (Cass. crim. 22 octobre 2008, pourvoi n 08-82.068). À ce sujet, on citera la décision affirmant que «le délit d ingérence est caractérisé dès lors qu il est établi, d une part, que les prévenus devaient exercer, en qualité de maire ou d adjoint au maire, une surveillance sur l activité de la société civile immobilière chargée de l aménagement du littoral et dont la constitution avait été décidée par le conseil municipal, et, d autre part, qu ils ont pris un intérêt personnel, même sans rémunération ou contrepartie pécuniaire, dans le fonctionnement de ladite société» (Cass. crim. 25 juin 1996, pourvoi n 95-80.592). On rappellera enfin que l élément intentionnel du délit de prise illégale d intérêts est caractérisé «par le seul fait que l auteur a accompli sciemment l acte constituant l élément matériel du délit» (Cass. crim. 27 novembre 2002, voire encore Cass. crim. 22 octobre 2008, pourvoi n 08-82.068). À titre d exemples des contours du délit de prise illégale d intérêts, on citera l arrêt rendu par la cour d appel de Grenoble le 15 septembre 2004 (RG n 1220) qui a jugé que n était pas constitutif du délit d ingérence (ancienne dénomination du délit de prise illégale d intérêts) le fait pour un maire, également gérant d un hôtel de la commune, de présider les conseils municipaux et de prendre part aux votes ayant décidé d opérations de préemption et d expropriation d une parcelle, sur laquelle était construite une maison, située entre l hôtel exploité par le propriétaire de cette parcelle et la mairie. La cour d appel a indiqué que, bien que le maire ait eu, ès qualités, l administration ou la surveillance de ces opérations, il n avait pas abusé de ses fonctions dans le but d affaiblir un hôtel concurrent. En effet, le caractère d utilité publique de cette expropriation n était pas contestable et il n existait pas de concurrence directe entre les établissements, l intention frauduleuse n étant au demeurant nullement caractérisée et ne pouvant, à défaut d intérêt caractérisé, suffire à constituer le délit. La cour d appel de Poitiers a, quant à elle, considéré, dans un arrêt du 9 janvier 1998, que le conseiller municipal qui participait au groupe de travail et aux délibérations du conseil municipal relatifs à l élaboration d un projet de révision du plan d occupation des sols (POS) de la commune, ne commettait pas de délit d ingérence, dès lors que le reclassement des terres opéré par la révision du POS ne constituait pas, en l espèce, un intérêt ; en effet, un reclassement plus favorable avait déjà été proposé par un autre projet de révision et était, de manière inéluctable, commandé par la situation des lieux et par la stricte interprétation, dans l intérêt de la commune, des lois et règlements applicables en matière d occupation des sols. En revanche, dans la même décision, la cour d appel condamnait le conseiller municipal du chef de prise illégale d intérêts, dès lors qu il avait participé, par mandataire interposé, à la délibération adoptant le POS ayant conduit à classer en zone constructible des terres lui appartenant classées auparavant en zone non constructible et qu il obtenait, à titre dérogatoire, une autorisation d application du POS par anticipation, lui permettant d adjoindre à des terres non constructibles des terrains contigus situés en zone constructible et ainsi de constituer des lots de lotissement qu il vendait par la suite pour réaliser un profit substantiel. En conclusion, dans le cadre de l article 432-12 du code pénal, les cours et tribunaux, par une appréciation souveraine, jugent au cas par cas les faits qui leur sont soumis, la notion d abus de fonction comme celle d intérêt permettant de circonscrire le texte répressif aux comportements réellement délictueux. Dès lors, il ne semble pas exister de risque pénal particulier lié au vote d une taxe d habitation par un élu qui y est assujetti ou, sauf éventuels cas particuliers, au vote permettant la réfection de trottoirs de la rue où habite l élu. (Réponse à Marie-Jo Zimmermann, JO AN, 2 avril 2013, p. 3614, n 15397) PERMIS DE CONSTRUIRE Nature de la décision Octroi du permis Permis à titre précaire Conditions. Une construction qui ne respecte pas les règles d urbanisme peut-elle être autorisée à titre précaire? L application des articles L. 433-1 et suivants du code de l urbanisme qui permettent la délivrance d un permis de construire à titre précaire nécessite une appréciation au cas par cas qui doit aboutir à la prise d une décision motivée indiquant expressément les motifs justifiant le caractère exceptionnel de l autorisation. En effet, un tel permis ne peut être accordé qu après avoir mis en balance, d un côté, les enjeux propres au secteur où est situé le projet et, de l autre, l intérêt et la nécessité de la construction envisagée. Dans tous les cas, la préservation des zones non constructibles ou bénéficiant d une protection particulière 316 bulletin de jurisprudence de droit de l urbanisme 4/2013
est assurée par l obligation, dans les cas prévus à l article R. 433-1 du code de l urbanisme, de fixer dans le permis une date à laquelle la construction devra être enlevée et le terrain remis en état, conformément à l état descriptif des lieux établi contradictoirement avant la réalisation des travaux. (Réponse à Jean Louis Masson, JO Sénat, 25 avril 2013, p. 1549, n 03615) AUTRES AUTORISATIONS D UTILISER LE SOL Déclaration préalable Champ d application Exhaussements du sol Article R. 421-23 f) Exhaussements successifs de moins de deux mètres Conditions. Les exhaussements successifs de moins de deux mètres peuvent-ils être soumis à déclaration préalable? À moins qu ils ne soient nécessaires à l exécution d un permis de construire, doivent être précédés d une déclaration préalable les exhaussements du sol, dont la hauteur excède deux mètres et qui portent sur une superficie supérieure ou égale à cent mètres carrés (article R. 421-23 f) du code de l urbanisme) et d un permis d aménager les exhaussements du sol dont la hauteur excède deux mètres et qui portent sur une superficie supérieure ou égale à deux hectares (article R. 421-19 k) du code de l urbanisme). Les exhaussements de moins de deux mètres de hauteur ou portant sur une superficie inférieure à cent mètres carrés sont donc dispensés de toute formalité. Toutefois, en fonction des situations locales, ces dispositions n excluent pas pour autant toute possibilité de réglementation et de contrôle de ces travaux. Ainsi, dans les communes exposées au risque de mouvement de terrain ou de coulée de boue, un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP), réglementé par les articles L. 562-1 et suivants du code de l environnement, peut interdire ou soumettre à prescriptions particulières ce type de travaux. Le PPRNP constitue une servitude d utilité publique et l article L. 562-5 du code précité rend applicable à la méconnaissance du PPRNP diverses dispositions concernant les infractions au code de l urbanisme. Par ailleurs, dans les communes dotées d un plan local d urbanisme (PLU), les maires ont la possibilité d édicter des règles interdisant ou imposant des prescriptions spéciales à tout exhaussement de terrain, dès lors que ces interdictions ou prescriptions répondent à un intérêt général et à un motif d urbanisme. Ces règles peuvent notamment être édictées pour la préservation des ressources naturelles et des paysages ou en raison de l existence de risques tels que les inondations, les éboulements ou les affaissements. Enfin, les services chargés de la police de l urbanisme disposent des moyens prévus par l article L. 480-1 du code de l urbanisme afin d interdire tous travaux susceptibles de mettre en péril la sécurité publique. (Réponse à Marie-Jo Zimmermann, JO AN, 7 mai 2013, p. 5018, n 20591) Autorisation d équipement commercial Champ d application Entrepôt aménagé pour le retrait de marchandises achetées sur Internet (drive) Exclusion, en l absence de création de surface de vente. La création d un «drive» est-elle soumise à autorisation d équipement commercial? Avec la généralisation de l accès à Internet, les enseignes de la grande distribution assurent aujourd hui la promotion du concept de drive. Il s agit, pour le consommateur, d effectuer ses achats sur Internet avant de procéder au retrait, dans un entrepôt aménagé à cet effet, des biens de consommation dont il s est déjà porté acquéreur. Ce mode de consommation, à l instar du «e-commerce», est assimilable, pour le secteur non alimentaire, à la vente par correspondance où la transaction s effectue au domicile du client. Selon la législation actuelle, seules les activités commerciales donnant lieu à création de surface de vente sont soumises à l obtention d une autorisation d exploitation commerciale délivrée par les commissions d aménagement commercial. Compte tenu de ses caractéristiques, le concept commercial du drive ne donne pas lieu à création de surface de vente et n entre pas actuellement dans le champ d application du titre V du code de commerce. On distingue deux formes de drive : ceux qui sont accolés à un hypermarché ou à un supermarché ; ceux qui sont implantés isolément de tout autre point de vente à prédominance alimentaire (les solos). On dénombrerait aujourd hui plus de 2 000 drive sur le territoire, dont 206 solos. Cette absence de régulation Bulletin de jurisprudence de droit de l urbanisme 4/2013 317
des implantations de drive incite en effet la grande distribution à développer rapidement un maillage complet du territoire ce qui a bouleversé le paysage commercial. La multiplication, parfois désordonnée d un point de vue urbanistique, des implantations de ce nouveau format de distribution a un impact réel sur l aménagement du territoire et le tissu économique. Compte tenu de ce constat et conformément aux engagements pris devant la commission des affaires économiques de l Assemblée nationale le 17 octobre dernier, il est aujourd hui étudié la faisabilité de faire entrer dans le champ de l autorisation d exploitation commerciale ces installations afin de mieux en contrôler les effets en termes d aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. (Réponse à Bernadette Laclais, JO AN, 30 avril 2013, p. 4726, n 18569) QUESTIONS FINANCIÈRES Projet urbain partenarial Participation des constructeurs et des aménageurs Modalités de paiement Paiement en nature de travaux Absence. Le constructeur ou l aménageur peut-il s acquitter de sa participation au titre d un projet urbain partenarial sous la forme d un paiement en nature de travaux? Les équipements réalisés et financés au moyen de la participation instituée par un projet urbain partenarial (PUP) constituent des équipements publics. Lorsqu un aménageur ou constructeur passe une convention de projet urbain partenarial, il s acquitte de sa participation sous forme financière ou sous forme de terrains bâtis ou non bâtis. En aucun cas, il ne peut acquitter sa participation en nature de travaux. En revanche, les équipements internes à une opération constituent, selon la définition de l article L. 332-15 du code de l urbanisme, des équipements propres à l opération, de nature privée, jusqu à leur point de raccordement sur les équipements publics précités passant au droit du terrain d assiette de l opération. Ces équipements propres internes à une opération sont réalisés par l aménageur ou le constructeur. (Réponse à Jean Louis Masson, JO Sénat, 25 avril 2013, p. 1350, n 04275) Taxe d aménagement Calcul Abattements Changement de destination d anciens bâtiments agricoles Transformation en gîtes ruraux et chambres d hôtes Absence de droit à abattement pour le constructeur. agricoles en gîtes ruraux et chambres d hôtes ouvret-il droit à abattement sur le montant de la taxe d aménagement? Le changement de destination d anciens bâtiments agricoles nécessite l obtention d un permis de construire ou d une décision de non-opposition qui génère des taxes d urbanisme (article R. 331-3 du code de l urbanisme). Le montant de ces taxes peut varier de manière significative selon la nouvelle destination. Ainsi, la transformation d anciens bâtiments agricoles en locaux artisanaux bénéficie d un abattement de 50 % de la valeur forfaitaire d assiette de la taxe d aménagement (art. L. 331-11-3 du code de l urbanisme). En revanche, de nouvelles destinations de ces bâtiments agricoles, tels les gîtes ruraux et chambres d hôtes, ne bénéficient actuellement d aucun abattement pour l assiette de la taxe d aménagement, alors que ces constructions pouvaient sous le régime précédent de la taxe locale d équipement bénéficier d une taxation préférentielle dans la catégorie hôtelière dès lors qu elles offraient certains services hôteliers. Le comité de suivi de la réforme de la fiscalité de l aménagement, composé notamment de représentants des associations d élus et de professionnels de la construction et de l aménagement, sera saisi afin d examiner l opportunité d éventuelles modifications de la taxation actuelle concernant les gîtes ruraux à gestion hôtelière. Cependant, au nom du principe d égalité devant les charges publiques, une distinction en matière de taxation, entre une construction neuve et le changement de destination d un bâtiment agricole n ayant jamais généré de taxes, ne pourra pas être envisagée. (Réponse à Jean Louis Masson, JO Sénat, 9 mai 2013, p. 1503, n 04519) Le changement de destination d anciens bâtiments 318 bulletin de jurisprudence de droit de l urbanisme 4/2013
Taxe d aménagement Recouvrement Reversement de la part communale à l EPCI ayant la charge des équipements publics Communes membres ayant conservé la compétence fiscale Reversement obligatoire Existence. Même lorsqu elles ont conservé la compétence fiscale, les communes membres d un EPCI ayant la charge des équipements publics dont elles bénéficient doivent-elles obligatoirement lui reverser la part correspondante de la taxe d aménagement? L article L. 331-2 du code de l urbanisme prévoit qu en cas de transfert de compétence fiscale des communes à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) une délibération de l organe délibérant de ce dernier prévoit les conditions de reversement de tout ou partie de la part communale de la taxe d aménagement perçue par l EPCI à ses communes membres, compte tenu de la charge des équipements publics relevant de leurs compétences. La délibération prévoyant les conditions de reversement peut intervenir ou être modifiée à tout moment. En revanche, le même article L. 331-2 ne comporte pas la même disposition lorsque les communes membres d un EPCI ont conservé la compétence de perception de la taxe d aménagement et bénéficient d équipements publics réalisés sur leur territoire par l EPCI. Néanmoins, dans cette situation, les communes compétentes en matière de taxe d aménagement peuvent également reverser une partie de leur taxe d aménagement, dans les conditions fixées par délibération du conseil municipal, à l EPCI qui a en charge les équipements publics dont elles bénéficient. Le non-reversement peut constituer un enrichissement sans cause puisque l article L. 331-1 dispose que la taxe d aménagement est affectée au financement des «actions et opérations contribuant à la réalisation des objectifs définis à l article L. 121-l», dont la réalisation de zones d activités économiques et des équipements publics correspondants. En cas de refus de la commune ou de proposition de reversement manifestement insuffisante, ces actes peuvent faire l objet d un recours contentieux de l EPCI contre la commune. Ce recours revêt la nature de contentieux de travaux publics puisqu il a pour objet le financement d équipements publics. Il n est en conséquence pas soumis à des conditions de délais pour intenter cette action contentieuse. À l occasion de ce recours de plein contentieux, le juge administratif est susceptible de déterminer la quote-part de la taxe d aménagement communale à reverser à l EPCI pour le financement des équipements communautaires dont cette commune bénéficie. (Réponse à Jacques Valax, JO AN, 7 mai 2013, p. 5016, n 9085) Bulletin de jurisprudence de droit de l urbanisme 4/2013 319